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vendredi 20 juin 2008

Road Trips

Il n'y a qu'au cinéma où quand on emprunte l'autoroute, on peut ressentir de telles expériences, des "trips" aux deux sens du mot. Trois exemples. Trois capitales.

ROME (rentrer dans...)
Pour parvenir à la ville éternelle, il faut braver le déluge. Highway to hell ? Mais l'Enfer de Dante, alors...

Roma (Federico Fellini 1972)


TOKYO (tourner autour de...)
Quand tourner en rond sur les boucles d'asphalte devient une expérience chamanique. Une voiture, ça ne sert plus à rouler, mais à planer.


Solaris (Andrei Tarkovski 1972)


MEXICO (fuir...)
Sortir de la trace de l'autoroute pour respirer l'air du chemin de la pampa. Tout cela au rythme d'une fugue musicale qui est aussi une fugue motorisée.

Japon (Carlos Reygadas 2002)

dimanche 16 mars 2008

Zooms cosmiques

Powers of ten (Charles and Ray Eames 1977) : rendre le cosmos intime.

***

Solaris (Andrei Tarkovski 1972) : transformer l'intime en cosmos.

mardi 11 mars 2008

Le voyage est une affaire de travelling (Le travelling est une affaire de voyage, ça pourrait aussi fonctionner, non ?)

Déjà tentée par quatre garçons dans le vent, il y a une quarantaine d’années, l’expérience de la quête spirituelle pop est à nouveau expérimentée par les trois frères du Darjeeling limited (Wes Anderson 2008 - sortie le 19 mars).
A gauche: Jason Schwartzman, Adrien Brody et Owen Wilson
A droite: des sosies d'il y a 40 ans.
En profond désaccord avec les Cahiers (qui se la jouent déjà ex-fan) et à l’inverse de Michel Ciment (qui voudrait lui, WA pas MC, faire arrêter le cinéma), je trouve chaque film de Wes Anderson meilleur que le précédent. Pourquoi alors qu’a priori, tout son cinéma cumule tout ce qui, en général, m’agace profondément (goût de la vignette, recherche du décalé à tout prix, maniaquerie bricolée, fétichisme du décor) ?

Bon, je reconnais que j'avais un peu peur, que l’esthétique ligne claire (que l’on lui connaissait de ses précédents films)…



... mêlé à l’usage de clichés exotiques (mais avec l’excuse que comme Hitchcock, il vaut mieux « partir du cliché que d’y arriver »), ça n'aurait pu donner que ça :


Mais non. Pas besoin de rentrer dans les détails pour relater la grande richesse de The darjeeling limited. Disons qu'elle tient parfaitement en une maxime paradoxale (que je me suis permis de piquer ici) :

The traveler sees what he sees,
The tourist sees what he has come to see.

GK Chesterton


Car la grande émotion du film vient justement se nicher dans l’écart entre une idée préconçue (que l’on se fait d’un frère, d’un parent, d’un pays) et ce que l’on découvre de lui, entre « what you have come to see » et « what you see ». De la prise de conscience de ce décalage naissent d’autres écarts qui structurent le film : celui entre ce qui semble y être programmé sur les rails et ce qui se passe sur les bas-côtés, celui entre la comédie parfaitement réglée et l’irruption du drame, plus généralement l’écart à combler entre l’enfant abreuvé de BD, jouant fort sérieusement avec ses trains électriques et ses maquettes de bateaux et le même devenu cinéaste et capable d'enfin manipuler ses jouets grandeur nature.


Pas étonnant que cet écart, ce chemin à parcourir soit, dans ses deux derniers films, constamment relayé, au niveau de la mise en scène par l’usage virtuose du travelling latéral, révélant à chaque fois la scénographie de lieux pourtant étriqués, sans profondeur (couloirs de trains, bateaux, sous-marins) et surtout leur dimension théâtrale, leur coulisses comme leurs espaces de représentation.

***
Sinon, toujours à propos de trains et de voyages :

- Il est vrai que la citation de Chesterton colle aussi parfaitement à cette célèbrissime séquence qui donne, comme rarement et en seulement quelques minutes, l’impression du voyage, du dépaysement et manifeste surtout une avidité à vouloir tout regarder dans un paysage, comme s'il était vu pour la première fois.

