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dimanche 7 mars 2021

San Perdido (David Zukerman)

[...] L'histoire a tout de la légende caribéenne.

Le français David Zukerman nous emmène au Panamá au tout début des années 50, un pays qui pour être officiellement indépendant, s'est vendu aux américains.
Nous voici dans un coin moins sympa que ne le laisse supposer la couverture puisque l'histoire démarre dans la décharge d'un bidonville de San Perdido.
Plus tard nous aurons accès aux hauts et beaux quartiers de la ville.
Mais entre les murs des riches maisons, pas sûr que ce soit beaucoup plus propre qu'en bas.
Le bouquin est une sorte de conte social, une fable teintée d'un peu de la magie des Cimarróns, une histoire étrange avec comme personnage central, un jeune garçon, surnommé La Langosta à cause de ses mains, véritables battoirs à la puissance terrifiante.
Rares sont ceux qui connaissent le vrai nom, Yerbo Kwinton, de ce jeune homme inquiétant qui sait écouter les battements de cœur [clic].
[...] Yerbo pouvait reconnaître le battement interne si particulier d'un être humain et l'utiliser comme un radar.
Le roman est assez déroutant et nous promène d'un personnage à un autre puis un autre encore sans que l'on comprenne vraiment lequel va devenir une des clés de l'intrigue.
[...] Elle ne comprend rien à l'histoire hétéroclite de ces personnages nouveaux qui ne cessent d'apparaître au fil des chapitres, dessinant un monde puissant, mais effrayant.
En dépit de la rudesse de la vie à San Perdido, le roman est baigné d'une très chaude sensualité toute caribéenne mais qui pourra peut-être ne pas plaire à de trop chastes lecteurs ou lectrices.
[...] Malgré l'excellente humidification des tissus de la jeune fille, la chair frottée par les vigoureux allers-retours du priapique homme d'Etat se ressent de ces longues nuits. L'enthousiasme avec lequel elle a répondu aux étreintes puissantes l'a laissée fourbue.
Après la découverte initiale de la prose et du pays, tout cela finit tout de même par sembler un peu convenu. David Zukerman nous conte une belle histoire (et c'est plutôt un bon conteur) en dosant soigneusement tous les ingrédients de sa recette tirée d'un guide touristique : décor exotique avec le soleil brûlant et la pluie chaude des caraïbes, érotisme généreux de jeunes métisses aux courbes sensuelles, drame social avec des blancs et des noirs, des bons et des méchants, des odeurs mêlées de parfums, d'alcools, de sueur et de port, une pincée de magie noire, ...
Une profusion de clichés où l'on pourra tout de même pêcher quelques perles :
[...] Que l'on soit en amont ou en aval de la rue, un cliquetis continu résonne jusqu'à la mer. Celui des rideaux de perles qui pendent devant chaque porte. Ceux des bordels ne cessent jamais de bruire. Là est la véritable pulsation de San Perdido.

Pour celles et ceux qui aiment les caraïbes.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mercredi 25 février 2015

BD : Les 110 pilules

Le déclic de la période Ming

Les éditions Delcourt ont eu la bonne idée de ré-éditer dans leur collection Erotix, la BD de MagnusLes 110 pilules.
La bande dessinée de Magnus (l’italien Roberto Raviola) datait des années 80, les années de l’écho des savanes, mais le véritable original date lui à peu près de l’an 1000 : le Jin Ping Mei (ou Fleur en fiole d’Or), un roman érotique de la dynastie Ming, des milliers de pages compilées au fil des siècles et dont la BD reprend quelques thèmes.
Le riche seigneur Hsi-Men, bon vivant, va obtenir d’un moine ermite, quelques pilules magiques (110 pour ceux qui ne se sont pas laissés distraire par les images) qui lui assurent la virilité qui sied à son rang et qui vont lui permettre d’honorer comme il se doit ses diverses concubines et même d’autres dames si besoin.

[…] Mais n’oubliez pas ce que vous dit le moine ! Jamais plus d’une et une à chaque lune !

