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lundi 22 avril 2024

Termush (Sven Holm)


[...] La marchandise appelée « survie ».

L'auteur, le livre (160 pages, mars 2024, 1967 en VO) :

Sven Holm est un auteur danois (plus connu dans le monde du théâtre) décédé en 2019.
Avec Termush, côte atlantique. il avait signé en 1967 une anticipation, récemment rééditée chez les anglo-saxons, et que viennent de publier en français les éditions Robert Laffont (Catherine Renaud en est la traductrice).

On aime :

 Ce petit conte philosophique était sorti en VO en pleine guerre froide quand on avait très peur de la bombe. Malheureusement cette peur est revenue aujourd'hui et cette traduction tombe à pic.
 Les hôtes se retrouvent "confinés" dans leur hôtel-bunker avec une "direction" qui ne semble pas faire preuve d'une totale transparence : toute ressemblance avec une situation récente serait vraiment fortuite puisque le bouquin date de 1967 !
 Avec une prose distante, froide et un peu désuète, l'auteur profite de ce huis-clos monté comme une pièce de théâtre, pour questionner nos réactions, nos comportements. Comment réagissons nous au confinement, au règlement arbitraire, à l'arrivée des étrangers, à la contamination, ... Les sujets ne manquent pas, on le sait maintenant.

Le pitch :

Ce petit conte philosophique est le journal de bord d'un homme qui a payé très cher l'assurance d'être hébergé dans un centre de secours luxueux, à l'abri des radiations et de la fin du monde. 
Quelque chose entre le centre de vacances de bord de mer et le bunker pour riches.
Ce petit monde bien protégé et bien organisé, va bientôt être troublé et inquiété par quelques dérèglements étranges : des réfugiés arrivent bientôt et les hôtes vont devoir partager leur espace, leurs médecins, voire peut-être leurs réserves. 
Pour sa part, la "direction" qui réglemente la vie quotidienne de ce curieux hôtel ne semble pas agir en toute transparence avec ses clients ...
[...] Lorsque je me suis inscrit à l’institution il y a quelques années, pour « une garantie d’aide », c’était en raison de l’isolement de l’hôtel, du stockage souterrain des aliments, de l’accès à des sources d’eau sûres, et à des abris, et de l’assurance d’avoir un service de sécurité et des éclaireurs.
[...] Ce qui comptait au moment de l’inscription, c’était l’accès à une chambre protégée, à un hôtel doté d’un personnel formé, à des médecins et à un yacht à moteur prêt à éloigner les hôtes de la terre si celle-ci devenait inhabitable pendant une période prolongée.
[...] Quatre personnes ont été retrouvées mortes sur l’escalier principal de l’hôtel.Apparemment, les hôtes n’étaient pas censés en être informés, mais l’un des agents de sécurité a vendu la mèche. Il a raconté qu’il était présent lorsque les cadavres ont été emportés et enterrés. Quand ils ont soulevé le dernier corps, les cheveux sont tombés sur les marches, comme s’il s’agissait d’une perruque. C’était une jeune femme, son visage était boursouflé et son corps recouvert de petites plaies purulentes. Les trois autres étaient des hommes, ils n’étaient pas blessés, mais l’un d’eux avait les mêmes petites plaies sur la poitrine que la femme.
Ils avaient sûrement cru pouvoir trouver de l’aide à l’hôtel et s’étaient allongés dans l’escalier, personne n’ayant réagi à leurs coups sur la porte. Ils venaient sans doute de l’un des villages voisins, situés à une dizaine de kilomètres à l’intérieur des terres. Ils étaient tous morts des suites du syndrome d’irradiation aiguë.
[...] Nous nous étions attendus à trouver un monde complètement anéanti. C’était ce contre quoi nous nous étions assurés en nous inscrivant à Termush.
Personne n’avait pensé à se prémunir contre les survivants et leurs exigences à notre égard. Nous avions payé pour continuer à vivre comme si nous avions payé une assurance maladie, nous avions acheté la marchandise appelée « survie » et, selon tous les contrats existants, personne n’avait le droit de nous la reprendre ou de nous la réclamer.
Et voilà que des étrangers arrivaient et s’attendaient à partager notre protection.

