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samedi 23 août 2025

Abena (Pierre Chavagné)


[...] C’est un foutu western.

Pierre Chavagné c'est le nature-writing à la française sur fond de survivalisme et Abena pourrait bien être la digne fille de "La femme Paradis".

❤️❤️❤️🤍🤍

L'auteur, le livre (264 pages, mars 2025) :

On avait découvert Pierre Chavagné avec La femme paradis en 2023, une lecture marquante qui nous a incités à suivre aujourd'hui sa nouvelle héroïne : Abena.

Le pitch et les personnages :

Chavagné nous emmène en montagne sur les traces de Kofi et Abena, deux jeunes érythréens qui tentent de franchir les Alpes, poursuivis par des chasseurs de migrants : « impossible de rebrousser chemin, des hommes les pourchassent ».
À près de 3.000 mètres d'altitude ils pourraient se croire seuls, perdus au milieu de nulle part. 
Il n'en est rien et les deux jeunes gens vont être pris en charge par d'autres exclus du monde, qui vivent en ermites tout là-haut.
Il y a là Jo, dite la Vieille, Rob son aveugle de mari, Caïn le taiseux et Pavel, leur plus "proche" voisin,  « un ancien soldat ukrainien ou biélorusse, elle n’a jamais vraiment su. Huit heures de crapahutage et trois cols à passer, a résumé Jo. »
Ils vivent là-haut, loin d'un monde qui semble partir en sucette : il y a des bruits et des rumeurs de guerre dans le monde d'en-bas, « des événements graves sont advenus dans le pays. L’État n’existe probablement plus »
Au plus près des sommets, des sommets qui seront toujours là bien longtemps après la fin de l'humanité, chacun apprend à « se dépouiller de ses réflexes, de ses souvenirs », à faire le «  désapprentissage de la modernité ».

♥ On aime :

 On retrouve ici l'empreinte forte des romans noirs de Pierre Chavagné, celle qui nous avait déjà marqués dans La femme paradis : un authentique nature-writing à la française, des personnages féminins puissants, quelques envolées éco-lyriques, un zeste de survivalisme et une pincée de mystères, le tout peint sur une toile de fond où l'on peut deviner la fin de notre monde perdu.
Abena est dédié à Cormac McCarthy, un hommage que l'on devine sincère car avec Chavagné également, notre monde s'éteint et une poignée de survivants tente de fuir cette fin inéluctable... ou simplement de terminer autrement. 
Et tout comme sur La route, seuls les plus jeunes seront porteurs d'un espoir de renouveau.
« [...] Que faisons-nous ici ?
Il s’absorbe dans une longue méditation et mûrit sa réponse : 
– Nous nous soignons de l’humanité. 
Ou bien : – Nous vivons la dernière aventure. »
 L'éclat de la neige et le soleil des montagnes cachent ici un roman noir bien sombre : « c'est un foutu western » nous dit même un des personnages de Chavagné dont le « but dans ce roman était de mettre en contact des gens de tous horizons qui ne se comprennent pas et n’ont pas les mêmes désirs et ambitions. La disparité et le dénuement de cette communauté permettent de mettre en relief l’absurdité de la vie ».
C'est sans doute ce qui explique pourquoi cette Abena n'a pas tout à fait la force de La femme paradis qui, elle, avait l'avantage de se focaliser sur un ou deux personnages. On pinaille.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Le mot et le reste (SP).
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.  

vendredi 4 juillet 2025

Sarek (Ulf Kvensler)


[...] Quel enfer, cette putain de montagne !

Dans ce thriller psychologique, on sait dès le début que cette stupide randonnée dans un parc national de Suède va très mal finir. Mais bon public, on écoute Anna nous raconter comment tout cela s'est (mal) goupillé et comment les catastrophes sont arrivées l'une après l'autre.

❤️❤️❤️🤍🤍

L'auteur, le livre (504 pages, 2023, 2023 en VO) :

Le suédois Ulf Kvensler vient du monde des séries télé et s'est lancé dans l'écriture de thrillers psychologiques.
On avait commencé par son second roman, Au nom du père, qu'on n'avait pas trop aimé.
On lui laisse aujourd'hui une seconde chance avec son premier bouquin : Sarek, du nom d'un massif montagneux du nord de la Suède.
Un bouquin qui devrait être conseillé comme lecture salutaire par temps de canicule puisque le Sarek semble nous dire : « Bienvenus ici. Mais attendez-vous à avoir froid comme vous n’avez jamais eu froid. »
La traduction est signée Rémi Cassaigne.

Le canevas et les personnages :

Trois amis de la bonne et chic société suédoise (des avocats, ...) décident de partir en rando dans le parc national du Sarek, là-haut, tout au nord de la Suède, près de la Norvège.
Le couple d'Henrik et Anna bat un peu de l'aile. Et au dernier moment Milena, l'amie de Anna, invite une pièce rapportée, Jacob, son nouveau petit ami. Finalement tous quatre prennent leurs sacs à dos et partent pour le Norrland.
Dès le début, on sait que la rando va très mal se terminer parce que le récit est construit sur des flash-back au rythme de chapitres qui alternent l'après et l'avant. 
Après, c'est la police qui interroge Anna que les secours viennent de retrouver, salement amochée, au retour de cette rando catastrophique. Que s'est-il passé ? Que sont devenus les trois autres ?
Avant, c'est Anna qui revient sur ces événements pour raconter comment tout cela s'est organisé et faire part de ses doutes quant à la trouble personnalité de ce fameux Jacob qui semble tout avoir du pervers narcissique.
« [...] De nouveaux sommets. Et derrière, encore d’autres montagnes. Le Sarek était si terriblement vaste, et si terriblement silencieux. Terrible, au sens propre : qui inspire la terreur. Et nous allions continuer à nous enfoncer dans ces terres sauvages. »

