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vendredi 5 janvier 2024

Savez-vous où se trouve le plus grand cimetière de prêtres catholiques au monde ?

 

Pontons de La Rochelle - 1794

À Rochefort, en Charente-Maritime. C’est là que ceux qu’on appelle les martyrs des pontons ont péri en 1794 sur ordre de la Convention nationale et de son terrible système de gouvernement : La Terreur.

Un arrêté du Comité de salut public (25 janvier 1794) organisa le départ des prêtres réfractaires vers les ports de l’Atlantique, pour y être regroupés avant leur déportation. Ceux qui ont été emprisonnés à Nantes ont été noyés dans la Loire par Carrier, et finalement, seuls Bordeaux et Rochefort mettront en œuvre les directives du comité. Les convois de déportés traversèrent la France pendant l’hiver et jusqu’au printemps 1794, parcourant parfois jusqu’à 800 km. Les conditions de voyage (parfois à pied) furent souvent difficiles, en raison des nuits passées en prison aux étapes, et des insultes et brutalités endurées à certaines haltes. Ils seront souvent systématiquement dépouillés.

Dans les faits, la Convention nationale a envoyé à la mort même ceux qui avaient composés avec la nouvelle religion républicaine. Ainsi se trouveront indistinctement : Des prêtres qui ont quitté le sacerdoce, des réfractaires, des jureurs qui ont prêté serment à la Constitution civile du Clergé.

Ainsi, 829 prêtres et religieux du nord de la France furent rassemblés à Rochefort comme on ramasserait des déchets pour faire le ménage de la France. Au printemps 1794, ils seront entassés dans deux navires négriers : « Les Deux Associés » et « Le Washington » en partance pour la Guyane et l’île au Diable où leur seul avenir aurait été de périr de faim et de maladie dans ce terrible camp d’extermination.

Seulement, la situation politique complexe à Paris, qui verra la fin du gouvernement dictatorial de la Convention nationale, retarda le départ. Les navires ne quitteront pas l’estuaire de Rochefort. Ils se transformeront alors, en camps de concentration : tortures, maladies, menaces, avanies… Le décès devient lui-même une épidémie.

Le commandement des navires fut assuré par Laly pour les Deux-Associés et Gibert pour le Washington. Ils appliquèrent avec leurs équipages, les consignes de sévérité avec rigueur, les aggravant même parfois : pas de prière, injures, menaces, brimades physiques, nourriture infecte, pas de conversation. Mais les prisonniers continueront dans le secret une activité religieuse.

Les décès dus aux conditions de détention ne tardèrent pas à s’accélérer. Le scorbut, le typhus firent des ravages. L’épidémie fut telle qu’enfin les prisonniers valides furent transférés sur un troisième navire, l’Indien, tandis que les plus malades furent débarqués sur l’île citoyenne (l’île Madame) où beaucoup périront. L’automne 1794 fut particulièrement rude, et en novembre, le vent renversa les tentes de fortune de l’hôpital installé sur l’île, les survivants furent alors à nouveau embarqués sur les navires. Les conditions matérielles de détention s’améliorèrent quelque peu tandis que la neige et le gel s’installèrent.

En décembre, trois bâtiments chargé de prêtres et provenant de Bordeaux, (le Jeanty, le Dunkerque, et le Républicain) se réfugièrent dans l’estuaire (les Anglais bloquant les côtes).

La chute de Robespierre ne changea pas le sort des déportés. Grâce à quelques initiatives individuelles, le transfert à Saintes des prêtres déportés de Rochefort eu lieu en février 1795. Ils purent y célébrer à nouveau le culte et administrer les sacrements dans les oratoires privés.

Sur les 829 prêtres déportés à Rochefort, 274 survécurent. Les déportés de Bordeaux, d’abord transférés à Brouage, ne furent conduits à Saintes que plus tard. 250 prêtres sont morts sur les 1494 déportés initialement à Bordeaux.

