Ils en ont parlé à l'assemblée, le coté gauche en a rêvé, le coté droite l'a combattue, le centre l'a boudée, les lobbying sont puissants, les autres se sont positionné pour appuyer ou contrer les uns. Bref la taxe Zucman n'est pas passée pas même la version allégée.
En parlant avec les uns et les autres, je me suis rendu compte que je (que nous) parlions de choses sans vraiment les comprendre; Zucman ? Et si la recette était bonne ? J'ai voulu en savoir plus et j'ai décortiqué un peu son petit fascicule, si court (une trentaine de pages !) que je ne sais pas en fait si cela en valait la peine pour vous. Pour moi oui. Alors je partage ce que j'ai pioché.
J'ai pris l'essentiel (à mon opinion) de chaque chapitre.
- Dissiper l’opacité : un projet de recherche international
Les chiffres qui suivent prélevés dans le 1er chapitre, sont issus d 'études de chercheurs dont les qualifications ne permettent à mon avis aucune contestation.
"la puissance publique prélève entre 30 % et 50 % du revenu national en impôts et cotisations sociales."
"Sur les 2 440 milliards d’euros de revenu national en 2024, la puissance publique a prélevé 1 250 milliards d’euros en cotisations sociales, taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt sur le revenu et sur les sociétés, taxe foncière, et autres impôts divers et variés. Soit un taux de prélèvement obligatoire de 51 %"
"Qu’on en juge : si tous nos milliardaires partaient demain s’installer aux îles Caïmans, la perte de recettes fiscales pour le Trésor public hexagonal serait infime, de l’ordre de 0,03 %."
- Le taux de prélèvement obligatoire du Français moyen : 51 %
Sur les 2 440 milliards d’euros de revenu national en 2024, la puissance publique a prélevé 1 250 milliards d’euros en cotisations sociales, taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt sur le revenu et sur les sociétés, taxe foncière, et autres impôts divers et variés. Soit un taux de prélèvement obligatoire de 51 %
(Revenu national = l’ensemble des revenus touchés par les personnes résidant en France, quelle que soit leur nature : salaires, intérêts, loyers, revenus d’indépendants et bénéfices d’entreprises, que ces derniers soient distribués ou réinvestis)
- Toutes les catégories sociales paient beaucoup d’impôts
" l’Insee publie en effet depuis 2019 une estimation officielle du taux de prélèvement obligatoire des différents groupes de revenus (à l’exclusion des ultra-riches)"
D'où Zucman nous annonce une répartition en trois catégories de classes,
Classes populaires taux de prélèvement 45%
Classes moyennes taux de prélèvement 50 %
Classes aisées taux de prélèvement qui dépasse les 50 %
nous prévenant bien que ce sont des taux moyens : " Tout le monde ne paie pas 45 % d’impôt au sein des classes populaires, par exemple."
Il entame ensuite une correction de ces taux par le fait que chaque classe perçoit des aides, les populaires en premier : " allocations logement, revenu de solidarité active, allocations familiales, prime d’activité, etc"
D'où un nouvel ajustement où les Classes populaires ont un taux de prélèvement tombant à 30 % , celui des Classes moyennes à 46 %.
Constat : "toutes les grandes catégories sociales paient beaucoup d’impôts en France."
Mais là il ne parle pas du taux des ultrariches qui est le sujet du prochain chapitre :
- Le taux effectif des milliardaires en France : 13 %
Dans ce petit chapitre, Zucman nous explique le chemin pour arriver à ce taux de 13 %. L'INSEE ne donnant les chiffres que pour les autres classes, les calculs ont été faits par des chercheurs universitaires "Car des économistes ont pris le relais là où la statistique publique s’arrête, au prix d’un travail titanesque. En France, ce sont quatre chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP).."
