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jeudi 1 octobre 2009

Surveillance

Mais enfin, qui regarde ces images ? Qui ne s'est pas posé la question quand il a aperçu une caméra de surveillance dans la rue ? Qui ne s'est jamais demandé où finissaient ces milliers d'heures de rushes ainsi enregistrés ? Qui ne s'est jamais demandé si cette masse informe pouvait trouver un sens par la grâce du montage ? Comme élément de réponse, j'ai découvert récemment cet extrait :


Der Riese ("le géant") - Michael Klier 1982

Longue installation (82 minutes) entièrement composée d'images produites par des "überwachungskameras" (c'est tout de suite plus flippant en allemand). Un "Berlin symphonie d'une grande ville avec la police à la caméra et Michel Foucault au montage", il suffisait d'y penser, c'est vrai. Il n'y avait qu'à se pencher pour ramasser et assembler ces images sans auteur, comme autant de fragments d'une musicalité urbaine quotidienne et ininterrompue, maintenant que les systèmes de vidéo-surveillance généralisent le ciné-oeil, forçant les noces de Dziga Vertov et de Mabuse.
Au vu de ces quelques minutes où la fascination cède vite la place à une certaine monotonie, on se demande tout de même si un tel projet tient sur la longueur d'un long métrage. Certes, la dramatisation musicale parvient à donner une certaine densité à ces images apparemment neutres, à transformer n'importe quel quidam ou véhicule passant dans le champ en suspect potentiel, mais l'impression qui demeure est celle d'un bégaiement, d'une introduction cinématographique qui n'en finirait pas de commencer, d'une mise en place étirée par le nappage musical, condamnée au perpétuel surplomb et ne rentrant jamais dans les détails.

Exactement le contraire, en somme, de la célébrissime séquence d'ouverture de Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974) :

... où l'oreille scrute en même temps que l'oeil, où les mises au point sont avant tout auditives avant d'être visuelles. Ecoutez et regardez comme les zooms, les rapprochements, les gros plans sont d'abord guidés par les sons avant d'être précisés ou nuancés par les images. Les sons imprécis de la ville et les parasitages participent à la musicalité de l'ensemble, une musicalité faite aussi d'allers et retours entre le général et le particulier.

De la musique et de la vidéo-surveillance, tout cela rappelle ce clip...

... dont la légende (profiter des 80 caméras de CCTV pour se filmer à moindres frais dans tous les endroits de la ville et récupérer les images, comme la loi l'autorise) est plus belle que la réalité (un projet à moitié bidonné apparemment), mais qui apporte enfin la réponse à la question que tout le monde s'est posée : mais enfin, qui regarde ces images ? Et bien, les seuls que ça intéresse, ceux qui sont filmés dedans. Mabuse n'a plus le temps.

lundi 20 juillet 2009

Il tue sa mère, son film ?

Nous avons reçu du jeune Xavier Dolan, réalisateur arrogant mais doué de J’ai tué ma mère (2009), la lettre suivante, que nous avons faite expertiser par notre service de psychologie scolaire.


« Bonjour, je m’appelle Xavier et je pense que si à 20 ans, on n’a pas réalisé un long-métrage qui a frôlé la Caméra d’Or et qu’on ne s’autoproclame pas la coqueluche de Cannes, c’est qu’on a raté sa vie !

Là où j’habite, c’est moche. Les gens qui sont au bahut avec moi sont tous bêtes et quant à ma famille, c’est même pas la peine d’en parler. D’ailleurs, tout le monde aura droit de voir mon film sauf eux. La seule famille que je veux rejoindre, c’est celle d’Harmony Korine, Larry Clark, Gus van Sant, Sofia Coppola, Judd Appatow, Peter Sollett, Riad Sattouf, Anthony Cordier, Céline Sciamma, Joachim Lafosse, tous ces gens dont la critique (surtout en France, le pays de la Fémis et de Christine Angot) s’est entiché sur la foi d’un seul film, à croire qu’il suffisait de mettre des adolescents sur un écran pour que ça marche. Mais moi, contrairement à eux, je veux faire mon film sans être sorti de l’adolescence, sans avoir réglé mes problèmes. Ce sera un film non pas « sur » l’adolescence, mais « en pleine » adolescence, le plus proche de la mauvaise foi et de la naïveté propres à cet âge. D’ailleurs, l’autre jour sur Youtube, j’ai vu Coppola prédire qu’avec le numérique, une fille de 11 ans habitant au fin fond du Nebraska pourrait devenir la Mozart du cinéma :


Le seul truc qui m’empêche de me comparer à Mozart, c’est que j’ai pas envie de mourir à 35 ans mais quand même, savoir qu’on a Coppola derrière soi, ça donne du courage. Si ça se trouve, j’irai à à Cannes, mon film sera projeté dans la même salle que celui de Big Francis et il viendra même me féliciter à la fin de la projo en me rappelant un titre de ses débuts : you’re a big boy, now ! (Note du psychologue scolaire : seuls les deux premières étapes de ce fantasme ont été réalisées, la troisième pas sûr mais la mythomanie fait aussi partie du génie).