En octobre 1795, le nouveau pouvoir ordonna cependant, après ce bref répit, la réclusion ou la déportation des prêtres réfractaires vers la Guyane. Encore une fois, ces départs n’eurent pas lieu, et un décret du 4 décembre 1796 prononcera enfin la libération des prêtres détenus. Le 18 fructidor de l’an V (4 septembre 1797), un coup d’État des républicains du Directoire (le Directoire avait remplacé la Convention dès la fin 1795) contre les modérés et les royalistes, devenus majoritaires aux élections, fait resurgir la ligne dure à la tête de la République. Le pouvoir exécutif s’en trouve renforcé, au détriment du législatif. Les adversaires politiques sont emprisonnés ou déportés. Les précédentes mesures de détente sont annulées et les décrets de proscription envers les prêtres sont renouvelés. Ils ont à nouveau emprisonnés à Rochefort et quelques-uns sont effectivement envoyés en Guyane, où la mortalité fut particulièrement effrayante. Mais le Directoire se vit obligé de suspendre ces départs, certains navires étant capturés par les Anglais, et les prêtres seront entassés dans les citadelles de St-Martin-de-Ré et du Château d’Oléron jusqu’en 1802.

Le Coup d’État du 18 brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799) donne le pouvoir à Bonaparte. Le Consulat, nouveau gouvernement remplaçant le Directoire dota la France d’une nouvelle constitution (celle de l’an VIII), trois consuls sont nommés, dont Bonaparte, 1er consul. Les persécutions des prêtres prennent fin lorsque le Saint-Siège conclut un Concordat avec la France (ratifié le 5 avril 1802). C’est alors la libération des rescapés des camps de concentration.

En 1995, Jean-Baptiste de Souzy (Prêtre du diocèse de La Rochelle) et 63 de ses compagnons présents sur les bateaux ont été béatifiés par Jean Paul II. 

http://histoirerevisitee.over-blog.com/2018/08/savez-vous-ou-se-trouve-le-plus-grand-cimetiere-de-pretres-catholiques-au-monde.html

dimanche 17 décembre 2023

Les tyrannosaures de la République de J-J Brégeon et G. Guicheteau

 

Le tyrannosaure, le plus célèbre  des dinosaures ayant vécu à l’ère du Crétacé, a la réputation d’avoir été le plus grand carnivore de tous les temps et le plus féroce d’entre eux, c’est pourtant le qualificatif qu’ont choisi les historiens Jean-Joël Brégeon et Gérard Guicheteau  pour nommer les artisans de la terreur révolutionnaire  de 1793 1794 dans leur dernier ouvrage : Les tyrannosaures de la République.

D’emblée les lecteurs sont prévenus : « Ce livre est un essai historique mais aussi politique ». En 2017 tous les politiciens n’ont qu’un mot à la bouche : la République. De laquelle s’agit-il ? De la République jacobine née en 1792  dans les guerres extérieure et civile et qui connu son paroxysme dans la Terreur ? Ce sont ses principaux acteurs connus et souvent oubliés que Brégeon et Guicheteau nous présentent dans un essai percutant et érudit.

Parmi les « superprédateurs » Maximilien Robespierre occupe la première place, une figure « qui reste énigmatique et secrète » dont certains historiens comme Jean-Clément Martin cherchent à réduire le rôle terroriste alors que d’autres ne le présentent que « comme un héritier et un exécuteur des Lumières ». Adversaire de la peine de mort Robespierre sera pourtant le principal promoteur d’une impitoyable terreur qu’il associe à … la vertu : « la terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ».

L’impotent et paranoïaque Couthon, sans doute le moins connu est le troisième acteur du triumvirat montagnard avec Saint-Just. Les auteurs nous  dressent un portrait incisif de celui qui à propos de ses adversaires dantoniens déclarait : « Grâce à la Providence (…) aucun de ces monstres ne prospère (…) ils ne trouvent que l’échafaud ».

Barère, un sybarite qui ne méritait pas le surnom d’incorruptible donné à Robespierre,  fut  à la fois le « maître Jacques » de la terreur  et en électrisant la Convention : le « porte voix de l’éradication » était « tout simplement un salaud ».

