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petit coucou du jours.j espère que tu vas bien.je remet petit à petit des photos sur mon blog.un peu le binss
Par koukla, le 06.06.2024
bonjour,
je te remercie doublement de ton aide. non seulement tu as donné ton appréciation, mais tu m'as mo
Par Paule Di Grézia, le 13.01.2013
salut leeloochatana. merci de tes visites.http:/ /drkaroloth.ce nterblog.net
Par drkaroloth, le 12.01.2013
un,deux,trois. ....... du soleil à la lune on s'endort en mélisse...... ... une journée un, deux, trois.......
Par leeloochatana, le 11.01.2013
"qu'allons nous faire que nous n'aurons pas à regretter ?" : fulgurant.http ://babayaga.ce nterblog.net
Par babayaga, le 05.01.2013
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Date de création : 19.04.2011
Dernière mise à jour :
10.01.2020
772 articles
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Lorsque la vie est bien rangée, que chaque jour ressemble à celui qui l’a précédé, on pourrait croire qu’à jamais le monde que l’on a construit sera immuable.
C’est ce que pensent en quelque sorte Julie et Nathan bien installés dans leur vie opulente. Mais c’est compter sans le hasard, le merveilleux et l’incroyable talent que se découvre Oriane, leur fille, le jour où, pour la première fois, elle tient entre ses doigts le crayon.
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Le Crayon
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Elle et lui habitaient la capitale depuis plusieurs années, depuis qu’ils avaient décidé d’acheter cet appartement donc. L'immeuble se situait dans un quartier bien fréquenté et assez tranquille du fait que leur rue se trouvait loin de tous les centres attractifs de la ville. Le logement était perché au troisième étage d’une construction ancienne qu’on ne pouvait cependant pas prétendre être vétuste. Elle avait été rénovée une huitaine d’années plus tôt, juste avant qu’ils se portent acquéreurs de ce bien. C’est d’ailleurs cette rénovation récente qui les avait incités à se lancer. Depuis, ils étaient endettés, mais cela ne posait pas véritablement de problème, leurs revenus restaient suffisamment conséquents pour faire face sans qu’ils aient à réduire leur train de vie. Il leur restait encore un peu plus d’une vingtaine d’années à attendre avant de devenir véritablement propriétaires. Quand ce moment viendrait, lui serait âgé de soixante ans, elle, de cinquante-huit, presque l’âge auquel ils avaient prévu de revendre l’appartement et de prendre une retraite méritée au bord de la méditerranée. C’est vrai, ils s’étaient décidés tardivement. Ils avaient déjà deux enfants alors. Une fille et un garçon : Oriane et Otan. Otan se prononçait comme s’il y avait eu un « e » final, pas comme l’OTAN de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. C’est lui, le père, qui avait eu cette idée. Il voulait inventer un prénom original pour son fils, un prénom qu’il serait seul à porter. Il semble qu’il ait réussi son pari. À l’époque où se déroule l’anecdote qui va être narrée ici, Oriane avait douze ans et s’apprêtait à devenir une demoiselle. Otan, son jeune frère, en avait sept. Quant à la mère, Julie, elle était âgée de trente-huit ans, le père, Nathan, de quarante.
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Avant toute chose, ce qu’il convient de se souvenir, c’est qu’elle et lui gagnaient confortablement leur vie, suffisamment en tout cas pour les autoriser à investir dans un appartement situé au cœur de la capitale sans éprouver le besoin de se priver de quoi que ce soit. Ils disposaient chacun d’une automobile par exemple : lui d’un « Crossover » de marque réputée et elle d’une petite berline qu’elle préférait à cause de sa taille plus modeste et de sa meilleure manœuvrabilité en ville. Les enfants, eux, aimaient surtout la voiture de leur père, son confort s'avérait supérieur et de nombreux gadgets permettaient de passer agréablement le temps lorsque le week-end venu toute la famille partait à l’aventure, en grande banlieue pour rendre visite aux grands-parents.