J’écris cette lettre dans ma chambre après que ma mère m’ait dit d’y monter, juste après une énième engueulade entre nous. Quand je suis dans ma chambre, ma mère au moins est rassurée. Elle croit que j’écris mon blog comme tous les ânes qui sont dans ma classe. C’est d’un commun ! Moi, mon blog, je le fais sur pellicule. Quand je reste dans ma chambre, j’élabore mon nouveau concept de cinéma : « le film chambre d’ado », le film dont le spectateur est, au début, tout gêné de pousser la porte puis découvre un plaisir pervers à suivre les énièmes turpitudes nombrilistes de l’auteur. Entre deux scènes d’engueulade, je collerai sur l’écran tout ce que j’ai affiché sur le mur de ma chambre : des citations de Cocteau, Rimbaud, Musset, des photos noir et blanc floutées faites au club du lycée (le jeudi entre midi et deux, le meilleur moment de la semaine, le seul truc qui me donne envie de franchir les grilles de cette taule) et puis aussi des jets de peinture sur l’écran à la Jason, euh, Jackson Pollock et puis aussi des confessions filmées face caméra parce que je suis quand même de la génération télé réalité, mais je ferai ça aussi de manière plus raffinée qu’à la télé : en fragmentant les visages ou en les filmant sur des fonds colorés ou des décors kitsch. Ça fera Klimt (le type qui faisait du Wong Kar Wai avec des pinceaux) ! Et puis comme ça, on dira de mon film qu’il sera épidermique : aussi bien parce qu’il provoque les réactions de ce type que parce qu’il cherche à s’approcher au plus près de la matière cutanée.

Et puis, s’il y en a qui se demandent si avec ça, on tient une heure et demie, je leur sors mon concept qui tue : je leur réponds qu’à force, la singularité du film, c’est « l’indécidabilité de son ton ». La multiplication des scènes de conflit déréalise leur intensité (tout cela en devient presque comique) et montre surtout que c’est une autre forme de communication et de tendresse. Bon, je sais bien que Cassavetes va dix fois plus loin que moi à ce petit jeu-là, mais j’ai pas encore pas vécu tout ce qu’il a vécu et j’ai pas bu autant que lui non plus (je sais qu’il n’y a pas de contrôle anti-dopage dans le cinoche mais quand même…) et puis lui, il se fait aussi aider par les super acteurs qu’il a, alors c’est pas du jeu non plus. Moi, je suis à jeun et j’ai tout fait tout seul, alors na ! »

L’avis du psychologue scolaire :

Pour être franc avec toi, Xavier, ton cas m’excitait d’avance, en même temps qu’il m’inquiétait. Bon, disons-le tout de suite, ton film n’a rien d’exceptionnel, mais à ma grande surprise, il est tout à fait regardable, plus que ça même et le simple fait qu’il existe en fait un objet d’intérêt pour nous, glosateurs du cinéma. Comme toi je pense que la meilleure façon d’apprendre le cinéma (pour espérer secrètement en faire un jour), c’est de regarder et de regarder des films, mais si je te disais que j’ai commencé cette pratique l’année de ta naissance, tu vas me traiter d’étudiant attardé et soupçonner chez moi le flagrant délit de jalousie, ce dont tu n’aurais pas tout à fait tort.

Effectivement, si tu avais voulu réaliser un « film chambre d’ado », le contrat est rempli : le film est volontairement étriqué, obsessionnel, fétichisant, à deux doigts de la pose de poète maudit, mais l’air de rien, discrètement gracieux et inspiré dans ses agencements et ses collages.