On aime un peu :

 Ces thrillers psychologiques fonctionnent souvent de la même façon : on a envie de hurler au personnage principal, mais bon sang, arrête ! fais demi-tour ! tu vois pas où ça va te mener ? laisse tomber ! 
Et puis bientôt - assez vite en fait ! - on a envie de lui filer des baffes tellement son entêtement, son aveuglement nous fait criser.
Mais voilà on est bon public alors on la suit, cette Anna, sur les chemins dangereux du Sarek et on accuse le coup à chaque erreur commise : « C’était une mauvaise décision, nous aurions dû tout de suite redescendre ensemble. Mais il est facile d’avoir raison après coup. »
Jusqu'à ce qu'un refrain lancinant vienne bientôt scander chaque nouvelle catastrophe : « Quel enfer, cette putain de montagne ! ».
 Alors oui, il est question de grands espaces naturels et sauvages mais c'est pas de la grande littérature et on n'est assez loin de ce qu'auraient pu nous donner un Ian Manook, un Olivier Norek ou même un Franck Thilliez pour ne citer que des lectures récentes dans la neige. 
Mais ça marche quand même, il faut bien le reconnaître et l'on suit cette stupide équipée, on se laisse prendre, pour bientôt tourner les pages de plus en plus vite et savoir enfin ce que nous a réservé le suédois.
Et on ne sera pas déçus : ils sont partis tous les quatre ... mais est-ce que l'énigmatique Jacob était vraiment le plus dangereux de toute l'équipe ?
Finalement ce premier roman nous aura paru plus abouti que le suivant (Au nom du père), avec quelques degrés en moins dans le "too much". 
Et puis la neige, la pluie, le vent, la glace, c'est rafraîchissant !

Pour celles et ceux qui aiment la rando.
D’autres avis sur Babelio et Bibliosurf.
Ma chronique dans le revue Actualitté.

mardi 15 octobre 2024

Avec toi je ne crains rien (Alexandre Duyck)


[...] Il faut se méfier de la montagne à tout moment.

Une histoire vraie, un fait divers du Valaisan, racontée dans un beau roman porté par une plume ample et généreuse. Une histoire triste mais une belle histoire.

❤️❤️❤️🤍🤍

L'auteur, le livre (208 pages, avril 2024) :

Alexandre Duyck est un reporter et journaliste français qui pour son roman, Avec toi je ne crains rien, s'est inspiré d'un fait divers suisse, dans le canton du Valais : la disparition en montagne du couple Dumoulin en 1942, dont les corps ne seront retrouvés qu'en 2017.
[...] La presse du monde entier se passionne pour cette tragédie familiale devenue fait divers.
[...] L’histoire des Héritier. Il la connaît par cœur, comme tout le monde par ici. Les deux parents, le 15 août 1942, les vaches, le glacier, les enfants devenus orphelins en un claquement de doigts, la famille explosée.

Le canevas :

C'est donc une histoire vraie que nous raconte Alexandre Duyck. Celle d'un couple disparu en montagne : Francine et Marcelin Dumoulin dans la vraie vie, Louise et Joseph Héritier dans le livre.
Un couple suisse de montagnards valaisans partis à l'alpage surveiller quelques vaches. Ils partent pour deux jours laissant leurs quatre enfants aux bons soins de leur fille aînée et d'une voisine.
Ce matin du 15 août 1942, ils partent un peu tard et Louise ralentit le pas de son colosse de mari (d'habitude il monte seul, elle a insisté pour l'accompagner).
[...] — C’est dangereux, très dangereux.
— Avec toi je ne crains rien. Tout ira bien, ne t’inquiète pas.
Une bonne montée (2.500 mètres tout de même) avec la traversée du glacier des Diablerets à près de 3.000 mètres, avant de redescendre sur l'alpage. 
Ils partent un peu tard et le mauvais temps va se lever trop vite. L'orage et la neige les prendront au milieu de la dangereuse traversée du glacier.
On ne les reverra jamais. Les secours ne retrouveront personne là-haut.
[...] Nous quittons définitivement le glacier meurtrier, tentés de le maudire, si désormais, il ne servait de tombeau à deux excellents chrétiens. L’impossible ayant été tenté pour retrouver leur dépouille, il nous reste à prier pour eux et, à ceux qui généreusement vont se charger de l’éducation de leurs enfants.
Le doute même s'installera au fil des mois et des années : auraient-ils choisi de laisser sur place les dettes et les enfants d'une vie trop rude pour partir aux Amériques ou ailleurs ?
[...] Tous ont grandi accompagnés de cette musique lancinante de l’abandon, à l’école surtout, les fameuses dettes jetées au fond du glacier, l’Argentine…
À l'été 2017 (ah vive le réchauffement climatique !) le glacier des Diablerets rend les corps momifiés par le gel. Des quatre enfants, il ne reste alors plus que les deux filles, deux petites vieilles qui ont maintenant dépassé les quatre-vingts ans et qui peuvent, enfin, faire le deuil de leurs parents. Des parents dont les corps ont la moitié de leur âge.
[...] La vraie disparition, c’est ne pas savoir ce qu’il s’est passé et moi, ça, je l’ai connu, nous l’avons connu et nous avons dû grandir avec ça. Et c’est terrible.