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L’appartement par lui-même se révélait vaste et les pièces qui le composaient étaient spacieuses, sans exception. La cuisine abritait un équipement complet de meubles aménagés avec réfrigérateur, congélateur et lave-vaisselle incorporés ainsi qu’un four électrique, un four à micro-ondes et une plaque de cuisson à induction posée sur un long plan de travail. Il restait ainsi suffisamment de place pour la table de cuisine qui pouvait accueillir jusqu’à huit personnes sans que celles-ci se sentent à l’étroit. Cependant, il était rare qu’autant de gens se trouvent réunis dans l’appartement. Généralement, lorsqu’un repas était prévu, les parents préféraient donner rendez-vous à leurs invités dans un restaurant. Julie prétendait ne pas être bonne cuisinière et embaucher des extras juste pour une soirée semblait déraisonnable, sans compter les désagréments qu’un dîner à domicile pouvaient occasionner.
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La salle de bain aussi était grande. On pouvait y aller et venir à plusieurs sans que cela pose de problèmes. Le seul inconvénient au début avait été la présence de la cuvette des toilettes dans un coin, inconvénient que les parents avaient résolu en la faisant isoler par une cloison et en faisant percer une porte d’accès par le couloir. Depuis, ce n’était plus un souci. La salle de bain avait perdu un peu de sa superficie, mais en contrepartie, on avait gagné en intimité.
La baignoire possédait une taille hors norme. On avait la possibilité de s’y mouvoir sans difficulté. Plus que tout, Oriane aimait passer des heures dans l’eau, enfin, le plus longtemps possible, jusqu’à ce que sa mère vienne la tirer du bain en rouspétant.
Les chambres aussi possédaient une grande superficie. Elles étaient originalement équipées de grands placards muraux, un avantage qui avait permis aux parents de se dispenser de meubler les pièces d’armoires et de commodes ou d’autres types de meubles de rangement permettant ainsi de garder beaucoup d’espace libre. Chaque chambre possédait son coin travail avec un bureau à tiroir et un ordinateur portable, cependant, pour les enfants, l’accès à cet appareil était fortement réglementé. Il n’était pas question qu’ils puissent utiliser le leur pour d’autres raisons que pour les exercices scolaires, sauf Otan, à qui son père octroyait le droit de s’en servir de temps à autres pour jouer à des jeux d’aventure, privilège dont était jalouse Oriane.
Le salon aux murs immaculés, comme tous les autres murs de l’appartement, possédait une superficie exceptionnelle. Il était de loin la pièce la plus impressionnante au niveau des dimensions. Il aurait très bien pu accueillir une salle à manger complète sans que cela nuise à la circulation des personnes, mais ni Julie, ni Nathan ne souhaitaient alourdir la pièce de meubles inutiles. Ils avaient préféré rajouter trois larges fauteuils en cuir blanc au long canapé d’angle de style identique qui trônait au milieu de la pièce. En face de celui-ci, fixé au mur, un large écran plasma apportait lorsqu’il était allumé une touche de couleurs vives à cet univers pâle, mais le reste du temps, il donnait l'illusion que le mur était percé d'un grand trou rectangulaire béant.
À l’écart avait été agencé un coin bureau avec une haute bibliothèque vitrée. Là, Nathan recevait parfois, de façon très exceptionnelle, un client avec qui il avait noué des relations amicales. Touche toute particulière du père de famille, dans un autre angle de la pièce, un espace dédié à la détente s'offrait aux visiteurs plus intimes. Là étaient installés une table de poker et un guéridon dont le plateau tenait lieu de jeu d’échecs. Nathan était un adepte de cet art. Il pouvait réfléchir de longs instants pour résoudre une combinaison trouvée dans un magazine spécialisé et reconstituée par lui avec de véritables pièces. Il lui arrivait aussi de jouer contre des adversaires. Patrick, un ami de longue date, était son préféré. Il le battait régulièrement sans que celui-ci comprenne réellement comment il s’y prenait pour le vaincre. Ces victoires à répétition entretenaient en lui un sentiment de supériorité bien agréable et le confortaient dans la confiance qu’il avait depuis toujours en sa propre personne. Une fois pourtant, il avait voulu se mesurer à un inconnu, un simple ouvrier plombier qui était venu faire une installation et qui s’était extasié en traversant le salon devant la beauté des pièces de son jeu. Nathan ne résista pas et l’invita à faire une partie. L’autre hésita, mais devant son insistance, finit par accepter en se défendant néanmoins d’être un bon joueur. Ce jour-là, l’amour propre de Nathan en prit un coup. Il perdit, en moins de trente coups, à la suite d'une combinaison de mat comportant un sacrifice de dame qu’il ne devina pas et qui le laissa stupéfait. Après ce jour, il ne lança plus jamais de défi à un inconnu et se contenta d'affronter des adversaires dont il était certain de venir à bout presque à coup sûr.