Les  conventionnels Fouché, Collot d’Herbois, Barras et Fréron qui ravagèrent « un petit quart de la France » se voient qualifier de « quatre cavaliers de l’apocalypse », mais ils étaient cinq avec Etienne Maignet, moins connu qui épura Bouches du Rhône et Vaucluse et fit guillotiner  soixante suspects d’avoir arraché un arbre de la liberté  dans le bourg de Bédoin (Vaucluse).

Le livre de Brégeon et Guicheteau nous dresse aussi les portraits d’autres exécutants  chargés de « faire le ménage » dans les provinces, représentants en mission qualifiés « d’apôtres missionnaires » comme Carrier à Nantes. Jean Joël Brégeon avait consacré à « L’ange exterminateur » un ouvrage qui fait autorité : https://www.breizh-info.com/2016/06/16/44929/carrier-terreur-nantaise-de-j-j-bregeon-interview. D’autres sont moins connus comme les militaires et c’est un des mérites des « Tyrannosaures » de  les faire découvrir.

Ceux-ci furent-ils coupables de génocide, comme en Vendée où le général Turreau ordonnait en janvier 1794 :  « la Vendée ne doit être qu’un grand cimetière national ». Le mot n’existait pas encore, Gracchus Baboeuf employait celui de populicide, «  la seule objection à retenir est qu’il y a un anachronisme du mot (au sens strict) évident » écrit Gérard Guicheteau dans sa  conclusion. Jean Joël Brégeon insiste dans la sienne sur le caractère religieux des acteurs de la Révolution, vénérant l’Être suprême, ils voulaient régénérer les Français en créant une « race renouvelée » selon l’expression de Robespierre, par l’éducation mais aussi la guillotine. Ils eurent des émules Staline et Hitler.

Conscients que leurs lecteurs d’aujourd’hui n’ont pas eu le même enseignement de l’histoire que leurs ainés, Brégeon et Guicheteau ont privilégié l’approche pédagogique de la Révolution française avec une chronologie,  un lexique, une courte bibliographie, il y ont réussi.

Les tyrannosaures de la République  (Éditions du Rocher 18 €) est  le parfait cadeau à offrir pour Noël ou les étrennes aux jeunes lecteurs, aux étudiants ou à leurs parents !

François Cravic

Les mêmes auteurs ont publié en septembre dernier une Nouvelle histoire des guerres de Vendée ( Perrin ) qui connait un vif succès : https://www.breizh-info.com/2017/05/28/70557/jean-joel-bregeon-guerre-vendee

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[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

https://www.breizh-info.com/2017/12/13/84166/tyrannosaures-de-republique-de-j-j-bregeon-g-guicheteau/

mardi 12 décembre 2023

Les guerres de Vendée selon Patrick Buisson

 

vendée buisson

Sur la Vendée, trois ouvrages viennent, cette saison, rafraîchir les mémoires : 1) le livre – fresque de Patrick Buisson où se découvrent 150 tableaux plus ou moins naïfs et gravures peu connues, avec une préface de Philippe de Villiers ; 2) une “guerre de Vendée pour les nuls” et notre ouvrage, 3) Nouvelle histoire des guerres de Vendée, de Jean-Joël Brégeon et votre serviteur, chez le même éditeur, Perrin.

On connaît Patrick Buisson, ne serait-ce que par son excellent Cause du peuple, qui solde, pour certains, son compte avec un Président d’antan. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il maîtrise son sujet : l’Histoire. Par les écrits et par les écrans. Ce bel ouvrage en apporte la preuve…

“Ce que la Révolution fit subir à ces pauvres gens et à ces preux resta longtemps enseveli sous les versions officielles” écrit le préfacier. Ce ne fut pas mon cas, enfant de la Vendée par le sol puisque né  à l’un des angles du territoire insurgé, contre la Loire face aux  Ponts-de-Cé, sur un haut-lieu de combats où s’illustrèrent les troupes d’Autichamp, armée de Bonchamps, et le 8e bataillon des Lombards, crapuleux volontaires parisiens à “cinq cents livres” qui étaient venus pour la solde. La Vendée, je l’avais dans le sang.

