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jeudi 9 avril 2020

La nature reprend ses droits

A la fin de La Ballade de Bruno (Stroszek en VO, 1977), Bruno S. (l'interprète de l'inoubliable Kaspar Hauser dans un précédent film de Werner Herzog, tourné trois ans avant) - qui s'était échappé de Berlin pour arriver dans un Wisconsin désolé -  laisse tout en plan...
Avant de (peut-être) disparaître, il se rend dans une étrange attraction foraine où des animaux en cage effectuent de piteux numéros : un canard appuyant sur les touches d'un piano miniature, un lapin aux commandes d'une voiture de pompiers et cet incroyable poulet dansant... (pour lequel on a un peu mal tant le pas de danse semble être produit par des stimulations électriques dans les pattes, j'espère me tromper en  écrivant cela).



(cette vidéo est un montage des différentes apparitions du poulet. Un extrait plus long ici).

Ce sont sur ces images déroutantes que s'achève le film, laissant ouverte la boîte aux métaphores ("nous sommes tous cet animal pathétique, coincé dans un spectacle absurde qui n'intéresse personne"). Avec, au-delà du raisonnement, cette incroyable note d'humour cruel qui balaye toutes les interprétations.

32 ans plus tard, Herzog  est de nouveau en  Amérique, de nouveau dans un territoire blessé (La Nouvelle-Orléans post-Katrina) et voilà qu'au détour de la série B déjà bien azimutée, Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans (2010) il nous sort le règlement de comptes le plus dingue de ces dix dernières années :



Surprise, même musique ! Et même génie du bestiaire!

Cette musique a sans doute un sens particulier pour Herzog, mais lequel ? On se perd en heureuses conjectures sur les raccords entre les deux extraits. Cette musique "soul" pour du cinéma "saoul", il n'y a rien de plus joyeux. Herzog a-t-il voulu glisser un discret hommage à Bruno S. ? Aurait-t-il reconnu chez Nicolas Cage la même dinguerie poétique ? Par la musique, les deux acteurs, toujours au bord de la brèche, seraient-ils devenus des frères de jeu ? On préfère faire venir les questions plutôt qu'y répondre. 
Leurs âmes vacillent, toujours au bord de la rupture. Flammes chahutées, toujours au bord de l'extinction, elles ne s'éteindront jamais, se consumant toujours en musique.     

vendredi 2 avril 2010

Kung fu claquettes

"For me there are what I call essential films : kung fu, Fred Astaire, porno. (...) It is the moving image per se that is the message in this kind of films, the way that the films simply moves on the screen without asking you questions."

Werner H. in Herzog by Herzog, 2002

***

Découvert ces propos d'Herzog (avec une pique collatérale à Godard), il y a deux jours via Wildgrounds. Ils me séduisent, en même temps qu'ils me paraissent réducteurs (mais sans doute devrais-je lire l'ouvrage en entier pour m'en faire une idée plus précise). Ils me séduisent parce qu'au fond, je me demande encore et toujours quel est le degré d'innocence des images au cinéma, s'il est encore possible que des films (ou simplement des séquences) tiennent absolument toutes seules sur l'écran, sans référent, sans discours, sans effet rhétorique. Cette idée de revenir à l'image se justifie pour et par elle-même dans le simple enregistrement de son mouvement, c'est toujours excitant. En même temps, je ne vois pas très bien en quoi il faudrait limiter ce type d'émotions à des (sous-) genres particuliers, qui plus est, des genres disparus ou ayant mauvaise réputation, présentant donc l'immense avantage de ne pas être investi (voire pollué) par la glose cinéphilique. Je suis assez perplexe devant ce discours militant pour le non-discours, mais sans doute faudrait-il que je m'aventure un peu plus dans les propos (et la filmo) d'Herzog pour les faire mieux résonner.

En attendant, ces propos (qui m'ont aussi rappelé la quête de Tsaï Ming-Liang dont le mix burlesque, porno, comédie musicale de La saveur de la pastèque cherche à revenir à une essence des corps au cinéma) ont fait naître dans mon esprit l'envie d'un beau duo - duel :


... comme ils m'ont rappelé le beau final en claquettes d'un film d'art martiaux :



Zatoichi (Takeshi Kitano 2003)

***
Rajout : Sur Facebook, un habitué de HK Cinemagic (que je remercie chaleureusement) me fait découvrir cet extrait de kung-fu (qui évite malicieusement d'être) classé X :



Chinese torture chamber story (Bosco Lam 1994)

Reste que le fantasme ultime du film kung-fu, sexe, claquettes devant lequel Werner Herzog déposera les armes, reste toujours à concrétiser. Avis aux téméraires qui voudraient relever le défi.