Les personnages :

On aime le portrait très fouillé que l'auteur dresse de cette famille de montagnards sur près de trois générations. Un tableau avec les femmes debout au premier plan.
La grand-mère Ernestine, celle qu'on appelle l'américaine, celle qui a quitté une vie trop dure pour partir en Californie vers une vie peut-être encore plus dure, au début du siècle, à l'époque des chercheurs d'or.
Elle reviendra dans la vallée avec dans ses bagages quelques dollars et une fille, Louise.
Cette Louise c'est la mère, que le père Joseph est venu chercher jusque dans son village.
[...] Il est allé la chercher en 1929 au loin, dans un autre village, plus fou encore, dans une autre vallée. Ce sont des choses qui ne se font pas.
Joseph aurait pu être bûcheron, il fut cordonnier. Louise, instruite par sa mère Ernestine, sera l'institutrice du village, la seule à savoir la langue, à parler sans fautes et sans patois.
Et les enfants, Marguerite l'aînée, à qui Louise transmet le flambeau de l'instruction, puis Suzanne et enfin les deux jumeaux André et Jean.
En 1942, voici quatre orphelins, séparés brutalement et placés dans des familles comme valets dans les fermes ou servantes dans les maisons. Adieu l'instruction et les projets d'avenir.

♥ On aime :

 On aime le portrait panoramique de cette famille sur près d'un siècle et trois générations avec les femmes campées au premier plan. Une histoire "rurale" de montagnards à la vie rude.
 On aime la prose ample et généreuse d'Alexandre Duyck. De la belle langue, à l'ancienne, aux mots choisis et aux tournures classiques. Une véritable logorrhée qui coule comme un torrent de montagne, un flot continu de mots, un flow musical de phrases, et qui pourra peut-être dérouter quelques lecteurs. Mais le bouquin est court et se dévore très vite, au rythme de la marche puissante de Joseph en montagne.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Actes Sud (SP).
Ma chronique dans les revues 20 Minutes, Benzine et ActuaLitté.
Ma vidéo sur Instagram et sur le Booktok Pal-Pal.

vendredi 2 août 2024

Alpinistes de Mao (Cédric Gras)


[...] Ils seront alpinistes malgré eux.

Le récit très réussi d'une ascension ratée : celle de l'Everest par les chinois de Mao en 1960.

L'auteur, le livre (240 pages, mars 2024) :

On avait beaucoup aimé le précédent opus de Cédric Gras qui nous contait l'enthousiasmante et folle équipée des Alpinistes de Staline, les frères Abalakov qui, dans les années 30, avaient reçu comme mission d'aller planter le drapeau rouge sur la plupart des sommets d'Asie Centrale.
L'écrivain voyageur remet le couvert avec une suite ma foi fort logique : les Alpinistes de Mao, "une épopée similaire, inconnue, tragique, bouffie d’idéologie et malgré tout héroïque".

Le contexte :

Dans les années 50 la Chine envahit le Tibet et quelques camarades reçoivent la mission de porter le buste de Mao sur le sommet du Tibet récemment conquis, le sommet de la Chine Populaire encore toute jeune (elle fête son dixième anniversaire), bref sur le sommet du Monde : le Qomolangma, la déesse de l'univers, que ces infâmes droitiers de capitalistes avaient baptisé Mont Everest pour glorifier l'arpenteur général des Indes Britanniques.
Les camarades sélectionnés par le Grand Timonier n'y connaissent rien : ils n'ont jamais randonné, jamais tenu un piolet ni chaussé des crampons, jamais pratiqué ne serait-ce qu'un peu de varappe. 
Qu'à cela ne tienne, pour mettre sur pieds ce "groupe d’élite hautement novice" on demandera un peu de formation et un peu d'équipement au Grand Frère Soviétique. 
Assurément, un peu d'entrainement et beaucoup de fanatisme maoïste ne pourra que conduire les camarades et le Parti à la gloire lorsqu'ils réussiront l'ascension de l'Everest (pardon, du Qomolangma) par la face nord, celle du Tibet, une première puisque c'est cette fameuse face nord qui a vu périr les alpinistes britanniques George Mallory et Andrew Irvine en 1924.
[...] Ils partent de très loin, de zéro en vérité. C’est peut-être toute la beauté de leur épopée.
[...] Le Parti vouera leurs vies à la montagne. Ils seront alpinistes malgré eux.

♥ On aime beaucoup :

 On apprécie le fastidieux travail réalisé par l'auteur : contrairement à la précédente aventure des grands frères russes, il n'existe que très très peu de témoignages de cette épopée maoïste. Des rapports officiels bouffis de propagande maoïste, quelques sources russes, quelques rares photos, ...
Mais il en fallait plus pour arrêter Cédric Gras !
[...] Je n’ai retrouvé que quelques brèves réminiscences. Le ton est naïf, les remarques prosaïques, la vue courte, l’expérience nulle.
[...] Les prolétaires sélectionnés par le Parti ne sont pas des lettrés.
[...] Ces hommes sans moyens ni volonté de postérité ne se plaignent ni ne se vantent dans la grande Histoire. Ils ne témoignent pas. Des rapports le feront pour eux.
 Dans son précédent ouvrage, Cédric Gras nous donnait en filigrane tout le déroulé de la terrible dérive stalinienne et cette fois nous allons suivre l'invasion du Tibet en direct : les chinois se lancent à l'assaut de l'Everest en 1960, juste un an après le soulèvement tibétain de 1959 et la terrible répression qui s'en suivit.
L'auteur sait s'effacer derrière son sujet et ses héros et nous livre un passionnant feuilleton à multiples rebondissements alpins, culturels et politiques. Dans ses romans, Cédric Gras nous parle de "la montagne certes, mais comme belvédère sur une époque fascinante".  
 Le manque de sources et la surabondance de propagande font que les personnages ne peuvent être que dessinés à gros traits, le récit n'a pas le parfum d'aventure de l'épisode russe précédent. Heureusement la prose de Cédric Gras est toujours aussi lumineuse et agréable : sa plume parvient à faire de tout cela un formidable document sur une région et une époque mal connue.  

