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vendredi 28 février 2020

Quand un bon Allemand était un Allemand mort….

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Encore un « point de détail » de la Deuxième Guerre mondiale
Quand un bon Allemand était un Allemand mort….
Après la Libération, dans les camps américains et français, on a laissé mourir délibérément environ un million de prisonniers de guerre allemands, au mépris de la Convention de Genève et des plus élémentaires « droits de l'homme ». Telle est la thèse explosive que développe l'écrivain canadien James Bacque dans un livre qui, apparemment, n'a pas l'air de plaire à tout le monde... « pour raisons diverses ».
Lorsque James Bacque débarque en France avec son assistante il y trois ans, ce n'est nullement pour jeter un pavé dans la mare de l'histoire officielle, mais pour rassembler la documentation nécessaire afin de raconter une bien belle histoire : celle de Raoul Laporterie, héros de la Résistance française qui a sauvé au péril de sa vie quelque mille cinq cent juifs.
Mais le hasard veut qu'en compulsant les archives de Laporterie, au milieu de centaines de lettres de remerciements de séphardim bordelais, notre auteur tombe sur celle d'un certain Hans Goertz, soldat de la Wehrmacht qui lui aussi remercie Laporterie de l'avoir sauvé en l'extrayant d'un camp de prisonniers de guerre.
Etonnement de Bacque, qui ne comprend ni la raison pour laquelle  un  résistant  aurait   aidé  un « Boche  », ni de quoi il l'a « sauvé » exactement.
Du coup, l'écrivain décide d'inclure dans son livre un chapitre consacré aux camps de prisonniers allemands. Il part enquêter en Allemagne, retrouve le dénommé Goertz et l'interviewe. Mais ce n'est qu'une fois le magnétophone coupé que l'ancien prisonnier se confie réellement. Pour la première fois depuis quarante ans, il raconte à Bacque ce qu'il a sur le cœur : oui, Laporterie lui a sauvé la vie. Dans le camp ou il était interné, 25 % de ses camarades sont morts en un mois, et sans l'intervention du Français il n'aurait sans doute pas survécu non plus.
Survécu à quoi ? Aux mauvais traitements, au froid, à la famine et à toutes les maladies qui sévissaient dans le camp. Dès lors, la question qui s'impose à James Bacque est la suivante : s'agit-il du cas isolé d'un commandant de camp sadique ou d'un phénomène plus général ?
Il décide donc de se livrer à une enquête systématique, visitant un à un les anciens camps, recueillant les témoignages des prisonniers et des gardiens. Et chaque progrès de son investigation lui révèle un peu plus l'ampleur de ce qu'il appelle la « catastrophe » : le non-respect généralisé de la Convention de Genève dans les camps français, où les prisonniers, traites de façon inhumaine, privés d'abri et du minimum vital de nourriture, tombaient comme des mouches.
Pourtant le générai de Gaulle lui-même a été mis au courant en septembre 1945 par Jean-Pierre Pradertand, représentant le Comité International de la Croix-Rouge, qui l’a informé que si rien n'était fait, un tiers des 600 000 prisonniers remis aux Français par les Américains ne passeraient pas l'hiver. Et rien ne fut fait...
À Washington, James Bacque découvre que la même « catastrophe » s'est déroulée sur une plus grande échelle dans les camps américains, véritables camps de « la mort planifiée » comme le dit le titre de son livre dans la version allemande. C'est alors qu'il décide de remettre à plus tard son « Laporterie » et de mener jusqu'au bout cette enquête.
Au terme de trois années de travail de recherches dans tous les pays et de centaines d'interviews, ce qu'il découvre vaut son pesant de rutabagas...
C'est le général Eisenhower lui-même qui, dans un message du 10 mars 1945, a créé pour les prisonniers allemands la catégorie jusqu'alors inconnue de « DEF » (forces ennemies désarmées), leur ôtant par là même toutes les garanties attachées au statut de « prisonnier de guerre ».
C'est le Département d’État qui a refusé à la Croix-Rouge le droit d'entrer dans les camps et donc :
1° de révéler la situation qui y régnait (manque de nourriture, d'espace, de tentes, d'hygiène, etc.).
2° de livrer aux prisonniers la nourriture dont elle disposait.