Évidemment ces petites pilules magiques (le viagra avant l’heure) vont nous valoir quelques émotions, à nous lecteurs et puis aux dames de la cour aussi.
Les beaux et agréables dessins en noir et blanc de Magnus font la part belle aux courbes féminines et aux membres virils, au point qu’on en oublie souvent d’admirer les décors et les paysages, pourtant fort bien travaillés eux aussi.
Entre deux intrigues de son harem, le seigneur Hsi-Men avale ses pilules sans compter et bande à tout va. Dames de la cour, prostituées du village, riche voisine et même quelques jeunes et beaux travestis, tout le monde y passe et dans différentes positions, la Chine est une civilisation raffinée, on le sait.

[…] Le jardinier : lui, butte le jardinet avec deux doigts, elle, allongée sur le dos, les jambes autour de sa taille à lui, cultive le concombre en attendant d'être arrosée.
[…] La grille : elle est sur le dos, les genoux en arrière, introduit deux doigts dans son petit four, lui, sa broche.
[…] La petite cage : il s'est allongé sur le dos, elle s'est assise sur lui, emprisonnant l'oiseau. Elle serre les cuisses et le fait gazouiller.

Mais le seigneur Hsi-men a trop vite oublié les conseils avisés du moine et tout cela va très mal finir sans que l’on sache bien si la morale de l’histoire est de celles qui nous interdisent de braver les équilibres immuables de la nature ou de celles qui nous incitent à profiter du temps présent sans souci de l’avenir …
Un album chaud, qui change intelligemment de la production habituelle et qui s'avère être un peu plus qu'un catalogue d'images pieuses.


Pour celles et ceux qui aiment ‘ça’.
D’autres avis sur Babelio.

vendredi 16 octobre 2009

L’acrobatie aérienne de Confucius (Dai Sijie)

Quinte flush royale.

Dai Sijie n'est pas un inconnu.
Depuis Balzac et la petite tailleuse chinoise, dont on parlait il y a deux ans, un livre qu'il a mis lui-même en images.
Le revoici de nouveau avec (encore un titre improbable) : L'acrobatie aérienne de Confucius.
Comme dans son précédent bouquin, Dai Sijie excelle dans l'art d'interpeller la littérature pour mieux la mêler à son propre roman. 
Il est par exemple ici question de Rabelais ou encore d'un manuscrit de Tomé Pires, une sorte de Marco Polo portugais.
Dai Sijie construit sa propre histoire sur une anecdote (une légende ?) historique : celle de l'empereur chinois Zheng De qui, vers 1500, craignait tellement pour sa vie qu'il s'était entouré de quatre sosies parfaits. On l'appelait (on les appelait) la Quinte Souveraine.

[...] Voilà un surnom qui mérite des éclaircissements : connu pour sa peur obsessionnelle de la mort, cet empereur apparaissait toujours, en public ou en privé, accompagné par quatre sosies qui, non seulement lui ressemblaient comme des gouttes d'eau, mais avaient atteint une telle perfection dans l'art de synchroniser leurs mouvements, leurs mimiques, leurs paroles que personne ne pouvait dire lequel d'entre eux était le vrai, pas même sa mère, ni l'Impératrice ou les concubines auxquelles il accordait ses faveurs, encore moins ses ministres.

L'Empereur finira noyé dans un accident, mais s'agit-il d'un accident ou d'un attentat et s'agit-il de l'Empereur ou de l'un des sosies ?
Une idée plutôt originale qui en croise une autre, lorsque les chinois de l'époque découvre leur premier Noir (qu'ils confondent avec ... une autruche) :

[...] Comme trophées, il avait capturé quatre animaux exotiques :
un couple de rhinocéros,
un éléphant,
une créature muette, d'origine africaine, qu'un marchand d'Ormuz avait vendue, avec une girafe, au cirque du roi Birman. Elle était noire de la tête aux pieds, à l'exception du blanc des yeux. Une espèce jamais répertoriée dans notre Empire.

Comme chacun sait les Noirs sont équipés d'un membre viril imposant (1).
L'Empereur Zheng De se fait donc greffer celui du malheureux captif et se retrouve obligé de faire peindre ceux de ces sosies dans la même couleur, même si la taille n'y est pas ...
On passe alors dans le registre coquin, celui du roman historico-érotique ...
D'où ce fameux titre :

[...] " L'acrobatie aérienne de Confucius ! Il l'a réussie, dit le Monarque."

