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vendredi 29 mai 2020

Patrimoine immatériel

On a appris, il y a quelques jours que le mythique stade de San Siro à Milan allait être détruit. Le plus étonnant est que l'avis de la commission régionale dépendant du Ministère de la Culture italien, avait qualifié le bâtiment de "sans intérêt culturel".

Objection, votre honneur !

L'intérêt culturel du stade ne réside pas uniquement dans sa mémoire footballistique, mais bien artistique, puisqu'il accueille la plus belle oeuvre d'Op'Art involontaire des cinquante dernières années.

(Alors, est-il prévu de reconstruire, au moins une des colonnes d'accès ailleurs, et de la conserver comme installation ? A la manière du spécimen du Pavillon Baltard déplacé à Nogent, après l'éventrement des Halles.) 


La vidéo est de Paola Di Bello.
(J'en avais déjà parlé, il y a, mon dieu, douze ans ! Bon, je promets de revenir bientôt avec des choses plus neuves.)

vendredi 1 mai 2020

La porte du labyrinthe

Bonne blague twitter avec cet effet spécial simplissime, ce jeu sur l'arrière-plan qui fonctionne toujours. Rentrer par inadvertance et se déranger soi-même, voilà un imparable gag à double fond qui a de quoi rendre jaloux Charlie Kaufman.

Créer le vertige par un simple jeu d'ouvertures et de fermetures de porte. Rentrer en soi comme dans un labyrinthe, c'était déjà le défi virtuose de ce passage d'Opération Peur (Mario Bava 1966). On a beau ouvrir frénétiquement des portes, on ne sort jamais de la même pièce, encore moins de son propre espace mental. Pousser la porte, c'est glisser dans le dédale de sa propre schizophrénie.

Un acteur qui court derrière un figurant, un jeu de costume identique, et comme seul effet spécial, le rythme musical des panoramiques de la caméra. Il ne faut pas grand chose, finalement pour créer un vertige.




Autre petit labyrinthe architectural, celui rencontré par Jackie Chan dans Mister Cool (Sammo Hung 1997). Dans le recoin d'un immeuble en chantier, une zone soudainement plus architecturée : une trame de parois grises et de portes bleues. Idéale pour semer l'ennemi. La séquence prend des allures de bonneteau visuel. Hop, hop, hop, derrière quelle porte est passé Jackie ? Impossible de retrouver ses repères dans le rythme des claquements, ouvertures et fermetures. Qu'y a-t-il derrière la porte bleue : un adversaire? un allié? un coup de poing? une grimace? 
L'espace en devient un quadrillage presque abstrait, animé par le surgissement de blocs bleus sur ce fond grisâtre.  

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Il est toujours amusant de croiser, au détour de films a priori de pur divertissement, des éléments de décor qui ressemblent à des installations d'art contemporain.



Ainsi, ce petit labyrinthe de Jackie Chan évoque pour moi le Labyrinthe Initiatique de Laurent Parienté (1997), agencement de parois de plâtre blanc, aux multiples pans, recoins et perspectives biaises. Quelle poursuite infinie aurait-on pu tourner là-dedans ?

vendredi 6 mai 2016

Musicless

Elles ne sont pas toujours réussies, les musicless videos de Mario Wienerroither, mais quand elles le sont, ça donne des vrais moments réjouissants où le mix de chorégraphies et d'onomatopées atteint une certaine légèreté potache et absurde (voir Bowie et Jagger).

L'une des plus étonnantes est celle du Hello de Lionel Richie :



Sans la musique, l'inconscient de la narration du clip saute aux yeux. La bluette est remplacées par une pure histoire de harcèlement, presque dans la descendance de De Palma. Comme le dit un commentaire You Tube : 

" A disenchanted community college tutor becomes obsessed with stalking and harassing a blind student, whils simultaneously pursuing a romantic relationship with her. She creates a sculptured likeness of him as a gift, and is about to present it to him when her stalker reappears. In terror, she confronts him - only to discover that he possesses the same features as her tutor. Suffering from a form of Stockholm syndrom, she breaks down and submits to his depraved psychological domination." It is the best 80s psychological thriller they never made !"

Tenons-nous là peut-être un jalon involontaire du thriller psychologique des eighties ?

Mais surtout, ces musicless videos me rappellent encore le souvenir d'un cinéaste oublié, Hal Hartley, qui dans Surviving Desire (1993) inventait une danse de chat et d'équilibriste, tout ça sans musique et avec quelques chuchotements, bref inventait déjà sa "musicless dance" :




Hal Hartley, déjà maître des séquences dansées, est peut-être finalement le chaînon manquant entre Godard et les memes internet. Ca lui confère sa place, sa place à part dans l'histoire du cinéma.

lundi 25 mars 2013

Korine en gifs

Il y a quelque chose de tellement éparpillé dans le cinéma d'Harmony Korine que ses meilleurs moments se trouvent finalement peut-être sur le Net, dans ses clips très inventifs ou certaines vidéos démunies et poignantes. L'idée communément admise sur Korine, c'est celle d'un petit laborantin limite régressif à l'inspiration irrégulière, produisant tant bien que mal une oeuvre erratique et brouillonne traversée de quelques éclairs de génie. Or, on a beau avoir été saisi par la fulgurance de Gummo (1998), être resté sceptique sur Mister Lonely (2007) et Trash humpers (2009), et trouver par ailleurs Julien Donkey Boy (1999) plutôt sous-estimé, difficile de dire ce qui relie ces films entre eux. La cohérence de Korine serait peut-être plus à chercher du côté de ses formes courtes. Beaucoup d'elles jouent la carte du foutraque bricolé mais étrangement, l'ensemble dessine quelque chose d'assez consistant, qui opère des sutures assez inattendues entre les longs-métrages (voir par exemple Umhini Wam avec Die Antwoord qui opère la jonction entre Trash humpers -pour l'errance destroy et puérile- et Springbreakers - pour l'onirisme fluo).