Et James Bacque de détruire au passage le mythe du chaos et du manque de nourriture utilisé pour justifier le traitement des prisonniers allemands. Il existait par exemple, à Genève, d'importants dépôts de vivres destinées aux prisonniers qui ont été saisies par le SHAEF(1).
Conclusion de l'auteur : en 1945-46, Américains et Français ont intentionnellement laissé mourir de froid, d'inanition, de dysenterie et autres maladies neuf cent mille à un million de prisonniers allemands.
Reste à comprendre les raisons de cet acharnement Pour l'auteur, les choses sont claires : du côté américain, c'est la « haine » d'Eisenhower envers les Allemands, exprimé par le général lui-même et confirmée par son biographe Stephen Ambrose, qui est le mobile de ce « crime contre l'humanité ». Du côté français, ce serait plutôt la négligence et le désintérêt envers ce qui n'était guère considéré que comme du bétail humain.
Faut-il s'en étonner ? En RFA, le livre a fait l'effet d'une bombe et n'a pas tardé à devenir un « best seller ». L'auteur a reçu plusieurs milliers de lettres d'anciens prisonniers de guerre qui toutes lui disaient la même chose : merci d'avoir enfin révélé la situation réelle dans ces camps, après tant d'années de silence concerté.
Aux États-Unis, la controverse a été plus vive, on l'imagine. Certains ont contesté les travaux de James Bacque, d'autres au contraire ont apporté de l'eau à son moulin. Ainsi des généraux Lee et Littlejohn qui se sont plaint de nombreuses destructions et falsifications de documents, et notamment de la disparition d'un million de prisonniers allemands d'un rapport à l'autre dans les statistiques du corps médical de l'armée américaine...
En France, on peut dire qu'on n'a pas perdu de temps pour allumer des contre-feux. En décembre dernier, soit quatre mois avant la publication du livre, Libération consacrait sous la plume de Sélim Nassib trois pleines pages non pas à réfuter, mais à nier en bloc le travail de James Bacque présenté comme « une thèse sans rigueur » à coups d'approximations, de contresens et de généralisations et se fondant exclusivement sur le seul cas du camp de Thorée-les Pins, près de La Flèche - dont M. Nassib prétend compter les cadavres un par un...
Amusant de voir les limiers de Libé, obligés de se transformer, pour nier les crimes de guerre alliés, en Faurisson au petit pied.
Xavier Berthelot
(James Bacque, Morts pour raisons diverses, Editions Sand, 315 p.)
(1) grand quartier général des Forces expéditionnaires alliées, placé sous le commandement du général Eisenhower.

Le Choc du Mois N° 31 Juillet-Août 1990

vendredi 22 juin 2012

18 juin 1812 Les États-Unis en guerre contre les Anglais

Le 18 juin 1812, le Congrès des États-Unis vote une déclaration de guerre. L'ennemi n'est autre que l'ancienne métropole, l'Angleterre.
Cette guerre reste dans l'Histoire sous le nom de «Seconde guerre d'Indépendance» ou plus simplement «guerre de 1812». C'est la première qu'aient livrée les États-Unis. C'est aussi la seule de l'Histoire moderne qui ait mis aux prises deux démocraties.
La faute à Napoléon
La guerre de 1812 est la conséquence directe du conflit qui oppose en Europe Napoléon 1er à l'Angleterre et à ses alliés.
Les deux belligérants font fi de la neutralité des États-Unis et arraisonnent les navires de commerce américains sous prétexte qu'ils traitent avec le camp adverse. Comme si cela ne suffisait pas, il arrive que les Anglais se saisissent de marins américains et les enrôlent sur leurs propres navires.
Le président Thomas Jefferson tente de surmonter le dilemme en faisant voter en décembre 1807 la loi sur l'embargo (Embargo Act) qui interdit à tout navire de faire voile d'un port des États-Unis vers un port étranger. Mais la loi ruine les armateurs de Nouvelle-Angleterre sans pour autant faire plier l'Angleterre, avide de céréales américaines, et l'on doit la rapporter le 1er mars 1809.
Le successeur de Jefferson est son ami James Madison, lui aussi du parti républicain démocrate. Ce Virginien de 61 ans se montre à la Maison Blanche autrement plus médiocre qu'il ne l'a été dans la rédaction de la Constitution.