Le canevas :

En 1960, après quelques tentatives mitigées sur des sommets moins prestigieux, c'est une gigantesque expédition d'état, encadrée par l'armée, qui se lance à l'assaut du sommet mythique. Des centaines d'hommes, plusieurs dizaines d'alpinistes (même s'ils sont jeunes et pour le moins inexpérimentés !), des scientifiques, des centaines de porteurs, des camions de ravitaillement, une logistique à l'échelle du pays, ...
Ils seront plusieurs dizaines à dépasser les 8.000 mètres, c'est déjà un record. 
Et bientôt la nouvelle tombe :
[...] Wang Fuzhuou, Gonpo et Qu Yinhua de l’équipe d’alpinisme chinoise ont atteint le plus haut sommet du monde à 4 h 20 le 25 mai 1960. 
[...] L’agence officielle Xinhua clame : « Le mythe de l’impossible voie nord de l’Everest a volé en éclats ! »
Mais aucune preuve ne pourra être présentée, aucune photo, aucun vestige supposé laissé sur place ne sera retrouvé plus tard. Les récits sont confus et peu cohérents, la propagande et la censure prennent le relais. 
Alors que s'est-il réellement passé là-haut ?
[...] On clama que Wang Fuzhuou, Qu Yinhua et Gonpo avaient porté l’étendard rouge au sommet de l’Everest, en mai 1960. Qu’importait qu’ils aient réussi, il suffisait qu’ils se taisent.
[...] Ces hommes-là ne pouvaient raisonnablement redescendre perdants. On ne leur demanda rien et ils firent comme si. Un mensonge tacite, collectif et couru d’avance. Il n’était pas prévu qu’ils échouent. Ils devaient conquérir l’Everest « à tout prix », celui de la vérité compris.
Lorsqu'ils redescendent du toit du monde, c'est une dure réalité qui les accueille : la Chine est sinistrée dans un catastrophique grand bond en avant et va bientôt basculer dans le chaos d'une révolution culturelle.
Les chefs d'expédition Xu Jing et Liu Lianman vont bientôt partir en rééducation, le Parti n'est guère reconnaissant envers ses héros.
➔ Il faudra attendre la fin des troubles politiques pour qu'en 1975, une nouvelle méga-expédition envoie une dizaine d'alpinistes, dont une femme, jusqu'au sommet : et cette fois, ils ont emporté leur appareil photo, histoire de faire taire les doutes et les médisances capitalistes sur l'expédition de 1960 !

Pour celles et ceux qui aiment les montagnes.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Mon billet dans le journal 20 Minutes et dans les magazines Benzine et Actualitté.

lundi 13 mai 2024

De neige et de vent (Sébastien Vidal)


[...] Vous pouvez encore faire demi tour.

L'auteur, le livre (270 pages, mars 2024) :

Sébastien Vidal est un auteur français qui vit en Xaintrie, et qui, avec De neige et de vent, se lance dans le polar et nous invite dans les montagnes à la frontière italienne pour un polar noir.

On aime un petit peu :

 Un huis-clos à ciel ouvert dans un village reculé de montagne. Un étranger rejeté par les habitants. Une histoire qui lorgne du côté du Rapport de Brodeck. Un petit air de western et de Fort Alamo. Voilà qui avait de quoi allécher le lecteur qui passait par les Alpes à la frontière italienne.
[...] L’arrivant se penche et se rapproche pour lire une phrase inscrite à la peinture sous le nom du village : vous pouvez encore faire demi tour.
 Mais Sébastien Vidal a choisi de brosser son tableau en noir et blanc, sans aucune des 50 nuances de gris. Ses villageois montagnards sont bas du front, violents, racistes et peut-être consanguins. C'est bien dommage parce que le trait est forcé au point qu'on n'y croit guère.
 La bonne histoire est finalement mal servie par une écriture empesée et le grincheux a eu un peu de mal avec la prose très affectée de l'auteur : les effets de vocabulaire, les mots à la mode (rrraah cet horripilant "coruscant" qui brille désormais trop souvent sous les plumes dites branchées !), tout cela ne rend la lecture ni très fluide, ni très agréable. Passe encore lorsqu'il s'agit de décrire les évènements mais le texte perd toute crédibilité quand il s'agit d'entrer dans la tête des personnages.
[...] Il voit un homme tout blanc tenant un smartphone à l’œil coruscant.

