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mercredi 4 septembre 2024

Les mouettes - mission Lybie (Thomas Cantaloube)


[...] C’était un gros coup, chacun en convenait.

Un roman qui s'inscrit comme suite de la fameuse série tv Le Bureau des Légendes, un spin-off comme on dit pour faire genre : de quoi ravir les nombreux fans de la série tv.

L'auteur, le livre (334 pages, août 2024) :

Rentrée 2024.
Les éditions Fleuve noir ont eu l'excellente idée de lancer une série livresque dérivée de la désormais mythique série tv Le Bureau des Légendes
Un spin off, comme on dit pour faire genre : de quoi ravir les nombreux fans de la série tv.
Et pour ce premier épisode intitulé Les mouettes, la réalisation a été confiée au journaliste-écrivain Thomas Cantaloube, un reporter de guerre qui connait bien les Balkans et le Sahel et que l'on connait déjà pour ses thrillers géopolitiques comme Requiem pour une République ou encore Frakas.

Le contexte :

Deux groupes islamistes tiennent le désert sahélien sous leur coupe : le GSIM, Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans, organisation salafiste affiliée à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) ainsi que l'EIGS, l'État Islamique dans le Grand Sahara, qui lui dépend de l'État Islamique.
Au Sahel fin 2022, l'opération Barkhane est officiellement terminée au Mali et les forces françaises ont quitté le pays (laissant le champ libre aux mercenaires de Wagner) pour opérer de manière limitée depuis le Niger.
En 2023, l'armée française quittera également le Niger, mais ceci est une autre histoire.
[...] Depuis que la France avait décidé d’endiguer la menace conjuguée des terroristes islamistes et des séparatistes touaregs galvanisés par l’effondrement de la Libye suite à l’intervention occidentale (version officieuse), l’opération Barkhane, succédant aux opérations Serval et Épervier, représentait l’une des plus importantes Opex de la France des dernières décennies. Le repli contraint de 2022 sur le Niger en avait réduit l’empreinte.

♥ On aime :

 Bien sûr on est ravi de retrouver dans ce bouquin une partie du "casting" de la célèbre série, comme Marie-Jeanne Duthilleul par exemple (c'était Florence Loiret Caille) qui avait pris la tête du Bureau ou encore Jonas Maury (le geek qui était incarné par Artus). 
Mais cette fois-ci, c'est plutôt Marcel Gaingouin (Patrick Ligardes à l'écran) qui va nous accompagner au cœur du Service Action, au cœur des commandos chargés des basses besognes de notre nation en terres inconnues, ceux que l'on surnomme Les Mouettes
[...] Les éboueurs avaient le droit à l’erreur. Pas les Mouettes, le surnom que se donnaient les membres du SA.
 En bon professionnel du thriller, Thomas Cantaloube prend tout le temps nécessaire pour nous rappeler la géopolitique agitée du Sahel de même que les coulisses de l'organisation de ce fameux Service Action à l'histoire mouvementée. C'est même tout l'intérêt de ce bouquin que de nous rappeler les tenants et aboutissants de ce qui se joue pour nos soldats dans les pays de la zone sahélienne.
[...] Jusqu’à l’orée des années 2000, la DGSE et son prédécesseur le SDECE ne jouissaient pas d’une grosse réputation. [...] Les espions tricolores avaient trop longtemps barboté dans la marmite des barbouzeries gaullistes avant de se laisser embringuer dans les politicailleries mitterrandiennes, passant au mieux pour d’habiles bricoleurs, au pire pour des clones d’OSS 117 version Jean Dujardin. C’était finalement les attentats du 11 septembre 2001, et les différentes et mal-nommées « guerres au terrorisme », qui avaient redoré le blason de la Boîte.
 Nous voici au lancement d'une nouvelle saison de la série : cet épisode doit donc remettre en scène les personnages avec leurs passés, décrire le nouveau contexte, disposer les pièces de la nouvelle intrigue, ...
Les fans du Bureau des Légendes seront peut-être déconcertés par le focus mis sur les fameux commandos du Service Action (plutôt que les intrigues parisiennes) mais le récit de guerre est impeccablement maîtrisé et on imagine très bien ce que cela va donner à l'écran.
Et bien sûr comme dans toute bonne série, il est d'usage que la fin de l'épisode annonce une suite : mais alors là, chapeau !, Thomas Cantaloube se permet un sacré twist dans les toutes dernières lignes ! 
On n'a rien vu venir et on ne peut que trépigner en attendant la suite !