Reste qu’il évoque le souvenir d’un autre « film chambre d’ado », qui jouait lui aussi sur le trouble de l’intrusion, pensée lui aussi comme une lettre couturée et fragmentée destinée (mais jamais envoyée) à une mère monstre : Tarnation (Jonathan Caouette 2004)



Qui plus est, cet autre « film chambre d’ado » avait une autre qualité qui manque un peu chez toi : le bordel. Face à lui, le spectateur retrouvait le même plaisir que ressent l’ado frondeur quand il est le seul à se retrouver dans une chambre qu’il refuse de remettre au carré, malgré les injonctions parentales. Le film était rempli de courts-circuits (à tous les sens du terme), de grammaires souterraines et secrètes qui faisaient qu’on retrouvait malgré tout le chemin vers des pépites et des émotions enfouies sous un apparent bric-à-brac obscène. Chez toi, Xavier, ces disjonctions, ces chemins de traverse, ça manque encore un peu. Tout est encore un peu net, trop direct, trop désigné.



« Range ta chambre ! ». A toi comme à nous, Xavier, on a dû le dire un nombre incalculable de fois. Mais peut-être Xavier, as-tu, malgré tout ce que tu nous dis, trop obéi à cet ordre parental et trop organisé ton intérieur.
Pour la prochaine fois, n’écoute ni ceux qui t’adorent, ni ceux qui te tombent dessus, ni ceux qui te traitent de génie, ni ceux pour qui tu es la suprême tête à claques et range moins !
Et surtout, Xavier n’oublie pas, si tu as un problème, on peut toujours en parler. Ma porte sera toujours ouverte pour toi et de ce qu’on se dira, rien ne sortira de mon bureau. Après, si tu veux le mettre dans un prochain film, libre à toi…

***

Photos: La chambre de JC (7 ans), en pleine préparation de son premier long-métrage (avec aimable autorisation des parents).

jeudi 31 janvier 2008

It's a liberal world

Si le rapport Attali se concrétise, on risque fort de vivre dans l’un des six films suivants, des films où l’on n’a de cesse de travailler plus sans forcément gagner plus, des films où les héros sont tout entier animés par la liberté d’entreprendre sans entrave et de ramener, soir et matin, des points de croissance quitte à aller les chercher même avec les dents. Est-ce que ça fait envie ?

La vérité si je mens 2 (Thomas Gilou 2001)
Comme dans nombre de comédies franchouillardes, la recette du bonheur est simple : des potes pour la vie, des nanas pour une nuit et du fric. Sauf que là, on doit faire un poil plus d’efforts que dans Brice de Nice ou Ah ! Si j’étais riche (où le fric tombe du ciel) et qu’on nous montre un tant soit peu, comment l’obtenir : en montant une arnaque à base d’usine en carton et de commande frelatée. Ou les relations d’affaires comme une gigantesque partie de bonneteau. Ou le plus vieux gag du monde (l’arroseur arrosé) adapté au libéralisme : l’arnaqueur d’aujourd’hui sera l’arnaqué de demain.

D’une même voix, Laurence Parisot et Ségolène Royal déplorent non seulement le parfum machiste de l’ensemble, mais surtout le manque de vision gagnant-gagnant dans cette façon d’entreprendre.


Tucker, the man and his dream (Francis Ford Coppola 1988)
Souvenir fort vague. Une affiche retrouvée sur le Net...

... me ferait dire qu’on risquerait de trouver là un exemple flagrant de « film soviétique américain ». Pour autant, film assez paradoxal : hagiographie contrariée d’un fabricant automobile de l’après-guerre, cousin oublié de Rockefeller et d’Howard Hughes qui voyait dans l’industrie le moyen de poursuivre ses jeux et rêves d’enfant. « Success story » en demi-teinte, minée par l’amertume d’un héros prométhéen qui avance envers et contre tout, mais en partie condamné d’avance, victime des lobbys, des trusts et des rivaux moins inspirés. En somme, victime de tous les « freins à la croissance » (mais en fait, surtout la sienne de croissance) possibles et inimaginables. Soixante ans avant, Tucker réclamait déjà que les 316 mesures du rapport Attali soient appliquées sans condition. En même temps, l’identification du réalisateur à son héros étant tellement évidente, il apparaît rétrospectivement assez louable que la croissance de l’ego de Coppola ait subi quelques nets coups de frein, parce que, sinon, devenu le parrain d’Hollywood ou « the last tycoon », on n’en pourrait plus.


Coûte que coûte (Claire Simon 1996)
Documentaire sur la déconfiture d’une PME de préparation de plats préparés, ou malgré une évidente bonne volonté et solidarité, c’est une fatale stratégie de l’échec qui semble à l’œuvre.