Pour celles et ceux qui aiment les confinements.
D’autres avis sur Babelio et Bibliosurf.
Livre lu grâce aux éditions Robert Laffont.
Mon billet dans 20 Minutes.

jeudi 23 septembre 2021

Moins 18° (Stefan Ahnhem)

[...] Un simple congélateur, réglé à une température de – 18 °C.

La vague des polars nordiques n'en finit pas de submerger nos rayons.
Mais le bouquin du suédois Stefan Ahnehm avait deux ou trois atouts pour sortir la tête de l'eau : un titre accrocheur bien sûr, et puis cette bonne idée de construire son intrigue au-dessus du chenal de l'Øresund qui sépare Danemark et Suède, une frontière maritime qui nous est devenue presque familière depuis la fameuse série Bron.
Ça commence très fort d'ailleurs avec la folle poursuite d'une BMW qui finit dans l'eau du port de Malmö.
On repêchera le cadavre (congelé) du chauffard, un homme d'affaires bien connu.
[...] – J’ai examiné le corps et il s’avère que Peter Brise n’est pas mort aujourd’hui, mais il y a environ deux mois. 
– Hein ? Comment ça, il y a deux mois ? Il n’était pas au volant de la voiture ? 
– Si, bien sûr que si, mais il était déjà tout congelé quand le véhicule a plongé dans l’eau.
En dépit de ces bons auspices, le reste du bouquin va s'avérer un peu décevant avec une intrigue des plus classiques.
Le récit nous balade au Danemark et en Suède avec deux intrigues dont on se doute bien qu'elles finiront par se rejoindre quelque part au milieu du Skagerrak dans un final très mouvementé.
Les histoires "personnelles" des principaux enquêteurs (la famille éclatée de l'un, la hiérarchie policière de l'autre, ...) sont supposées donner de l'épaisseur aux personnages mais sont un peu too much et plombent un peu la lecture.
Bref, un polar nordique de plus, à lire rapidement puis oublier tout aussi vite.

Pour celles et ceux qui aiment les congélateurs.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mercredi 17 octobre 2018

Qaanaaq (Mo Malo)


[...] Essentiel, pour un flic, son territoire.

Bon déjà faut pas prononcer Qaanaaq mais Hraanaak, même pas la peine d'essayer, c'est évidemment du groenlandais, enfin de l'inuit, bon du kalaallisut quoi.
Ensuite c'est qui ce nouvel auteur nordique, Mo Malø ? Et avec un ø barré ?
Et ben, accrochez-vous au traîneau, c'est le pseudo d'un petit frenchy bien de chez nous. Voilà qui fleure bon le plan marketing bien orchestré pour surfer depuis la banquise sur la vague du polar nordique.
Une fois passé l'arrière-goût de l'arnaque commerciale, reste un polar ethnico-nordique tout à fait honorable et dans la veine de ceux avec lesquels Olivier Truc (tiens, encore un frenchy) nous emmenait en Laponie.
Même si pseudo-Malo est aussi esquimau que je suis lapon, il s'y entend pour mettre en scène son flic danois d'origine inuit qui débarque donc au Groenland pour élucider l'une des rares affaires de la colonie du royaume. L'occasion de faire connaissance avec plusieurs facettes de la vie locale : plateformes pétrolières, magouilles politiques, velléités autonomistes, pseudo-Malo ratisse large.
[...] Et vous, qu’est-ce que vous venez faire ici ? insista-t-elle.
– Moi… ? Il hésitait. Il y avait tant de réponses possibles, la plupart impropres ou prématurées. Puis il se lança :
– Je viens coffrer un tueur en série.
[...] Tout n’était donc pas si apaisé qu’il y paraissait dans la lointaine province polaire de la bonne reine Margrethe.
Sans oublier de nous faire découvrir le passé d'un Groenland qui fut l'un des postes avancés de la lutte du Bien US contre le Mal bolchevique durant la guerre froide (guerre qui, au Groenland, portait bien son nom !).
Nous voici donc partis en traîneau pour explorer les souterrains de glace de Camp Century et les souvenirs de l'accident de Thulé.
[...] Une base souterraine creusée dans l’inlandsis, dotée de six cents missiles balistiques braqués sur Moscou.
[...] - C'est quoi , l'ukiaq ?
- Le jeune hiver, la première saison réellement froide des dix saisons inuites.
[...] - Il y a plus de cinquante mots inuits pour décrire la neige, lui avait expliqué Appu, en chemin.
Une balade touristique et superficielle mais un voyage gentiment organisé dans un pays particulièrement méconnu.