Le scénario :

La DGSE a réussi à infiltrer l'une de ses dernières recrues au sein d'une Katiba islamiste du GSIM : c'est Alassane Cissoko, connu sous le nom de code de Canaque, désormais une précieuse source de renseignements.
Mais les mouvements des djihadistes vont compromettre sa couverture, sa légende, et la DGSE est obligée de l'exfiltrer.
[...] Tous les services secrets de la planète abandonnaient, avaient abandonné ou abandonneraient un jour une source en cas de danger pour l’organisation. Les sources faisaient office de fusibles. On tentait de les préserver le plus longtemps possible, mais dès qu’elles mettaient en péril l’intégrité de l’installation électrique, on les débranchait.
Bien entendu l'opération ne sera pas de tout repos, on s'en doute !
[...] — Bref, nous effectuons une manœuvre préventive.
— En quelque sorte.
— Mais risquée ?
— Dans notre métier, il n’en existe pas d’autres.
[...] Notre principal problème sera de devoir naviguer entre l’armée malienne, les mercenaires russes de Wagner, et les successeurs de Barkhane qui continuent de mener des actions dans la zone depuis le Niger.
C'est le capitaine Yannick Corsan qui mène l'opération. Un soldat valeureux mais pas tout à fait clean avec son passé douloureux et tourmenté ...
[...] — Tu n’es pas sérieuse ? ! s’insurgea le général.
— Corsan n’est pas fiable, Marcel ! Il prend des initiatives à l’emporte-pièce et ça casse plus souvent que ça ne passe.

Pour celles et ceux qui aiment les Légendes (celles du Bureau).
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Fleuve (SP).
Ma chronique dans les revues ActuaLitté , Benzine et dans 20 Minutes.

mardi 26 mai 2015

La malédiction du lamantin (Moussa Konaté)

Lamentation et déception.

Attention, ceci n'est pas un polar suédois !(1)
Après avoir été emballés il y a quelques années par L'empreinte du renard du malien Moussa Konaté, on avait bien envie de retourner sur les rives du Niger, d'autant qu'il n'est plus question de voyager là-bas pour de vrai, en ces temps troublés.
Las, La malédiction du lamantin fut une vraie déception.
Après la subtile enquête au pays Dogon, nous retrouvons le commissaire Habib qui va enquêter près de Bamako sur des meurtres dans la tribu des Bozos, les pêcheurs du fleuve.
On retrouve l'ambiance gentiment naïve, simple et naturelle qui est un peu la marque de fabrique des contes africains.
D'autant que Konaté entend bien nous faire partager quelques mythes et secrets de la culture Bozo, c'est énoncé dans le titre de la légende qui va servir de trame à l'histoire.
Une ethnie partagée entre islam et animisme ...

[...] Le Mali est un pays bien complexe. Il n’y a pas que les Dogons. Les Bozos sont tout aussi étranges. Tu as remarqué qu’il y avait côte à côte l’imam et le devin, c’est-à-dire l’islam et l’animisme, sans que ça gêne personne ? Au contraire, ça leur paraît tout naturel que l’un s’adresse à Allah et l’autre aux esprits.
[...] D’un côté, ils soutiennent que c’est Allah qui a foudroyé le chef Kouata et son épouse, de l’autre ils présentent leurs excuses à Maa le Lamantin, une divinité des eaux.

Mais cette fois la magie n'opère pas vraiment : l'intrigue est cousue de fil blanc de marabout, l'auteur se montre beaucoup trop didactique, trop explicatif et l'on ne retrouve pas les subtils sous-entendus qui faisaient le sel du voyage en pays dogon.
Konaté nous ressert même la légende des demi-frères bozo et dogon que l'on avait découverte dans l'épisode précédent !
(Il semblerait que le Lamantin fut écrit avant le Renard, mais leurs parutions en France seraient inversées, ce qui explique peut-être la meilleure maîtrise du second qui est notre premier).
On va quand même regarder de près le troisième voyage proposé par Moussa Konaté, déjà parti voir les touaregs de Tombouctou ...

(1) - clin d'œil à l'amusant bandeau promotionnel dont les éditions Points ont affublé L'empreinte du renard ! [clic]


Pour celles et ceux qui aiment le fleuve Niger.
D'autres avis sur Babelio.



vendredi 19 mars 2010

L’étrange destin de Wangrin (Amadou Hampaté Ba)

Au temps béni des colonies.