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Afin de séparer la partie salon de la partie bureau, comme Nathan était aussi un adepte de l’aquariophilie et qu’il avait su convertir sa femme à cette passion, tous les deux avaient eu l’idée de faire installer un long meuble bas en guise de cloison et conçu pour résister à une lourde charge. Sur le dessus, était posé depuis de nombreux mois un bel aquarium dont la contenance dépassait plusieurs centaines de litres d’eau. À l’intérieur, on pouvait à présent voir évoluer au milieu de bouquets de plantes aquatiques et de décors fonds marins en résine quantité de poissons tropicaux d’eau douce tous plus gracieux les uns que les autres. Oriane aimait tout particulièrement le magnifique combattant aux écailles violettes et aux reflets bleus dont les nageoires ressemblaient à des voiles légers gonflés par le vent. « — Il ne faut jamais mettre deux mâles de cette espèce dans un même aquarium, lui disait son père, sinon, ils passent leur temps à se battre jusqu’à ce que l’un des deux trépasse. » Oriane n’aurait pas su dire si c’était la vérité, mais elle faisait confiance à son père sur ce point. Elle trouvait simplement dommage qu’il faille se contenter d’un seul betta splendens, l’autre nom du combattant, Oriane avait entendu ce mot prononcé par son père, alors que ces poissons sont si resplendissants de beauté.
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Julie et Nathan, les parents, ne se sont pas rencontrés comme tout le monde. Ils n’ont pas fait connaissance au cours d’une soirée, n’ont pas eu l’occasion de travailler ensemble, n’ont jamais utilisé les transports en commun, ne fréquentaient pas les boîtes de nuit branchées, ne faisaient pas leurs courses dans les mêmes magasins, n’allaient pas à la messe, n’ont pas eu d’accrochage en voiture et n’avaient non plus aucun ami commun susceptible de les mettre en relation. Alors se demandera-t-on, par quel miracle se sont-ils retrouvés devant Monsieur le Maire ? La réponse est plus simple qu’elle ne paraît. Il existe dans ce pays des établissements dont c’est le rôle de faciliter le contact entre des personnes désirant bâtir une vie conjugale. Des personnes pour qui l’emploi du temps, la timidité, les conditions de vie ou toute autre raison sont un obstacle à réaliser leur rêve. Par exemple, vous-même vous sentez seul, vous désespérez de ne pouvoir trouver l’âme sœur, pas d’inquiétude, « un cœur pour la vie » est là pour se porter à votre secours. Contre une participation financière relativement modique, elle dépasse rarement les quelques milliers d’euros, et si vous savez faire preuve de patience, « un cœur pour la vie » se fait fort de vous présenter à l'être qui convient parfaitement à votre désir et pour qui vous êtes vous-même l’objet d’une attente fébrile. C’est donc par ce biais que Julie et Nathan se sont découverts. Et comme elle et lui voulaient se reconnaître dans l’autre, il ne faut pas s’étonner si les défauts de la première ont immédiatement été perçus comme de rares qualités par le deuxième et inversement. Ainsi, la symbiose fut-elle totale entre eux. Elle était son pendant, il était son identique. Ils devinrent donc, c’était fatidique, les deux reflets d’un même esprit.
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Ombre au tableau, ils possédaient le même goût de l’ordre, ce qui ne peut certes pas être considéré comme un défaut lorsque ce goût des choses bien rangées demeure raisonnable, seulement, pour eux, méticuleux à l’excès, cela n’était pas le cas. Pointilleux au départ, avec le temps et l’arrivée de leur premier bébé, ils en étaient arrivés à sombrer dans l’obsession quasi maniaque du rangement et de la propreté. Si bien qu’à l’époque où se déroule le récit, ils en étaient venus à ne plus supporter d’écart à une ou deux exceptions près. Chaque chose devait être à la place qui lui était attribuée et partout miettes et poussières étaient pourchassées. L’appartement en toute occasion ressemblait à une photographie découpée sur la page d’un catalogue de mobilier. Le désordre n’était toléré dans aucune pièce. Pour cette raison, Julie et Nathan changeaient régulièrement de femme de ménage, si souvent que l’on ne pouvait compter combien s’étaient succédé à ce poste. Elles avaient été si nombreuses. Certaines d’entre elles ne restèrent pas plus d’une journée, parfois moins. Non, comme patrons, ils se montraient bien trop exigeants et pingres aussi — c’était là une autre de leur qualité commune —, ce qui n’arrangeait rien.
