Affichage des articles dont le libellé est louves_du_polar. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est louves_du_polar. Afficher tous les articles

mercredi 30 avril 2025

Et nous, au bord du monde (Nathalie Sauvagnac)


[...] En quittant la route des hommes.

Une belle plume, le temps de quitter un peu « la route des hommes » et de partager un moment avec « les qu'on voudrait qu'ils n'existent pas ».

❤️❤️❤️❤️❤️

L'auteure, le livre (216 pages, fin 2024 en poche) :

Nathalie Sauvagnac est une femme de théâtre et avec ses deux premiers romans Ô Pulchérie et Les yeux fumés, elle s'est fait connaître dans le monde du roman noir.
Depuis, elle a sa place au sein de la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Le polar écrit au féminin que l'on commence à bien connaître ici.
Et nous, au bord du monde est son troisième roman publié en 2022 et sorti récemment en poche.

Les personnages :

« C’est une maison bleue adossée à la colline, le reste, c’est des conneries. On y accède en quittant la route des hommes ».
C'est comme une petite ferme, en région parisienne, peut-être vers Orsay, à l'écart de la ville. À moitié abandonnée, délabrée, sans eau ni électricité.
« Face à tout ça, la ville et ses banlieusards, la voie ferrée au loin et la grande nationale. Et nous, là, au bord du monde ».
Quelques éclopés de la vie y ont trouvé refuge, « des bancals, des pas solides ». Trois ou quatre marginaux s'y protègent, à l'abri d'une société trop dure, à l'écart de l'impitoyable machine à broyer ceux qui ne rentrent pas dans les clous.
Il y a là Jean-Mi : « Gaston Lagaffe en vrai. Il n’est pas laid, Jean-Mi, si on gratte un peu. Un peu brouillon ».
Il y a là Louis : « un Chewbacca hirsute, trapu ».
Et puis Nono quand il reviendra avec ses petits sachets.
Ces trois-là, ce sont « les trois ours de l’histoire … ».
Boucle d'or, ce serait Nadine, notre héroïne, la narratrice. Elle est en rupture de la société mais « pas encore prête à dormir dans la rue ». En rupture tout court, on lui devine un passé traumatisant, une enfance bien douloureuse.
[...] Je ne suis pas loin de la vérité si je dis qu’on est heureux. Là, juste là, à ce moment. Pas après, pas plus tard, parce que rien ne dure. Mais à ce moment précis, rien ne m’empêchera de croire qu’on est heureux.
Mais évidemment, on a « l'intuition qu’un grain de sable va s’insinuer dans le mécanisme fragile ».

♥ On aime beaucoup :

 Nathalie Sauvagnac c'est d'abord de la belle écriture. Très vite, le bouquin se retrouve hérissé de post-it ou de signets. Sans jamais basculer dans le prétentieux, les petites phrases et les bonnes formules font de cette lecture un véritable plaisir. C'est vif, sec, imagé et le lecteur passe sans cesse de la poésie la plus lumineuse à la noirceur la plus sombre. Car c'est tout de même un roman noir, et bien noir.
 Et puis il y a l'humanité, l'empathie dont fait preuve cette auteure pour nous faire partager quelques instants avec les losers, les paumés, les qui ont quitté « la route des hommes », les qui préfèrent rester « au bord du monde », les « vilains petits canards », les « mal traduits », bref « les qu'on voudrait qu'ils n'existent pas ». Ceux-là Nathalie Sauvagnac les fait exister, pour nous, et elle arrive, avec ruse et malice, à nous glisser dans leur personnage, dans leur peau.
À tel point, qu'à la fin de ce petit bouquin, le lecteur se trouve bien conformiste et se dit qu'il ferait peut-être bien de tout plaquer, tout larguer, et de prendre la route pour aller voir ailleurs.
Ou d'embarquer dans un autre roman de cet auteure.

Pour celles et ceux qui aiment les paumés.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Ma chronique dans les revues ActuaLitté et Benzine.  

vendredi 16 février 2024

Des poignards dans les sourires (Cécile Cabanac)


[...] On a cherché la tête, les mains et les pieds ?

