Et pour rester dans le ton de la solitude et de la mélancolie footballistique, cette étonnante vidéo qui, comme son nom l'indique, refait la défaite, plan par plan :
jeudi 17 juin 2010
Solitude footballistique
Et pour rester dans le ton de la solitude et de la mélancolie footballistique, cette étonnante vidéo qui, comme son nom l'indique, refait la défaite, plan par plan :
vendredi 11 juin 2010
Futur déréglé
mercredi 29 avril 2009
Confusion, l'utopie Tati (films fantômes 1)
Etant entendu que les meilleurs films n'existent que dans la tête du spectateur, début d'une (mini) série sur quelques films fantômes, invisibles, inachevés mais porteurs évidemment des promesses les plus fantasmatiques.
Aujourd’hui, que vous ruminiez dans une file d’attente à la Poste ou que vous ayez huit heures de long courrier à occuper, que vous le vouliez ou non, on vous colle des images animées sous les yeux, un accompagnement audiovisuel comme palliatif à la perte de temps. C’est, entre autres, ce que prophétisait Confusion : le flot d’images et de sons pour assaisonner les temps morts, l’image, n’importe quelle image comme mastication visuelle, boule anti-stress oculaire. Rien de dire que cet ultime opus tatiesque gagnait sur ces chapitres (concordance des flux des images, accompagnement audiovisuel permanent, champ oculaire ayant horreur du vide) sa dimension prophétique. Dimension prophétique renforcée, sur le plan formel, par le mixte cinéma-vidéo (comme tiens, tiens, le Godard 70’s) et sa volonté d’aller chercher aussi bien l’esthétique (comme tiens, tiens, Nam June Paik) que son propos comique dans les dérèglements de l’outil vidéo: distorsions et quiproquos visuels basés sur les couleurs (comme une hilarante partie de foot où les 22 joueurs se retrouvent tous munis d’un maillot identique bicolore et biface). Si Tati est si économe en dialogues et fuit le mot d’auteur, c’est sans doute parce que chez lui (et plus particulièrement dans ce dernier projet), les jeux d’images fonctionnement encore mieux que les jeux de mots.
Déjà, Playtime stigmatisait un devenir télévisuel de la cité...
... quand Nam June Paik prévoyait l'avènement d'un homo televisanus.
Et de fait, Confusion exploite tous les sens et sous-entendus de son titre : mise en abyme (entre autres dérèglements, celui du tournage d’un film d’époque combinant méprises spatiale et temporelle), duplication, substitution entre l’original et la copie (autre hilarante visite de la capitale en car où à l’approche de chaque monument, le véhicule plonge dans un tunnel, contraignant les touristes à ne voir des fleurons architecturaux que des images vidéo sur le moniteur du bus) ... Et au-delà, un dynamitage en douce de la pyramide sociale (d’autant plus subversif qu’involontaire), une remise à plat nécessaire (pas si éloigné du « pas de côté » prôné par l’An 01 de Gébé), des élans libertaires qui toujours préfèreront la fusion douce (des corps et des désirs) à la fusion conne (des conglomérats et des entreprises). Derrière l’ivresse du dérèglement pointe l’ailleurs de l’utopie.
Une petite séance de casting pour le film ? (voir ici)
Face à un tel défi posé aux conditions même de la fabrication d’un film, quelle part de vie reste-t-il aujourd’hui d’un tel projet, plus de 25 ans après la disparition de son démiurge ? C’est sans doute le défi que s’est lancé Bruno Podalydés en proposant la lecture de Confusion, il y a une dizaine de jours à la Cinémathèque. Lire un scénario, c’est déjà concrétiser un fragment du projet du cinéaste. Si les lectures de scénarios deviennent de bons moyens de faire émerger des projets de débutants (notamment au festival d’Angers), le défi n’est-il pas autre chez Tati ? Comment restituer des tableaux plans larges foisonnants composés de multiples couches visuelles que l’on imagine composé avec un soin extrême ? Comment restituer un gag discret à l’arrière du plan qui fait mouche en moins d’une seconde et qui aurait besoin d’une demi page pour être décrit dans sa précision ? Un début de solution tient dans l’adjectif accolée à « lecture » : « bruitée ». Car chez Tati, heureusement que les sons sont là comme premiers repères, contrebalançant souvent, par leur précision cristalline, l’immensité de l’image. La partition sonore de Confusion apparaît comme référent à partir duquel se met en place l’espace du film. Si le film a (partiellement) existé dans la tête des spectateurs de cette lecture, c’est principalement grâce à cette trame sonore, suffisamment forte pour pallier le manque d’images. Bande sonore, qui même restituée de manière artisanale (entièrement doublée à la bouche, ce qui exige une certaine virtuosité de variations pour tous les bruits mécaniques), révèle sa densité propre à infuser les micro happenings agrémentés par Podalydés durant la lecture. Quelque part, tout cela m’a rappelé, sur un registre moins savant, les travaux musicaux de Georges Aperghis à la conjonction de la variation vocale et de la musique contemporaine électronique la plus sophistiquée.