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L’on sait comme sont les enfants, comment ils sont enclins à la négligence, aussi, Julie et Nathan avaient dès le premier âge éduqué ceux de la maisonnée à maintenir l’ordre dans leur chambre. Dès qu’ils en avaient été capables, Oriane et Otan durent se plier à d’intransigeantes règles. Rien ne devait traîner sur le sol après le jeu, chaque jouet devait retourner dans le bac quand il était terminé ou quand venait l’heure de dîner ou celle de se coucher. Plus tard, lorsqu’ils furent assez grands pour le faire, c’est eux-mêmes qui durent changer chaque jour les draps de leur lit, chasser la poussière et faire briller les meubles de leur chambre respective. De même, aucun désordre n’était toléré sur le bureau lorsque le travail scolaire était fini. Ceci avait pour avantage d’économiser sur les heures de ménage de leur employée de maison temporaire et, d’après les parents, de former leurs enfants à la rigueur de l’esprit. Oriane et Otan n’avaient pas leur mot à dire, seul un mot d’ordre comptait : obéir.
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Oriane et Otan avaient fréquenté jusqu’alors la même école, celle privée du quartier, mais à la rentrée prochaine, Oriane entrait au collège. Cela allait bouleverser bon nombre d’habitudes, mais personne ne paraissait s’inquiéter pour autant. Là encore, les parents avaient opté pour un établissement privé. D’après eux, l’enseignement qui était dispensé dans celui-ci pouvait se prévaloir d'un niveau très supérieur à celui d’un collège public. D’ailleurs, les résultats aux examens des élèves fréquentant cet établissement, tout comme les notes générales, étaient meilleurs que dans la plupart des autres collèges de la ville. Le coût annuel aussi était supérieur, très supérieur, mais là n’était pas la question. Certaines dépenses, en vue de résultats escomptés, bien que devant être contrôlées, n’auraient su être mesquines dans l’esprit de Julie et Nathan. Il ne s’agissait pas là de rétribuer la bonne à tout faire, d’appointer le syndic de l’immeuble ou de payer ses impôts ! L’avenir des enfants était en jeu et puis cela donnait du cachet à la famille : « — et votre fille, elle entre au collège ? » — « — oui, à Saint-N… ! » Inutile de dire que l’interlocuteur changeait de tête généralement en entendant le nom de l’institution. Entrer à Saint-N… n’était pas donner à tout le monde.
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Les places étaient chères, au sens figuré comme au sens propre. Encore que l’argent ne suffisait pas toujours. Un élève médiocre n’avait aucune chance d'être accepté à moins de porter le nom d’une personnalité très en vue ou que ses parents aient des accointances avec le monde politique ou celui du spectacle, de la presse ou encore de la télévision. Bref ! Du gratin comme on dit vulgairement. Pour Oriane, bien que ses notes fussent excellentes, ce n’était pas joué d’avance. Nathan avait dû faire appel à toutes ses connaissances et au passage récompenser certaines amitiés. Un dîner dans un restaurant étoilé était un moindre coût, certains intervenants ne se contentèrent pas de si peu. Ceux-ci préférèrent une petite enveloppe d'autant plus grosse qu'ils avaient le bras long, garnie de quelques centaines d'euros par exemple. Pour leurs bonnes œuvres se défendaient-ils ou pour faire bouger les lignes à ce qu'ils prétendaient. Bien entendu, ce ne sont point des méthodes très honnêtes, mais le monde est ainsi fait, afin d'imposer sa volonté dans celui-ci, il faut parfois savoir employer quelques subterfuges.