Mais voilà que moi aussi, comme Dai Sijie, je me mets à plaisanter ...
Malheureusement n'est pas Umberto Eco qui veut. Et Dai Sijie empile ici les anecdotes amusantes, les histoires érudites, les polissonneries chinoises ... sans vraiment réussir à nous embarquer sur sa jonque impériale.
Il y avait peut-être de quoi donner vie à une nouvelle ou deux mais la dilution dans le roman finit par ôter toute saveur à la soupe qui se voulait pourtant épicée.
Dai Sijie s'amuse, visiblement, mais malheureusement un peu tout seul.

(1) : mais ça, pour le coup, c'est vraiment une légende, n'est-ce pas les filles ?!


Pour celles et ceux qui aiment les curiosités.
Flammarion édite ces 249 pages qui datent de 2009.
D'autres avis sur Critiques Libres.

samedi 6 décembre 2008

Loin de Chandigarh (Tarun J. Tejpal)

Kamasutra.

Un petit tour en Inde, un grand voyage plutôt puisqu'il s'agit d'un pavé de près de 700 pages.
Un roman en deux parties, presque deux histoires en une, un peu l'histoire dans l'histoire, puisqu'il est question d'un écrivain qui bien sûr cherche l'inspiration qui lui dictera son roman.
On commence par la fin, et au final on se retrouvera au début du livre : la boucle sera bouclée.
La première partie justement décrit les affres de l'écrivain en panne d'inspiration.
C'est touffu, foisonnant, exotique, mais on n'accroche guère (lire le billet de Babsid sur Critiques Libres).
Et personnellement on a trouvé que Tarun J Tejpal se regardait un peu trop le nombril (voire un peu en-dessous), tout comme (hasard ?) un autre indien qu'on a lu il y a peu : Hanif Kureishi.
Il faudra attendre la seconde partie, l'histoire dans l'histoire, pour vraiment décoller, lorsque l'écrivain tourmenté découvre les carnets intimes d'une anglaise de l'époque post-coloniale.
Cette seconde partie nous conte l'histoire d'une dame anglaise mariée à un prince indien (on est au pays des maharajas) mais qui, malheureuse en mariage comme l'on dit, découvrira les sommets du plaisir dans les bras d'un ou deux autres amants indiens.
Le charme sensuel de ces deux histoires tient à leur sujet commun : l'alchimie du désir (c'est le titre original en VO), la chimie des corps et du plaisir.

[...] Il n'y a pas de doute : dans le sexe, les hommes stationnent au camp de base. Ils peuvent jouir des nombreux plaisirs de la moyenne montagne, mais les sommets vertigineux leur sont refusés. Il leur manque le souffle, l'imagination, l'abandon, l'anatomie. Leur tâche consiste à préparer les vrais grimpeurs : les femmes, artistes des hautes cimes. Ces chamois capables de sauter d'arête en arête, de sommet en sommet, jusqu'à la vastitude de l'éternité. Depuis des millénaires les hommes luttent contre cette certitude. Ils connaissent l'existence des altitudes inaccessibles.

Ce gros pavé est une ode sensuelle entièrement consacrée à la femme et à son plaisir (et donc, en miroir, au désir de l'homme). Nulle pornographie, à peine quelques pages d'érotisme (un peu quand même sur 700 !), mais surtout un fleuve débordant de sensualité car on s'y frotte, caresse et baise sans fin. Qu'il s'agisse des ébats de l'auteur avec son épouse dans la première partie (si l'écrivain est en panne d'inspiration, il n'y a rien d'autre en panne chez lui !) ou qu'il s'agisse des amours tumultueuses de l'anglaise dans la seconde histoire. De l'exotisme et de l'érotisme !
Quelques pages superbes dans ce roman touffu qu'on aurait voulu plus économe, comme cette description d'un interminable embouteillage à un passage à niveau, lorsque le «serpent de voitures» attend le passage du train :

Le python semblait avoir sombré dans le coma, incapable de se ranimer. Puis tout à coup, un frémissement le parcourut. Un mouvement, un bruissement. Le train n'était ni visible, ni audible. Pourtant, des hommes, des femmes et des enfants remontèrent à bord des véhicules. Nous aussi. Les moteurs vrombirent. Au loin, un sifflement retentit, une trépidation parcourut le sol, il y eut un cliquetis de roues d'acier; sans avoir rien vu, on comprit que le train était passé. Tout était figé. Les derniers pisseurs avaient émergé des fossés pour regagner leur voiture. Le serpent semblait retenir son souffle. Puis, dans un rugissement et un crachat soudains, il entra en action. D'abord il se souleva, ondula, s'ébranla. Ensuite, le serpent venant en sens inverse commença à se mouvoir vers nous. Et le nôtre à se redresser : tout ce qui dépassait s'aligna, dans un tumulte de cris et d'insultes. Le serpent devait passer par un sas étroit et il s'effila de lui-même pour s'y faufiler. Après de longues minutes de klaxons, coups de freins et bousculades, on franchit la bosse de la double voie ferrée, tandis que le serpent avançait en face.