Mais ce qui frappe surtout avec ces formes courtes (pour ma part, beaucoup (re)découvertes en rédigeant l'article "Korine en morceaux" dans les derniers Cahiers), c'est de voir comment Korine passe d'un registre d'images à l'autre et expérimente des inventions dans des contextes différents.

Je prends l'exemple d'un clip et d'une pub, à la fois très proches dans leurs principes et très différents dans les impressions (et émotions) qu'ils produisent.

Les images de Korine que je trouve parmi les plus fortes et les plus simples à la fois, c'est celles de son sublime clip pour Bonnie Prince Billy No more workhorse blues (2004).




Sur ce blues engourdi et minimal, les images délavées et bégayantes de Korine jouent sur plusieurs registres: l'insolite (la partie de squash, la mariée fantôme), le documentaire (l'Americana des bas-côtés), l'hallucinatoire (ces images "pré gifs animés" qui mises, bout à bout, produisent un effet quasi stroboscopique). En faisant appel à ces diverses résonances tout en restant très simple, le clip a l'air de débarquer d'une lointaine contrée de pure étrangeté, d'un pays d'onirisme délavé, d'un substrat d'imaginaire pauvre, digne et éraillé, autant de qualificatifs qui qualifieraient idéalement la voix de Will Oldham. 

Mais ce filou de Korine ne s'arrête pas là puisqu'il reprend le même principe "pré gif animé", cette fois pour une pub tournée en 2008, soit quatre ans après ce premier clip.



L'univers est beaucoup plus lisse (qui a dit Jean-Pierre Jeunet ?), plus facilement séducteur, sympathique mais moins ensorcelant que le clip. La répétition bégayante des images n'apparaît plus comme une recherche plastique, mais comme un simple procédé tendu vers sa propre petite résolution. Et malgré tout, on ne peut pas non plus faire à Korine le procès du cynisme.

Car si ce second cas est ouvertement plus mécanique, moins dissonant, moins foncièrement émouvant, il combine tout de même deux sens assez imparables et pas toujours compatibles : celui de la chorégraphie mais aussi celui de l'humour (il y a quelque chose d'assez proches des sauts des Voisins de Norman Mc Laren (1952) dans le flottement éternel des ballons, danseurs, cyclistes, etc).

En passant du clip rêche et démuni à la pub presque clinquante, en passant d'une esthétique de la déglingue à une petite mécanique trop bien huilée, Korine apparaît peut-être comme le moins "puriste" des fabricants d'images contemporaines. Et en même temps, chacune de ces petites formes tient presque d'une sorte d'épure expérimentale ouvertement accommodée à des impératifs fun / fashion / commerce. C'est tout le paradoxe de Korine: assumer l'impureté des images du monde contemporain pour doter ses propres images d'une sorte de nouvelle clarté, une clarté toujours un peu corrompue mais dans ses moments les plus forts, tout de même assez irradiante.

vendredi 20 juillet 2012

Pastilles


Le générique des Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy 1964), c'est quand même la plus belle synthèse entre la musique jouée (par Michel Legrand) et écrite (les parapluies comme des notes de couleur qui ont l'air de se mouvoir sur une partition sans portée). Qu'est-ce que l'on voit au juste? Un simple ballet de parapluies? Ou l'incarnation d'un exact intermédiaire entre des "notes" de musique et des "touches" de peinture en mouvement. Un peu de tout cela à la fois, surtout un pur morceau de cinéma qui emprunte aussi bien au théâtre (le violent panoramique vertical descendant du début donne l'impression que la vue sur Cherbourg est tombée comme un vieux rideau de scène escamoté et que nous sommes désormais sur le plateau nu), à la peinture, à la musique et à la chorégraphie. Une véritable, même si elle est très modeste, oeuvre de synthèse, qui quelque part se paye aussi le luxe de remettre en cause les idées reçues sur les différentes disciplines. Qu'est-ce après tout que la peinture, si ce n'est de la couleur qui bouge , et la musique si ce n'est des notes jamais fixées ? Foin d'une telle interrogation, cette impeccable scénographie abstraite, avec sa science des croisements, des frôlements et des rendez-vous manqués, paraît condenser toute l'intrigue du film à venir, et invite même les amoureux dudit film à la décrypter rétroactivement, pour voir si tout, à l'image du fatum, était déjà écrit.


C'est marrant, parce que ce générique, si ça se trouve, c'est aussi une "réponse" à celui de James Bond contre Docteur No (Terence Young 1962) conçu par Maurice Binder.



Et tant que nous sommes dans le syncrétisme entre géométrie, jeux de compas, rythme des couleurs et de la musique, je mets aussi cette animation conçue par Philip Glass pour l'émission Sésame Street en 1979.