Une guerre entreprise à la légère
Dans un premier temps, le président Madison interdit le commerce avec la France et l'Angleterre. Puis il décide que cette interdiction ne jouera plus à l'encontre de celui des deux pays qui cessera de porter atteinte au commerce des neutres !
Le 5 août 1810, Napoléon 1er assure Washington qu'il cessera de contrarier le commerce des neutres. Il s'agit d'un mensonge éhonté car cela signifierait la fin du Blocus continental destiné à asphyxier l'Angleterre.
Il n'empêche que les États-Unis font crédit à Napoléon 1er. Leurs relations avec l'Angleterre se tendent et les heurts se multiplient à la frontière avec le Canada. À la Chambre des représentants, Henry Clay, porte-parole des «War Hawks» («Faucons de guerre») fait miroiter l'annexion du Haut-Canada anglophone, du Bas-Canada francophone et de la Floride espagnole.
Finalement, le président convainc le Congrès de voter (à une courte majorité) la déclaration de guerre à l'Angleterre. L'opposition fédéraliste tente de s'y opposer. Elle dénonce la «guerre de M. Madison» («Mr. Madison's War») mais ne réussit pas à l'empêcher et cet échec va amorcer son déclin et sa disparition. Le parti fédéraliste, si influent dans les décennies antérieures, ne va plus conserver que quelques représentants en Nouvelle-Angleterre.
Offensives peu convaincantes
Dans un premier temps, le 12 juillet 1812, les volontaires américains, au nombre d'à peine 5.000, attaquent les Anglais sur les Grands Lacs sous la conduite du général William Hull. Ils vont jusqu'à brûler le parlement du Haut-Canada, à Toronto. Les Anglais, piqués au vif, lancent une contre-offensive bien qu'avec des effectifs moindres. Ils repoussent les Américains jusqu'à Detroit et s'emparent de la ville le 16 août 1812.
Le général Hull sera déféré devant une cour martiale mais échappera à la sentence capitale en raison de ses états de service antérieurs, pendant la véritable guerre d'Indépendance.
Sur mer, pendant ce temps, les Américains, avec trois frégates, remportent quelques succès d'estime sur les navires anglais. Après plusieurs mois de piétinement, un corps expéditionnaire anglais débarque près de Washington. Il remporte un succès à Bladenburg avant de marcher sur la capitale.
La garde nationale qui protège celle-ci se débande et, le 24 août 1814, les Anglais entrent sans coup férir à la Maison Blanche, que le président a dû quitter en catastrophe.
Le général anglais n'a plus qu'à se mettre à table et finir le dîner présidentiel. En partant, il a soin de faire brûler l'auguste palais ainsi que le Capitole, qui contient à ce moment-là la librairie du Congrès. C'est une revanche sur l'incendie du Parlement de Toronto... et une profonde humiliation du côté américain !
Une armée éprouvée de 10.000 soldats britanniques quitte Montréal en direction de New York, sous le commandement de Sir George Prevost. Mais la flotte chargée de son ravitaillement est défaite le 11 septembre 1814 sur le lac Champlain par le capitaine Thomas Macdonough. Du coup, Prevost renonce à son offensive.
Lassée par cette guerre sans enjeu véritable, Londres entame des négociations à Gand, aux Pays-Bas, où la paix est signée le 24 décembre 1814. Il est convenu d'un retour à la situation antérieure, sans prise de guerre. La frontière entre les États-Unis et les possessions britanniques d'Amérique du Nord est prolongée vers l'Ouest suivant le 49e parallèle.
Naissance du patriotisme américain
La nouvelle de la signature du traité de Gand n'arrive à Washington que le 14 février 1815. Entre temps, dans le Sud, les Américains jouent les prolongations. C'est ainsi que le 8 janvier 1815, l'impétueux Andrew Jackson (47 ans) reprend La Nouvelle-Orléans aux Anglais, ce qui lui vaut une immense popularité.
En 1828, Andrew Jackson accèdera à la Maison Blanche, comme d'autres généraux vainqueurs, de George Washington à Dwight Eisenhower en passant par Ulysses Grant.
Ne croyons pas que la guerre de 1812 était une guerre pour rien. Outre qu'elle a donné un héros aux États-Unis en la personne d'Andrew Jackson, elle a aussi éveillé le patriotisme américain et contribué à forger une conscience nationale. C'est à cette époque que naît le personnage de l'Oncle Sam, qui est à la République américaine ce que Marianne est à la République française.