L'intrigue :

Les Alpes près de la frontière italienne, un village reculé, isolé de la vallée par une tempête de neige. La fille du maire y est retrouvée assassinée. Au même moment un étranger arrive qui cherche un abri pour la nuit. Tous les ingrédients du polar noir sont donc réunis pour le drame !
[...] Tu as vu comme ils nous regardent passer quand on vient ? Les gens de ce bled m’ont toujours fait penser au roman Délivrance, tu as l’impression que ça peut dégénérer n’importe quand, pour n’importe quoi. Tu m’étonnes que les touristes traînent pas trop dans le coin.
[...] – Soupçonnés ? Juste soupçonnés ?
– Ici, ce qui compte c’est pas vraiment les preuves, c’est l’intime conviction, rétorque Orazio.
[...] Je pense qu’il n’y a rien de plus bête et dangereux qu’une foule en colère. Le nombre décime les conventions sociales, l’intelligence est divisée par le nombre d’individus.

Pour celles et ceux qui aiment les montagnards.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Le mot et le reste (SP).

 

samedi 8 janvier 2022

La félicité du loup (Paolo Cognetti)

[...] Tu sais que les loups sont de retour ?

On avait tenté une première incursion dans l'univers montagnard de l'italien Paolo Cognetti  avec Les Huit Montagnes.
La randonnée, trop autobiographique, s'était révélée un peu décevante.
On a quand même décidé de remettre cela avec La félicité du loup.
Nous voici donc repartis pour le massif du Mont Rose où l'on retrouve le grand air de la montagne, les saisons qui passent, la prose simple mais élégante de Cognetti, ses tranquilles descriptions de la vie en altitude pour des citadins en rupture de ban qui ont trouvé là-haut un "refuge".
L'auteur ne se renouvelle guère mais cette fois le trait est plus sûr, le pinceau plus maîtrisé, la peinture moins nombriliste et Cognetti nous donne sa version transalpine des vues du Mont Fuji.
Quelques personnages se croisent sur les pentes du Mont Rose, quelques saisons passent, et le lecteur partage quelques moments de leurs vies, avec ceux qui montent, ceux qui repartent, ceux qui restent ou qui reviennent, comme les loups qui vont de vallée en vallée.
[...] Plus tard ils firent l'amour de la façon qu'ils étaient en train d'apprendre, et qui allaient devenir la leur.
[...] Tu ne te lasses jamais de cuisiner ?
Non, au contraire. C'est quelque chose qui me détend beaucoup.
[...] Il dit : Tu sais que les loups sont de retour ?
Alors c'est vrai ?
Oui, et ils sont même nombreux.
Ma foi, ils peuvent bien le reprendre cet endroit, tu crois pas ? De toute façon, il n'y a plus personne.
Quelques pages pour une courte échappée en montagne, un moment zen, épuré : la référence à Hokusai n'est pas usurpée.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mercredi 22 décembre 2021

Les huit montagnes (Paolo Cognetti)

[...] Il n'y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir.

On a voulu faire la connaissance de l'italien Paolo Cognetti et on a commencé avec Les huit montagnes.
L'auteur y retrace une amitié, depuis l'adolescence  jusqu'à l'âge adulte.
L'essentiel se passe en montagne, dans les Dolomites, au pied du Mont Rose.
Paolo Cognetti nous y parle de sa famille où chacun avait son altitude préférée : la mère aimait la forêt, lui préférait les alpages un peu plus haut et le père enfin était attiré par la pierraille et la glace des sommets.
Cela nous vaut de belles pages sur la montagne mais reste très autobiographique : ce n'est pas vraiment notre tasse de thé et on a eu du mal à se passionner pour les souvenirs du sieur Cognetti.
Dommage, car sa prose est celle d'une belle plume.
[...] J'avais appris à poser les questions des adultes, en demandant une chose pour en savoir une autre.
[...] Il n'y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir.
[...] C'était ma mère qui nous donnait des nouvelles l'un de l'autre, habituée qu'elle était à vivre parmi des hommes qui ne se parlaient pas.
PS : La félicité du loup, sera plus réussie.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Bibliosurf.

vendredi 5 novembre 2021

Denali (Patrice Gain)

[...] La nuit s'était posée sur la rivière.

On continue de parcourir les aventures racontées par Patrice Gain qui cette fois, nous emmène aux US au pied du Denali.
Le Denali c'est le McKinley, 6200 mètres et plus haut sommet d'Amérique du nord, un sommet qui a repris son nom indigène il y a quelques années.
À quinze ans, le jeune Matt se retrouve quasi orphelin : son père est décédé dans l'ascension du Denali, sa mère ne s'en remet pas et se retrouve internée en psychiatrie, son frère bascule dans la délinquance et, pour faire bonne mesure, sa grand-mère qui l'avait pris en charge vient de passer l'arme à gauche. 
Pas cool, la vie de Matt perdu dans un chalet au pied des Bitterroots mountains.
Et justement on trouve que l'auteur en a fait un petit peu trop dans le registre du pauvre orphelin pris dans l'engrenage terrible d'une vie impitoyable.
Il reste quand même un bel exercice de style auquel Patrice Gain excelle : le frenchy sait faire du nature-writing comme les meilleurs américains.
[...] J'ai cherché une zone facilement accessible et je me suis installé. J'ai fait un trou dans la glace, allumé un feu à côté, puis j'ai monté une mouche sur une soie que j'ai laissée flotter à la surface de l'eau. La nuit s'était posée sur la rivière. Seules les cîmes étaient encore baignées d'une pâle lumière rose. Les truites sont venues se positionner sous le halo du feu et en une demi-heure j'avais effectué trois belles prises. Je les ai fait cuire en écoutant la nuit et le craquement du bois. Des oies cherchant un abri s'étaient présentées dans l'axe de la rivière à basse altitude. J'étais apaisé et pleinement conscient de ce que je vivais. La rivière.
Roman noir, roman d'apprentissage, pêche à la mouche et randonnée, mauvaises fréquentations, secrets de famille, ... l'auteur ratisse large mais tout comme Le décevant Scorpion, c'est loin d'être le meilleur bouquin de Patrice Gain.