Pour celles et ceux qui aiment les esquimaux.
D'autres avis sur Babelio.

jeudi 17 octobre 2013

Le marin américain (Karsten Lund)


Il y a des morts qui marchent dans les dunes.

On parlait il y a peu (c’était avec La course de Flanagan) de ces bouquins magiques qui vous emportent ailleurs : autres temps, autres lieux et autres peuples. Après les coureurs de Flanagan, ce sont cette fois les pêcheurs du Danemark qui nous emmènent ailleurs …
À l’extrême pointe de Skagen au Danemark donc, à deux bordées de la Suède et de la Norvège, à la Noël 1902, un bateau fait naufrage. Après bien d’autres, à cette époque du tournant du siècle.
De ce naufrage-là, il ne survivra qu’un seul rescapé, échoué sur la plage : Le marin américain.
Il passera la nuit au village, aimablement soigné, hébergé et réconforté par une femme de pêcheur, Ane, dont le mari, Jens Peter, est parti en campagne.
Jusqu’ici Ane et Jens Peter Christensen se désolaient de ne pouvoir avoir d’enfant. Mais neuf mois après le passage du marin américain, Ane accouche d’un beau garçon aux yeux et cheveux noirs (pas courant là-haut évidemment).
À son retour, Jens Peter marque le coup mais lui et sa femme tairont leur secret de polichinelle et tenteront de faire bonne figure face aux ragots du village.
[…] Il espérait que Dieu tenait ses comptes et était parvenu au même résultat que lui, à savoir que, tout bien considéré, il y avait un certain équilibre dans la balance, que ce qu’ils avaient fait de mal était compensé par leurs bonnes actions.
Voici donc le passé et les secrets après lesquels s’en va courir un arrière-petit-fils du marin américain (Karsten Lund lui-même ?).
Notre contemporain part enquêter à la pointe de Skagen, à la rencontre de ses ancêtres.
[…] L’énigme a donné lieu à de nombreuses enquêtes, tant officielles que privées. Sans oublier la rumeur populaire, un murmure latent, des théories non formulées et la persistance des regards tout au long des années.
[…] Son fils lui demanda :
- Pourquoi ils m’appellent l’Américain ?
Ane s’arrêta au milieu d’un geste et se tint immobile comme une statue de sel avec l’assiette vide dans la main. […]
- Comment ça se fait que je ressemble pas à papa ?
[…] Quand il était seul, il souhaitait être venu au monde de façon normale, avoir des parents normaux et des cheveux blonds.
Les habitants du Jutland sont des taiseux, généralement. Et les pêcheurs du Jutland sont parmi les moins bavards des taiseux du Jutland.
[…] Un jour, il lui acheta un morceau de chocolat.
- Tiens ! dit-il en le lui tendant, et ce mot et cet acte étaient sans doute ce qui se rapproche le plus d’une promesse d’amour et de fidélité en jutlandais du Nord.
[…] Il y a tant de choses qu’on ne peut pas dire en jutlandais du Nord.
Et le fils du beau marin américain s’avère très vite un petit génie de la pêche.
[…] - L’Américain-là, il sait où le trouver, le hareng.
- C’est parce que je sais où sont les poissons.
Mais tout le sel marin de ce bouquin, ce n’est pas tant l’histoire de famille (fort bien racontée au demeurant) que la découverte de ce monde de pêcheurs du début du siècle : pêche à la senne, tempêtes et naufrages, femmes solides restées sur la côte, campagnes de pêche, achat du bateau, et puis l’apparition de nouveaux moteurs, de phares plus puissants(1), de nouvelles techniques de réfrigération ou de salaison, … tout un monde qui traversera deux guerres, un monde en train de se transformer à l’aube d’un siècle nouveau.
[…] Le plus fou des siècles : on s’habitue très vite au gaz en bouteille, aux vrais matelas dans les couchettes, aux maisons bien isolées et aux voitures à allumage automatique. Aux forêts d’antennes de télévision, aux réfrigérateurs, au chauffage central et aux baignoires sabots, et on a du mal à s’imaginer que les temps anciens, ce sont maintenant ceux juste avant la guerre, avec les pêches en Angleterre, les bateaux aux longues cheminées et aux petites cabines, et les maisons avec latrines dans une cabane dehors. Et au fait que les temps préhistoriques, ce sont ceux d’avant la construction du port, quand les maisons basses étaient planquées dans les dunes, quand les bateaux faisaient naufrage et qu’il se passait des choses étranges dans la nuit qui suivait.
Comme monsieur Karsten Lund sait écrire, tout cela est tout simplement passionnant et l’on suit avec intérêt la famille Christensen au fil des années, une véritable aventure, celle d’une famille, d’un village et de toute une région. Et l’auteur semble plein d’empathie pour toute cette famille, tous ces personnages : une douce ironie, une certaine tendresse baigne tout cela. Les histoires de pêche sont rudes, les hommes boivent pour vaincre la peur de la mer, les femmes doivent être fortes, mais tous ces personnages sont bien sympathiques, chacun à leur façon, et l’on aurait bien aimé faire partie de cette famille.
Avec Ane Christensen et le formidable portrait d’une maîtresse femme qui sut gérer son couple, sa famille, sa vie et ses affaires d’une main que tout le monde croyait si bien assurée.
Mais le secret qui nous est dévoilé au tout début en cache peut-être un autre.
[…] Il y a des morts qui marchent dans les dunes.
Ils vivent aussi longtemps que nous nous souvenons d’eux.
Un mystère que l’on devine rapidement mais qui se cache sous la surface, qui s’approche de la lumière à certains chapitres, qui replonge ensuite sous les eaux de la saga familiale, qui resurgit un peu plus loin, sans jamais se montrer vraiment, comme un banc de poissons qu’on sent, juste là sous les eaux, qu’on devine mais qu’on n’arrive jamais à voir tout à fait.
Quelques longueurs peut-être sur la toute fin, quand le personnage ‘contemporain’ prend un peu trop de place et quand on s’impatiente à ses atermoiements psy, alors qu’on voudrait retourner au siècle dernier.
(1) - de nouveaux phares, c’est moins de naufrages … n’en déplaisent aux dames esseulées de la côte jutlandaise