Si l'on enlève tout les dialogues d'un Rohmer (Pauline à la plage en l'occurrence), mais que l'on cherche à en restituer graphiquement la progression dramatique ? Il en reste cette planche, qui elle aussi, figure en quelques pastilles les attractions, les attirances et les stratégies de contournement de la dynamique rohmérienne.

C'est le travail d'une jeune graphiste, Mathilde Lesueur (voir son travail sur "lire le cinéma", une analyse de l'espace et du mouvement dans divers films, retranscrits de manière uniquement graphique). J'aime assez ce que produit cette condensation visuelle, donnant à voir comment la rigueur scientifique des scénarios de Rohmer génère de la complexité. La signalétique ne donne du film que le squelette, la chair étant amenée par les mots et la lumière. Mais ce que j'aime aussi, c'est de voir, quand on s'approche des différentes "cases", comment chacun des personnages occupe un territoire affectif, voire mental, qui transforme le marivaudage en jeu de go solaire et littéraire.  




Tout cela invente l'exact intermédiaire entre le roman-photo et le schéma de navigation sur la Carte de Tendre..., ce qui je pense, aurait été loin de déplaire à Rohmer... (même si je m'avance en disant cela)....


mercredi 18 juillet 2012

Danse avec la technologie

Qu'est-ce qui rend la séquence "performance capture" d'Holy Motors si singulière ? C'est qu'elle joue sur plusieurs types d'émotion: celle de la pure expérimentation (prendre un outil contemporain du cinéma et le tester, comme pour une première approche) et celle des retrouvailles (rejouer 26 ans plus tard et sur un mode technoïde la course dansée de Mauvais Sang). C'est somme toute la quête de Carax: retrouver et faire partager une "seconde première fois", qui plus est en reliant ses propres obsessions formelles à toute l'histoire du cinéma (relier ces réminiscences de Mauvais Sang à l'hommage à Etienne-Jules Marey).

1890

Mais entre ces deux courses - qui sont aussi deux expériences de laboratoires, réalisées dans des boîtes noires (la première studio de cinéma, la seconde fond vert)- quelque chose a changé. Les éléments se sont dissociés. Une certaine idée de l'harmonie s'est évaporée. Les deux séquences visent bien la pure abstraction (ne plus parvenir qu'à un mélange abstrait de vitesse(s), de rythme(s) et de couleurs), mais dans Mauvais Sang, cette rythmique était encore liée à un décor construit, à un environnement que l'on pouvait parcourir (je me suis d'ailleurs toujours demandé quelle taille pouvait faire le studio tant la rue me paraissait longue et la course infinie). Dans Holy Motors, nous sommes passés de la dépense physique à la pure simulation. Le coureur reste immobile et l'on attend en vain que le fond vert propose un décor identifiable contextualisant son échappée. Au contraire, la machine semble à la fois déjà fatiguée (elle ne propose d'abord que des bribes, des lambeaux de formes) et impatiente (elle s'emballe soudainement et parvient immédiatement à la fureur stroboscopique). Pour son premier essai, la technologie devient indomptable, prédatrice. C'est aussi ce qui fait la beauté sauvage de cette séquence : la victoire par épuisement de la machine sur le danseur. Lui-même paraît comme éjecté de la trace qu'il n'aura retrouvé que l'espace d'un instant. 


1986

2012

C'est aussi ça ce que raconte Holy Motors, au travers de sa succession de rendez-vous manqués (pas un segment du film où ne plane le spectre de l'échec) : la douleur à payer pour retrouver l'ivresse de la première fois, de la première trace. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, mais on peut se damner pour retrouver quelques pas de la première danse.


C'est amusant parce que ce travail plastique autour d'une danse qui aurait affaire à la technologie, qui intègrerait dans sa chorégraphie les traces du mouvement, qui donnerait une inscription au sillon corporel, ça me rappelle d'autres images. 

Il y a d'abord ce clip de Zbigniew Rybczynski All the things she said pour Simple Minds en 1986. Bon, la chanson, vous en pensez ce que vous voulez (même si je dois confesser un penchant coupable), mais j'aime assez ces effets kitsch de reflets et d'échos (très à la mode dans le milieu des années 80, remember Platine 45 musiqué par Jacno). Parce qu'au-delà de l'effet de saturation, il y a aussi un jeu, plus savant qu'il n'en a l'air, sur la perspective. On n'a pas le temps de fixer son attention sur une figure que déjà, elle est recouverte par une nouvelle. En fait, le mouvement est toujours perçu avec un léger décalage et en suivant des yeux les figures qui partent vers le fond, on privilégie l'écho au mouvement. Chacune des figures vit sa vie. Elle n'est pas juste la réplication de la précédente.



Le mouvement n'est pas qu'une décomposition, où toutes les étapes sont égales, mais une somme d'ondes déformées. Somme toute, ce clip, c'est une décomposition à la Etienne-Jules Marey, mais remis en scène dans une perspective conique. En ce sens, c'est presque une anamorphose, une déformation à la fois plastique et scientifique, quelque chose situé dans un espace intermédiaire entre les vues de profil de Marey et l'espace "objectif" de la performance capture. 


L'autre (série de) vidéo(s) qui m'est revenue à la mémoire devant Holy Motors, ce sont les Improvisation Technologies réalisées en 2003 par le chorégraphe William Forsythe pour le ZKM (Centre d'art et de nouvelles technologies de Karlsruhe) et dont on peut voir l'intégrale ici.