La conclusion est que le taux de prélèvement obligatoire des milliardaires est de 25 % mais comme ce sont des sociétés internationalisées, ceux-ci paient une partie (12 %) à l'étranger; il reste donc un taux de 13% pour la France.
- L’impôt sur le revenu : une révolution inachevée
Là, Zucman nous explique pourquoi les milliardaires échappent à l'impôt.
Pour faire simple, j'ai comprimé le paragraphe au maximum:
- les milliardaires français se sont acquittés de 2 % à peine de leurs revenus et de l’ordre de 0,1 % de leurs patrimoines ce qui représente 0,03 % des recettes fiscales de la France.
- Les milliardaires tirent leurs richesses des sociétés qu’ils possèdent. Les actions de ces entreprises constituent plus de 90 % de leur fortune et leurs bénéfices plus de 90 % de leur revenu.
- Pour échapper à l'impôt, ces revenus sont déposés dans des holdings où ils seront, calculs faits, imposés à 1,25 %.
L'exemple est très parlant:
"Concrètement, un magnat de l’industrie du luxe peut recevoir 3 milliards d’euros de dividendes en quasi-franchise d’impôt. Là où l’actionnaire lambda devra s’acquitter d’un impôt forfaitaire (« flat tax ») de 30 %, le milliardaire paiera 1,25 %."
Il conclut ainsi:
Plus d’un siècle après sa création...l’impôt sur le revenu demeure une révolution inachevée : les milliardaires n’y sont pas encore entrés.
- Une injustice fondamentale
Ce chapitre est difficile à résumer, tout y est important et je ne suis pas très heureux de faire un choix.
"Pourquoi est-ce un problème ? Dit simplement, parce qu’il s’agit là d’une violation fondamentale du principe d’égalité devant l’impôt, qui se trouve depuis la Révolution française au cœur de notre contrat social. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose en effet le principe de l’égalité devant les charges publiques dans son article 13."
Evolution de la fortune des ultrariches:
En 1996 : 6 % du PIB
En 2010 : 12 %
En 2024 : 42 % !!!!
42 % qui s'ils étaient imposés rapporterait env. 0,8 % du PIB soit env. 20 milliards: à vous de juger.
Il pose une question qui interpelle :
"Quand faudra-t-il que cette dynamique explosive cesse avant qu’elle ne finisse par miner définitivement nos idéaux démocratiques ? Quand la fortune des ultra-riches aura dépassé 50 % du PIB ? 100 % ? 200 % ? Quand ces derniers posséderont non pas 80 % des médias privés mais les détiendront tous ? Ou bien faudra-t-il attendre qu’ils acquièrent également ceux qui aujourd’hui appartiennent encore à la sphère publique ? Qu’ils possèdent non seulement des rues entières de Paris, mais encore des quartiers ou peut-être demain des arrondissements tout entiers ?"
Après passés deux chapitres dont le titre résume bien le contenu:
- Oui, les milliardaires sont bel et bien sous-imposés
- Le monde, un paradis fiscal pour milliardaires
On en vient à la proposition de Zucman :
- L’impôt plancher : l’outil le plus puissant pour faire payer les milliardaires
Le principe : Pour une personne immensément fortunée, l’imposition personnelle ne devrait pas pouvoir tomber en dessous d’un plancher incompressible.
La proposition : Une imposition personnelle minimum fixée à 2 % du patrimoine, et que les « personnes immensément fortunées » soient définies comme celles dont la richesse s’élève à 100 millions de dollars ou plus.
"J’estimais qu’une telle mesure pourrait rapporter entre 300 et 380 milliards de dollars chaque année à l’échelle planétaire – 67 milliards d’euros au niveau européen, d’après les calculs réalisés avec mes collègues de l’Observatoire européen de la fiscalité".