Pour celles et ceux qui aiment le poisson.
D’autres avis sur Babelio.

lundi 14 janvier 2013

Délivrance (Jussi Adler Olsen)

Cold case réchauffé.

On avait découvert le danois Jussi Adler Olsen avec le premier épisode : Miséricorde.
On a sauté le n° 2 (Profanation) et voici que Babelio et Albin Michel nous proposent aimablement le troisième de la série : Délivrance.
La recette est la même et l'effet de découverte ne joue plus.
J.A. Olsen reprend les mêmes ingrédients et nous ressert le même plat : une vieille histoire qui date de plusieurs années et qui ne semble toujours pas terminée(1), pendant que le tandem composé de Carl Mørck et de son assistant syrien traîne toujours dans les sous-sols de l'hôtel de police et tente de classer les vieux dossiers.
J.A. Olsen en rajoute même encore une louche avec une punkette façon Lisbeth(2) : ça avait super bien marché chez son voisin suédois, alors pourquoi ne pas reprendre le même ingrédient ?
Bref, l'auteur a gentiment pris tout ce qui traînait dans son frigo et même dans celui du voisin pour faire sa tambouille.
Mais le chef ne semble guère inspiré cette fois-ci : Carl Mørck semble s'ennuyer à mourir et nous avec, les épices qu'apportait l'amusante relation avec le syrien Hafaz-el-Assad sont éventés et l'auteur ne semble pas trop savoir à quelle sauce accommoder sa punkette (vous verrez pourquoi, on ne vous dit rien, juré).
Reste que ce genre de plat se mange sans faim et qu'on peut en profiter pour s'aventurer encore un peu plus dans le monde fanatique des sectes religieuses de ces pays nordiques qu'on connait si mal : c'est visiblement un thème récurrent de tous ces polars suédois ou norvégiens et donc ici danois.
Mais on est habituellement beaucoup plus exigeants avec les auteurs américains et français : ce nouvel épisode est donc à réserver à celles et ceux qui sont devenus fans de la série. Les autres pourront se contenter du premier opus.
(1) - cette fois, c'est un vieux message qui réapparait dans une bouteille à la mer alors qu'un tueur en série rôde toujours ...
(2) - visiblement apparue dans l'épisode n° 2 (Profanation), qu'on n'a pas lu

Pour celles et ceux qui aiment les tueurs en série danois.
Ces 672 pages parues chez Albin Michel sont traduites du danois par Monique Christiansen.
D'autres avis sur Babelio.

samedi 21 avril 2012

Un safari arctique (Jorn Riel)

Lectures givrées.