Ce que je trouve très beau dans ces très courts modules, c'est l'usage finalement très simple de la technologie utilisée simplement comme palette graphique, mais qui révèlent avec une incroyable évidence à quel point la chorégraphie n'est rien d'autre que de la géométrie dans l'espace (particulièrement à la danse de Forsythe très millimétrée, mais je pense que cela dépasse son cas). 

Il y a une série de quatre vidéos sur "the avoidance" (l'évitement) que je trouve finalement très proche de l'émotion du Carax cybernétique. Elles montrent simplement que la chorégraphie nait d'elle-même dès lors que le corps a décidé de contourner certains obstacles invisibles.

Cet obstacle, ça peut être une calligraphie invisible que l'on trace à la pointe de son bras. Danser, ce serait donc tracer des signes dont on est l'auteur, mais dont il faut se tenir éloigné.




Cet obstacle, ce peut être aussi son propre corps (ou plutôt sa propre empreinte corporelle) que l'on s'échine à contourner.





Si je résume, on pourrait résumer chacune des ces vidéos en petits aphorismes:


Danser, c'est moduler l'inscription de son propre écho (Rybczynsky / Simple Minds).

 Danser, c'est s'éloigner de son propre sillon (Forsythe 1).

Danser, c'est ne pas revenir deux fois dans la même empreinte (Forsythe 2).


Aphorismes qui pourraient paraître contradictoires, mais qui me paraissent bien condenser les émotions successives ressenties devant cyber-Lavant sur fond vert.

dimanche 30 octobre 2011

Explosante - fixe

Encore une occasion d'avouer mon inculture crasse en musique. Il y a une semaine encore, je ne connaissais pas The Black Keys, et comme beaucoup, je suis tombé sur ce clip fabuleux :


Fabuleux pourquoi ? Parce qu'il appartient à la catégorie la plus restreinte, la plus fascinante, mais aussi la plus casse-gueule des clips : l'alliage absolu minimalisme, humour et invention. Cette danse-karaoké qui mime les paroles avec naïveté et entrain, c'est beau et poignant, à la fois comme la démangeaison vitale de la danse et comme le premier émerveillement du cinéma. Si je me laissais aller à l'outre-théorie fumeuse, je dirais qu'on tiendrait là le versant "Frères Lumière" (plan-séquence fixe, pur enregistrement, ontologie du réel) de cette autre fabuleuse chorégraphie, mais beaucoup plus fragmentée, découpée et "truquée" (et qui symboliserait donc - si tout le monde suit bien, même au fond de la classe - le versant "Georges Méliès" de ces clips minimalistes) :

Christopher Walken dans Weapon of a choice (Fatboy Slim - Spike Jonze 2000)

En fait, ces clips "baziniens", de pur enregistrement d'une performance simple en soi, mais rendue incroyablement intense par la musique, je n'en connais pas beaucoup non plus. De mémoire, celui qui me revient en tête, c'est celui-là, aussi cheap que puissant, réalisé par Andrew Hung, le leader des Fuck Buttons :


Ou l'alliance parfaite de la vidéo de vacances et de la musique libératrice, qui donne à l'ensemble une dimension progressivement explosive (à l'unisson de la progression de ces mouvements de taï-chi), voire hallucinatoire.

Et j'aime bien, même s'il n'est pas totalement abouti, ce clip d'amateur en hommage à une sublime chanson des Breeders.
(A partir de 1:27. Ce n 'est pas une mauvaise idée, en soi, de faire disparaître la danseuse au moment du pur instrumental, mais les images de vagues deviennent pour le coup, faiblardes. Les vibrations maritimes ne s'accordent pas aux ondulations guitares/batterie.)


Si ces clips me touchent, au-delà de leur aspect de performance, au-delà de leur optimalité visuelle et auditive, c'est parce qu'ils me paraissent aussi produire des émotions compactes qu'on croise rarement au cinéma. Même les meilleures et plus surprenantes scènes de danse au cinéma (au hasard, celles de Simple men ou de Shara) jouent sur un autre registre, beaucoup plus orchestré et chorégraphié. Dans ces clips, il y a un dépouillement unique, un dépouillement mais pas une austérité, non plus. Quelque chose de joyeux, l'émotion du danseur solitaire, qui domine son corps pour mieux le laisser exploser. En fait, cette émotion, si je vois maintenant, je l'ai vue dans une très courte séquence d'un film que je n'ai même pas vu :

James Cagney dans La glorieuse parade (Michael Curtiz 1942)

Quelques pas, quelques marches, une danse comme une parenthèse. Le corps qui s'autorise des écarts, puis reprend sa marche routinière. Ce mouvement totalement gracieux et imprévisible, et capté sans effets de surlignage par la mise en scène, c'est plus ou moins aussi celui qui se décline dans ces différents clips. Tous sont finalement de discrets manifestes pour un corps saisi (artifice de la musique aidant) par, pour reprendre les mots d'André Breton, "une beauté convulsive, explosante-fixe, magique-circonstancielle". Nul doute que, quand bien même, ces clips (à l'exception relative du Jonze) restent pétris de prosaïsme, ils portent en eux une rengaine surréaliste.

jeudi 9 juin 2011

Spectre de New York

On pourrait déceler une certaine ironie (voire du cynisme) à voir disparaître l'auteur de The revolution will not be televised au moment même où les images des révolutions syriennes et des mobilisations espagnoles nous parviennent noyées dans la masse du Net, sans intéresser plus que ça la télé (en même temps, ce n'est qu'une supposition puisque je ne regarde plus la télé).