Il était une fois.
Amadou Hampaté Bâ est l'auteur malien par excellence. D'origine peule, il est né à Bandiagara au pays Dogon avec le début du siècle et il s'éteindra un peu avant lui.
Ethnologue et écrivain reconnu, il prononcera à l'Unesco cette phrase restée célèbre : "En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle."
Avec L'étrange destin de Wangrin il a recueilli puis mis sur le papier les mémoires de cet étrange Wangrin, personnage réel mais ô combien insaisissable, dans tous les sens du terme.
Interprète officiel des gouverneurs (du temps où l'AOF recouvrait le Mali, le Sénégal et d'autres colonies françaises), il aura consacré sa vie à monter des arnaques en tout genre, grugeant indifféremment ses compatriotes et les colons français, aux seules fins de s'enrichir et d'assoir son influence.
Si la concussion, la malversation et la prévarication étaient des disciplines olympiques, nul doute que le sieur Wangrin aurait réussit le grand chelem sans forcer.
Drôle d'idée donc que de brosser ainsi le portrait d'un noir a priori peu sympathique ... mais dont on ne peut s'empêcher de suivre avec intérêt les aventures abracadabrantes (et pourtant bien réelles, Hampaté Bâ nous l'a dit), racontées au rythme des contes et légendes de la brousse mais avec un suspense digne d'un polar.
http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifIl faut dire que les crimes perpétrés par l'infâme Wangrin ne sont jamais bien graves(1) : il ne s'agit, après tout, que de trafics et d'argent, de l'argent des colons français venus s'enrichir en Afrique, juste retour de manivelle.
Et puis Wangrin se montre un étonnant connaisseur des ressorts de l'âme humaine, jaugeant précisément ses interlocuteurs, trouvant habilement leurs points faibles.
Enfin, tout cela est mené de main de maître es arnaque, au nez et à la barbe des gouverneurs français, roulés dans la farine de mil.
Il faut dire que Wangrin a été à bonne école : l'école des otages, comme on l'appelait alors, lorsque les colons réquisitionnaient de force les fils des notables de la brousse pour les avoir sous la main dans des écoles éloignées et ainsi s'assurer de la fidélité de leurs vassaux(2).
L'école des colons blancs coiffés du casque colonial :

[...] Cette coiffure ridicule ne faisait pourtant rire personne. Bien au contraire elle inspirait la peur. C'était en effet la coiffure officielle et règlementaire des Blancs, ces fils de démons venus de l'autre rive du grand lac salé [...] C'était un emblème de noblesse qui donnait gratuitement droit au gîte, à la nourriture, aux pots-de-vin et, si le cœur en disait, aux jouvencelles aux formes proportionnées pour les plaisirs de la nuit.

Finalement, dans ce monde peu sympathique (c'est l'époque de la Grande Guerre), Wangrin nous apparaît plutôt humain et passe presque pour une sorte de Robin des Bois de baobabs, un Robin des Baobabs qui volait beaucoup les riches et donnait un peu aux pauvres et qui, comme la charité bien ordonnée, commençait par se servir lui-même.
Les histoires d'argent comme les histoires d'amour finissent mal, en général, et l'on se prend à la fin de ces aventures truculentes, à regretter ce trouble personnage, l'écriture impeccable d'Hampaté Bâ et le rythme répétitif des contes de la brousse ...
Un livre où l'on découvre les vilénies dont sont capables les colons blancs, et comment utiliser à son profit différents mécanismes de l'âme humaine (sans couleur celle-ci).
Voir aussi les polars de Moussa Konaté, un autre auteur malien.

(1) : bon d'accord, il joue quand même un temps les proxénètes avec une cousine adoptive ...
(2) : Hampaté Bâ y a également "séjourné".


Pour celles et ceux qui aiment les contes africains.
Les éditions 10-18 éditent en poche ces 366 pages qui datent de 1973 ou de Ramadan 1391.
D'autres avis sur Critiques Libres. Nathalie parle longuement de l'auteur et du livre sur Littexpress.

mercredi 9 septembre 2009

L’empreinte du renard (Moussa Konaté)

La magie du pays Dogon.