Ici même, on avait déjà parlé de Jørn Riel (il y a ... cinq ans déjà !).
Le nouveau petit bouquin que l'on vient de lire est de la même veine : Jørn Riel nous raconte des histoires invraisemblables venues du fin fond des terres glacées du Groënland.
Avec un tout petit peu moins de cocasseries potaches que dans le précédent ouvrage, Un safari arctique est un recueil de nouvelles, de racontars comme le dit l'auteur, truculentes, savoureuses, hénaurmes, ... à la dimension des landes désolées du pays.
Jørn Riel maîtrise parfaitement l'art de raconter une histoire. Et le plus souvent, il met en scène un personnage qui lui-même, se fait conteur pour ses compagnons. Cette mise en abyme est également celle du gars qui raconte l'histoire du gars qui lui a raconté ...
À chaque étape ou étage, l'histoire est, comme il se doit entre gens de bonne compagnie, embellie, enjolivée. Les fanfaronnades deviennent encore plus exagérées et les invraisemblances encore plus vraies. Si Tartarin n'avait pas été de Tarascon, il eut été de Fimbul ou de Bjørkenborg assurément.
L'histoire d'Emma par exemple, est extraordinaire : à plusieurs reprises, Jørn Riel nous donne le fin mot de l'affaire, la clé de l'histoire, mais non, rien n'y fait, comme les chasseurs du Groënland on a tellement envie de croire à cette jolie histoire qu'on se laisse emporter au fil des quelques pages et on se laisse surprendre par la chute qu'on nous avait pourtant déjà dévoilée. Chapeau !

Emma voyageait beaucoup. Elle se déplaçait de fjord en fjord, de cabane en cabane et de couchette en couchette. Dans certains endroits, son séjour était bref, dans d’autres, il pouvait durer des mois. Malgré les nombreuses expériences de toutes sortes, elle restait douce et candide, comme le jour où elle avait jailli de l’imagination de Mads Madsen. Ses joues de beignets aux pommes rougeoyaient comme le soleil d’août chaque fois qu’on lui présentait un nouveau fiancé, et ses yeux d’un bleu de glacier brillaient d’impatience en attendant que les négociations, après beaucoup de vives discussions, aient pris fin. La vie dans le nord-est du Groenland devint vite aussi passionnante pour Emma que pour les chasseurs. Les mois passèrent. Moins d’un an s’était écoulé qu’elle avait déjà fait le tour de la côte plusieurs fois. Elle passa le mois d’hiver le plus froid chez Valfred dans la Cabane de Fimbul. Ce fut pour la jeune fille une sorte d’état d’hibernation. Une longue période de repos dans la couchette supérieure de la cabane. De bon coeur, Valfred l’avait reprise au Comte qui, par erreur, l’avait achetée à Herbert contre douze bouteilles de vin à étiquettes et la moitié de la récolte de pommes de terre de l’année suivante.
– Est-ce qu’elle est pas un peu du genre olé olé ? demanda Fjordur, sentant à nouveau le doux bourdonnement sous les hanches.
– Emma change de partenaire comme nous autres nous changeons de chemise, avoua Siverts, c’est-à-dire à peu près une fois par mois.

La nouvelle qui donne son titre au recueil est également un morceau d'anthologie quand une riche et noble dame s'en vient chasser le bœuf musqué aux côtés de nos rudes gaillards, puants et barbus :