Ayant renoncé à s'agrandir aux dépens du Canada, les États-Unis tournent désormais leurs ambitions vers les espaces vierges du Far West (le Grand Ouest). De leur côté, les Anglais vont mettre en valeur les territoires qui s'étendent à l'ouest du Haut-Canada, le Rupert's Land, une concession de la Compagnie de la baie d'Hudson.
Fabienne Manièrehttp://www.herodote.net

lundi 6 juin 2011

6 juin 1944 Les Alliés débarquent en Normandie

Le 6 juin 1944, à l'aube, une armada de 4266 navires de transport et 722 navires de guerre s'approche des côtes normandes. Elle s'étale sur un front de 35 kilomètres et transporte pas moins de 130.000 hommes, Britanniques, Étasuniens ou Canadiens pour la plupart. Plus de 10.000 avions la protègent.
Baptisé du nom de code «Overlord» (suzerain en français), cette opération aéronavale demeure la plus gigantesque de l'Histoire, remarquable autant par les qualités humaines de ses participants que par les prouesses en matière d'organisation logistique et d'innovation industrielle et technique. Elle était attendue depuis plus d'une année par tous les Européens qui, en Europe occidentale, luttaient contre l'occupation nazie.
Les Anglo-Saxons s'entendent pour en finir
Après des victoire fulgurantes sur tous les fronts de 1939 à 1941, les Allemands ont éprouvé leur premier revers à El-Alamein, en octobre 1942, face aux Anglais (et des Français), et dès lors, n'ont plus cessé de perdre du terrain, essuyant leur plus grave défaite à Stalingrad, face aux Soviétiques.
Les Anglo-Saxons (Américains et Britanniques) débarquent en Afrique du nord le 8 novembre 1942 et du 14 au 24 janvier 1943, le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill tiennent conférence à Casablanca sur la poursuite de la guerre.
Ils se mettent d'accord pour exiger une reddition sans condition de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon et dressent des plans pour hâter la fin de la guerre avec l'aide de leur nouvel allié, l'URSS de Staline.
Priorité aux attaques périphériques
Churchill veut privilégier les attaques périphériques plutôt qu'une attaque directe sur l'Allemagne. Il convainc Roosevelt de lancer un débarquement en Italie.
C'est ainsi que le 10 juillet 1943, les Anglo-Saxons prennent pied en Sicile... avec la complicité de la Mafia new-yorkaise (*). Ils remontent lentement la péninsule italienne avec le concours efficace du général français Alphonse Juin et de ses Marocains. Le général Henri Giraud et la Résistance française en profitent pour libérer la Corse.
Mais cette stratégie qui privilégie les attaques périphériques atteint rapidement ses limites. Bien que chancelant, le régime nazi se montre plus terrifiant que jamais et redouble d'énergie dans la répression des mouvements de résistance et l'extermination des juifs et des tziganes.
À l'Est, les Soviétiques progressent irrésistiblement au prix d'immenses sacrifices et malgré une résistance acharnée de la Wehrmacht. À la fin 1943, ils atteignent le Dniepr et la ville de Kiev, en Ukraine. Mais ils peinent à poursuivre leur avancée malgré le matériel fourni par les États-Unis. Staline réclame à ses alliés Churchill et Roosevelt d'ouvrir sans tarder un second front sur le continent européen pour le soulager.
Les trois chefs d'État alliés se rencontrent pour la première fois à Téhéran, du 28 novembre au 1er décembre 1943. C'est là qu'ils discutent des modalités du débarquement de Normandie. C'en est fini des attaques périphériques. L'Allemagne est désormais la cible principale.
Intox
Le débarquement est préparé dans le secret en Angleterre, dès la fin 1943.
Il est placé sous le haut commandement du général américain Dwight Eisenhower, dit «Ike».
Dwight Eisenhower et ses adjoints, les généraux américains Omar Bradley et George Patton ainsi que le maréchal britannique Bernard Montgomery, décident de débarquer en Normandie, au sud de la Seine.
Il faut dire qu'une tentative de débarquement à Dieppe, au nord de la Seine, le 19 août 1942, s'est soldée par le sacrifice d'une division canadienne. Ce drame leur a prouvé qu'il est vain de vouloir s'emparer des grands ports du Nord de la France.