Pour celles et ceux qui aiment, tout simplement.
Le livre de poche édite ces 692 pages qui datent de 2005 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Annick Le Goyat.
Ducharme, Fashion, Florinette et Katell en parlent avec plus d'enthousiasme que nous. D'autres avis sur Critiques Libres.

mercredi 23 avril 2008

Les belles endormies (Yasunari Kawabata)

Éros et Thanatos.

On a déjà eu l'occasion de croiser ici Yasunari Kawabata, l'un des deux prix Nobel nippons de littérature (rien que ça), avec l'excellent Pays de neige.
Revoici cette belle écriture venue d'extrême-orient avec Les belles endormies.
Moins accessibles que le Pays de neige, encore plus japonaises, Ces belles endormies nous proposent une bien étrange visite.
Celle d'une maison de «passe». Une maison où l'on «passe» la nuit aux côtés d'une belle.
Aux côtés d'une belle endormie.
Une maison où quelques vieillards avisés, mais plus tout à fait en mesure d'honorer une belle (des «vieillards de tout repos» !), passent une nuit paisible auprès d'une belle, endormie artificiellement.
[...] Et pourtant, pouvait-il exister chose plus horrible qu'un vieillard qui se disposait à coucher une nuit entière aux côtés d'une fille que l'on avait endormie pour tout ce temps et qui n'ouvrait pas l'oeil ?
Comble de l'horreur ou comble du bonheur ?
[...] ... le vieux Kiga, celui qui avait introduit Eguchi, avait dit que c'était comme si «l'on couchait avec un Bouddha caché».
Un bien étrange rituel, très loin de nos fantasmes occidentaux, très proche du shinjû, le double suicide amoureux de l'imaginaire nippon. Car du sommeil tout court au sommeil éternel, il n'y a qu'un pas. Un pas de deux.
En contrepoint des rêveries d'Eguchi, le client que nous suivons au fil des nuits, on savoure les réparties sans réplique de la maîtresse des lieux qui tient sa maison d'une main ferme  :
[...] - De nos clients, aucun ne fait jamais rien. Nous ne recevons que des clients de tout repos.
Ou encore, le lendemain matin :
[...] - Ne pourriez-vous me permettre de rester ici jusqu'à son réveil ? 
- Ça ! cela ne peut se faire ici ! dit la femme d'un ton un peu plus précipité. Même nos clients les plus fidèles ne font pas cela.
Et après une autre nuit :
[...] - J'aurais voulu avoir de la même drogue que la fille. J'avais envie de dormir d'un sommeil pareil au sien. 
- Ça, c'est interdit ! Et d'abord, ce serait dangereux à votre âge ! 
- J'ai le coeur solide rassurez-vous ! Et si par hasard, je m'étais endormi pour l'éternité, ce n'est pas moi qui m'en serais plaint !
Oui, car au-delà de la fascination pour les corps délicats de ces jeunesses endormies, Eguchi le vieillard, est tout autant obsédé par leur sommeil que rien ne vient réveiller. Un sommeil que l'on pourrait croire éternel.
Un sommeil qui sera bientôt le sien, vu son âge avancé.
Dix ans après avoir écrit Les belles endormies, Kawabata se suicidera, un an après le seppuku de son ami Mishima.
Voir aussi Le grondement de la montagne.