lundi 23 février 2009
Si à 50 ans....
dimanche 21 septembre 2008
Mon oncle en vrai
mardi 16 septembre 2008
La perte du sens de l'humour à travers les âges (films de la catastrophe)
vendredi 14 mars 2008
L'esprit de la ruche
- « La structure même du Technocentre est assez flippante. Au milieu du bâtiment, il y a un énorme open space: la ruche. En fait, de tous les endroits du centre, on peut voir les gens qui font une pause pour prendre un café. Donc, comme l’ambiance est assez délétère, personne n’ose y aller, et ceux qui le font le traversent en courant. »
Un salarié anonyme de Renault – « Au technocentre, tout le monde est sous pression » Interview dans Libération du 13 mars 2008
***
Après requête Google images, il apparaît effectivement une étrange similitude entre l’espace de « la ruche » Renault…
… et celui-ci, qui n’est autre que….
… la prison Presidio Modelo à Cuba, construite sur le modèle du panoptique, dont, wikipedia dixit, le principe est de permettre à un individu d'observer tous les prisonniers sans que ceux-ci ne puissent savoir s'ils sont observés, créant ainsi un « sentiment d'omniscience invisible » chez les détenus. Méthode de surveillance économe qui ne demandait apparemment qu’à être appliquée dans le domaine du management.
Se manifeste là une certaine impasse de l’architecture moderne, génialement stigmatisée dans cette séquence de….
… Playtime (Jacques Tati 1967)…
... où s’il s’agit d’ouvrir au maximum l’espace, c’est pour mieux y cloisonner chacun. Où quand les « open spaces » se transforment en la plus redoutable des prisons, une prison qui, le soir venu, devient même domestique.mercredi 19 décembre 2007
Transporté
Bon cette hélice, quelque chose d’à la fois graphique et spatial, une sorte de synthèse entre le bi et le tri-dimensionnel, entre un espace et sa représentation. Ça tombe bien, exactement la base du cours : les rapports entre l’architecture, la ville, le paysage et le cinéma (en gros, une continuation de ce blog par d'autres moyens).
Avant : arrivé avec une heure et demie d’avance (évidemment, le campus paraissait tellement loin sur le plan, mais le bus est un « jet » comme ils disent là-bas). Du coup, déambulations « à la Elephant » dans les couloirs de l’école, l’une des rares en France à vraiment faire preuve d’ambition architecturale. Incroyable paradoxe : les écoles d’archi en France – sauf peut-être les toutes récentes - sont les lieux d’enseignement où l’espace est le plus mal traité et ne semblent connaître comme matériau que le parpaing et le préfa. Heureuse exception ici donc : une sorte de cloître contemporain ouvert sur la pinède dont la fluidité des espaces semble d’elle-même appeler la dolly et la steadicam.
Pendant : tout ce qu’on avait oublié de l’ambiance étudiante (c'était pourtant, il n'y a pas si longtemps) qui revient à la surface. On a tous quitté un amphi en milieu de cours, mais maintenant qu’on est passé de l’autre côté, ça fait drôle. Et puis le prof est (forcément) contagieux, d’où absolument personne assis aux cinq premiers rangs. Et puis les brouhahas qui augmentent tandis que je galère pour retrouver les extraits au milieu du DVD (salaud de time-code, tu vas t’afficher !), ma crispation perceptible, parfois le sentiment de voir mes points de QI passer à travers la passoire de mon cerveau, des élèves qui désertent devant Antonioni, mais d’autres qui rient devant Tati et Elia Suleiman (vraiment de l’humour pour architectes), un « wah c’est beau » devant Le vent nous emportera (étudiant esthète, tu es mon ami) et puis plusieurs « ouais » quand j’annonce que je termine avec des clips de Gondry (mais en préparant un tel coup, n’utilise-je pas le même stratagème que le prof d’allemand qui veut bien se faire voir de la 5emeB en lui faisant apprendre les paroles de Tokio Hotel ?). Pas beaucoup plus de réactions, d’où quelques regrets de ne pas les avoir suscitées davantage, d’autant plus que j’ignorais tout de leur degré de cinéphilie… Je ne saurais donc jamais si comme tout le monde aujourd’hui, ils ont trouvé Wenders daté ou si, comme moi à leur âge, ils ont été hypnotisés par l’Etat des Choses (mais l’extrait que je leur ai montré était quand même bien trop court).