Pour moi, Gil Scott Heron, c'était comme Johnny Cash, un prophète dont la densité et la minéralité de son oeuvre ont débroussaillé des pans entiers de la musique des dernières décennies. Je dis ça, mais en fait, je connais(sais) aussi peu Gil Scott-Heron que Johnny Cash. Ils font partie de ces artistes dont je sais ce qu'il faut en dire mais dont je n'ai qu'une toute petite idée de leurs oeuvres (et encore, seulement leurs fondements). Mais bon, j'ai encore la vie devant moi pour aller fouiller et dénicher les détails de telles discographies, me dis-je pour m'auto absoudre de ma paresse.

En fait, pour moi, Gil Scott Heron reste et restera le héros de l'un des plus beaux films de 2010, le clip de New-York is killing me réalisé par Chris Cunningham.


Les étincelles nocturnes et les frottements urbains, les effets de coulisses très simples (travelling arrière au centre, travellings latéraux sur les côtés), mais incroyablement efficaces pour donner à percevoir le déploiement progressif de la nuit new yorkaise, tout cela concourt évidemment à la force de la symphonie nocturne de Cunninghan, mais le plus impressionnant est la façon dont la voix rocailleuse de Gil Scott Heron vient se poser, faire saillir et résonner la noirceur de ce fond pictural. C'est la voix d'un survivant, d'un spectre dont le profil ne se devine qu'à la faveur d'éphémères lueurs nocturnes. Et quand ces mots minéraux qui semblent sourdre du coffre d'un chanteur éraillé viennent rencontrer les minimaux éclats colorés de cet ensemble nocturne, c'est une véritable réaction électrique qui se produit. Preuve s'il en est, que nous tenons avec cette vidéo, une souterraine déclinaison en négatif (voire en maladif), et 80 ans après, de La Fée Electricité (Raoul Dufy 1937).

Comme il n'y a qu'un Fantôme de l'Opéra, Gil Scott Heron restera par la magie de cette vidéo, l'éternel Fantôme de New York.

***
PS: Intéressant de comparer aussi ce clip "multi-fenêtres" (à l'origine, une installation montrée au MOMA où, si j'ai bien compris, les trois écrans étaient disposés en U, renforçant l'effet d'immersion urbaine) à celui de Chris Milk pour Arcade Fire (The wilderness downtown), sorti à peu près à la même époque (vers octobre 2010 si mes souvenirs sont bons).

Cunningham / Gil Scott Heron : Hiératisme / Hypnose (devant un paysage magnifié) / Montage (image, son, découpage) tout en unicité.

Chris Milk / Arcade Fire : Fragmentation / Interactivité (et reconnaissance d'un contexte familier) / Montage (image, son, découpage) tout en foisonnement et surgissement.

dimanche 10 octobre 2010

Des marches

Croiser une inconnue, tomber amoureux d'elle, de son port, de sa démarche, ne jamais (lui) avouer, le regretter peut-être, être hanté par le souvenir, finalement cultiver sa peine et peut-être l'écrire ou la chanter un jour. Situation à la fois quotidienne (le moindre trajet en métro peut y être propice) et exceptionnelle (tout de même rare que le souvenir d'un visage inconnu s'ancre de manière pérenne). Et pourtant, aussi fugace qu'elle soit dans la vraie vie, le cinéma peut en transmettre deux impressions absolument contraires.

Cas n°1 : Dramatiser la rencontre fugitive

Où l'on s'aperçoit que Bresson (Quatre nuits d'un rêveur 1971) a adapté littéralement, au mot et à la respiration près, A une passante (Charles Baudelaire 1861).

Démonstration vocale et rythmique, ici

Et comme toujours chez Bresson, les ponctuations sonores. Si Bazin affirmait que le seul bruit d'un essuie-glace d'automobile pouvait donner au dialogue des Dames du Bois de Boulogne des allures raciniennes, on remarquera dans ces Quatre nuits d'un rêveur le couperet de la sonnette et du soufflet de la portière du bus, stigmatisant que cette fugitive rencontre n'aura sans doute jamais de suite.

Cas n°2 : Dilater le moment

"L'adresse aux passantes" est un genre en soi, mais pas uniquement littéraire. On en trouve des déclinaisons cinématographiques (Dans la ville de Sylvia, Jose Luis Guerin 2007) et musical (ou plutôt clipesque - un concert à emporter en forme de bal(l)ade new-yorkaise dans les pas des fées au Bontempi d'Au revoir Simone).


Tentons donc la juxtaposition de ces deux "poursuites" (ICI), peut-être les deux plus lentes du monde, qui plus est. Et que constatons-nous ? Loin de rendre ces moments tragiques, leurs langueurs réciproques les dilatent pour les faire aboutir à un somnambulisme si soigneusement cultivé qu'il anesthésie l'angoisse de la perte.

***

Et tant qu'on y est, d'autres démarches charismatiques. Certes, on n'est pas dans le même registre sentimental que les extraits précédents, même si un indéniable pouvoir de séduction émane de ces images. Il s'agit d'extraits du New Dance Show (et possible version originelle du "hache-ipée a chopé" de notre enfance ?).

