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jeudi 8 août 2024

Bandit (Jean-Charles Chapuzet)


[...] T’es trop bon parfois, et tu connais le dicton.

L'auteur, le livre (336 pages, mars 2024) :

Jean-Charles Chapuzet nous propose un "rural noir", un genre très à la mode comme si l'on voulait, une fois de plus, se ressourcer et retrouver une ruralité ou une innocence perdue.
Selon l'auteur, son roman "est très (très) librement inspiré d’un fait divers survenu dans le Périgord".

Le canevas :

Dans un village d'Occitanie, une belle galerie de portraits autour de Bandit, un marginal qui vit dans une caravane, un innocent affligé d'un bégaiement, un être beaucoup trop gentil dans ce monde de brutes.
[...] — Toi, t’es trop bon parfois, et tu connais le dicton…, ajouta-t-elle en passant sa main sur la nuque de Bandit.
Le bouquin commence par la fin : Bandit en train de farfouiller dans une benne de la déchetterie.
Que s'est-il passé ? Comment en est-il arrivé là ?
[...] — On m’a dit que vos difficultés ont commencé il y a treize mois, monsieur Bandit, dit d’un ton rassurant une médecin d’âge mûr. [...]
— Que tout aurait basculé à ce moment-là ?
Jean-Charles Chapuzet va revenir longuement (trop ?) sur ces quelques mois qui ont vu la vie de Bandit chamboulée par l'arrivée de la trop belle Mimsy. "Sublime mais à lier", nous dira-t-on.
Nous allons donc passer ces quelques mois en compagnie de Bandit et de ses amis, Didier, Bernie, Christian, et de Mimsy et ses compagnons, son espagnol, son allemand. Une très belle galerie de portraits.
Avant d'être rattrapé par la dure réalité lorsque le drame va se nouer : on sait que les histoires d'amour, même et surtout les histoires d'amour non dit, finissent mal en général.
[...] Bandit était éberlué. La flic voyait le mal partout, partout.

♥ On aime un peu :

 On ne peut que tomber sous le charme de l'écriture chaloupée de Jean-Charles Chapuzet, l'ambiance soigneusement construite, les portraits dessinés avec force. On ne peut que se prendre de compassion, voire d'amitié, pour le personnage de Bandit, l'innocent du village qui a oublié d'être bête.
 Mais on peut regretter aussi que l'auteur nous fasse lanterner un peu trop longtemps, nous promène de tours en détours, nous balade d'un personnage à l'autre, avant d'enfin nouer le drame que l'on attendait, que l'on savait inéluctable. Une très belle plume mais une intrigue qui semble manquer de maîtrise pour que ce roman soit tout à fait convaincant.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires d'amour qui finissent mal en général.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Robert Laffont (SP).
  

vendredi 17 novembre 2023

La femme paradis (Pierre Chavagné)

[...] Le temps de raconter est venu.

●   L'auteur, le livre (156 pages, 2023) :

Pierre Chavagné a planté sa tente dans la région gardoise d'Uzès (l'Uzège) : nous sommes presque voisins !
Et c'est aussi dans cette région qu'il plante le décor de son histoire, celle de La femme Paradis.
Un roman noir très réussi qui s'ouvre sur une belle dédicace : À toutes les femmes qui, chaque jour, guérissent le monde.

●   L'intrigue :

Une femme vit seule dans la forêt au pied du causse. C'est une ermite, une sauvageonne, tourmentée par un passé douloureux et mystérieux dans lequel elle a laissé les siens. 
[...] J’ignore ce qui l’a tué. J’ignore comment tout a commencé.
Depuis des années elle a appris à vivre en harmonie avec un milieu qui n'était pas le sien : c'est rude, sauvage.
[...] Elle se lève et regarde avec tendresse la maison troglodyte, la première victoire dans sa vie d’après.
[...] Je prélève ma part, ni plus ni moins. Je tue pour vivre, pour ma sécurité et ma nourriture.
[...] L’intransigeance est la clef. Tout débute par une planification stricte des journées et des objectifs : le travail pour sa subsistance, le guet pour sa sécurité, le rêve et l’écriture pour son humanité.
Elle est prête à défendre chèrement son territoire mais un beau jour elle entend un coup de fusil : le signe d'une présence étrangère qui s'approche dangereusement de son repaire. Or chacun sait que le passé finit toujours par nous rattraper ...
[...] On peut changer de vie mais pas de souvenirs. Mon histoire est venue me chercher jusqu’au fond de la forêt.