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On le voit, Julie et Nathan n’étaient pas avares en toutes circonstances. Quand il s’était agi de changer sa voiture à lui par exemple, ils n’avaient pas hésité à dépenser plusieurs dizaines de milliers d’euros. De même, au moment où elle et lui avaient décidé de remeubler totalement l’appartement, ils s’étaient offert les meubles les plus coûteux. Pourtant quand l’idée leur vint de redonner de l’éclat à l’appartement en faisant rafraîchir presque à neuf peintures, faïences, sols et plafonds, électricité et plomberie, s’ils ne firent pas la grise mine au moment d’acheter de meilleurs matériaux à prix exorbitant, il n’en alla pas de même lorsqu’il fallut trouver les bons ouvriers. Concernant la main d’œuvre, elle était toujours trop chère, si bien que presque tous les travaux furent réalisés par des travailleurs non déclarés, un peu comme la bonne qui officiellement ne venait que la moitié du temps. Seuls les travaux de réfection du circuit électrique furent effectués par une société artisanale. Pour des raisons d’assurance, une facture en règle était exigée, ce qui n’empêcha pourtant pas Julie et Nathan de mettre plusieurs entreprises en concurrence afin d’obtenir le meilleur prix, le plus bas donc. C’est d’ailleurs pendant cette sorte de lifting, à l’occasion de la pose de la baignoire, que Nathan subit aux échecs la plus déshonorante défaite, déjà évoquée, de toute sa vie.
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Julie et Nathan avaient donc l’avarice sélective. Rarement, ils comptaient au moment de s’offrir ce qu’ils jugeaient indispensable et dont l’utilité était parfois contestable. En matière de vêtements, rien n’était trop beau, ni en matière de soins de beauté, ni en toutes autres sortes de choses relativement futiles. Malheureusement, les souhaits des enfants n’entraient pas dans la catégorie indispensable. Aussi, les besoins secondaires de ceux-ci ou leurs désirs étaient-ils souvent considérés comme négligeables. Les envies d’Oriane plus que les appétits d’Otan. Lui, Otan, peut-être parce qu’il était un garçon et qu'il était plus jeune, avait droit à quelques prérogatives et à des attentions dont sa sœur était privée. Il ne faut donc pas s’étonner si Oriane souffrait de cette différence qui était faite entre elle et son frère et si souvent elle devait réprimer une certaine jalousie, sentiment qu'il lui était interdit d’afficher.
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Autrefois, avant la naissance d’Otan, les choses étaient différentes. Elle était un peu considérée comme la petite princesse de la maison avec tous les avantages qu’un tel statut offre. Par exemple, il lui suffisait de tendre le doigt vers un objet quelconque dans un magasin, un jouet, une poupée, un vêtement, pour qu’aussitôt, on s’en saisisse pour lui en faire cadeau. Cette époque s’était avérée magique pour elle bien qu’elle fut cependant d'une courte durée. L’arrivée de son petit frère bouleversa toute la hiérarchie. De centre d’un monde, si étroit fût-il, elle devint un satellite secondaire. Au début, elle avait accepté ce sort nouveau, elle comprenait que le bébé qui venait d’arriver demandait plus d’attentions, mais quand elle réalisa après quelques mois que rien ne serait définitivement plus comme avant, et après quelques révoltes sévèrement réprimées, elle commença à se réfugier dans un univers de tristesse tissée de colère. Elle n’aurait su dire dès lors qui de son père, de sa mère ou de son frère elle détestait le plus. De sa mère, autrefois tendre maman, ne tombait plus que reproches, sermons et mises en garde. Son père lui ne se décidait pour ainsi dire jamais à soutenir sa défense lorsque sa femme s’irritait sans raison après elle, même si elle agissait avec une évidente mauvaise foi. Cette attitude affligeait Oriane plus que tout : cette façon que lui avait de se détourner quand le danger pesait sur elle. Jamais il ne lui tendait la main secourable qu’elle espérait saisir ! Jamais il ne levait le moindre doigt en sa faveur ! Au contraire, souvent il prenait ouvertement fait et cause pour sa femme et enfonçait sa fille en laissant échapper un mot blessant ou une remarque désobligeante. Il fallait marcher droit, être fait de rigueur, penser à la verticale ! Cela dit, Oriane ne manquait de rien et si elle n’était pas vêtue à la manière dont l’était ses amies couvertes de marques comme des panneaux publicitaires, elle l’était toujours d’une façon très correcte avec des vêtements en bon état et de bonne facture. Ses parents n’auraient pas toléré qu’il en fût autrement, qu’elle puisse nuire d’une manière ou d’une autre à l’image qu’ils souhaitaient donner de leur famille.