– Hé, hé, j’ai connu un machin comme ça autrefois. Une vraie dame que c’était, hé, hé, mais y a longtemps d’ça. Tout le monde regardait Valfred. Avoir connu une dame, c’était vraiment quelque chose. Peut-être qu’on pouvait profiter des expériences de Valfred.
– Et t’as connu combien de dames ? demanda Herbert.
– Ah, combien, combien ? Ça dépend, répondit Valfred, sibyllin. Il y a donc longtemps de ça, mais d’une façon ou d’une autre on se souvient quand même. Celle que j’ai connue avait un magasin de broderie à Gothersgade, une rue de Copenhague. Elle avait peut-être rien de particulier à voir, mais c’était une jolie petite chose et une dame surchoix. Elle avait une odeur particulière, et je crois que toutes les vraies dames sont comme ça.
– Quel genre d’odeur ? demanda Anton. Il était avide de s’instruire et n’avait que très peu de connaissance en matière de dames.
– Ouais, Anton, comment te faire comprendre ça ? Valfred se gratta la nuque. C’était un peu du genre de la lotion pour les cheveux du Comte, et puis un brin comme quand on fait bouillir du chou. Pas beaucoup, ça ne piquait pas le nez, juste un peu, vous comprenez. C’est parce que les dames, ça se lave tous les jours avec du savon, et après, ça s’asperge avec de l’eau de toilette ou des choses de ce genre.
– Mais le chou ? Anton était désireux d’en savoir plus. D’où il venait ?
– Je suppose qu’il venait de l’intérieur, mon ami, dit Valfred.

http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifQuelques petites nouvelles qui s'enchaînent et se répondent, sans vraiment se suivre mais quand même, qui brodent toute une galeries de portraits de ces chasseurs de peaux venus passer quelques hivers sur la banquise groënlandaise et qui ne repartiront peut-être jamais, trop heureux d'être là, seul(s) et loin de tout.
Dépaysement garanti : Jørn Riel a vécu plusieurs longues années au Groënland dans une base scientifique et désormais, comme le dit son éditeur, il 'décongèle' dans la jungle de malaisie avec en tête, tout plein d'histoires à raconter aux papous.


Pour celles et ceux qui aiment les histoires tout simplement.
10/18 édite ces 157 pages qui sont traduites du danois par Susanne Juul et Bernard Saint-Bonnet
Blanche-Neige en parle (à qui on a piqué le titre).

mercredi 28 mars 2012

Miséricorde (Jussi Adler Olsen)

Cold case à la danoise.

Ça ressemble à un best-seller de gare surfant sur la vague du polar nordique.
C'est en partie vrai.
Vrai parce que Miséricorde, le bouquin du danois Jussi Adler Olsen raconte une histoire où l'on joue à se faire peur avec la disparition d'une jolie députée danoise, Merete Lynggaard, qui se retrouve enfermée dans une sorte de grand caisson d'isolement surcomprimé. Qui lui en veut au point de la torturer ainsi ? Un amant éconduit ? Un politicien qu'elle aurait dénoncé ? C'était en 2002. Depuis 5 ans, Merete croupit dans sa cage. Le dossier a été classé, on l'a cru disparue en mer.
S'il n'y avait que ces chapitres, on ne parlerait pas de Jussi Adler Olsen sur ce blog.
Mais il y a l'autre volet du bouquin : en 2007, l'inspecteur Carl Mørck échappe de peu à une fusillade. Ses deux collègues n'ont pas eu sa chance. Il aurait peut-être pu réagir un peu plus vite et les sauver ? Déjà que Carl Mørck n'était pas un compagnon bien agréable avant, désormais il est odieux avec ses collègues. Traumatisé par la fusillade, il déprime.

[...] Pour commencer sa femme l'avait quitté. Ensuite, elle avait refusé de divorcer, tout en continuant à vivre séparé de lui dans son abri de jardin. Finalement, elle s'était offert une brochette d'amants beaucoup plus jeunes qu'elle et avait pris la mauvaise habitude de lui téléphoner pour les lui décrire. Ensuite, son fils avait refusé de continuer à vivre avec elle et s'était réinstallé chez Carl, en plein crise adolescente. Et pour finir, il y avait eu cette fusillade à Amager, qui avait stoppé net tout ce à quoi Carl s'était raccroché.

Pour cuver sa peine, le voici donc relégué au sous-sol avec de vieux dossiers classés à ré-ouvrir, histoire de redorer le blason de la police aux yeux des politiques et d'obtenir des subventions supplémentaires. Bien sûr, le dossier sur le haut de la pile est celui de Merete Lynggaard disparue 5 ans plus tôt. Et le lecteur futé se doute bien que les deux histoires vont finir par se rejoindre.
Mais Carl est affublé d'un aide à tout faire : Hafez el Assad, un pseudo-réfugié syrien (!) qui cuisine des beignets dans le bureau de Carl le bougon. Ces deux-là forment une paire impayable. Et originale.
Assad ne se contente pas de laver par terre et de faire la cuisine, il conduit aussi la voiture comme Samy Naceri dans Taxi, il connaît les filons pour décoder les faux-papiers plus vite que la scientifique et surtout il décrypte les affaires plus vite que Carl ! Ah, j'oubliais, auprès des femmes il a aussi plus de succès que Carl le maladroit.