●  On aime beaucoup :

❤️ On aime ce court roman fait d'une histoire coup de poing. L'histoire de cette femme est rude comme la forêt, sauvage comme la nature qui l'entoure.
❤️ On aime la prose, sèche, sobre, directe, de l'auteur qui réussit à nous faire partager la vie quotidienne de son héroïne mystérieuse qui se cache en pleine nature : même si l'on n'évite pas quelques envolées un peu sentencieuses, le propos écolo reste subtilement dosé et pourrait résonner avec quelques accents du film récent Le règne animal.
❤️ On est aussi bien curieux des mystères qui entourent l'intrigue : qui est cette femme, quelle était sa vie d'avant, que lui est-il arrivé, et qu'est donc devenu notre monde qui semble lui aussi, avoir basculé dans l'horreur ... ?

Au détour d'un chapitre, on aura même droit à une belle histoire, sorte de cerise sur le gâteau, l'histoire du vieil homme et la mort :
[...] - Que faites-vous là ? ai-je demandé d’une voix étranglée qui m’a effrayée. 
- J’attends la mort. 
- Et ? 
- Elle ne vient pas. 
Lui avait parlé d’une voix posée et calme. Elle sonnait comme les fables que me racontait ma grand-mère, la profondeur et le débit envoûtaient. Il m’a expliqué qu’il était un trop vieil homme pour le monde moderne et aussi trop vieux pour le monde sauvage. Il avait cru qu’il pourrait échapper au désastre en venant ici mais les forces lui manquaient pour vivre dignement. Il n’y avait plus d’endroit sur la terre pour prendre soin de sa carcasse. La mort était trop occupée ailleurs, elle l’avait oublié.

Pour celles et ceux qui aiment les femmes mystérieuses.
D’autres avis sur Babelio et Bibliosurf.

mercredi 27 septembre 2023

Pour mourir, le monde (Yan Lespoux)


[...] Le voyage se passa comme prévu. Presque.

    L'auteur, le livre (432 pages, 2023) :

On connaissait le médoquin Yan Lespoux par ses chroniques du blog Encore du noir, mais il nous avait bluffé il y a deux ans avec Presqu'îles, un excellent recueil de très courtes nouvelles, bien ancrées dans ses dunes landaises, livre auquel nous avions décerné un joli coup de cœur.
Alors nul doute qu'il nous fallait embarquer sans tarder à bord des navires de sa majesté du Portugal. Quitte à embrasser cette belle devise : Pour mourir, le monde.

    Le contexte :

Le titre est emprunté à un prédicateur jésuite, António Vieira, chantre des ambitions impérialistes de la couronne portugaise au temps glorieux de la Route des Indes, la Carreira da Índia :
Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. 
Pour naître, le Portugal ; pour mourir, le Monde.
Nous sommes au début du XVII° siècle, le Portugal jadis conquérant est désormais rattaché à la couronne espagnole, mais la Casa da Índia continue d'abattre les forêts de l'Alentejo pour les navires de l'armada et d'embarquer tous les hommes qui passent à portée de bâton, [plus ou moins volontairement selon qu’ils avaient quelque chose à fuir ou qu’ils n’avaient au contraire pas réussi à échapper assez vite au regard des recruteurs].
Le roman s'inspire de faits réels historiques dont notamment, le terrible naufrage d'une flotte portugaise sur les côtes landaises en janvier 1627 lors d'une forte tempête, un drame de la mer qui fit près de 2.000 morts.

    On aime beaucoup :

❤️ On aime la prose riche et travaillée mais toujours fluide de Yan Lespoux qui fait la part belle aux termes du passé ou à la culture occitane de sa côte natale, aux traditions des beachcombers de l'époque : [les costejaires et les vagants, ces hommes sans toit qui arpentaient la côte à la recherche d’ambre, de biens échoués, de naufragés et de pèlerins de Saint-Jacques égarés à dépouiller] tout comme [ces gemmeurs petits et nerveux qui couraient les bois pour entailler les arbres et les vider lentement de leur résine tout en les gardant en vie].
❤️ On aime les trois histoires qui s'entrecroisent, véritable immersion dans le monde de la mer au XVII° siècle.
▼ Mais comme bien souvent dans ce genre de roman d'aventures, l'auteur se laisse emporter et le gros bouquin aurait gagné à être allégé de quelques répétitions et longueurs.