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Pour Otan, il en allait de même, dans une moindre mesure pourtant. À son âge, il n’était pas très exigeant en matière vestimentaire. Mais lui aussi se devait de se comporter avec droiture, d'affirmer de la méticulosité en toutes choses, autant que sa jeunesse le lui permettait en tout cas, d’effectuer les tâches ménagères élémentaires sans rechigner. Il est vrai néanmoins qu’il faisait l’objet d’attentions particulières de la part de ses parents. Sa mère lui accordait volontiers plus de tendresse, bien qu’en la matière elle ne se soit jamais montrée très démonstrative, de même, elle faisait plus aisément preuve de compréhension lorsque le laisser-aller prenait possession de son garçon. Par exemple, elle lui trouvait facilement des circonstances atténuantes s’il omettait volontairement ou non de réaliser une tâche. Cette attitude prouvait un relâchement des exigences de la mère au regard de son fils. Ce relâchement se produisait de plus en plus souvent en avançant dans le temps quand, pour des raisons similaires à celles admises d'un côté, on réprimandait avec sévérité Oriane. Nul doute que quelques années plus tard Otan deviendrait le maître de la maisonnée et qu'il finirait par imposer ses règles à tous d’une façon ou d’une autre, que ce soit par la ruse, la séduction ou la vigueur de sa volonté. La rigueur de ses parents vis-à-vis de lui s’effritait peu à peu sans qu’ils en aient conscience, alors que chaque jour rendait leur garçon un peu plus fort que la veille.
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À présent que nous connaissons mieux cette famille, venons-en à ce jour où les évènements effectuèrent ce mouvement de bascule irréversible. C’était le plein été, un mois d’août brûlant, une de ces journées sans air où la ville s’affaisse sous le poids de la chaleur et où les êtres rampent plus qu’ils ne se meuvent. C’était un dimanche. Le père avait emmené le fils à la piscine. Ils y passaient l’après-midi. Ils ne rentreraient pas avant dix-neuf heures. Pendant ce temps, la mère et la fille avaient fait le tour des boutiquiers dans l’espoir vain d’en trouver quelques-uns ouverts en vue de la rentrée prochaine. Elles retournaient à présent à l’appartement sans rien avoir acheté. Julie conduisait sa petite citadine avec décontraction. On aurait presque pu croire en circulant à travers les rues désertes de la ville que tous ses habitants avaient disparu. Peut-être s’étaient-ils enfuis, pensait Oriane qui aimait à rêvasser, dans un pays fait d'océan. Il était exceptionnel qu’il en fût ainsi, que la ville semblât vide, c’est pourquoi Julie manipulait les commandes du véhicule avec relâchement sans le stress habituel qui ne manquait jamais de se saisir d’elle si elle venait à prendre le volant. Elle avait posé son coude par la portière avec nonchalance et maîtrisait la direction d’une main. Toutes les vitres étaient baissées. Pour la courte distance que Julie et Oriane avaient à parcourir, il était inutile de mettre en action le système d’air conditionné. Il n’aurait pas eu le temps de devenir suffisamment efficace afin qu’elles puissent bénéficier de ses bienfaits.
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À côté de sa mère, Oriane regardait au-dehors avec ennui et tristesse, avec également une colère qui ne s’amoindrissait pas. Elle aurait tant préféré aller à la piscine avec son frère et son père. Elle, parcourir les magasins, par un temps comme celui-ci qui plus est, ne l’inspirait pas d’autant qu’elle savait parfaitement qu’un dimanche, plus encore un dimanche du mois d’août, rien ne serait ouvert. Sa mère aurait dû le savoir elle aussi, d’ailleurs, sans aucun doute ne l'ignorait-elle pas. Oriane en avait la certitude. Julie n’aimait pas la piscine, surtout les jours de grandes chaleurs. Elle n’aimait pas la foule, ces baigneurs par centaines qui s’agglutinent et s'ébattent dans l’eau comme des bancs de poissons se débattent dans le chalut qui les remonte à la surface. Ces mêmes baigneurs qu’on retrouvait ensuite serrés comme des sardines dans une boîte de conserve, huilés comme elles, étendus sur le gazon à se faire rôtir au soleil. Elle n’aimait pas l’odeur du mélange des sueurs de ces mollusques apathiques, celle du produit chloré que l’on additionnait à l’eau des bains pour la rendre impropre à la survie des bactéries et autres germes nocifs. Elle n’aimait pas cette promiscuité avec tous ces gens inconnus, cette quasi-nudité des corps, cet étalement de chairs molles et grasses, cette agitation des enfants livrés à eux-mêmes, celles des jeunes gens, leurs enlacements indécents, leurs éclats de rire benêts, leurs cris, la façon dont les garçons bombaient leur musculature et celle dont les filles gonflaient leur poitrine, roulaient des hanches avec plus de ridicule que de grâce. Non, décidément, la piscine n’était pas un lieu pour elle. C’est pourquoi elle avait eu cette idée pour échapper à la corvée que représentait un après-midi dans ce genre d’endroit de préférer faire la tournée des magasins tout en sachant qu’elle avait bien peu de chances d’en trouver un qui fut ouvert.