Par contre, les plages de sable qui s'étendent entre l'estuaire de la Seine et la pointe du Cotentin (plus précisément entre l'Orne, la rivière qui traverse Caen, et la Vire, la rivière qui traverse Saint-Lô) se prêtent à un débarquement rapide et sont moins bien défendues que les ports du nord.
3.500.000 hommes sont donc regroupés sur les côtes anglaises et entraînés intensivement en prévision du Jour J («D Day» en anglais).
Pendant ce temps, au début de l'année 1944, les Soviétiques franchissent le Dniepr et envahissent la Roumanie et la Bulgarie.
Pour les Allemands, la défaite n'est plus qu'une question de mois malgré les impressionnantes fortifications qui parsèment le littoral océanique des Pyrénées à la Norvège. Ce fameux «mur de l'Atlantique» a été construit en toute hâte par l'organisation Todt... et demeure inachevé dans la partie normande, là même où aura lieu le débarquement allié.
Hitler, il est vrai, ne s'inquiète pas de ce retard ! Sur la foi de l'Abwehr (les services secrets allemands), il est convaincu que le débarquement allié aura lieu au nord de la Seine, à l'endroit le plus étroit de la Manche et à 300 kilomètres seulement du centre industriel de la Ruhr.
Les Alliés font de leur mieux pour l'en convaincre. Ils montent pour cela l'opération «Fortitude», avec, face au Pas-de-Calais, une impressionnante concentration de... blindés en baudruche et d'avions en contreplaqué.
Cette intoxication s'avère à tel point réussie que Hitler persistera à croire jusqu'en juillet 1944 que le véritable débarquement aura lieu dans le Nord. Cela permettra aux Alliés de n'affronter que 17 divisions allemandes sur les 50 présentes dans la région, les autres attendant dans le Nord un deuxième débarquement.
Les forces allemandes de Normandie totalisent près de 300.000 hommes. Elles sont placées sous le haut commandement du prestigieux feld-maréchal Erwin Rommel.
Comme le temps est mauvais sur la côte normande dans les premiers jours de juin et exclut toute tentative de débarquement, Rommel prend la liberté d'une virée automobile en Allemagne pour fêter l'anniversaire de sa femme (compromis dans un attentat contre Hitler, il sera un peu plus tard contraint au suicide).
Rommel n'a pas prévu que le temps allait subitement se mettre au beau dans la nuit du 5 au 6 juin... Cette nuit-là, il n'y a que 50.000 soldats de la Wehrmacht (dont une moitié de non Allemands) pour faire face à l'armada alliée.
Débarquement à haut risque
En raison de la tempête qui sévit sur la Manche, le général Dwight Eisenhower a déjà reporté le débarquement du 4 au 6 juin. Si la tempête persiste, il faudra un nouveau report de deux semaines...
– Le 5 juin, à 4h15, le général est informé par le responsable de son service météo d'une accalmie de 36 heures au-dessus de la Manche. Après quelques minutes de réflexion, il décide d'engager sans délai l'opération Overlord (*).
– Dans la nuit du 5 au 6 juin, 23.500 parachutistes de trois divisions aéroportées (2395 avions et 867 planeurs) sont lâchés derrière les lignes allemandes.
Les premiers détachements atterrissent en planeur derrière les marais du littoral. Certains parachutistes tombent par erreur au centre du village de Sainte-Mère-l'Église, où ils sont mitraillés par les Allemands avant d'avoir touché terre. L'un d'eux, relativement chanceux, restera toute la nuit accroché au clocher.
Dans le même temps, des hommes-grenouilles cisaillent les barbelés posés par les Allemands en mer.
À l'intérieur des terres, les réseaux de résistance s'activent. Ils ont été avertis du débarquement par des messages codés de la radio anglaise, la BBC. Parmi eux deux vers de Verlaine :
«Les sanglots longs des violons de l'automne
Bercent mon coeur d'une langueur monotone».
Le jour J
Au matin du Jour J, à 5h30, les avions alliés et une demi-douzaine de cuirassés bombardent les fortifications des plages et des falaises.
Une heure plus tard, cinq divisions (2 américaines, deux britanniques et une canadienne) commencent à débarquer sur autant de plages aux noms codés. De l'ouest vers l'est, Utah et Omaha (troupes américaines), Gold (troupes britanniques), Juno (troupes canadiennes) et Sword (troupes britanniques).