Dispositif simple mais diablement efficace (ne venir filmer que les fins de mois) qui fait des bilans, factures, payes et dettes d’incommensurables éléments de suspense (nos héros s’en sortiront-ils ce mois-ci ?), mais surtout ton singulier et plutôt inattendu. Finalement détaché, philosophe, à mille lieux de toute commisération ou apitoiement propre au « film de gauche ». Il faut dire qu’il ne s’agit pas ici de compter les points entre deux camps, mais de constater que patron comme salariés partagent par nécessité (voire par solidarité ?) la même galère. Le gouvernement actuel fait la fine bouche devant cette vision de « la petite entreprise qui connaît trop bien la crise ».


Weeds (série créée par Jenji Kohan 2005)
Une mère de famille se lance dans le trafic de haschich mais attention « à la Clinton », sans avaler la fumée. La série évite prudemment les dommages collatéraux (pas un junkie ou un simple dépendant à l’horizon, en tout cas dans la première saison) et se concentre sur un jeu de dupes entre adultes et ados. Pour autant, chaque épisode est l’occasion d’une petite séance de vulgarisation des joies managériales : établissement du siège social, recherche de clients et d’investisseurs, buzz marketing, communication et diversification, « plus produit » pour conserver une longueur d’avance sur la concurrence. Les leçons sont bien apprises, bien intégrées, saupoudrées au quotidien de l’american way of life de la même façon habile que Daft Punk intègre le marketing à sa musique. Un petit commerce qui suit son petit bonhomme de chemin, avec juste ce qu’il faut d’innovation pour ne pas péricliter, mais sans agressivité (on n’est pas des rapaces non plus). De toute façon, en Amérique comme ailleurs, le plus difficile des artisanats reste celui de la famille.



American Gangster (Ridley Scott 2007)
Variante de la précédente, mais version import-export, grande distribution et clientèle captive. Et un patron qui perd subitement son sens de l’humour dès lors qu’il est question de sa franchise (à tous les sens du terme d’ailleurs) et de la qualité de ses produits. Là encore, beaucoup de documentation sur le « gangstérisme » assimilé au plus performant des mécanismes économiques, mais faute de point de vue d’écriture et de réalisation, ce « gangstérisme, stade suprême du libéralisme » (quel beau brûlot, ça aurait pu être) tourne court. Frank Lucas pourra toujours plaider qu’il a ramené quelques points de croissance à Harlem, et créé quantité d’emplois dans le Bronx, mais sa seule ligne de défense, c’est finalement celle assez blasée (et effrayante) du film : « Deal is a dirty job but someone got to do it ». Tout comme notre Président a sermonné Jérôme Kerviel pour slogan mal compris (il s’agit juste de « travailler plus pour gagner plus », mais pas de ne « prendre aucun jour de vacances pour gagner beaucoup trop »), le Medef rappelle que Frank Lucas sort des critères du « manager de l’année » et est exclu de la compétition pour contrôle anti-dopage positif.


It’s a free world (Ken Loach 2007)
On ne sait si c’est la Palme ou la fréquentation d’Olivier Besancenot qui a donné une nouvelle jeunesse à Ken, mais toujours est-il qu’il signe sans doute là son meilleur film (même s’il y avait de belles choses dans Sweet Sixteen et The navigators) depuis Riff Raff (1991). Film ouvert à tous les vents, même les plus malaisants, où ce qu’il peut y avoir de sentimental, de moralisateur est assez vite contrebalancé par la révélation de dimensions inattendues aussi bien dans la complexité des personnages que dans l’efficacité cinématographique, puisque le film se paye même le luxe d’une escapade flippante dans le slasher movie.
Au tout début et à la toute fin, encadrant cette vaste palette qui paraît humblement mais sûrement se mesurer à la complexité de la mutation sociétale actuelle, la même scène...

... pour signaler que nous avons là affaire à un cycle inexorable : une séance de recrutement de travailleurs de l’Est menée par l’héroïne. Bien qu’apparemment identiques, une mutation dans le profil de l’héroïne, mais pas celle qu'elle attendait. Alors qu'elle pensait s'émanciper en montant sa boîte, elle en est rendue à la même aliénation. Valet au début. A peine sergent recruteur à la fin. Entre les deux, le parcours de ce petit soldat blairiste aura permis de faire résonner les mots de Büchner dans La mort de Danton (1835), qui s’ils parlent de la Révolution Française, s’appliquent sans doute aussi parfaitement au libéralisme dérégulé :

« Comme Saturne, [il] dévore ses propres enfants ».