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Orianne l’accompagnerait, c’était décidé, et celle-ci n’avait pas son mot à dire ce qui ne l’empêcha pas de protester, mais ni son père, ni son petit frère ne prirent parti pour elle si bien qu’il lui fallut bien se résoudre à accepter son sort. Cela explique pourquoi dans la voiture, sur le chemin du retour, son esprit était encombré de sentiments si contradictoires et pourquoi elle en voulait à la terre entière. De tout le trajet qui avait dû se prolonger au-delà d'une quarantaine de minutes — Julie avait parcouru la ville dans tous les sens —, Oriane n’avait pas adressé un mot à sa mère autrement que pour répondre aux rares questions qu'elle lui posait. Elle lançait alors un oui ou un non sec qui sonnait comme un cri de révolte. Oriane se sentait lasse de tourner en rond, d'aller d'avenue en avenue dans la cité accablée, de transpirer à grosses gouttes dans l'habitacle surchauffé de l'auto comme à l'intérieur d'un four. Enfin, elles touchèrent au but. L’automobile avait pénétré par l’extrémité de leur rue qui donnait sur le grand boulevard à petite vitesse et avait roulé lentement jusqu’au pied de leur immeuble. Là, Julie perdit tout à coup sa belle sérénité. Toutes les places de stationnement proches de l’entrée étaient occupées et cela la révoltait. Elle ne comprenait pas comment une rue loin de tout lieu possédant un quelconque intérêt pouvait être envahie par autant de véhicules à l'arrêt ; un jour comme celui-ci qui plus est ! Elle râla pendant quelques dizaines de secondes en prenant sa fille à témoin qui se contenta de lever un sourcil et de pincer des lèvres en guise de réponse, discrètement en regardant dehors par la portière pour ne pas prendre le risque de détourner la foudre et la rage que sa mère exprimait sur elle. Après s’être épanchée et s'être soulagée de son trop-plein d’exaspération, la mère demanda à la fille de rentrer seule à la maison pendant qu’elle chercherait un endroit un peu plus loin pour se garer.
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Oriane descendit de l’automobile, claqua la portière et sans un regard en arrière traversa le trottoir. D’un geste rapide de l’index, elle tapota le code d’ouverture de la porte, entra et parcourut la cour d’un pas indolent jusqu'à la porte de l'escalier. Là, à nouveau il lui fallut composer un code pour accéder au hall d'entrée. Une fois à l’intérieur, Oriane profita du fait d’être seule pour emprunter l’ascenseur, chose qui lui avait toujours été formellement défendue. Ses parents disaient qu’à son âge, elle pouvait très bien utiliser les escaliers. Ils prétendaient aussi qu’il fallait se méfier de ces appareils mécaniques, que des pannes se produisaient souvent et que parfois de graves accidents pouvaient survenir, ce qui ne les empêchait pourtant pas de prendre régulièrement l’ascenseur, ici ou ailleurs, pour grimper dans les étages. Oriane appuya sur le bouton portant le numéro trois et aussitôt l’étroite cabine qui ne devait pas supporter d’emporter entre ses cloisons plus de trois personnes commença à s’élever. Le cœur d’Oriane se mit à battre fort. Elle venait de passer outre la défense de ses parents et de braver cet interdit avait fait naître en elle des émotions nouvelles : un mélange étrange de crainte et de fierté, le sentiment de gagner un peu de liberté, d’évoluer vers l’âge adulte. Mais cette sensation fut de courte durée. Un affolement subit l’envahit lorsque, parvenue à mi-chemin, l’ascenseur stoppa net son ascension dans un claquement inquiétant. Un bruit semblable à celui d'une fenêtre se refermant sous l’action d’un violent coup de vent. Oriane leva le regard en direction de l’endroit d’où s'était produit le bruit avec le sentiment que tout à coup la cabine de l’ascenseur se rétrécissait au point de l’écraser puis la lumière disparut. Elle se retrouva dans le noir total. Elle faillit crier à cet instant, elle s’en retint néanmoins. Elle ne souhaitait pas réveiller les ombres maléfiques que son esprit affolé venait d’inventer et qu’elle imaginait tapies dans cette nuit artificielle. Par chance, l’électricité revint et la lumière inonda la cabine. Le mécanisme de l’ascenseur se remit en marche et la cabine reprit son ascension.