Patrick Buisson commence son livre par une suite de notices biographiques, “vendéennes” par le fait, où il manque néanmoins Renée Bordereau (“Langevin”) ou le général Amey qui faisait cuire femmes et enfants dans les fours boulangers. Pareillement, et on se demande bien pourquoi, il n’est question nulle part de l’évêque d’Agra (alias de Guillot de Folleville) ou de l’abbé Bernier, ancien curé de Saint-Laud d’Angers, qui eut un rôle non négligeable durant toute l’insurrection… y compris lors de l’arrestation de Stofflet puis des pourparlers “pacificateurs” avec Napoléon – ce qui lui valut l’évêché d’Orléans.  Mais ce sont-là des “détails”.

Tandis que rôdent encore quelques “guillotineurs” il est bon d’attirer l’attention sur ce recueil érudit et chaleureux qui, dit Patrick Buisson, “clôt une imposante littérature de combat” entre bleus et blancs. Il nous le prouve par une série de citations où il fait la part belle à Chateaubriand et au Victor Hugo de Quatrevingt-treize, ne néglige pas Mme de La Rochejaquelein… mais pourquoi n’est-il pas allé chercher le témoignage de la petite baronne de Candé, Pauline Gontard des Chevalleries, 16 ans, qui raconte merveilleusement le passage de la Loire aux premiers jours de la virée de Galerne. Peut-être ne le pouvait-il pas ?

Ne le querellons point sur ces accrocs mémoriels, d’autant que nous sommes  d’accord avec lui pour le reste. En fait, Patrick Buisson est l’auteur de la présentation des sept chapitres de son ouvrage, textes intenses où sont résumés les faits et le sens à donner aux citations qui suivent  : une quinzaine par chapitre, qui vont du plus effacé au plus connu… ce qui est un choix. “La controverse a quitté le terrain de l’idéologie pour une approche sinon dépassionnée du moins plus soucieuse des règles de la critique historique, écrit-il.” Comment oublier ces phrases d’un Barère (dit de Vieuzac) dictées par l’idéologie ou celle-ci, proférée par Saint-Just, ce gandin malencontreux : “Ce qui constitue une République, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé”. Comment ne pas partager avec Soljenitsyne ce sentiment profond : “De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l’épithète de “grande”, on ne le fait plus qu’avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d’amertume”.*

Patrick Buisson revient sur la question du génocide : “Il est devenu impossible de nier le coût humain de la tragédie vendéenne. Il y a eu génocide car les Vendéens furent massacrés “comme tels”, en exécution d’un plan concerté au sommet sans relation aucune avec les nécessités militaires ni avec les impératifs de défense nationale”. Nous sommes totalement d’accord avec lui, la preuve en est  ce qui s’est passé au Mans (les massacres et les outrages), à Savenay, à Nantes (noyades et “fumigations guytoniennes”) et aux Ponts-de-Cé (“voyages à Nantes” par la Loire, tanneries de peau humaine), à travers la “Vendée” au temps des colonnes infernales de Turreau par la ribambelle de généraux génocideurs, “Grignon, Amey, Cordellier, Huché, Boucret, Caffin, Crouzat…”  qui ont commis au moins “des crimes contre l’humanité demeurés impunis”.

Gérard Guicheteau

*On ne peut que remercier Patrick Buisson de nous donner l’intégralité du Discours pour l’inauguration du Mémorial de la Vendée, prononcé aux Lucs-sur-Boulogne, le 25 septembre 1993, par Soljenitsyne (pp. 258-259).

Patrick Buisson, La grande histoire des guerres de Vendée, préface de Philippe de Villiers, Perrin, grand format,  23,5 x 29,9 cm, 270 p., 29,00 €.

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vendredi 1 décembre 2023

Calendrier révolutionnaire : Travaillez plus pour gagner moins !

 

Calendrier révolutionnaire

Le 24 novembre 1793, le Calendrier révolutionnaire ou républicain rentra en vigueur partout en France. La volonté des révolutionnaires fut de faire table rase du passé en instaurant un système universel s’appuyant sur le système décimal. Ce fut surtout un formidable recul des acquis sociaux des ouvriers que ceux-ci mettront plus de 100 ans à reconquérir et encore partiellement !