Pour celles et ceux qui aiment la pêche à la mouche.
D’autres avis sur Bibliosurf.


dimanche 24 octobre 2021

La naufragée du Lac des Dents Blanches (Patrice Gain)

[...] C'est à cause d'un naufrage.

Patrice Gain est un professionnel de la montagne né au bord de la mer : c'est dire s'il est à son aise pour nous conter cette histoire qui trace un trait d'union entre deux naufrages, à son aise pour nous faire vivre la traversée de la mer d'Irlande tout comme une marche dans les neiges et les glaces.
Deux marins pêcheurs perdent leur bateau au large de Belle-Île et se retrouvent en villégiature dans un chalet de Haute-Savoie.
Nos deux naufragés vont en repêcher une troisième, dans le Lac des Dents Blanches : une black perdue en pleine montagne.
[...] - Merde, dit Léon, une Noire !
[...] - C'est une naufragée. Je viens de la repêcher sur la rive du lac.
Saamiya fuyait les shebabs de Somalie avant de tomber dans le lac. Quelques pages racontent son épopée, récit incroyable de la misère et du malheur : la jeune femme était en chemin pour récupérer sa petite fille auprès d'une ONG suisse.
Le quatuor (nos trois naufragés sont accompagnés d'un vieux montagnard bougon) le quatuor improbable se met donc en route ...
[...] - Pourquoi vous faites tout ça pour moi ?
- Parce que t'es tombée là où nous étions, près du lac, à bout de force et que tu avais besoin d'aide, je suppose.
Avec humour, c'est une fable, une feel-good story que nous conte Patrice Gain, une fable bienveillante pour les petites gens comme cette trop jeune mère somalienne et les trois vieux schnocks qui l'accompagnent dans sa quête.

Pour celles et ceux qui aiment les contes de Noël.
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dimanche 22 novembre 2020

Monteperdido (Agustin Martinez)

[...] On retrouvera Lucía.

Monteperdido est le premier roman de l'espagnol Agustìn Martinez.
Venu du monde de la télé (l'auteur est scénariste), Martinez nous emmène au cœur des montagnes, dans les Pyrénées aragonaises, un peu à l'est de la Navarre que sa compatriote Dolores Redondo nous avait fait visiter récemment.
[...] La vallée de Monteperdido. “La Vallée cachée”, comme l’appelaient les touristes.
Mais pas d'ambiance "fantastique" ici à Monteperdido : l'intrigue est tout ce qu'il y a malheureusement de plus trivial. Deux fillettes d'une douzaine d'années, deux amies, deux voisines, ont disparu, sans aucun doute enlevées.
Les enfants n'ont jamais été retrouvées, le coupable non plus, les deux familles sont en perdition, au fil du temps le village se démobilise peu à peu mais continue de regarder d'un mauvais œil les rares étrangers qui viendraient jusqu'à cette vallée reculée.
[...] Dans ces montagnes, il est difficile de retrouver quoi que ce soit. Elles ne sont pas faites pour les hommes… 
[...] Dans ce village, si on ignore comment s’appelle votre putain de grand-père et comment il prenait son café, vous êtes un étranger. On adore les gens qui vont et viennent et qui, au passage, laissent leurs billets de banque à Monteperdido. Mais ceux qui viennent et restent, on les trouve beaucoup moins marrants !
Le roman démarre cinq ans plus tard : l'une des deux gamines réapparait, traumatisée mais vivante, une ado désormais, au témoignage incertain. 
Deux flics débarquent de la ville pour prêter main forte aux gendarmes locaux et retrouver au plus vite la seconde fillette.
[...] Si on s’y prend correctement, on retrouvera Lucía.
❤️ La réussite de ce polar à l'intrigue somme toute classique, tient dans l'épaisseur que l'auteur a su donner à ses personnages. Tous ses personnages : les flics, les membres des familles et les voisins du village.
Et un autre personnage aussi : cette montagne qui enserre ce village de sommets inaccessibles.
Entre les montagnes inquiétantes et les taiseux du village tout aussi inaccessibles, l'ambiance est particulièrement oppressante.
Rares sont les polars qui savent nous épargner les descriptions horrifiques des tourments vécus par les jeunes filles séquestrées par leur ravisseur, mais Agustìn Martinez n'a nullement besoin de ces clichés pour tisser la toile qui va emprisonner le lecteur.
[...] Tout ce village semblait replié sur soi, tournant le dos au monde, aux montagnes, aux regards étrangers. 
[...] Ici, les gens sont très particuliers. Tu l’as remarqué. À la fois sympas et faux culs. Ça doit tenir à la région. Les deux faces de Monteperdido.
[...] Et sous cette couche de neige, tous les secrets des gens qui refusent de les laisser apparaître.
[...] Les liens, parfois maladifs, qui se tissent dans ces cercles de famille.
Le couple d'enquêteurs venus de la ville (un flic proche de la retraite et une adjointe au passé compliqué, tous deux spécialistes des affaires "de famille"), ce couple d'enquêteurs est particulièrement réussi et ils se démènent comme ils peuvent au milieu de ces montagnes fermées aux étrangers pour essayer de découvrir la vérité.
[...] Parfois, ce travail était épuisant. Pas à cause des heures qu’on y consacrait ou des déplacements obligés, toujours dans l’entourage des disparus, comme des imposteurs. Mais c’était la condition humaine qui était décourageante.
Un excellent polar avec une intrigue classique renouvelée par une ambiance avec une forte empreinte. Avec quelques longueurs cependant (un gros pavé de 500 pages).