PS : Il est vrai que le titre de ce blog lui-même pourrait être compris comme une exhortation à travailler toujours plus et à ouvrir les magasins le dimanche. Bon. Je rappelle que c’est le titre d’une chanson produite par un groupe dont j’avais surtout retenu l’aspect « chantier permanent », esprit assez proche du blog. Maintenant, j’ai peut-être un inconscient Medef au fond de moi… Rappelons tout de même qu’on y entend, dans cette chanson, une sentence définitive: « Peut-être, le mal du siècle, c’est l’emballage » à laquelle je ne peux que souscrire et complètement agréer.

samedi 24 novembre 2007

Sans âge

La semaine dernière avec V. on a vu l’un des plus mauvais films de l’année alors qu’on ne s’y attendait pas du tout. Dans le dernier Coppola, ce sont vraiment le kitsch et le pompiérisme qui sont « sans âge ». Expérience désagréable qui fait tout de même constater une évidence : la bizarrerie même de la filmo de Coppola. Totalement éclipsée par le fameux carré d’as des années 70 (la conversation apocalyptique des deux parrains), elle compte finalement davantage de grands films malades minés par l’auto-justification (Coup de cœur, Cotton Club, Tucker, Dracula, le Parrain 3 et donc ce dernier opus) que de réussites mineures et stimulantes (Outsiders, Jardins de pierre, son grand film crépusculaire, réalisé il y a déjà 20 ans) n’ayant donné au parrain barbu que quelques trop passagers regains de forme.

Il y aurait peut-être une certaine indulgence à voir un totem du cinéma américain reconnaître son tribut à la culture européenne de la première moitié du siècle, les figures ou réminiscences de Bergson, Proust, Joyce, Italo Svevo, Jung, Freud, Hermann Hesse et même… Einstein (le « tout est relatif » du twist scénaristique final) étant disséminées au cours du film… mais bon. La vraie méditation sur l’Histoire, le souvenir et la culture du vieux continent, elle se trouve dans Austerlitz de WG Sebald (et même dans toute son œuvre) dont le film de Coppola serait peut-être d’ailleurs une adaptation involontaire, mais bien pataude.

Nous aurions peut-être été moins sévère avec ce film pourtant attendu si quelques heures auparavant, nous n’avions pas vécu une expérience presque comparable à celle dont veut témoigner le film et autrement plus touchante.



Il s’agissait d’une rencontre, au Centre National de la Danse, avec un chorégraphe dont j’ignorais jusqu’à son nom Daniel Nagrin aujourd’hui âgé de 90 ans. Rencontre entamée avec la projection d’une série de courts-métrages enregistrant ses solos, pour certains créés il y a 60 ans. Ces courtes œuvres (dont une de Shirley Clarke Dance in the sun 1953, visible ici si le chargement n’est pas trop long) présentent de Nagrin la figure d’un danseur en majesté, à la fois classique et moderne, d’une technique irréprochable mais mise au service des vents fluctuants de l’inspiration. Un artiste de la synthèse, un esprit new-yorkais dans ce qu’il a de meilleur, le melting-pot dans un même corps : croisement d’influences et de techniques (mime, jazz, comédie musicale, flamenco, etc…).

Fin de la projection et échanges avec la salle. Le corps a près d’un demi-siècle de plus, sans doute moins souple mais pas rouillé : toujours aussi filiforme et tendu, d’un incroyable maintien (salle remplie de trentenaires plus voûtés que ce vaillant nonagénaire). Nagrin parle de son (auto)formation : comme tous les ados, des journées entières passées à danser devant la radio sauf qu’à force d’insistance et de curiosité…
Au fil de la discussion, instauration d’un vrai sentiment de partage surtout quand il évoque ses propres sensations ambivalentes, ce mélange de frisson et de grincement qu’il y a à se revoir dans le même espace, mais dans son corps d’avant. « It hurts ! » confesse-t-il tout juste en souriant avant d’esquiver (mais en mime) d’autres questions plus frontales sur le vieillissement.

C’est sûr, un type qui a écrit un bouquin délivrant une formule magique pour l’éternité…

… ne peut être que le seul, le vrai, l’unique, « l’homme sans âge ».

jeudi 1 novembre 2007

Sons cherchent images et plus…

Images…

… et sons…

… comme des gens …

… qui font connaissance en route …


… et ne peuvent plus se séparer.


Images : Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974)
Aphorisme : Notes sur le cinématographe (Robert Bresson 1975)
Son : La magistrale disjonction – déformation sonore de l’ouverture du film de Coppola n’est pas trouvable sur You Tube, mais ceux qui ont vu le film doivent s’en souvenir.
Sinon, il y a un autre extrait et la bande-annonce pour donner une idée de ce que j’évoque là.