Heureusement que personne ne m’a vu pendant la lecture de ce roman, parce que j’ai été pris de fous rires incroyables et répétés.

Ce roman est franchement très drôle et plein de quiproquos loufoques.

Voici une petite île grecque, Skios.

Là se trouve le siège de la fondation philanthropique de Madame Fred Toppler, une riche américaine.

Chaque année, cette fondation réunit l’élite de la politique, de la science et des affaires du monde entier.

Cette année, malgré le dévouement de l’assistante de madame Fred Toppler, Nikki, rien ne se déroule comme prévu.

A la suite d’une confusion de valises, le séduisant Olivier Fox prend la place du Docteur Wilfred.

Ce dernier se retrouve dans une villa occupée par Georgie, la nouvelle conquête d’Oliver.

Cette usurpation d’identité va entrainer des rebondissements incessants, et des scènes très cocasses. Un vrai burlesque à l’humour anglais.

Michael Frayn a le sens du rythme et son roman pétille vraiment. Les portes claquent comme dans un bon vaudeville.

C’est excellent car Frayn en profite pour asséner quelques vérités sur le monde et ses ridicules.

Bienvenue à Skios de Michael Frayn (Ed. Joëlle Losfeld) 23,50 €

Voici un roman noir bien ficelé et très bien écrit, un peu dans la veine d’un Hammet. Le décor est volontairement bien gris.

Bordeaux dans les années cinquante porte encore la culpabilité de la Seconde Guerre mondiale. Nombre de fonctionnaires se sont compromis et cela a laissé des traces, une amertume tenace.

Il y a l’ombre du commissaire Darlac qui a passé l’épuration, alors qu’il a bien trafiqué avec les Allemands, n’hésitant pas à donner ceux qui l’importunaient. Et voici que la guerre d’Algérie se profile, de jeunes appelés partent.

Daniel, apprenti mécanicien, doit partir justement. Il a perdu ses parents dans les camps, et a été recueilli par un couple.

Un jour, un homme se présente au garage où travaille Daniel, il vient faire réparer sa moto. Cet inconnu n’est pas là par hasard.

Le commissaire darlac va bientôt s’en apercevoir, il est venu apurer des comptes.

Hervé Le Corre décrit un Bordeaux poisseux, un monde désabusé et lucide, une jeunesse désenchantée.

Les lendemains de guerre ne sont pas toujours faciles. La guerre en Algérie n’est pas non plus un séjour touristique.

Tout n’est que violence, les sentiments ne sont plus que des larmes que cherchent en vain les héros de ce roman.

Hervé Le Corre scalpe la réalité, arrache des lambeaux de peau afin de sonder l’âme de ses personnages.

Darlac est odieux, insupportable mais une étincelle d’humanité l’habite encore. Ses sbires ne pensent à rien, exécutent parce qu’ils sont de son côté. Son supérieur est opportuniste.

Et, Daniel et ses amis résument la jeunesse des années cinquante qui tente de solder les erreurs de leurs parents.

Après la guerre est un vrai roman noir, et le style d’Hervé Le Corre lui donne une épaisseur indiscutable.

Après la guerre d’Hervé Le Corre (Rivages) 19,90 €

Voici les nouvelles aventures d’Olivier Hauteville.

Jean d’Aillon n’a pas son pareil pour raconter les faits historiques, il colle au plus près de l’Histoire pour le plus grand plaisir du lecteur.

L’action se situe ici dans les dernières années de la folle entreprise de la Sainte Ligue qui hésite entre embrasser la cause espagnole ou garder les champions Guise. Le siège de Paris coûte cher en Parisiens qui meurent de famine.

Dans le cimetière des Saint-Innocents, on découvre la dépouille d’une femme à moitié dévorée. D’autres cadavres surgissent, la Bête envoyée par Henri IV est-elle dans Paris ? La Sainte Ligue est heureuse de le faire croire, cela arrange les affaires.

Il faut dire que parmi les Seize qui forment le conseil des bourgeois de la Ligue, il y a une tripotée de pendards et de gredins cupides ou avides. Et tout ce qui peut diviser cette assemblée arrange aussi les affaires d’Henri IV.  

Les héros de Jean d’Aillon ont fort à faire pour se débarrasser enfin de leurs ennemis et permettre au roi de régner.

Le roman se lit agréablement.

Il manque toutefois un peu de ce rythme auquel d’Aillon nous avait habitué auparavant. Mais la période historique abordée, la fin des guerres de religions, est si passionnante que cela occulte ce bémol.

La bête des Saints-Innocents de Jean d’Aillon (Flammarion) 22,00 €

Ah, voici un polar qui se lit très facilement et très vite, un peu comme un bon film du dimanche soir qu’on regarde pour se détendre.

Ou jadis, le film du mardi soir qu’on nous autorisait car le lendemain il n’y avait pas école.

John Tallow est un flic new-yorkais, son équipier de toujours Jim Rosato est tué devant lui alors qu’ils intervenaient dans un immeuble délabré de Pearl Street.

Fou de rage, Rosato abat le meurtrier de Rosato. Mais voilà, ses tirs défoncent le mur d’un appartement, révélant la présence d’une centaine d’armes accrochées aux murs de cet appartement.

Tallow se lance à la recherche de l’occupant et la réalité scabreuse, mafieuse et onéreuse ne va pas tarder à lui sauter au visage.

Scénariste de comics britannique reconnu (le label Marvel), Warren Ellis utilise habilement New York et sa légende urbaine. Grâce à lui, on découvre une histoire méconnue de la célèbre Big Apple.