- Je découvre ce matin, ce projet ferroviaire et architectural, que je me veux d’avoir raté (alors qu’il a dû être copieusement et médiatiquement annoncé). Je trouve le rhabillage de ce train, plus généralement le travail de ce collectif de jeunes architectes Encore Heureux d’une grande fraîcheur et d’une grande poésie. D'ailleurs, leur projet DROMAD'AIR, compagnie de "tourisme urbain à dos de dromadaires" est aussi très wesandersonien.

mercredi 19 décembre 2007

Transporté

Cette hélice ou ces pales de moulin à vent...
... c’est la figure géométrique que j’ai croisée au cours de mes déambulations dans les espaces de circulation de l’Ecole d’Architecture de Marseille, où j’ai donné un cours ce lundi.
Bon cette hélice, quelque chose d’à la fois graphique et spatial, une sorte de synthèse entre le bi et le tri-dimensionnel, entre un espace et sa représentation. Ça tombe bien, exactement la base du cours : les rapports entre l’architecture, la ville, le paysage et le cinéma (en gros, une continuation de ce blog par d'autres moyens).
Bon ce cours, toute une histoire.

Avant : arrivé avec une heure et demie d’avance (évidemment, le campus paraissait tellement loin sur le plan, mais le bus est un « jet » comme ils disent là-bas). Du coup, déambulations « à la Elephant » dans les couloirs de l’école, l’une des rares en France à vraiment faire preuve d’ambition architecturale. Incroyable paradoxe : les écoles d’archi en France – sauf peut-être les toutes récentes - sont les lieux d’enseignement où l’espace est le plus mal traité et ne semblent connaître comme matériau que le parpaing et le préfa. Heureuse exception ici donc : une sorte de cloître contemporain ouvert sur la pinède dont la fluidité des espaces semble d’elle-même appeler la dolly et la steadicam.

Pendant : tout ce qu’on avait oublié de l’ambiance étudiante (c'était pourtant, il n'y a pas si longtemps) qui revient à la surface. On a tous quitté un amphi en milieu de cours, mais maintenant qu’on est passé de l’autre côté, ça fait drôle. Et puis le prof est (forcément) contagieux, d’où absolument personne assis aux cinq premiers rangs. Et puis les brouhahas qui augmentent tandis que je galère pour retrouver les extraits au milieu du DVD (salaud de time-code, tu vas t’afficher !), ma crispation perceptible, parfois le sentiment de voir mes points de QI passer à travers la passoire de mon cerveau, des élèves qui désertent devant Antonioni, mais d’autres qui rient devant Tati et Elia Suleiman (vraiment de l’humour pour architectes), un « wah c’est beau » devant Le vent nous emportera (étudiant esthète, tu es mon ami) et puis plusieurs « ouais » quand j’annonce que je termine avec des clips de Gondry (mais en préparant un tel coup, n’utilise-je pas le même stratagème que le prof d’allemand qui veut bien se faire voir de la 5emeB en lui faisant apprendre les paroles de Tokio Hotel ?). Pas beaucoup plus de réactions, d’où quelques regrets de ne pas les avoir suscitées davantage, d’autant plus que j’ignorais tout de leur degré de cinéphilie… Je ne saurais donc jamais si comme tout le monde aujourd’hui, ils ont trouvé Wenders daté ou si, comme moi à leur âge, ils ont été hypnotisés par l’Etat des Choses (mais l’extrait que je leur ai montré était quand même bien trop court).

Après : un point commun entre plusieurs des extraits que j’ai projetés me saute enfin aux yeux.

De L’Homme à la caméra (Dziga Vertov 1929)…

… au clip Guitar Man (Michel Gondry pour les Chemical Brothers 2002),
en passant par ...

Playtime (Jacques Tati 1967)

Stalker (Andrei Tarkovski 1979)

... et The World (Jia Zhang Ke 2005)

… si des films nous plaisent, ce n’est pas parce qu’ils « avancent comme des trains dans la nuit » (Truffaut) mais, comme l'attestent la présence de ces tramways, trains de banlieue, bus, draisine ou monorail, parce qu’avec eux « on est sûr de prendre le meilleur transport en commun » (Godard).

Peut-être que pour être totalement transporté, il ne me manquait plus que l'hélice croisée au détour du couloir se mette à tourner et à imiter le mouvement de l'hélicoptère.

Bon, je n’ai pas la phrase exacte de Godard (quelqu’un l’a ?) mais je me souviens très nettement l'avoir entendu proférer une telle métaphore dans « Cinéma – Cinémas ».