      L'intrigue :

Trois personnages, trois destins, et trois rivages à chaque coin du monde.
Fernando s'est enrôlé dans l'armada portugaise pour Goa, le comptoir indien : une vie pleine de bruit et de fureur, de pirates, de canonnades et de périls marins.
[...] Le voyage se passa comme Fernando l’avait prévu. Presque. Ils croisèrent bien un tigre, mais un seul cheval mourut. Et son cavalier. 
Diogo est à peine adolescent lorsque les anglais reprennent São Salvador de Bahia aux portugais sur la côte brésilienne.
[...] Les mercenaires de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales avaient été fidèles à leur réputation. Ils avaient violé, mutilé, détruit, volé, jusqu’à ce que leurs maîtres les rappellent à la niche et en pendent quelques-uns en gage de bonne volonté. Il fallait bien s’attacher les services de la population restée sur place.
Marie est une jeune femme qui tente de se faire une place et survivre parmi les résiniers et les naufrageurs de la côte landaise.
Sans doute le portrait le plus intéressant des trois.
[...] Marie, elle, n’a jamais autant contrôlé sa vie que depuis qu’elle a réussi à s’émanciper de son oncle. Elle le sait, maintenant, elle n’est prisonnière de rien ni de personne. [...] La vie n’est pas toujours facile sur cette côte désolée, mais ni plus ni moins qu’ailleurs et nul ne lui donne d’ordres.
Tout ce petit monde finira bien évidemment par se retrouver au tout début de 1627 pour le meilleur ou pour le pire ...
[...] Nul ne savait plus où on se trouvait entre la France et l’Espagne ni à quelle distance de la côte. Le navire craquait de toutes parts. [...] Tout le monde ici semblait avoir accepté son sort.
[...] Il va y avoir beaucoup d’hommes, beaucoup d’armes et des diamants que tout le monde veut. Le point d’honneur risque de passer après les tractations diplomatiques qui elles-mêmes vont vite céder le pas à la loi du plus fort.

Pour celles et ceux qui aiment les bateaux en bois et ne craignent pas les naufrages.
D’autres avis sur Bibliosurf et sur Babelio.
Mon billet dans 20 Minutes.

mercredi 1 mars 2023

Simple mortelle (Lilian Bathelot)

[...] Ils ont fabriqué un coupable.

    L'auteur, le livre (448 pages, 2018) :

L'aveyronnais Lilian Bathelot a vécu plusieurs vies et connu toutes sortes de métiers avant de venir sur le tard à l'écriture. 
Simple mortelle est l'un de ses derniers romans, un roman noir qui vient comme en écho au bouquin de Thierry Brun lu récemment, Ce qui reste de candeur : les garrigues de l'Occitanie, un ancien baroudeur, une jolie fille, ...

      On aime :

❤️ La construction d'un récit qui s'affranchit subtilement de la chronologie pour composer par touches successives un tableau d'ensemble que le lecteur découvre peu à peu : des époques différentes, des ellipses temporelles, des personnages que l'on ne croise que pour quelques pages ou plus, ... Une construction savante qui s'avère étonnamment fluide et rythmée ce qui rend la lecture très prenante puisque le suspense s'installe rapidement, façon chronique d'un drame déjà annoncé.
❤️ Une belle histoire d'amour entre une institutrice enfin libérée de ses obligations familiales et un vieux baroudeur des maquis des Corbières, quelques beaux portraits de femmes.
❤️ Du nature-writing régional à la française et un message écolo discret qui évite le pamphlet.
[...] Pourquoi dérouler le fil des événements qui m'ont conduite où j'en suis aujourd'hui ? Pour justifier aux yeux de mes frères humains ce que je suis en train de faire de mes jours et de mes nuits ? Ai-je tant à justifier ? 

      Le contexte :

Dans le massif audois des Corbières, la construction d'un barrage qui ne fait pas l'unanimité auprès de la population locale. 