Le Livre de Poche édite ces 124 pages traduites du japonais par René Sieffert. 
Pour celles et ceux qui aiment la jeunesse. 
Vaovan en parle (qu'on a découvert grâce à LsF), Jeanne (Nuages et vent) aussi. 
D'autres avis sur Critiques Libres.

mercredi 27 février 2008

Women (Charles Bukowski)

Mémoires d'un vieux dégueulasse.
Il y a quelques jours on ressortait de notre bibliothèque deux bouquins de John Fante : Le vin de la jeunesse et Grosse faim.
Fante, on l'a dit, c'est un peu le père spirituel de Charles Bukowski.
Un Bukowski qui a d'ailleurs grandement contribué à la popularité de Fante.
On tient avec ces deux-là, deux grands écrivains américains, deux piliers de ce siècle de littérature.
Bukowski c'est un peu et en de nombreux points le Serge Gainsbourg de la littérature US : provocateur (avec sa bouteille de pinard chez Bernard Pivot, c'était en 1978 et l'INA a gardé ça en boîte), le physique pas très beau mais grand collectionneur de femmes, grossier personnage et poète sublime.
Dans Women, Bukowski écrit sur les femmes. Enfin c'est ce qu'il dit ou c'est ce qu'il veut faire croire.
[...] - Je dois pas savoir m'y prendre avec les femmes, j'ai dit. 
- Tu sais très bien t'y prendre avec les femmes, a répondu Dee Dee. Et tu es un écrivain formidable. 
- J'préfererais savoir m'y prendre avec les femmes.
Mais, tout bien pesé, on s'aperçoit vite d'une différence essentielle entre le personnage autobiographique de Bukoswki, Hank Chinaski, et Arturo Bandini, le personnage fétiche de John Fante.
Ceux qui se dévoilent sous la plume de John Fante, ce sont «les autres» : la famille, les copains, les filles, le père, la mère, les oncles, et l'on apprend finalement très très peu de choses sur le petit Bandini/Fante.
Bukoswki, tout au contraire, parle avant tout de lui, enfin de Hank Chinaski.
Dans Women, les femmes défilent dans le lit de Chinaski comme dans la vie de Bukowski, mais l'on apprend finalement très peu de choses sur elles. Et c'est bien Bukowski/Chinaski qui se met à nu.
Est-ce l'âge ? l'époque ? mais les charmes sulfureux de Bukowski semblent aujourd'hui bien éventés. Certes on y parle de sexe et d'alcool, on y baise le soir, on y picole toute la nuit et on y dégueule au petit matin, mais cela ne choque plus guère.
[...] « Soit t'es trop saoul pour baiser le soir, soit t'es trop malade pour baiser le matin », disait-elle.
Car la vie de Chinaski/Bukowski est ainsi faite ...
... de beuveries :
[...] C'est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S'il se passe un truc moche, on boit pour essayer d'oublier; s'il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter, et s'il ne se passe rien, on boit pour qu'il se passe quelque chose.
... de coucheries :
[...] - Je t'invite dehors pour le petit-déjeuner, j'ai dit. 
- D'accord, a répondu Mercedes. Au fait, on a baisé, hier soir ? 
- Nom de Dieu ! Tu ne te souviens pas ? On a bien dû baiser pendant cinquante minutes ! 
Je ne parvenais pas à y croire. Mercedes ne semblait pas convaincue. 
On est allé au coin de la rue. J'ai commandé des oeufs au bacon avec du café et des toasts. Mercedes a commandé une crêpe au jambon et du café. 
La serveuse a apporté la commande. J'ai attaqué mes oeufs. Mercedes a versé du sirop sur sa crêpe. 
- Tu as raison, elle a dit, on a dû baiser. Je sens ton sperme dégouliner le long de ma jambe.
(et encore, on a choisi un extrait soft !)
... et de littérature :
[...] Les écrivains posent un problème. Si ce qu'un écrivain écrit est publié et se vend comme des petits pains, l'écrivain se dit qu'il est génial. Si ce qu'un écrivain écrit est publié et se vend moyennement, l'écrivain se dit qu'il est génial. Si ce qu'un écrivain écrit est publié et se vend très mal, l'écrivain se dit qu'il est génial. En fait la vérité est qu'il y a très peu de génie.
Mais rapidement derrière ces propos apparemment scandaleux mais qui ne sont qu'un écran de fumée (et auxquels il serait bien dommage de s'arrêter et de passer ainsi à côté de ce « génial » écrivain), apparait bien vite le désarroi de Chinaski et c'est ce qu'on retiendra de cette relecture de Bukoswki.
[...] J'étais vieux, j'étais moche. C'était peut-être pour cela que je prenais tant de plaisir à planter mon poireau dans des jeunes filles. J'étais King Kong, elles étaient souples et tendres. Essayais-je en baisant de me frayer un chemin au-delà de la mort ?
Un misogyne qui ne peut pas se passer des femmes, un misanthrope profondément humain.
Capable d'écrire, entre deux énormes grossièretés :
[...] En beaucoup de domaines, j'étais un sentimental : des chaussures de femmes sous le lit; une épingle à cheveaux abandonnée sur la commode; leur façon de dire « je vais faire pipi »; ...