Je ne me lasse pas de la générosité de ces extraits où chacun fait son numéro, générosité permis par un dispositif hybride et minimal qui mixe piste de danse et podium de défilé de mode. Le plus émouvant dans cette parade construite sur une surenchère bon enfant de numéros dansés tient aussi à leur dimension d'inventaire d'un moment de la danse. Je ne suis pas spécialiste mais il me semble que ce début des années 80 à Détroit marque l'avènement de ce qui deviendra la techno mais nourrie sur un fort héritage soul. Et la force de ces vidéos est bien de capter cette mutation qui, comme toutes les phases de transformation, invente des attitudes hybrides, inédites, et qu'on ne reverra jamais ensuite.

Quelque part, le New Dance Show, c'est donc le "Conservatoire des danses inventives", soit l'exacte antithèse d'une administration inventée par les Monty Python : "The ministry of silly walks".



Mais le plus troublant, c'est que quand on juxtapose le New Dance Show et les Monty Python, (ICI), la grâce et le ridicule ne paraissent pas si étrangers l'un à l'autre, comme si toute invention chorégraphique devait, à un moment ou à un autre, en passer par une désarticulation domestiquée. Mais en même temps, le New Dance Show, c'est la classe américaine et les Monty Python, la classe british. Et classe contre classe, ça donne encore une autre classe !

lundi 9 août 2010

Phénix de l'architecture

"L'architecture moderne est morte a Saint-Louis, missouri, le 15 juillet 1972 a 15 h 32, ou a peu prés..."Avec la précise froideur du médecin légiste, Charles Jencks date (dans son ouvrage de 1977) de l’heure de la première démolition « à la dynamite » d’un quartier HLM (celui de Pruitt-Igoe) la fin des utopies et spéculations du Mouvement Moderne en architecture. Après ces barres agonisantes, plus rien ne serait jamais comme avant. Mise en face de ses responsabilités urbaines et sociales, la profession ne pouvait plus faire l’innocente. L’ir onie de l’histoire retiendra que l’architecte de ces bâtiments honnis s’appelait Minoru Yamasaki qui venait alors de livrer un bâtiment autrement plus glorieux, le fameux…. World Trade Center. Voilà donc, dans l’histoire de l’architecture le seul architecte dont les édifices sont plus connus pour leur destruction que pour leur édification.

On peut tout de même se demander si en matière de mort symbolique de l’architecture moderne, le coup de grâce n’avait pas été porté deux ans auparavant avec le fameux épilogue de Zabriskie Point (Michelangelo Antonioni 1970). Rappelons que cette suite d’explosions filmées au ralenti, cette jouissive télépathie de destruction, ce pink-floydesque « détruire dit-elle » prend pour première cible une canonique « villa d’architecte ».

En réponse à cet extrait si fameux, j’ai découvert le travail d’une jeune agence Freaks architectes, qui intègre aussi (et avec pas mal d’humour) la vidéo dans son activité de recherche et de conception. Leur petit opus Faster than China se révèle d’une efficacité redoutable pour proposer une politique de reconstruction rapide et de résurrection de l’architecture bétonnée. Il me semble avoir déjà vu ce principe de « lecture inversée » dans une vidéo de Bill Viola (où des plongeurs paraissent décoller comme des fusées), mais au-delà de la potacherie du procédé (remettre d’aplomb les bâtiments qui s’effondrent), je vois poindre derrière cette vidéo une critique de ces dynamitages systématiques, qui s’ils offrent des moments cinégéniques, perpétuent l’idéologie de la tabula rasa et empêchent, en imposant un nouveau départ à zéro, toute sédimentation (historique comme mémorielle) de faire son œuvre.

Quoi qu’il en soit, je ne peux que vous conseiller de cliquer ici pour voir la juxtaposition Antonioni / Freaks Architectes.

Et dans ce perpétuel fracas destruction/reconstruction, je sens finalement que l’architecture moderne, dans ses réalisations les plus nobles (les villas) comme dans les moins désirées (les barres HLM) évolue suivant les oscillations du phénix: condamnée à renaître des cendres de ses échecs.

jeudi 17 juin 2010

Solitude footballistique

Au hasard de mes pérégrinations dans le supermarché virtuel des images, je tombe sur des images de Jacques Tati mimant (mais avec un infini degré de précision) les gestes d'un gardien de but. Je ne sais pas de quand date cet enregistrement, mais il m'émeut par sa simplicité même, son dénuement, son minimalisme, sa brièveté (Tati fait quelques mimes puis reprend son manteau et s'en va). Et je ne sais pas pourquoi, cette poignante solitude sur un terrain me rappelle (outre un tube d'un célèbre goal) le Zidane, portrait du 21e siècle (Gordon et Parenno 2006), surtout sa fin, en fait (à voir , à partir d'1h24) : la sortie sur carton rouge (prophétie n°1) dans un bourdonnement pré-vuvuzelesque (prophétie n°2). Ces images de Tati comme de Zidane, rendus à leur solitude, me touchent par leur façon de fixer, chez ces deux génies, leurs derniers numéros avant leurs sorties de piste.

Pour fêter ça, j'ai imaginé le match virtuel entre Tati et Zidane : c'est donc ...