      L'intrigue :

Une nouvelle institutrice débarque au village. Elle fait la connaissance d'un homme au passé trouble, un ancien chien de guerre, un ex-légionnaire réformé du Zaïre. 
Gendarmes, barbouzes et RG s'activent pour éviter la naissance d'une nouvelle ZAD ...
Tous semblent réunis ici pour que ça finisse mal. 
[...] En surface, Louis Lacan pourrait passer pour un homme tranquille vivant sans histoire à Malissègre, un petit village isolé des montagnes du département de l'Aude où il travaille à l'occasion en tant que vacataire... Rien que de très ordinaire, donc, en apparence tout au moins.
Mais dès que l'on gratte un peu sous ces apparences, on découvre vite les côtés plus obscurs du personnage. Le premier point qui fait de lui un suspect particulièrement dangereux, c'est que cet homme a été soldat.
[...] Mouillé avec l'extrême droite d'un côté, l'autre, avec les altermondialistes de l'autre, dans des attentats, des sabotages. Personne n'aura à cœur de lever le petit doigt pour le défendre. Ni à droite ni à gauche. Ni au village. Voilà. C'est ça. Maintenant, c'est clair dans sa tête. Ils ont fabriqué un coupable.

     On aime moins :

Quelques pages, peu nombreuses fort heureusement, où jaillit une grossièreté inutile, si ce n'est pour souligner la bêtise de certains pandores, ce qu'on sait tous déjà.
Quelques envolées lyriques, un peu mélo, pas très utiles non plus, dans cette belle histoire qui aurait encore gagné à être racontée d'une plume plus sèche, plus rude, à l'image de cette région des Corbières.

Pour celles et ceux qui aiment les légionnaires et les institutrices.
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vendredi 9 septembre 2022

Ce qui reste de candeur (Thierry Brun)

[...] Cette fille allait me causer les pires ennuis.

On ne connaissait pas encore Thierry Brun que l'on découvre ici avec un excellent roman noir : Ce qui reste de candeur.
L'intrigue nous plonge dans le Minervois, au pied de la Montagne Noire où se planque Thomas Boral, ancien homme de main d'un grand truand en cavale, nouveau repenti qui doit témoigner bientôt au procès de son ancien patron.
[...] Se demander à chaque instant qui marchait dans son dos n’avait rien de reposant.
[...] Dans le réfrigérateur de quoi subvenir à mes besoins pour une semaine : anisette, sirop d’orgeat et des glaçons.
Reclus dans le Haut Languedoc, Boral fait profil bas, coincé entre le flic parisien qui le tient en laisse jusqu'au procès et le gendarme local qui ne voit pas d'un très bon œil ce genre de touriste.
Et comme dans tout bon roman noir qui se respecte, fatalité oblige, le diable s'habille en jupette ...
[...] Je n’en croyais pas mes yeux. Elle n’était pas plus belle que d’autres femmes, mais elle dégageait un érotisme forcené, une espèce de pouvoir d’attraction hors normes. Ça tenait du prodige, de l’envoûtement. Je baissai la tête.
[...] Je me retournai de mon côté du lit pour m’asseoir au bord. 
— Rentre chez toi. 
— Je t’en prie. On ne peut rien y faire, tu m’entends.
[...] Comment avais-je pu me fourrer dans cette histoire ? Qu’est-ce qui chez moi m’entraînait toujours vers les ennuis ?
C'est court, sec, nerveux comme une rando dans la garrigue et derrière un scénario d'apparence simpliste, notre vision des personnages va évoluer au fil des pages, au fil d'un petit noir bien serré.

Pour celles et ceux qui aiment les emmerdements.
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samedi 19 février 2022

Noces de sel (Maxence Fermine)

[...] Ton sang se répandra bientôt sur le sable.

On se réjouissait d'avance de retrouver l'excellent Maxence Fermine (celui de Neige par exemple) avec en plus la promesse d'une intrigue située en Camargue, à Aigues-Mortes, la ville des Salins du Midi, ceux de La Baleine : Noces de sel.
Comme tous ses bouquins, celui-ci est un petit bijou d'écriture ciselée autour d'une histoire d'amour à la Roméo et Juliette sous les remparts de la ville de Saint Louis.
Malheureusement l'intrigue n'est guère prenante et l'histoire d'amour entre le "raseteur" et la fille du boulanger manque vraiment de sel.
Tout cela ne semble que le prétexte à une découverte de la ville d'Aigues-Mortes, son histoire, ses traditions taurines, ses fêtes votives, ses vignobles et ses salins, ... un dépliant touristique qui ressemble bien à une aimable commande.
[...] Le raset est bien l'art de savoir frôler l'animal dans l'arène. Pas de combat comme dans la corrida, mais un jeu où le taureau n'est jamais mis à mort et où le bon raseteur, agile comme un danseur, doit avoir le sens du spectacle.
Un petit opuscule un peu décevant mais qui fera plaisir aux amoureux de cette belle région.