●   L'auteure, le livre (480 pages, 2019) :


Cécile Cabanac appartient à la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Une excellente initiative !
Un polar français écrit au féminin que l'on commence à bien connaître ici.
Des poignards dans les sourires est la première enquête de Virginie Sevran, une fliquette qui a délaissé le Quai des Orfèvres parisien (c'est très tendance !) pour s'exiler dans l'Auvergne de Clermont-Ferrand.
Avec un titre, emprunté au Macbeth de Shakespeare, qui laisse deviner ce que l'on va découvrir derrière la façade bourgeoise d'une famille de province ...

●   On aime beaucoup :

❤️ On aime l'ambiance tendue et féroce qui règne au sein de la famille du disparu, entre la mère, les sœurs, l'épouse et même les enfants : plus dysfonctionnelle, tu meurs.
❤️ Le lecteur sait déjà que le soi-disant disparu est bel et bien mort, poignardé mais on aime découvrir en même temps que le duo de flics, l'entourage du mort/disparu : avec de plus en plus de personnages, la famille proche on l'a dit, mais aussi des pièces rapportées, des associés, des maîtresses (les "caillettes") et même des fils illégitimes, ... 
De plus en plus de témoins qui vont faire autant de suspects potentiels : les témoignages sont accablants et dressent le portrait d'un sacré salopard, ivrogne, coureur de jupons, escroc, ...
❤️ On aime le rythme lent de cette enquête provinciale, presque simenonienne, qui laisse à l'auteure tout le temps d'installer des personnages complexes, tiraillés par leurs contradictions, fragilisés par leurs failles, tourmentés par leurs secrets.
❤️ On ne peut pas parler de page-turner au rythme trépident, mais c'est pourtant un bouquin très prenant qu'on a du mal à lâcher, avide de découvrir ce qui se cache derrière chacun des personnages. 
Et puis quand même, d'accord on n'est pas pressé, mais qui donc a bien pu faire le coup et réussir à débarrasser l'Auvergne du salaud ?
[...] — Ils sont étranges dans cette famille, hein ? 
— Imprévisibles, surtout…
[...] — J’écoute les uns et les autres, je les regarde se positionner sur l’échiquier. Dans ces familles, où on a toujours tout mis sous cloche, caché les cadavres dans les placards… on profite souvent d’une enquête criminelle pour faire le ménage, régler les comptes…
[...] — C’est curieux de voir comment les fissures se mettent soudain à se craqueler les unes après les autres sur notre passage.

●   L'intrigue :

Sans détours, Cécile Cabanac nous plonge au sein d'une famille dysfonctionnelle : la mère est veuve, ses deux filles souffrent d'une enfance maltraitée et leur frère ... a disparu.
[...] Elle sait bien qu’elle n’a pas été une mère idéale. Elle n’a de toute façon jamais ressenti ce besoin viscéral de maternité qu’ont certaines femmes. Elle a pris les enfants comme ils sont venus. Une fatalité.
[...] Ils sont tous réunis dans la grande cuisine de leur mère, ce doit être un de ces 25 décembre où l’on joue à la famille soudée. Les accolades manquent de chaleur, les sourires de sincérité. Une complicité factice s’impose autour de la tablée, étouffante comme une cloche de verre.
[...] Tout le monde boit beaucoup de vin. L’alcool délie raisonnablement les langues, mais l’entraînement familial ne fait craindre aucun écart grave.
Le fils a disparu mais son épouse semble s'accommoder un peu facilement de ce qui ressemble à une fuite.
[...] — Il a peut-être eu un accident ? C’est inquiétant, vous ne trouvez pas ? 
— Non, je ne pense pas. De toute façon, il est parti il y a plusieurs jours. L’air détaché de Catherine est insupportable à Michelle, le sang lui monte aux joues. Sa voix devient plus forte. 
— Comment ça ? Parti où ? 
— Je n’en sais rien ! Il a fait ses valises et il nous a laissés. 
Dans le même temps, les flics découvrent dans la forêt un cadavre affreusement démembré ...
[...] — On a cherché la tête, les mains et les pieds ? 
— Oui, sur un rayon de 100 mètres. Y a rien. On va batailler pour l’identifier.
[...] — Tu as déjà vu une scène pareille ? demande-t-elle en se tournant cette fois vers lui. 
— Non, c’est la première fois que je trouve un corps démembré… (Il reste un temps perdu dans ses pensées.) C’est étrange… J’ai du mal à imaginer que ce type ait eu une vie, des amis, peut-être même des gosses… 
— Le tueur nous l’a livré comme une pièce de viande sortie de l’abattoir…, souffle-t-elle, absorbée par ses propres réflexions. Et ça n’a pas dû être simple à organiser…
On prend plaisir à suivre patiemment cette sympathique fliquette et son coéquipier, à découvrir peu à peu ce que cache chacun des membres de cette famille. 
Et puis on se laissera surprendre par un sombre et beau dénouement.
[...] — Je suis quand même curieux de voir où toute cette enquête va nous mener…
[...] — Mais… Alors, c’est vraiment elle ? bredouille-t-elle.
On est tout près du coup de cœur : cela viendra sans doute avec la suite des enquêtes de Virginie Sevran.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de famille.
D’autres avis sur Bibliosurf et sur Babelio.