Les hommes progressent sur les plages sous le feu des Allemands qui tirent du haut des blockhaus, ces derniers étant eux-mêmes pilonnés par les cuirassés alliés depuis le large.
Sur la plage Omaha, les Américains se heurtent à une résistance solide que n'ont pas entamée les bombardements de l'aviation et des cuirassés. Les soldats sont fauchés par la mitraille dans les barges de débarquement ou sur la plage. Les survivants piétinent plusieurs heures sur le sable et le repli est même un instant envisagé par le général Bradley.
À l'ouest de la plage Omaha, un commando de Rangers escalade avec grappins, échelles et cordes la pointe du Hoc sous le feu ennemi. On lui a demandé de détruire une grosse pièce d'artillerie mais quand les survivants du commando arrivent à l'endroit en question, c'est pour s'apercevoir qu'il n'y a jamais eu de canon.
Les émouvants cimetières blancs des falaises témoignent encore aujourd'hui du prix de ces actions héroïques, sanglantes et souvent désordonnées.
La chance sourit néanmoins aux Alliés. Pendant toute la journée, ils n'ont à affronter que deux avions de chasse allemands. Quant aux redoutables Panzers ou chars d'assaut allemands, ils sont inexplicablement restés en réserve à l'intérieur des terres.
C'est ainsi qu'à la fin de la journée, malgré les cafouillages et les fautes du commandement, 135.000 hommes ont déjà réussi à poser le pied sur le sol français.
Une tête de pont cher payée
Les Américains déplorent 3.400 tués et disparus, les Britanniques 3.000, les Canadiens 335 et les Allemands 4.000 à 9.000. Les trois cinquièmes des pertes alliées se sont produites sur la plage Omaha. Mais, au total, les pertes des Alliés s'avèrent beaucoup moins importantes que le général Eisenhower ne le craignait.
À noter la présence de 177 fusiliers-marins des Forces Françaises Libres sous le commandement du capitaine Kieffer parmi les troupes canadiennes qui ont débarqué à Sword. Ce commando français s'illustre dans la prise du port d'Ouistreham.
Au soir du 6 juin, les Alliés ont finalement réussi à établir une tête de pont sur la côte. Ils n'ont pas atteint tous les objectifs fixés par l'état-major, en particulier la prise de Caen, mais leur implantation est solide et ils peuvent mettre en place toute la logistique indispensable à une offensive de longue haleine.
Une logistique innovante
Le débarquement de Normandie a été préparé pendant deux ans et a donné lieu à une mobilisation industrielle et technologique sans précédent.
Les navires de transport de troupes étant inaptes à accoster sur les plages, on a prévu de faire débarquer les soldats à marée basse grâce à des barges d'assaut spéciales construites à La Nouvelle-Orléans par l'industriel Andrew Jackson Higgins. Ces «Higgins Boats» s'ouvrent à l'avant pour libérer 36 hommes de troupe en tout juste 19 secondes.
On a conçu aussi des tanks amphibies, les «Hobart's Funnies» du général Hobart. Ces engins ont permis d'ouvrir le passage aux soldats sur les plages de Gold, Juno et Sword (leur absence à Omaha a contribué aux difficultés du débarquement sur cette plage).
Le Premier ministre Winston Churchill, puits d'idées sans fond, a aussi lancé avec l'amiral Mountbatten l'idée d'un port artificiel. Un tel port a pu être aménagé en quelques jours sur la plage d'Arromanches (Arromanche en anglais), à quelques kilomètres de Bayeux. Il a permis de faire suivre le matériel et le ravitaillement indispensables à la poursuite de l'offensive.
Dès le 6 juin, plusieurs dizaines de vieux navires surnommés gooseberries (indésirables en français) ont été coulés parallèlement à la plage d'Arromanches pour constituer une digue de fortune. Plus au large, des radeaux métalliques appelés bombardons ont constitué des brise-lames flottants.
La digue a été renforcée dans les jours suivants par d'énormes caissons en béton de 7000 tonnes, les «Mulberry Harbours». Ces caissons dont la longueur pouvait atteindre 65 mètres avaient été préfabriqués sur les bords de la Tamise puis remorqués jusqu'en Normandie pour être mis en eau et coulés devant la plage.