Pour celles et ceux qui aiment la Camargue.
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mercredi 24 novembre 2021

Nous ne négligerons aucune piste (Lucien Nouis)

[...] Des suspects parfaits pour une partie de Cluedo.

Joli plaisir de lecture que celui de découvrir un auteur bien de chez nous au rayon polar.
Un auteur du "terroir" comme on dit, d'Occitanie, un auteur cévenol pour être précis.
Pour autant, Lucien Nouis n'a rien d'un écolo gnangnan des campagnes : le bonhomme est quand même prof de littérature et de philo aux US !
Avec Nous ne négligerons aucune piste, alors oui, grand plaisir que celui de découvrir une très belle plume bien taillée et parfois acérée quand elle s'attaque au microcosme d'un petit village cévenol.
[...] Ça sentait la droite ultraconservatrice. Bordarier se demanda comment un couple gay avait réussi à y trouver sa place.
Alors oui, grand plaisir que celui de découvrir un nouveau flic récurrent (le second épisode est déjà paru), un flic qui nous change un peu des olibrius disjonctés et hallucinés habituels.
Le commissaire Bordarier, père presque tranquille façon Maigret, est un flic à l'ancienne, bon vivant et philosophe : si l'on veut tenter un cousinage contemporain, Bordarier serait plutôt un lointain parent du sud de la famille du norvégien William Wisting plus que de celle de Harry Hole pour rester en Norvège.
Ou encore, pour continuer les rapprochements géographiques hasardeux, un cousin lumineux du sombre islandais Erlendur avec qui il partage les soucis que peut causer une fille difficile.
[...] Bordarier reprit seul le chemin de l’hôtel, méditant sur le groupe qu’il venait de découvrir et se disant qu’ils auraient été des suspects parfaits pour une partie de Cluedo.
Même les collègues flics de Bordarier sont plutôt atypiques : l'un est un ancien moine tibétain, l'autre une éleveuse de chiens ! C'est dire si on est là pour s'amuser !
Une sympathique enquête de province (ou dans les territoires, comme l'on dit désormais).

Pour celles et ceux qui aiment l'Occitanie.
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jeudi 13 mai 2021

Rouge tango (Charles Aubert)

[...] Patek, comme Rolex, n’a jamais pu être identifié.

À peine refermé l'épisode Bleu calypso, on enchaine avec Rouge tango, sans prendre le temps de ranger les cannes à pêche.
C'est reparti avec Charles Aubert et son héros Niels, au bord des étangs palavasiens.
Cette fois c'est l'un des amis de sa petite bande qui a disparu et l'enquête nous fera découvrir le "milieu" comme on dit, puisque nous ne sommes pas loin de Marseille et que ça s'annonce "corsé".
On aura même droit à des tueurs à gage surnommés Rolex et Patek !
L'ambiance est aussi cool et sympa que dans le premier tome et l'on retrouve avec plaisir la petite bande d'amis.
Après une première partie un peu plus pesante (ah, les états d'âme de Aubert/Niels ...), l'amourette de Niels avec sa jolie journaliste prend forme et surtout l'on découvre son Daddy, un irlandais, un traveller plus exactement, la version irish des gitans.
[...] Un vieux traveller bagarreur et hâbleur qui trimballait sa belle gueule de shooting photos en casting et une journaliste hyperactive qui mettait toujours son nez là où il ne fallait pas.
La série ne prétend pas au grand prix de littérature ni à celui du polar de l'année, mais c'est assurément la lecture idéale pour un été au bord de la mer.
Il ne nous reste plus qu'à remettre ça avec la suite : Vert samba.

Pour celles et ceux qui aiment (ou pas) la pêche.
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Bleu calypso (Charles Aubert)

[...] Le kayak avait une dérive idéale.