lundi 20 septembre 2021

Inconditionnelles (Marlène Charine)

[...] Aucune famille ne s’en sortait indemne.

Il ne faut malheureusement que quelques pages au lecteur pour comprendre qu'il n'aurait jamais dû ouvrir Inconditionnelles, le bouquin de Marlène Charine.
Marlène Charine fait partie de la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Un polar français écrit au féminin que l'on commence à bien connaître ici.
 Première surprise, voici un polar qui commence par la fin, lorsque les flics découvrent trois fillettes disparues, enfermées dans la cave d'un affreux jojo qui a le bon sens de se jeter sur les flingues de la brigade venue délivrer les petites filles.
[...] Une fois tout le monde installé, Valles entama son rapport en commençant par la fin : la découverte de leurs trois filles, retenues prisonnières au sous-sol d’une maison délabrée en bordure du hameau.
Ce qui aurait pu n'être qu'un angle original pour une enquête qui sortirait un peu de l'ordinaire du rayon polar, s'avère bientôt une mécanique infernale et diabolique.
Car lorsque les parents éplorés retrouvent leurs petites chéries disparues depuis quelques jours, c'est là, quand tout est fini, que le véritable enfer commence enfin et pour de vrai, juste après avoir refermé la dernière page d'un polar ordinaire.
Les parents sont dévastés par ce qu'ils ont traversé, les mères épouvantées par ce qui leur reste à surmonter, les couples prennent l'eau en plein naufrage, et les fillettes ... 
Les fillettes, qui sont-elles, que sont-elles vraiment devenues après avoir vécu l'indicible ?
[...] Même s’ils étaient retrouvés sains et saufs, aucun gamin, aucune famille, ne s’en sortait indemne.
[...] — On va y arriver, toutes les deux, murmura-t-elle à un moment. Bon sang, qu’est-ce qu’elle détestait prononcer cette phrase.
C'est donc à cette phase d'après, à cette face cachée des polars, que Marlène Charine nous a invité pour suivre sa fliquette Sylke Valles, spécialiste lyonnaise de ce genre d'affaires, c'est dire si elle en a déjà pris plein la tête au fil de sa carrière.
L'écriture est très soignée, précise, un cran au-dessus de ce que l'on trouve habituellement en rayon polar, et chose rare, Marlène Charine réussit l'exercice difficile consistant à éviter tout voyeurisme complaisant et inutile là où d'autres nous auraient écœurés de descriptions sordides et terrifiantes. Souvent le non-dit est bien pire et l'auteure s'intéresse plutôt à ce que les mères (et la fliquette) doivent surmonter désormais car tout cela est écrit au féminin, les pères restent en retrait, certains ont même fait leur valise pour fuir cet enfer ...
[...] Un tintement la fit se retourner. Bruno se tenait dans l’entrée, son trousseau de clés dans la main gauche. Un sac de voyage dans la droite. 
— Je pars quelques jours, annonça-t-il sans la regarder dans les yeux.
Le lecteur éprouvé croit bientôt avoir saisi le mouvement mais c'est sans compter sur quelques surprises inattendues : certes, c'est bien avant tout un roman psychologique très sombre mais c'est également un très bon polar qui ne cherche pas à échapper aux lois du genre et le lecteur chahuté devra bientôt faire la connaissance du Marquis de Givre ...
[...] Ma foi, c’est pas pour rien qu’on appelle ça l’amour inconditionnel.