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Babelio.

samedi 31 octobre 2020

Tragédie à l'Everest (Jon Krakauer)

[...] J’avais passé moins de cinq minutes sur le toit du monde.

[...] En mars 1996, le magazine Outside m’envoya au Népal pour participer à une ascension de l’Everest et en faire le récit. 
En 1852, Sikhdar , un arpenteur indien au service de la couronne britannique mesure pour la première fois la hauteur du nouveau toit du monde. 
[...] L’explorateur américain Robert Peary avait annoncé qu’il avait atteint le pôle Nord en 1909. Roald Amundsen avait mené une expédition norvégienne au pôle Sud en 1911. L’Everest, le « troisième pôle », devenait l’objectif le plus convoité des explorateurs terrestres. 
 Les premiers au sommet furent en 1953, Edmund Hillary et le sherpa Tensing Norgay :
[...] Cent un ans s’écoulèrent après la découverte de Sikhdar avant que le sommet soit finalement atteint. Quinze expéditions s’étaient succédé et vingt-quatre hommes avaient perdu la vie. 
En 1996, les expéditions "commerciales" sont devenues monnaie courante (mauvais jeu de mots) et l'on peut se faire amener à l'altitude de croisière des avions pour environ 65.000 dollars (et deux mois de congés). 
Au printemps 1996 il y avait quatorze cordées et plus de 300 tentes au camp de base à 5.300 mètres. 
Jon Krakauer accompagne l'une de ces cordées. 
On connait désormais l'issue de la tragédie que l'on a pu voir au cinéma en 2015 dans le film de l'islandais Baltasar Kormakur : 8 morts ce jour-là perdus en plein blizzard et tempête de neige à 8000 mètres. La saison fut l'une des plus meurtrières (sans compter les amputations de doigts ou de nez). 
Jusqu'où peut aller la folie des hommes ? 
Krakauer nous en donne un assez bon aperçu, même s'il se perd un peu parfois (mais jamais trop longtemps) dans les justifications et explications pas très utiles rétrospectivement : qu'est-ce qui a foiré ? qui a merdé ? etc ... 
Il souffre un peu du complexe du survivant, on le comprend. 
[...] Au printemps 1996, l’Everest tua en tout douze hommes et femmes. Ce fut la pire saison depuis que des alpinistes vont sur cette montagne, c’est-à-dire depuis soixante-quinze ans. 
[...] Une tragédie de cette importance était prévisible étant donné le nombre d’alpinistes si peu qualifiés qui se rendent en foule sur l’Everest de nos jours. 
[...] Entre 1921 et mai 1996, 144 personnes sont mortes pour 630 ascensions réussies, soit une sur quatre. 
Et puis là-haut on est bien loin de la solidarité entre sportifs, que ce soit entre les cordées concurrentes ou même au sein d'une même équipe : des pieds à la tête, le corps va si mal que c'est plutôt chacun pour soi. 
Et que dire de la satisfaction de ceux qui arrivent au sommet ? 
Le froid, la soif, l'épuisement, les engelures, la faim, la fatigue, le sommeil, le manque d'oxygène, ... les zombies prennent une photo rapide et hagards, entament la redescente au plus vite. 
Trop tard pour certains qui n'arriveront pas au camp. 
[...] Dans ces conditions, je sentais que j’avais froid, que j’étais fatigué, et rien d’autre. 
[...] J’avais passé moins de cinq minutes sur le toit du monde. 
❤️ Paradoxalement, le récit est à la fois une triste peinture de cette folie meurtrière et un formidable roman d'aventures hors du commun.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne, même en colère.
D’autres avis sur Babelio.

lundi 24 août 2020

Les alpinistes de Staline (Cédric Gras)


[...] Une vaste entreprise de désacralisation du ciel.

Les alpinistes de Staline de Cédric Gras (un écrivain voyageur, familier de la Russie) : un roman 'historique' qui retrace de manière passionnée et passionnante, la folle destinée de deux frangins, Evgueni et Vitali Abalakov qui, dans les années 30, crapahutèrent sur tous les sommets d'Asie centrale pour y planter le drapeau rouge. 
À travers leurs folles équipées, ce sont les années noires de l'URSS qui défilent, les années des purges staliniennes dont les frères Abalakov ne sortiront pas indemnes malgré leur dévouement à la Grande Cause. 
[...] Je crois qu’ils souhaitaient sincèrement porter le socialisme à ses sommets.
L'auteur sait s'effacer derrière son sujet et ses héros et nous livre un passionnant feuilleton à multiples rebondissements alpins, culturels et politiques. 
[...] Ils racontent l’URSS, par le prisme des neiges.
Le lecteur occidental curieux y découvre également la géographie de ces régions : 
[...] Nous ignorons le Caucase, les Tian Shan et le Pamir. Nous avons fait de l’Eurasie la face cachée de la Terre, un monde absent de notre carte mentale. Alors, il s’appelait URSS…

Pour celles et ceux qui aiment les montagnes.
à suivre avec Alpinistes de Mao du même auteur.
D’autres avis sur Bibliosurf.

lundi 10 novembre 2008

BD : Le photographe


Carnets de voyage.