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Quelques instants plus tard, elle arriva devant sa porte. Elle s’apprêtait à introduire la clef dans la serrure lorsqu’un nouveau vent d’appréhension prit possession de son être. Sur le moment, elle ne comprit pas d’où lui venait cette inquiétude puis elle se souvint de l’incident qui était survenu alors qu’elle se trouvait dans l’ascenseur. Elle avait eu si peur quand il avait stoppé sa course. Sans doute éprouvait-elle le contrecoup de la montée d’adrénaline que cette micropanne avait déclenchée en elle. Elle glissa la clef dans le trou qui lui était destiné et la tourna jusqu’à ce que ce mouvement débloque la clenche puis avec délicatesse elle poussa la porte. Elle entra avec précaution. À l’intérieur, rien ne semblait avoir changé. Les meubles étaient toujours à la même place, impeccablement alignés à l’endroit où elle les avait toujours vus, immaculés et resplendissants comme s’ils avaient été achetés la veille. Il y eut un très léger courant d’air, la porte claqua dans son dos. Elle sursauta. Les fenêtres étaient restées ouvertes. Bien que l’appartement soit équipé d’un système d’air conditionné, par souci d’économie, ses parents ne le mettaient presque jamais en marche ; pas lorsque l’appartement demeurait vide en tout cas. Cela expliquait pourquoi dans toutes les pièces, au vu de la lourde chaleur qu’il faisait au-dehors, chaque ouverture béait sur le ciel sans nuage. Rapidement, mais avec prudence, Oriane fit le tour de l’appartement, jetant un coup d’œil dans chaque pièce afin de s’assurer qu’aucun étranger ne s’y était introduit, et cela malgré la certitude que cette éventualité était totalement impossible. En effet, elle ne découvrit personne, pas même dans les toilettes. Il lui vint bien l’idée d’ouvrir les placards, mais elle se convainquit alors de faire preuve d’un peu de rationalité et de maîtriser ses émotions. Elle prit une grande inspiration puis se dirigea vers la salle de bain où elle se lava consciencieusement les mains. Elle se réfugia ensuite dans sa chambre et ouvrit le roman qu’elle avait laissé en plan le matin. « — Page 122 ! », pensa-t-elle. Elle ne faisait jamais usage d’un marque-page, sous la recommandation de son père. « — Un petit exercice pour entraîner ta mémoire ! », lui avait-il dit. Au début, elle avait subi quelques déconvenues à procéder ainsi, mais depuis de nombreux mois, il ne lui arrivait plus de se tromper. C’était un peu comme si un mécanisme s’enclenchait automatiquement dans son cerveau lorsqu’elle ouvrait le livre qui avait sa préférence du moment. Comme elle n’avait guère d’autres distractions à la maison, elle occupait beaucoup de son temps à lire. Sa préférence allait aux romans et tous les genres lui plaisaient à condition bien entendu que l’éloquence de l’auteur lui permette de s’envoler avec légèreté dans le monde qu’il lui proposait de découvrir. Lectrice de longue date, bien que très jeune encore, elle ne pouvait plus se contenter des livres édités dans les collections spécifiquement destinées aux enfants de son âge. C’est pourquoi, on retrouvait dans sa bibliothèque personnelle beaucoup d’ouvrages de grands auteurs des siècles passés, mais aussi d’autres beaucoup plus récents dont la trame souvent s’adressait aux adultes. À travers les livres, elle vivait dans un monde beaucoup plus captivant que celui de la réalité dans laquelle elle évoluait jour après jour. Peut-être est-ce pour cette raison, à cause de cette passion pour les lettres et la plongée profonde et fantasmagorique où celles-ci l’entraînaient, qu’elle affichait parfois un air étrangement rêveur.
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