Pour l'accostage des navires à l'intérieur du port artificiel ainsi créé, on aménagea des pontons flottants avec des flotteurs coulissant le long de piliers ancrés au fond de l'eau. Ce principe innovant sera repris plus tard par les compagnies pétrolières pour l'aménagement de plate-formes offshore. Les pontons étaient reliés à la plage par des passerelles métalliques posées sur des barges.
Cette logistique impeccable a permis aux Alliés de débarquer en dix jours 557.000 hommes, 81.000 véhicules et 186.000 tonnes de matériels divers.
À la fin juillet, ils ont débarqué pas moins de 1.500.000 hommes, aidés de manière non négligeable par les actions de la Résistance française (celle-ci a saboté en particulier plusieurs centaines de voies ferrées, bloquant l'arrivée de renforts allemands).
À la fin août, 2 millions d'hommes, 438.000 véhicules et 3 millions de tonnes de matériels ont déjà débarqué sur le sol français.
La «guerre des haies»
Les Anglo-Saxons avaient prévu dans les moindres détails le débarquement et l'occupation des plages mais ils avaient sous-estimé les difficultés du combat dans le bocage normand, avec ses haies très denses qui freinent la progression des blindés et privent les hommes de toute visibilité.
Devant Caen, où le terrain est relativement dégagé, Montgomery tente de forcer le passage mais les blindés allemands lui opposent une résistance farouche pendant un mois.
Pendant les dix jours qui suivent le débarquement, les villes de Basse-Normandie sont bombardées sans répit et Caen est littéralement pulvérisée. On compte 14.000 victimes dans la population civile.
Le 31 juillet, les chars de Patton arrivent enfin à percer le front à Avranches, au sud-ouest, sur la baie du mont Saint-Michel.
Sur ordre de Hitler, les Allemands venus de la vallée de la Seine tentent dans un ultime sursaut d'isoler les Américains mais se font piéger dans la «poche» de Falaise et doivent refluer vers l'Allemagne.
La «guerre des haies» aura duré près de huit semaines.
La libération de Paris ne sera presque qu'une formalité avec l'entrée des chars de la division Leclerc le 25 août. Un mois encore et la plus grande partie de la France sera libérée (certaines poches de résistance ne se rendront qu'après la capitulation de l'Allemagne).
Stratégies divergentes
Très vite se fait jour un conflit d'idées entre les deux têtes de l'offensive alliée, Montgomery et Eisenhower. Le Britannique préconise une attaque frontale sur le coeur industriel de l'Allemagne, la Ruhr, en vue d'en finir avant Noël 1944.
L'Américain est partisan d'un front plus large et d'une progression plus méthodique. On le soupçonne de vouloir empêcher les Britanniques de s'attribuer l'honneur de la victoire afin de faciliter la réélection du président Roosevelt en novembre 1944.
Montgomery tente de mettre son plan en oeuvre en attaquant les Pays-Bas. Le dimanche 17 septembre, il lance une grande offensive aéroportée sur le pont d'Arnhem, dernier pont sur le Rhin avant la Ruhr.
Les Allemands, prévenus, contre-attaquent. C'est un échec sanglant avec 3.000 rescapés sur les 11.000 hommes engagés (en souvenir de ce drame, les paras britanniques portent un ruban noir à l'arrière de leur béret).
Finalement, Anglais et Américains se rallient à l'idée d'une offensive dans les Ardennes en décembre. Pas moins de 750.000 hommes engagés des deux côtés. Il faudra encore cinq mois de combats avant que l'Allemagne ne capitule. À l'autre bout de l'Eurasie, le Japon, quant à lui, résistera jusqu'à la capitulation du 2 septembre 1945. André Larané. http://www.herodote.net/

dimanche 3 avril 2011

Tocqueville, l’armée et les guerres américaines

L’Amérique est en guerre perpétuelle depuis 1941, et on peut considérer qu’auparavant elle n’était pas en reste, qu’il s’agît de déclarer la guerre à l’Espagne impotente pour lui voler Cuba et les Philippines, d’intervenir de manière récurrente en Amérique centrale ou dans le Pacifique ; ou bien de l’incapacité résolue de Roosevelt de résoudre la crise de 1929, jointe à l’évident désir de répandre la croisade démocratique (mais pourquoi en veut-on à Claude Guéant ?), histoire de justifier l’entrée dans la deuxième guerre mondiale. En imposant l’embargo sur le pétrole au Japon, les Etats-Unis voulaient provoquer un Pearl Harbour que leur intelligence avait d’ailleurs prévu, et qu’ils laissèrent faire.