Et pour rester dans le ton de la solitude et de la mélancolie footballistique, cette étonnante vidéo qui, comme son nom l'indique, refait la défaite, plan par plan :



Entre autres choses liées à la réinterprétation de ce grand moment de la tragédie sportive, ce qui impressionne dans la vidéo, c'est qu'elle saisit la grande tristesse qui advient quand le foot cesse d'être un sport d'équipe pour se concentrer sur une constellation de désarrois individuels (France-Mexique 2010 étant évidemment le reflet anti-glorieux de ce France-Allemagne 1982). Un peu plus de précisions ici.

vendredi 11 juin 2010

Futur déréglé

En ces temps de Kerviel, Goldman Sachs et autres problèmes de type grec, difficile de se refuser ce petit bonbon. A savoir une publicité de 1971 présentant la "banque du futur" et signée d'un certain... Jacques Tati. Outre ses effluves prophétiques (quant au dérèglement de la finance mondiale), on notera dans cette petite pièce, l'inflexion des décors tatiesques vers une discrète outrance : chaînon manquant entre Mario Bava et l'usine Tricatel ?


dimanche 16 mai 2010

A bigger splash... of cinema

Bon, ça y est. Cannes depuis cinq jours déjà. Les écrans ont été maculés d'images inédites. Déjà une quinzaine de films passés devant les rétines, et (désolé, chers lecteurs) l'envie d'écrire qui ne vient que maintenant. Il faut dire que beaucoup se sont révélés intéressants, mais peu ont soulevé l'enthousiasme. On laisse encore un peu mariner tout ça, en espérant, dans les prochains jours, combler le retard.
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En haut : Achille et la tortue (Takeshi Kitano 2009)
En bas: This too shall pass (Clip de OK GO 2010)
Avec Outrage, Kitano continue, à coups de rires secs et de claquements de dents, sa relecture toute personnelle de l'histoire de l'art contemporain. Plus qu'une seule couleur dans la palette : rouge sang. A l'action painting succède le body-art (options mutilations de doigts de yakuzas) dans l'exploration ludique et parfois brillante d'une hiérarchie de la pègre aussi alambiquée que les usines à gaz (Rube Goldberg machine en VO) du clip d'OK GO. Le meilleur du film tient sans doute à son usage des cicatrices et des blessures comme autant de masques et postiches superposables. De fait, le film est vraiment beau dans son simple filmage des visages : portraits mutiques ou faces outragés. Alors, s'agit-t-il d'un "grand Kitano" ou d'un "retour nerveux" sympathique mais d'une moindre portée ? Encore difficile de trancher à la sortie de la projection.
Reste que ce que sur quoi surfe Kitano, ce plaisir à se perdre dans les arcanes du pouvoir, de la manipulation, de la soumission, on le ressent également très fort dans I wish I knew, le documentaire de Jia Zhang-Ke consacré à l'histoire de Shanghai racontée par 18 témoins (dont beaucoup sont liés au cinéma). Après le coup de froid conceptuel de 24 City (2008), cette dernière livraison surprend par sa musicalité, son sens du collage visuel et de la citation, sa douceur formelle, mais aussi donc par l'oralité de son flux feuilletonnesque voisin de celui d'une Série Noire (règlements de comptes, pactes, arrangements). Conjurant quelque peu l'aspect "film institutionnel voire officiel" (commande de l'Expo Universelle si j'ai bien compris), Jia Zhang Ke livre aussi là en (gentille) contrebande sa petite Histoire du Cinéma, en interrogeant nombre de témoins liés au septième art (suivant la vieille, mais toujours charmante antienne, que le cinéma n'est pas uniquement un témoin de son temps, mais aussi un acteur).

mercredi 17 mars 2010

La musique est partout

La musique est écrite dans le ciel (musique céleste) :

(Via. Quelqu'un connaît l'auteur de cette photo de partition zen et minimale ?)

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La musique est écrite dans le paysage (musique contemporaine) :

Fundamental spectra over seven basic durations - schéma de Karl-Heinz Stockhausen 1955
(En lisant ça, j'apprends que pour inventer ce nouveau mode de représentation musicale, Stockhausen se serait juste inspiré des montagnes suisses de Paspels qu'il voyait à sa fenêtre.)

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La musique est écrite sur les bâtiments (musique architecturale) :



Lumitectura
(court-métrage d'Arno Bruderer 2010)
(Joli petit film rappelant, de manière assez explicite que la géométrie, ce sont les gammes et la lumière les mélodies).

Palindromes filmés

Il a dû déjà être dit ici que les films racontés à l'envers devaient être en bonne position dans le top des fausses bonnes idées au cinéma (nonobstant quelques attachants courts-métrages, comme celui-ci dont je ne trouve pas d'images sur le Net).