[...] Carl s'assit lourdement sur son siège en face de son assistant.
« Ça sent très bon, Assad, mais ici, on est à la préfecture de police, pas dans un gril libanais de Vanløse.
- Goûtez ça, chef, et félicitations monsieur le commissaire », répliqua-t-il en lui tendant un triangle de pâte feuilletée fourrée. [...] La situation n'était pas facile à gérer.
« J'ai mis tous les papiers concernant l'accident de voiture sur votre bureau, chef. Je vous parlerai un peu de ce que j'ai lu, si vous voulez. »
Carl acquiesça de nouveau. Il ne manquait plus que ce type se charge aussi de rédiger le rapport quand ils en auraient fini avec cette affaire.

L'humour féroce de Jussi Adler Olsen décoiffe et égratigne ses compatriotes au passage.
Un bouquin qu'on ne lâche plus dès qu'on a eu le malheur bonheur de l'ouvrir.
Heureusement, tout au long du livre, les affreux collègues de Carl le bougon ont déposé tout plein de dossiers mal ficelés sur son bureau du sous-sol : on espère qu'il va bientôt en rouvrir un autre !


Pour celles et ceux qui aiment les danois et les syriens.
C'est Albin Michel qui édite ces 489 pages qui datent de 2007 en VO et qui sont traduites du danois par Monique Christiansen.
D'autres avis sur Babelio.

samedi 18 octobre 2008

Tête de chien (Morten Ramsland)

Saga nordique.

On avait déjà eu droit à une saga norvégienne avec Le demi-frère, de Lars Saabye Christensen.
Voici une autre saga familiale qui lui ressemble beaucoup.
Tête de chien, du danois (stop, j'évite les mauvais jeux de mots) Morten Ramsland.
Une famille de danois, mais de danois qui oscillent entre la Norvège et le Danemark.
La Norvège n'est pas le seul point commun avec Le demi-frère évoqué plus haut : on retrouve ici la peinture (il est d'ailleurs question de peinture) d'une famille haute en couleurs (décidément) avec par exemple le grand-père, magouilleur collabo puis rescapé des camps allemands, ingénieur naval, qui dessine des plans de bateaux d'inspiration ... cubiste, ce qui lui vaut quelques déboires professionnels.
Ou la grand-mère vieillissante qui se fait expédier des boîtes de conserves emplies de l'air de sa bonne ville de Bergen que la vie et le grand-père l'auront obligée à quitter trop vite.
À travers les années et l'histoire de l'arrière-grand-père, du grand-père, du père et du fils, toute la famille défile sous nos yeux. Avec ses personnages attachants et leurs histoires.
Car Morten Ramsland (qui a écrit également des livres pour la jeunesse) possède l'art de raconter les histoires.
[...] «Dieu est venu cette nuit, et Il a emporté tes chatons.»
Voilà ce qu'avait dit un jour Hans Carlo Petersen, le précédent patron de l'atelier d'encadrement, à sa fille Leila, alors âgée de six ans, en lui tapotant doucement la tête de cette même main qui, la veille au soir, avait mis les sept chatons dans un sac avant de les noyer dans le ruisseau derrière la maison. Leila, à qui son père venait d'offrir une grosse glace, sentit un goût amer se mêler à celui de la crème glacée. Cinq ans plus tard, lorsqu'il vint la chercher chez sa tante maternelle et la conduisit au bord du lac où il acheta la plus grosse glace du marchand, il déclara : «Dieu est venu cette nuit, et Il a emporté ta mère.» Par ces mots, il ne causa pas seulement un profond cha
grin à sa fille, mais il lui inspira une aversion durable à l'égard de Dieu et des sucreries.
Quel talent ! Tout est dit, l'air de rien.
L'art de raconter des histoires, mais pas n'importe lesquelles :
[...] Stinne et moi, nous n'avions plus envie d'entendre des histoires. Elles trainaient avec elles un je-ne-sais-quoi de douloureux et de mensonger. À cette époque, aucun de nous ne savait que ces histoires formaient le ciment qui liait notre famille, et c'est seulement quand elles ont disparu que tout a commencé à s'effriter, et que nous nous sommes dispersés aux quatre vents.
Des histoires de famille, des histoires qui touchent, qui touchent à tout au travers d'une galerie de personnages, tous profondément humains et tous plus pittoresques les uns que les autres.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de famille.
Gallimard édite ces 437 pages qui datent de 2005 en VO et qui sont traduites du danois par Alain Gnaedig.