L’existence de l’Union soviétique tempéra quelque peu cette ardeur au combat ; mais depuis la chute de l’URSS, on ne se retient plus. Dans les années 80, les budgets militaires explosent en même temps que les déficits ; on conçoit la ridicule guerre des étoiles, substitut à l’impuissance de persévérer dans la conquête spatiale, et dans l’ombre on finance, on manipule, on crée une armée innombrable et plus moderne, toujours plus coûteuse.
C’est le moment de relire Tocqueville(1), au lieu de citer son nom :
Car la même agitation d’esprit qui règne parmi les citoyens d’une démocratie se fait voir dans l’armée ; ce qu’on y veut, ce n’est pas de gagner un certain grade, mais d’avancer toujours. Si les désirs ne sont pas très vastes, ils renaissent sans cesse.

Tocqueville développe un long passage sur l’avenir des guerres démocratiques qui n’ont cessé d’agiter les siècles récents. Pour lui, un peuple démocratique est long à sortir de la guerre, s’il est long à y entrer. Car il crée une clientèle de la guerre, avatar de l’économie de services dont on nous a rebattus les oreilles depuis la désindustrialisation forcée. Sans avoir connu Eisenhower et son lobby militaro-industriel, notre penseur écrit :
Un peuple démocratique qui augmente son armée ne fait donc qu’adoucir, pour un moment, l’ambition des gens de guerre ; mais bientôt elle devient plus redoutable, parce que ceux qui la ressentent sont plus nombreux.
Depuis quinze ans, les USA dépensent la moitié du budget militaire mondial, cherchant systématiquement, çà et là, un rogue state, pour reprendre l’expression de l’impayable Albright, à corriger. Cette agitation est allée de pair avec l’explosion des budgets militaires et les besoins d’une hiérarchie désireuse de guerres. L’outil crée sa fonction, et l’armée son conflit. On conçoit qu’alors les militaires américains ne s’arrêtent pas plus que le Tom Cruise de Collateral qui ne peut cesser de tuer - et donc meurt - que lorsque son chargeur est vide. En Afghanistan ou ailleurs, il leur faut toujours plus d’hommes et de moyens. Comme s’il s’agissait de syndicats de fonctionnaires bien français…
Tous les ambitieux que contient une armée démocratique souhaitent donc la guerre avec véhémence, parce que la guerre vide les places et permet enfin de violer ce droit de l’ancienneté, qui est le seul privilège naturel à la démocratie.
On comprend alors pourquoi on a besoin de terrorisme, de tyrans, de bad guys, de menaces visibles et invisibles, de toutes ces choses. C’est comme pour la vache folle ou la grippe A. il ne faut pas baisser la garde, et surtout pas les donations en argent. L’Amérique a besoin de la guerre comme le malade de son psychanalyste ; et c’est surtout parce que le soldat a besoin d’un ennemi, et le psychanalyste de son client.
Les Etats-Unis ont laissé détruire toute leur industrie pour satisfaire aux exigences des marchés financiers : mieux vaut un peuple ruiné qu’un actionnaire mécontent. C’est la règle du post-capitalisme, même si les actions sont moins chères qu’il y a quinze ans. Mais ils ont développé une industrie de guerre dont ils ne peuvent plus se passer, celle que Tocqueville, avec son génie visionnaire habituel, pressent, non sans quelque inquiétude toutefois :
La guerre, après avoir détruit toutes les industries, devient elle-même la grande et unique industrie, et c’est vers elle seule que se dirigent alors de toutes parts les ardents et ambitieux désirs que l’égalité a fait naître.

La gesticulation militaire, remarquait l’excellent Olivier Todd, est l’apanage des empires agonisants. Ils commettent souvent le geste irréparable. Gageons qu’avec le prix Nobel de la paix Obama, à la recherche d’un nouvel alibi en Libye, nous arrivons en bout de course.
par Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info/
(1) ”De la démocratie en Amérique“, tome II, troisième partie, chapitres XXII, XXIII et XXIV