Mais ce même principe peut parfois donner des résultats plus étonnants. On peut faire mention du célèbre clip-palindrome de Michel Gondry pour Cibo Matto, mais j'évoquerais, pour réconcilier les images avec les effets parfois attendus de l'auto-reverse :

- La danse palindrome de ce sketch, pas tant pour son astuce narrative que pour ses mouvements assez étranges et flottants dont je crois plus d'un chorégraphe contemporain seraient jaloux :



- La musique palindrome de ce "clip classique". Il paraîtrait qu'on pourrait détecter des fractales dans certaines pièces de Bach, mais cette animation (via) est assez convaincante sur la construction géométrique (qui plus est, en trois dimensions) de la musique :



Comme quoi, en danse comme en musique, les symétries les plus fascinantes sont souvent autant si ce n'est plus perceptibles au corps et à l'oreille qu'à l'oeil nu.

mercredi 10 mars 2010

Freaks reloaded

"Monster Reborn"
(Douglas Gordon, une photo de 1996)

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"Michaël Reborn"



(Séverine Robic, une blague du Net de mars 2010)

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Comme quoi, avec trois fois rien, on peut produire les plus effrayants des éternels retours de la momie.

vendredi 5 mars 2010

Passion destroy

Pour faire suite à un précédent post sur Kiarostami et Costa, nouvelles pièces à ajouter au corpus des "films passions" prenant comme seul et noble sujet le spectacle des visages pris sous leurs tempêtes physiques et mentales, mais cette fois-ci sur un registre plus destroy.

Tout d'abord, cet extrait d'un court-métrage de Ben Russell, cinéaste découvert à Rotterdam. Littéralement, un pur documentaire sur la transe musicale : "sons et lumière, corps et âmes".


Moins plastiquement séduisant et plus ambigu (disons qu'on a moins envie de se faire porter par cette transe-là), une déclinaison footeuse (et malheureusement incomplète sur le Net) du dispositif : Wir sind dir treu (Michael Koch 2005).


Disons que si cette vidéo m'intéresse, c'est aussi parce qu'elle saisit (certes, de manière mouvante et subjective) le point de bascule entre fascination et malaise.

Et si vos yeux et vos oreilles tiennent encore le coup, vous pouvez leur faire subir les derniers outrages aux yeux et aux oreilles, vous pouvez tenter la rencontre entre Dreyer et les punks numériques de Granular Synthesis. Bon, c'est un essai de ma part, pas sans risque sans doute... mais qui révèle que les images d'un film de 1928 tiennent encore sacrément le coup face aux assauts stroboscopiques et que le muet continue de porter en lui un sacré vacarme !

mercredi 3 mars 2010

Ce post a plus de deux semaines de retard

Suite à l'affaire du décrochage de l'installation-démontage-du-discours-présidentiel" ("Travailler/Gagner/Plus/Moins"), un rapide tour sur le site de l'artiste Ko Siu Lan m'apprend qu'elle est l'auteur de ce panneau de signalisation :

ce qui pourrait faire d'elle l'une des inspiratrices involontaires de cette stupéfiante campagne de pub :
(photo via nitot sur Flickr).

Mais plus que tout, avec ces deux "affaires", on se dit que John Carpenter dans They live (1988) avait déjà tout prévu. Sur la nudité de ces slogans, le choc de leur impact urbain et leur contenu latent de rappel à l'ordre , on lira donc avec intérêt cette pertinente analyse.

Dans le même temps (c'est-à-dire il y a presque trois semaines), le chantre du "stop thinking" cinéma, aka Gaspar Noé, faisait sa réapparition sur le Net avec un teaser-générique bardé de noms-slogans de son croquignolet dernier opus (Enter the void).



Bon, le film, mouaif, mais je dois avouer une faiblesse (coupable, ô combien coupable) pour cette ligne de coke visuelle, ce déferlement de mots stupides qui en 80 secondes en typographies sous acide (et vraisemblablement sous influence Peter Tscherkassky) me transmet infiniment plus la transe de la nuit tokyoïte que ne le font les 2h40 du soit-disant film-trip qui doit suivre ce générique. Ou l'on perçoit finalement l'hypnose de la mégalopole davantage dans le scintillement déréglé des néons et des inscriptions que dans l'espace urbain. C'était déjà la très forte sensation procurée par :


Tombée de nuit sur Shanghai (Chantal Akerman 2007), dont il était question .

jeudi 4 février 2010

Le football américain...



... le comprendrais-je mieux et m'y intéresserais-je davantage s'il était filmé comme ça ?

(sur Slate V, via artypop sur twitter).

jeudi 21 janvier 2010

Musique sans instruments

Qu'est-ce que nous apporte tout le confort moderne ? Cette musique-ci :


Music for one apartment and six drummers (court-métrage de Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson 2001)

Qu'est-ce qui nous reste quand tout ce confort moderne, on vient de s'en débarrasser ? Cette musique-là :


Animal Collective en concert à emporter (avril 2008)

Soit dit en passant, pour moi, une très belle adaptation involontaire de La route de Cormac Mac Carthy : des mendiants magnifiques dont la marche hébété rend un bel hommage (là aussi involontaire ?) à cette phrase entendue dans cette chanson : "We are ugly, but we have the music".

Et entre les deux, entre le dépouillement et la sophistication, entre la musique et le bruit, entre l'équipement et le dénuement, il y a cette autre musique :


Extrait du film -inédit chez nous et donc pas vu- Eli, Eli, Lema, Sabachtani (Shinji Aoyama 2005)

Bon, je ne sais pas si ça vous fait le même effet que moi, mais je trouve toujours fascinant d'assister comme ça à la naissance de la musique, surtout quand elle est si frêle, si hésitante d'un point de vue mélodique, mais au bout du compte, d'autant plus précieuse qu'elle vient en contrebande derrière les gestes.

Et sinon, pour ceux qui aiment la musique 100% bio, il y a ça (bientôt en concert), mais c'est moins mon truc.