Après : un point commun entre plusieurs des extraits que j’ai projetés me saute enfin aux yeux.
De L’Homme à la caméra (Dziga Vertov 1929)…
… au clip Guitar Man (Michel Gondry pour les Chemical Brothers 2002),
en passant par ...
Playtime (Jacques Tati 1967)
Stalker (Andrei Tarkovski 1979)
... et The World (Jia Zhang Ke 2005)
… si des films nous plaisent, ce n’est pas parce qu’ils « avancent comme des trains dans la nuit » (Truffaut) mais, comme l'attestent la présence de ces tramways, trains de banlieue, bus, draisine ou monorail, parce qu’avec eux « on est sûr de prendre le meilleur transport en commun » (Godard).
Peut-être que pour être totalement transporté, il ne me manquait plus que l'hélice croisée au détour du couloir se mette à tourner et à imiter le mouvement de l'hélicoptère.
Bon, je n’ai pas la phrase exacte de Godard (quelqu’un l’a ?) mais je me souviens très nettement l'avoir entendu proférer une telle métaphore dans « Cinéma – Cinémas ».
mardi 31 juillet 2007
Fiction versus documentaire : Playtime (1967) versus Forza Bastia (1978)
Right man at the right place but in a wrong situation, Tati a sans doute secrètement béni les dieux pour le déluge tombé deux heures avant le coup d’envoi et surtout pour que l’arbitre ne reporte pas le match. Si l’inauguration du restaurant Royal Garden de Playtime et cette finale avaient été repoussées de 24 heures, les choses se seraient sans doute mieux passées, mais il n’y aurait pas eu de gags, et partant, pas de film.
Forza Bastia, c’est « 24 heures de la vie d’une préfecture», jumelle insulaire du Saint-Maur de Mon oncle, mais qui vit sa journée sur les mêmes soubresauts que la métropole de Playtime. Matinée calme, journée bon enfant jusqu’à que ce que tombent la nuit, le déluge et que tout se dérègle, petit à petit mais en impliquant de plus en plus de monde.
Le burlesque du match dans la gadoue et des ballons bloqués dans les flaques d’eau intéresse finalement peu Tati. Ce qui porte réellement sa marque, c’est exactement comme dans Playtime la captation du rythme de la ville et cet aller-retour entre ce que la foule impose et ce que l’individu peut encore inventer.
Cette façon de scander le temps par le rythme des déplacements, cette fascination pour le manège des voitures et le du cortège mécanique.
Cette dérisoire application des gestes absurdes de la réparation, tout autant Shadocks que Sisyphe.
Même si Forza Bastia n’est peut-être pas autre chose qu’une note de bas de page au bas d’une filmo chiche mais exemplaire, il éclaire d’un jour assez singulier la dite filmo. Comme si, pour la toute dernière fois où il touchait une caméra (et la toute première où il s’essayait au documentaire), Tati tenait à prendre l’exact contre-pied de sa maniaquerie, de sa démesure sublime qui fait de Playtime à la fois un aboutissement et une malédiction. Au diable, les décors pharaoniques, la maniaquerie des cadres, les mouvements de foule chorégraphiés, le tournage interminable au rythme d’un plan par jour et pour une fois, libérons-nous de notre phobie de chef d’orchestre des corps et des mécaniques, soyons heureux de fureter et d’attraper au vol. Méthodes de travail radicalement différentes, films dont la facture est a priori aux antipodes pour finalement constater une persistance de propos et de regard, qui dépasse le contexte des films.
Bien la preuve qu’il n’y a pas d’épiphanie du documentaire et que quand le réel croise l’œil d’un cinéaste, c’est toujours ce dernier qui le tord à sa manière.