Si cette proposition avait été adoptée elle aurait pu générer env. 20 milliards d’euros par an. Mais pourquoi ce seuil de 100 millions pour cette imposition ? Zucman l'explique plus loin:
" Les contribuables dont la fortune approche les 100 millions tendent à s’acquitter déjà de montants significatifs d’impôt sur le revenu ; ils seraient ainsi relativement peu concernés par le dispositif que je propose, ce qui permet de limiter les effets de seuil. Plus de 80 % des recettes de l’impôt plancher proviendraient des milliardaires – là où la richesse se concentre et les revenus s’évanouissent."
Se fondant sur le patrimoine et non sur le revenu, l’impôt plancher sur les ultra-riches, permet de contourner "les formes possibles d’optimisation fiscale, qu’elles passent par des holdings, des trusts, des sociétés écran ou des conglomérats eux-mêmes."
Ecueil à surmonter :l’exil fiscal.
Zucman propose ceci, à l'instar des USA, dont les ressortissants paient leurs impôts quelque soit le pays où ils vivent :
"les contribuables (exilés) concernés par l’impôt plancher continueraient à y être soumis pendant 5 ans après un départ, seuil que l’on pourrait porter à 10 ans. On pourrait également imaginer que l’impôt s’efface progressivement au cours du temps : une personne ayant vécu 50 ans en France continuerait à y payer une fraction…"
Pas con. (oh pardon !)
- Faire entrer les milliardaires dans la solidarité nationale.
Dernier chapitre. dont je ne reprendrais que quelques mots.
"L’impôt plancher constituerait bien sûr une petite innovation dans l’organisation de la solidarité nationale, et on peut comprendre que les personnes concernées s’y opposent avec toutes les armes à leur disposition. La création de l’impôt sur le revenu, elle aussi, suscita en son temps l’ire des grandes fortunes, et Joseph Caillaux, qui n’avait rien d’un révolutionnaire, fit face à des attaques d’une violence inouïe….Pierre angulaire de la fiscalité moderne, il contribua au développement de l’État social, le moteur de la croissance économique contemporaine. En dépit de ses lacunes, personne aujourd’hui ou presque ne le remet en cause. Comme son illustre prédécesseur qu’il ne fait que parachever, l’impôt plancher sur les ultra-riches finira lui aussi par s’imposer pour ce qu’il est : une évidence."
Et puis même s'ils partaient ? tous ? ils ne représentent actuellement que 0,03 % des recettes fiscales de la France. S' ils se dégageaient de leurs investissements en France ? Les actions, obligations, par exemple, qu'ils vendraient seraient de toutes façon acquises par d'autres acheteurs et selon la "mécanique" proposée par l'auteur, il n'y aurait pas d'incidence sur les entreprises concernées.
La taxe Zucman a été débattue, acceptée à l'assemblée, puis refusée au sénat, écartée sous le gouvernement Bayrou,plus récemment reproposée pour finir par être remplacée par une transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive sans qu'il y ait une étude sérieuse sur son efficacité, certains parlant même d'un rendement inférieur à l'IFI actuel ! Et qui de plus, ne cible plus les ultrariches mais passe de quelques 1800 personnes contribuables (dont la fortune est sup à 100 millions) à 180 000.
Merci Mr Zucman pour cet éclairage. (Les milliardaires ne paient pas d'impôt sur le revenu et nous allons y mettre fin. Gabriel Zucman, 60 pages. Aux éditions Seuil.)
À + !
Comme toujours l'écriture en italique et de cette couleur indique la retranscription d'un cartel, d'une explication donnée près de l'œuvre ou bien d'un extrait de livre d'un auteur mais certainement pas de moi.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Zucman
https://gabriel-zucman.eu/
https://www.lecontemporain.net/search?q=zucman
https://www.franceinfo.fr/economie/budget/budget-2026-le-gouvernement-s-oppose-a-la-taxe-zucman-craignant-une-fuite-des-ultra-riches_7380325.html
https://www.doc-du-juriste.com/blog/actualites-droit/rejet-taxe-zucman-assemblee-nationale-06-11-2025.html