La voix de l'américain William Tapply nous manque depuis sa disparition en 2009 : ses doux polars dans le Maine et sa passion pour la pêche à la mouche.
Mais voilà la relève prise par ... un frenchy bien de chez nous : Charles Aubert
Ex-directeur commercial dans les assurances il a tout plaqué pour changer de vie et s'installer entre Montpellier et Sète, au bord de l'étang des Moures où il se met à écrire et ... à réparer des montres.
Premier volume : Bleu Calypso, le nom d'un appât pour la pêche sur les étangs puisque le héros, Niels Hogan, fabrique des leurres tout comme le héros de Tapply montait des mouches.
[...] J’avais pêché le saumon en Alaska, le bonefish sur les flats de Cuba, la carangue aux Bijagos, le brochet dans les lacs du Connemara. J’avais fait d’une passion un métier et j’étais devenu fabricant de leurres.
Evidemment polar oblige, Niels va découvrir un cadavre dans son étang ... et ce ne sera pas le dernier. Un serial-killer dans les étangs palavasiens ?
[...] — Ça commence à faire du monde au fond des étangs.
Non soyons sérieux, l'histoire sera sans doute plus compliquée et plus originale que cela !
Le personnage de Niels serait un peu comme un clone de l'auteur : un "décroissant" comme il le dit lui-même, rangé des voitures (enfin presque, il roule en VW 181), il s'est réfugié au bord des étangs où il vit presque en ermite.
[...] Moi, j’étais le type qui vivait en marge de la société, ivre de liberté et de soleil, celui qui s’était débarrassé de ses chaînes.
[...] Plus proche d’un misanthrope ou d’un amoureux déçu que d’un militant altermondialiste.
[...] J’étais venu me perdre dans ce coin pour trouver le calme, me mettre à l’abri de la folie du monde, pas pour jouer les James Bond en tongs.
De fait le bouquin n'est pas exempt de maladresses et ne lésine pas sur les clichés bobo. 
Mais l'ami Aubert/Niels attire forcément toute notre sympathie : en dépit des cadavres qui s'empilent, le roman est un doux polar loin de la fureur du monde, des flics ténébreux et des serial-killer effrayants. 
On va très vite s'attacher aux rencontres de Niels (un vieux voisin cuistot, une jolie fille, un copain hacker, un capitaine de gendarmerie, ...) et l'enquête menée par cette petite bande bien sympa nous entraine dans une ambiance qui rappelle un peu le Club des Cinq de notre jeunesse !
C'est gentil, frais, sympa, "local", avec juste ce qu'il faut d'auto-dérision pour ne pas se prendre trop au sérieux.
Et, une fois le fin mot de l'histoire dévoilé, on a hâte de suivre Niels dans de nouvelles aventures, d'autant qu'une amourette s'esquisse ...
[...] Avec des filles comme elle, il fallait accepter de ne pas tout comprendre. C’était comme l’eau d’un torrent qui vous filait entre les doigts. À la fin, il ne reste souvent que quelques frissons. Dans le meilleur des cas, une fugace sensation de bonheur.
On en reparle très vite avec Rouge Tango ...

Pour celles et ceux qui aiment (ou pas) la pêche.
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vendredi 12 février 2021

Du sable dans la bouche (Hervé Le Corre)

[...] Il n’y a rien de pire que la mort qu’on aurait pu éviter.