Pour celles et ceux qui aiment les polars originaux.
D’autres avis sur Bibliosurf.

dimanche 13 décembre 2020

Fidèle au poste (Amélie Antoine)

[...] L'importance du souvenir...

On avait découvert Amélie Antoine dans un recueil de nouvelles choral [clic] et son court-métrage, fort bien écrit, nous avait donné envie de passer au long. 
Nous voici donc Fidèle au poste.
Elle fait partie de la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Un polar français écrit au féminin que l'on commence à bien connaître ici.
L'auteure s'y entend pour décortiquer nos quotidiens ordinaires avec à la fois beaucoup d'humanité et d'acuité.
Tout le début du bouquin nous laisse croire qu'on est embarqué dans une romance plus vraie que nature : un jeune couple, la noyade accidentelle de la belle aimée, le chagrin désespéré de l'inconsolable, la rencontre fortuite d'une autre jeune femme, ...
[...] C'est bien elle. C'est ma femme », murmure-t-il avant de détourner le regard rapidement. D'un geste, le légiste remonte le drap et tente de prendre un air attristé.
[...] Cette histoire n'en finit pas, on se croirait dans Les feux de l'amour.
Le bouquin est écrit à trois voix et suit les trois personnages.
Mais on sait bien que l'on est venu pour tout autre chose, alors on se laisse porter par ces pages très agréables et fort bien écrites, en espérant et en redoutant l'inéluctable renversement de situation ...
À mi-parcours, premier retournement, c'est terrible : le lecteur s'accroche à sa liseuse, dévore les pages, maudit ses yeux qui n'avancent pas assez vite, il est tard mais tant pis, pas question de reposer le bouquin avant la fin.
[...] On s'est tous fait piéger, dans cette histoire.
On ne peut pas mieux dire.
Ce n'était que son premier roman : nul doute que l'on reviendra encore chez Amélie Antoine.

Pour celles et ceux qui aiment les surprises et les plans à trois.
D’autres avis sur Babelio.

lundi 10 juillet 2017

Mör (Johanna Gustawsson)

[...] Va savoir quel goût ça a ?

La française Johana Gustawsson. va-t-elle renouveler le polar nordique ?
En tout cas le polar européen : née à Marseille, elle vit à Londres, avec un suédois ...
Rien d'étonnant à ce que son polar Mör cherche à mêler une série de crimes bien actuels (en Suède) avec des réminiscences de Jack l'Éventreur (à Londres évidemment).
[...] Elle a dit que tout était lié à Jack l’Éventreur.
Mör signifie tendre en suédois, attendrie, ... comme une viande goûteuse et bien savoureuse ...
[...] Maintenant, va savoir quel goût ça a ?
[...] Une fois que tu as goûté à la viande humaine, tu ne peux plus t’en passer.
De quoi se régaler avec ce thriller bien mené autour de personnages intéressants (et féminins) : fliquette, profileuse, ...
La virée dans le Whitechapel du XIX° n'est pas forcément très réussie (ni très utile) mais on ne s'y attarde pas heureusement, pour découvrir peu à peu et avec grand intérêt, une autre histoire et un autre passé beaucoup plus intéressants. Histoire(s) et passé(s) qui donneront tout leur sens à cette série de crimes ... et au titre du bouquin.
Johanna Gustwasson fait partie de la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Un polar français écrit au féminin que l'on commence à bien connaître ici.

Pour celles et ceux qui aiment les plaisirs de la chair.
D’autres avis sur Babelio.