vendredi 30 mars 2007

La maison des célibataires (Jorn Riel)


Le Groenland manquait encore à notre exploration de la littérature nordique : voilà donc cette absence comblée (et nous aussi) avec cette toute petite (70 pages) excentricité du danois Jorn Riel, La maison des célibataires.
Une sorte d'amuse bouche. Un « racontar » comme se plait à le dire l'auteur ethnologue à ses heures.
Une histoire de pieds-nickelés selon la 4° de couverture : au fin fond du Groenland (un peu le Far-North, sorte de Far-West du nord), cinq vieux garçons entreprennent d'assurer leur vieux jours avec un vrai faux mariage et une fausse vraie maison de retraite.
Cocasse, savoureux, une histoire que l'on aurait pu entendre au coin du feu (que Jorn Riel a certainement entendue au coin d'une cheminée).
Et dépaysant car en cette lointaine terre groenlandaise, les valeurs ne sont manifestement pas les mêmes que les nôtres. Jugez-en :
Bandita est une maîtresse femme qui terrorise ses moutons et toute la colonie :
[...] On racontait qu'elle avait tué son mari, qu'elle l'avait tabassé à mort parce qu'il avait essayé de faire une fugue juqu'à Julianehab. Mais personne ne savait au juste ce qui s'était passé, vu que quand le curé était arrivé, le bonhomme était déjà mort et enterré depuis six bons mois.
Kernatoq ("le noir" en groenlandais) travaille sur le bateau à charbon de la colonie :
[...] Il ne se lavait que rarement et c'est pourquoi sa peau, petit à petit, avait pris la couleur du charbon. Kernatoq aimait beaucoup les femmes, mais les filles de Sardloq l'évitaient. Celles qui, par pure gentillesse, partagèrent quand même occasionnellement son lit, prétendirent que la poussière de charbon crissait entre leurs dents pendant des semaines après.
Tout cela (et bien d'autres encore, au fil de ces quelques pages exotiques) ne doit être qu'exagération assurément !

D'autres blogs en parlent ici, et .

samedi 18 novembre 2006

La femme de Bratislava (Leif Davidsen)

Nous continuons notre exploration de la littérature nordique après les polars polaires dont nous avions déjà parlé avec Mankell ou d'autres et reparlé avec Indridason. Cette fois, nous vous proposons un petit tour du côté du Danemark avec Leif Davidsen et un roman qui s'apparente plus à l'espionnage qu'au polar proprement dit : La femme de Bratislava.
On y apprend beaucoup beaucoup de choses : tout d'abord sur nos voisins danois et leur mode de vie qui nous rappelle bien souvent le notre. Sur leur histoire récente également, notamment pendant les années sombres de la dernière guerre et la collaboration avec les nazis (tiens, là aussi, cela nous rappelle quelque chose).
Et puis sur la guerre froide avec les pays de l'est (le roman nous promène en Pologne, en Tchéquie et bien sûr à Bratislava en Slovaquie).
Et pour finir sur la guerre toute récente des Balkans en future-ex-Yougoslavie (Kosovo, Albanie) : les danois furent en effet partie prenante des forces de l'OTAN.
Et apparemment, ce n'est pas l'épisode dont Leif Davidsen est le plus fier.
Un roman qui est donc aussi une leçon d'histoire et de géopolitique.
Un roman d'espionnage on l'a dit, mais aussi une histoire de famille, vue à travers les 3 personnages principaux : le héros (universitaire ex-gauchiste), sa sœur (activiste et féministe) accusée d'intelligence avec l'ennemi et enfin le policier de service qui tentera d'éclaircir quelques mystères.