Après un voyage magique au pays Dogon en février (les photos sont ), je ne pouvais laisser passer une série polar d'un auteur malien, Moussa Konaté, qui met en scène le commissaire Habib de Bamako aux prises avec les mystères des différentes ethnies du pays : les pêcheurs bosos, les dogons, ...
Pour débuter la série, j'ai bien sûr choisi L'empreinte du renard qui nous emmène au pied de la fameuse falaise de Bandiagara, dans les villages du pays des Dogons.
Bien sûr mon avis est partial : je reviens de là-bas et j'ai retrouvé dans ce petit bouquin tout plein de traces, non pas de renards, mais de la magie de ce pays préservé. Les femmes qui remontent la falaise avec leurs emplettes (clic clac photo), les tissus bogolans (clic clac photo), les rares mosquées (clic clac photo) et les rares musulmans de cette région animiste et réfractaire à l'islamisation, les sépultures nichées dans la falaise (clic clac photo), les ruelles des villages et leurs greniers (clic clac photo), les champs d'oignons sur le plateau (clic clac photo), la danse du masque et le masque de la grande maison (clic clac photo), ... j'en passe (et des pages du bouquin et des photos de l'album).
Au point que je me suis demandé si ce bouquin serait autant apprécié par ceusses qui n'ont pas encore eu la chance de voyager là-bas (mais la réponse est oui : MAM a, elle aussi, beaucoup aimé).
L'écriture est fraîche et naturelle, pour nos esprits européens nourris de fioritures sophistiquées, et cette simplicité laisse toute sa place à l'histoire contée, comme dans une légende dogon.
La subtilité vient de la mise en scène du commissaire Habib, venu de la capitale Bamako qui débarque pour enquêter au village dogon comme sur la lune. Il est étrange de réaliser ainsi qu'il y a pratiquement autant de différence culturelle entre Paris et Bamako ... qu'entre Bamako et Bandiagara ...

[...] - Dis-moi, demanda le commissaire au chauffeur, tu les connais les Dogons ?
- Personne ne peut jurer qu'il connait les Dogons, répondit Samaké avec une gravité inhabituelle. Il y en a à Mopti et un peu partout dans la région, mais c'est surtout à Bandiagara et dans les villages voisins qu'ils vivent. Moi, je me méfie d'eux.
- Tiens ! Et pourquoi ? s'étonna le policier.
- Parce que ce sont des gens qui ont des pouvoirs de sorcier. Tu as vu leur façon de vivre dans les villages ? On se croirait au temps de nos ancêtres.
- Ils ne semblent pas malheureux, c'est l'essentiel.
Rien ne prouve qu'ils voudraient vivre comme toi.
- Je sais, mais je veux dire que ce sont des gens d'un autre temps. Je les crains parce que je ne les comprends pas. Et avec tout ce qui se dit sur eux, il y a de quoi.
- Et qu'est-ce qu'on dit d'eux ? insista Habib.
- On dirait que tu mènes une enquête comme si tu étais policier, lança le chauffeur en regardant le commissaire.

Ce qui explique sans doute en partie la "magie" d'une visite au pays dogon : ce n'est pas seulement l'Afrique qu'on y découvre, mais quelque chose comme l'Afrique de l'Afrique ...
Le bouquin est simple, l'intrigue aussi : on se doute bien que les assassinats magiques ou rituels cachent un règlement de comptes entre quelques gardiens de la tradition ancestrale et d'autres qui ont cru pouvoir toucher de l'argent pas très propre au mépris des us et coutumes dogons.
Cette simplicité apparente cache quand même quelques pages absolument superbes quand le commissaire de la capitale interroge les vieux du coin (le Devin puis le Grand Hogon du village) : de véritables joutes oratoires toutes en subtilités, en non-dits et sous-entendus, véritables parties de cache-cache où il s'agit de parler sans dire, de reconnaître sans avouer, ...
Précipitez-vous au pays Dogon, un des plus beaux voyages qui puissent être, puis sur les bouquins de Moussa Konaté pour prolonger la visite.
On essaie de voyager plutôt souvent et plutôt partout : mais on est bien forcés de constater qu'une fois attrapés, l'Afrique noire ne nous lâche plus. On pense retourner au pays Dogon l'an prochain, à la saison des pluies cette fois, histoire de surprendre le Mali verdoyer.
D'autres enquêtes du commissaire Habib nous feront patienter d'ici là.


Pour celles et ceux qui aiment l'Afrique.
Points policier édite ces 265 pages en poche qui datent de 2006.
Sylvie, Sophie, Katell, Valdebaz et le Bibliomane en parlent. D'autres avis sur Critiques Libres.
Pour voyager pour de vrai : 1, 2, 3.