C'est encore Frédéric Féjard qui nous l'a prêté après qu'on ait déjà manqué plusieurs occasions de découvrir cette BD parue pourtant depuis 2003.
Voici donc Le photographe, le récit autobiographique de Didier Lefèvre, photo-reporter, qui accompagne une mission de MSF en Afghanistan.
Une BD qui partage plusieurs points communs avec Maus ou Le Piège dont on vient de parler récemment :
- toutes les trois racontent des histoires vraies, en prise directe sur la guerre ou les évènements historiques (le nazisme pour Maus, le franquisme pour Le Piège et l'Afghanistan sous l'occupation russe pour Le photographe)
- toutes les trois présentent des idées graphiques originales (le noir et blanc sous deux formes très différentes pour Maus et Le Piège, et bien sûr la photo pour Le Photographe).
En l'occurrence, ce Photographe offre un mélange très heureux de dessins (d'Emmanuel Guibert, on dirait parfois du Tintin) et des photos de Didier Lefèvre : une planche ici.
En 1986, peu de temps avant que les Russes abandonnent le terrain et bien avant que les talibans reprennent le contrôle du pays, Didier Lefèvre accompagne une mission de MSF qui part du Pakistan pour monter des hôpitaux de fortune dans les montagnes afghanes. Accompagnés de moudjahidines, ils rejoignent des vallées proches du Panjshir, tenues par les partisans du commandant Massoud. Ce contexte politique est à peine effleuré dans la BD : Didier Lefèvre raconte d'abord son voyage.
Son voyage aux côtés de l'équipe de MSF, avec un recul propre à tous les photographes : il raconte, les faits, les images, les photos, les dessins, sans donner de leçon, ni de politique ni de quoi que ce soit. Il ne joue pas au héros (en clair, le petit parisien va en baver dans ces montagnes) et laisse tout juste transparaitre son admiration pour le boulot des toubibs de MSF.
En fait, il décrit tout simplement «les gens». Les gens de là-bas, qu'il s'agisse des médecins de MSF ou des moudjahidines qui les accompagnent ou qu'ils soignent.
Du coup, on se passionne facilement pour cette aventure. Le premier tome raconte le départ depuis Peshavar et le voyage dans les montagnes, avec le franchissement de plusieurs cols à 5000 mètres. Le second volume décrit le séjour dans le village de montagne et la mise en place de l'hôpital de fortune. Jusqu'au retour raconté dans le dernier tome.
C'est passionnant, facile et agréable à lire et on y apprend beaucoup de choses : sur les afghans bien sûr mais aussi sur le travail humanitaire.
[...] - L'ennemi c'est l'hélicoptère.
Les avions sont redoutables mais ils passent et, le temps qu'ils reviennent, tu peux éventuellement te cacher.
Alors que l'hélicoptère, il survole, il s'arrête, il reste en vol stationnaire, il te cherche, il te traque, c'est horrible.
Si tu es dans un endroit où il est difficile de se cacher, tu te jettes sous ton patou. Le patou c'est la couverture des afghans.
- Oui je sais, j'en ai une, marron.
- Couleur de la terre.
Tu ne bouges plus et surtout, tu fais en sorte que rien ne dépasse.
Tu serres les poings avec le pouce à l'intérieur, comme ça. Tu sais pourquoi ?
- Non.
- Parce que l'hélicoptère repère tout ce qui brille. Même un ongle.

La guerre et les russes seront à peine évoqués dans ce voyage : un hélicoptère parfois au loin, quelques boums boums de temps à autre. Par contre, de nombreux blessés affluent à l'hôpital pour bénéficier des soins des toubibs de MSF.
Un récit de voyage intelligent.

Pour celles et ceux qui aiment les récits de voyage.
Dupuis édite ces 3 tomes dans la collection Air Libre.
Lo en parle.

vendredi 23 mars 2007

BD : Le sommet des dieux


Un sommet de la BD.

Décidément Jirô Taniguchi est bien un mangaka japonais à suivre de près : après Quartier lointain, promenade nostalgique au Japon dont nous avons parlé récemment, voici une BD qui nous attire irrésistiblement vers Le sommet des dieux, la cime de l'Everest.
Ce manga a obtenu récemment le prix (mérité) du meilleur dessin à Angoulême.
Mais c'est surtout le scénario qui nous a littéralement "accroché" à la montagne et à cette histoire âpre et forte, d'alpinistes obsédés par le toit du monde.
Qu'on ne s'y méprenne pas cependant, ce presque roman est loin d'être réservé aux mordus de mangas ou d'alpinisme et tout le monde y trouvera son compte : intrigue de détective (l'appareil photo de l'expédition de Mallory attire les convoitises), histoires d'amour et d'amitiés, folie de la (très) haute montagne et quête de l'inaccessible, ...
Les divers récits d'ascension (du Japon à la Suisse en passant bien entendu par l'Himalaya) sont autant d'épisodes à suspense et quand on y a goûté, on n'en démord plus avant la fin du 5° tome !
C'est aussi l'occasion de découvrir plein de détails passionnants sur le monde de l'alpinisme et le Tibet vus du côté japonais.

Voici deux planches de la BD : ici et , pour vous mettre l'eau à la bouche.