Gun Machine de Warren Ellis (Le Masque) 20,90 €

Voilà un petit bonheur de roman noir ! Tous ceux qui ont vu ou lu Romanzo criminale doivent impérativement lire Je suis le Libanais.

Ecrit sous la forme d’un récit, ce roman nous entraine dans les années 70, à la naissance d’un chef de gang qui veut régner sur Rome. C’est cruel, méchant et lucide.

Giancarlo De Cataldo se paye la société italienne de ces années-là, la gauche bourgeoise, les gangsters, la drogue, la tradition mafieuse.

Ça cogne, ça tue, ça enlève, c’est surtout obsédé par l’argent facile et le sexe.

Superbement rythmé, le roman est une photographie d’une époque qui hélas n’a pas beaucoup changé, les idéaux sans doute un peu, mais on écoute toujours Mia Martini et son Minuetto.

Je suis le Libanais de Giancarlo De Cataldo (Métailié) 14,00 €

Voilà un excellent livre sur Robert Mapplethorpe. Une sorte de biographie amoureuse du célèbre photographe new-yorkais. Il ne s’agit pas ici de tout dévoiler, ses photos le font déjà magnifiquement. Judith Benhamou-Huet avec beaucoup d’érudition raconte Mapplethorpe, et n’épargne pas son lecteur.

Benhamou-Huet interview les connaissances et amis de Mapplethorpe, vingt ans après. Les souvenirs se sont statufiés à l’aune de la reconnaissance mondiale mais il reste le petit prince, celui qui beau aurait du succès.

On entrevoit Pierre Bergé, Loulou de la Falaise, Saint Laurent, et tant d’autres de New York ou d’ailleurs. Et bien sûr, Patty Smith.

C’étaient les années Studio 54, Warhol, la Factory, etc. Le sexe facile, les bars interlopes, le cuir. Le sida est venu tout faucher, Mapplethorpe y compris.

Il reste ses très belles photographies, de somptueux portraits, les fleurs, les hommes noirs, ses amants, etc.

Dans la vie noire et blanche de Robert Mapplethorpe de Judith Benhamou-Huet (Grasset) 17,00 €

Voici un beau roman sur l’enfance et l’initiation.

Les lucioles y sont des repères. Le petit Victor Beauregard est un héros bien sympathique, à la découverte de l’existence et des rapports humains.

Il faut dire qu’avec l’amour, les liens du sang et l’amitié, il est gâté. Les adultes compliquent toujours tout.

Les vacances d’été sont à la résidence du Grand-Hôtel du Cap-Martin, avec deux mamans puisque le papa a refusé de grandir, la sœur Alicia qui ne courtise que des benêts, l’ombre de la sœur de papa, Félicité dont on ne parle pas, et toute une cohorte de personnages picaresques.

L’apprentissage estival passe par le chemin des douaniers et les villas qui le bordent.

La tendresse et l’humour habitent généreusement les pages de ce roman touchant.

L’émotion est là, notamment dans une scène où le petit Victor enseigne à une baronne comment survivre.

Voici un Été qui réchauffe nos cœurs.

L’Été des lucioles de Gilles Paris (EHO) 17,00 €

Monsieur le justicier de Mortagne est un beau personnage que bichonne de roman en roman Andrea H. Japp.

Il a le remords de sa fonction, de l’exécution d’une innocente (un fantôme qui le hante). Il se mêle aux enquêtes de son temps et notamment de la disparition d’enfants, aidant ainsi le nouveau bailli.

Le trafic, l’appât du gain existaient déjà du temps de Philippe le Bel, ainsi que les intrigues de cour. Autant d’obstacles à la vérité cruelle.

Andrea H. Japp en profite pour égrener le roman de noms, mots et tournures, afin d’offrir à son lectorat la genèse sémantique.

On croise les héros de son autre série le mire Brévaux. Japp décortique la sombre face humaine, la farce n’en est que plus drôle.

Une lecture également passionnante pour tous ceux qui veulent connaître le Perche et son histoire.

Le tour d'abandon d'Andrea H. Japp (Flammarion) 22,00 €

Il faut le souligner, Aubenque de roman en roman travaille son texte, le fluidifie et lui donne une limpidité.

Il n’est jamais à court d’idées et a, même si parfois la ficelle est grosse, une imagination tout à fait estimable.

Et puis, Seattle qui apparaît tant de fois dans notre quotidien comme une ville hostile devient sous sa plume aimable et agréable.

Aubenque manie les thèmes récurrents du viol, de la pédophilie, du pardon, de l’échec et de la rédemption.

Il y est question de Hells Angels, de milliardaires américains et de policier amoureux d’escort-girl.

Un cocktail savamment élaboré, secoué mais non agité.

Né pour être sauvage d'Alexis Aubenque (Calmann-Lévy) 18,50 €

Autant l’avouer, j’ai croisé plusieurs fois Alex Taylor et ne trouve pas le personnage très sympathique, sans doute est-ce sa morgue télévisuelle.

Néanmoins, il me faut être honnête, le bougre écrit très bien ses souvenirs et notamment les passages de son livre sur l’homosexualité devraient servir de viatiques à tous les vitupérants de la Manif pour Tous.

Il y a une certaine tendresse aussi dans les pages sur son père, mais c’est son père alors on reste à la porte de la maison sans oser y entrer.

Les pages sur sa belle-mère sont plutôt drôles.

Le plus beau dans ce livre, le plus touchant et le plus émouvant est la façon dont Taylor glisse allègrement sur les souvenirs de sa mère, comme s’il y avait un remords, une blessure et une culpabilité.

Ce chut assourdissant donne tout la saveur à ce récit.

Quand as-tu vu ton père pour la dernière fois ? d'Alex Taylor (JC Lattès) 17,00 €æ