C'est la découverte récente du bordelais Yan Lespoux qui nous a aiguillonné pour (re)lire son compatriote Hervé le Corre.
On débute la série avec Du sable dans la bouche, sorti initialement en 1993 (avec une édition révisée en 2013).
Un bon choix qui nous emmène de Bordeaux au pied des Pyrénées, au cœur du pays basque puisque d'autonomistes il sera question ...
Fin 90, alors que gronde le bruit des bombes en Irak, un commando basque franchit la frontière pour venir faire sauter quelques explosifs le long des côtes françaises.
À leurs trousses, un tueur venu d'Espagne, un tueur qui n'aime pas les femmes.
[...] Madrid nie, et a toujours nié avoir engagé des tueurs.
[...] – J’étais plutôt content de le savoir loin, vous savez. Les types qui maltraitent les filles, on n’aime pas trop ça. 
– Il a même failli en tuer deux, précisa Garcia.
Côté français, les différents services de police sont sur les dents après les premières bombinettes et la mort d'un gendarme.
On suivra la cavale des survivants du commando depuis la Gironde jusqu'au piémont. 
Un grain de sable viendra saboter les opérations et tout ça finira pas très bien, mais ça on s'en doute évidemment.
[...] – Vous jouerez le rôle du grain de sable. 
– Ça se piétine, un grain de sable. C’est même fait pour ça. 
– Vous manquez singulièrement d’imagination, pour quelqu’un d’aussi intelligent. Un grain de sable dans une mécanique aussi précise que ce genre d’intervention en devient la pièce maîtresse.
Quelques années plus tard, la vengeance d'une femme viendra ouvrir et refermer cette histoire.
[...] Mathilde marche dans les rues de Bordeaux. Elle est sortie de prison et elle boite.
Le court récit (quelques 150 pages) est sec et serré comme un expresso bien noir, et belle surprise, les femmes y tiennent des rôles de choix comme dans la tragédie d'Antigone habilement convoquée ici.
La prose d'Hervé Le Corre y est remarquable de précision et de maîtrise.
Sur les mêmes thèmes, on pourra relire le bouquin de Marin Ledun, un peu plus politique.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires qui finissent mal en général.
D’autres avis sur Babelio.

jeudi 11 février 2021

Presqu'îles (Yan Lespoux)


[...] Ah ! Le premier noyé de la saison !

    L'auteur, le livre (184 pages, 2021) :

Très beau recueil de nouvelles que ce Presqu'îles du médoquin Yan Lespoux.
C'est quelqu'un que l'on connait bien puisqu'il tient le blog Encore du noir, mais le voici qui passe de l'autre côté de la plume, pour la première fois, parrainé par son compatriote Hervé Le Corre.
Un bel essai transformé (on est dans le sud-ouest !) avec ces nouvelles à chute, des textes à l'ironie mordante et caustique.

    On aime :

❤️ Derrière l'humour noir et grinçant, jamais gratuit, perce parfois une ombre un peu désespérée : la solitude de chacun des personnages fait partie du paysage tout comme les pins de Napoléon III.

      Le contexte :

Yan Lespoux nous emmène donc parcourir les dunes de 'son' Médoc, bien loin des châteaux et des vignes, un pays aux hivers froids, humides et pluvieux, un pays de landes, de baïnes et d'étangs où l'on regarde l'étranger franchement de travers. 
Mieux vaut être né dans le coin et avec des bottes en caoutchouc si l'on ne veut pas se faire traiter de bordelais, ou pire de toulousain, ou plus infamant encore, de parisien.
Un pays d'anciens naufrageurs, un pays rude et hostile, où l'on a encore le coup de hache facile et le fusil (de chasse !) en bandoulière.

[...] On lui précisera aussi qu’il faut être prudent et éviter de se promener dans les bois, parce qu’il y a beaucoup de chasseurs.

      L'intrigue :

Les quelques trente nouvelles réunies ici sont très courtes, quelques pages à peine, mais elles s'enchaînent avec une remarquable unité de ton et d'ambiance.
L'auteur se paie même le luxe de les présenter par thèmes !
Chacune est l'occasion de partager quelques instants d'un personnage, le plus souvent un gars du coin, plus rarement un bordelais, et dans les traces de l'auteur, on a un peu l'impression d'aller visiter chacune des maisons d'un village. Chaque rencontre est l'occasion d'une bonne histoire, de quelques bons mots. Remarquable.
La nouvelle la plus instructive nous fera découvrir le naufrage du Cantabria en 1937, un bateau chargé de réfugiés fuyant la guerre d'Espagne.
Les nouvelles les plus étonnantes évoqueront une tradition locale du pays des baïnes :
[...] « Ah ! Le premier noyé de la saison ! » Cette phrase, depuis tout petit, je l’ai entendue, comme il convient, une fois par an. Au moins. Parfois, on oublie qu’il y en a déjà eu un avant. C’est ce qui arrive quand le premier noyé de la saison est vraiment précoce.
[...] Le premier noyé de la saison, c’est un peu comme l’ouverture de la cabane à chichis, la première grosse pousse de cèpes ou la première gelée, ça annonce une nouvelle période, un changement de lumière le matin quand on se lève. Ça rythme l’année. Et puis ça nous rappelle que nous, pendant ce temps-là, on est vivants.

Pour celles et ceux qui aiment les étangs et les bords de mer.
D’autres avis sur Bibliosurf.