Pour celles et ceux qui aiment farfouiller au fond de l'âme humaine. 
D'autres avis sur Critiques Libres.

lundi 11 février 2008

La clef (Junichiro Tanizaki)

Érotisme bourgeois.

Non Folio ne cherche pas à damer le pion à la collection Pocket des romans érotiques qui fleurissent dans les gares : La Clef - La confession impudique est un roman japonais qui date de ... 1956 !
Autant dire que les charmes secrets sont, depuis, un peu éventés !
Mais l'idée, même si elle est d'époque, est plutôt originale.
D'un âge avancé, Monsieur commence à faiblir et peine à satisfaire Madame.
Histoire d'entretenir sa propre jalousie et donc sa flamme, il entreprend de tenir un journal intime racontant ses fantasmes. Et en laissant soigneusement traîner la clef du tiroir, il s'assure que Madame lira bien ses « secrets ».
[...] Plus j'affirmerai ne pas l'avoir lu, plus elle croira le contraire. Si, ne l'ayant pas lu, je passe quand même pour l'avoir fait, autant le lire, pourrais-je me dire, mais malgré tout je maintiens absolument ne pas l'avoir lu.
Pour ne pas être en reste, sa femme gourmande ouvre elle aussi un journal intime (à l'époque, on n'appelait pas encore ça des blogs).
[...] Autrement dit, désormais, je m'adresserai indirectement à lui par ce moyen. Ce que je serais trop honteuse de lui dire en face, je peux ainsi le lui transmettre.
Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, cette situation n'est pas le prétexte à différentes descriptions plus ou moins osées (on est en 1956 au Japon, et pas en 1968 à San Francisco).
Certes on n'y parle pas que de fleurs et de petits oiseaux (Madame est quand même dotée, je cite page 13, «d'un organe absolument exceptionnel », sic !), mais tout le charme de ce badinage libertin repose sur la « position » alambiquée des deux personnages et des tiers qu'ils veulent bien mêler à leurs jeux : c'est la règle du «je sais que tu sais que je lis ...» (jeu c'est que tu lis ... ?) avec toutes ses déclinaisons.
Comment amener l'autre (qui lira forcément ce que l'on écrit soi-disant en secret) à comprendre ce qu'il doit faire ou accepter (sachant qu'on lira ensuite ce qu'il aura écrit en secret, ...).
Du sexe oui, mais du sexe cérébral ! Une sorte de marivaudage à la mode nipponne, dans le cadre bourgeois et officiellement bien-pensant d'un couple japonais de l'immédiat après-guerre.
Le tout est de savoir qui manipulera l'autre, qui saura faire preuve de la plus grande duplicité et finalement, qui écrira le dernier mot dans son journal intime ... page 196.
On n'en dit pas plus pour ne pas trop en « dévoiler » mais sachez qu'on aurait presque pu classer ce petit bouquin dans les polars ...
Tout cela est bien sûr à lire au second degré : ce qui transparait sous l'écriture de Junichirô Tanizaki, c'est le bouillonnement immaîtrisable des corps sous la couverture policée de la société bourgeoise.
Avec même une référence un peu étrange à nos yeux occidentaux, puisque le mouvement est accompagné ... par le corps (encore un corps !) par le corps médical ... incarnant peut-être cette société régentée et sa morale de façade ?

Pour celles et ceux qui aiment découvrir les «charmes» de l'Orient. 
D'autres avis sur Critiques Libres, celui de Pitou ou celui d'Elizabeth.

mercredi 12 juillet 2006

BD : Tokyo est mon jardin

Encore une BD originale : une histoire d'amour dans Tokyo au quotidien.
Frédéric Boilet, un français expatrié au Japon, est l'auteur de Tokyo est mon jardin chez Casterman (entre autres albums).
Dans un style qui reste très accessible même s'il est proche des mangas, teinté d'un érotisme très léger, il met en images des histoires du Japon (et des japonaises !) de tous les jours. Mieux qu'un guide de voyage.
Une planche derrière l'image à gauche et d'autres infos sur Wikipédia.

Pour suivre : l'adaptation de quartier lointain.