Un décret du 5 octobre 1793, promulgué le 24 novembre de la même année établit en France le calendrier révolutionnaire (ou républicain) basé sur le système décimal. Son point de départ fut rétroactivement fixé au 22 septembre 1792, jour de la proclamation de la République et date de l'équinoxe d'automne. L'année fut dès lors divisée en douze mois de trois décades de dix jours, en conformité avec les règles du système métrique. Elle se termine par cinq jours complémentaires pour les années communes et six jours pour les années bissextiles.

Le même décret du 5 octobre 1793 impose l'heure décimale. La journée de vingt-quatre heures est désormais divisée en dix heures de cent minutes chacune, elles-mêmes divisées en cent secondes. Jamais entrée dans les mœurs, l'heure décimale fut suspendue le 7 avril 1795, toutefois pour une durée indéterminée.

Après la Loi Le Chapelier du  14 juin 1791 qui mit bas le droit social savamment construit depuis le Moyen-âge et conduisit directement à la misère ouvrière du XIX siècle, le calendrier révolutionnaire supprima le jour de repos du dimanche pour le remplacer par un jour de repos tous les dix jours.

Le même décret supprima tous les jours chômés et demi-chômés. Les ouvriers perdirent entre 80 et 85 jours chômés. La seule journée chômée reconnue par les révolutionnaires fut la Fête de la Fédération (Les 14 juillet) ! Les jours demi-chômés furent aussi perdus. Dans la plupart des corporations, il s’agissait du samedi après-midi à partir de 14 heures.

En savoir plus : La durée du travail au Moyen-âge & jusqu’à la veille de la Révolution de 1789

Napoléon 1er mit fin au calendrier révolutionnaire le premier janvier 1806 pour revenir au calendrier grégorien avec ses semaines de sept jours. Toutefois, on ne revint jamais à la situation de l’Ancien régime trop favorable aux ouvriers d’usine ou agricole notamment à propos du repos dominical. Napoléon 1er n’y était pas favorable exprimant sa position en une phrase : "Le peuple mangeant le dimanche, il doit pouvoir travailler le dimanche". Il faudra attendre le 13 juillet 1906 pour que soit rendu obligatoire ce jour chômé… et après la Grande Guerre, la suppression des nombreuses dérogations.

La Révolution de 1789, soit disant voulue par le Peuple de France et pour le Peuple, fut en fait celle du Libéralisme le plus débridé au service d’une petite élite, concept qui fut théorisé par les Philosophes des Lumières (Une personne capable de penser sur 20 000 selon Voltaire) !

En savoir plus : Racisme et sous hommes chez les Philosophes des Lumières

http://histoirerevisitee.over-blog.com/2018/09/calendrier-revolutionnaire-travaillez-plus-pour-gagner-moins.html

mercredi 29 novembre 2023

Les Vendéens ne sont pas des chouans

 

Les quatre mille noyés par Carrier n’étaient pas des chouans mais des Vendéens retenus prisonniers dans les prisons de Nantes… Les “gazés” de l’Entrepôt des cafés également. Un excellent article du Figaro (24.07.2017), signé de Sébastien Lapaque, laisse passer une banalité très courante dans un papier sur les vins des Fiefs vendéens. Sans chercher plus avant, il imagine “chouan” un vigneron remarquable de l’appellation (AOC). Peut-être ignore-t-il la différence ?

Voici ce qu’écrivent dans leur Nouvelle histoire des Guerres de Vendée[1], Jean-Joël Brégeon et Gérard Guicheteau :

« L’origine de cette confusion est peut-être à rechercher dans la continuité chronologique qui a existé entre les guerres de Vendée et les guérillas des chouans. Ce sont souvent les mêmes hommes qui ont réduit les insurgés vendéens et traqué les groupes de partisans des autres.

Il faut cependant chercher ailleurs l’origine de la confusion entre la Vendée et les chouans : dans la nécessité “idéologique” pourrait-on dire. Pour les royalistes de 1815 et d’après, tout comme pour leurs adversaires républicains, la Vendée et les chouans devaient faire un bloc, un tout, susceptible de magnifier la cause de son propre camp et de “diaboliser” la cause défendue par le camp d’en face. Cela devait faire oublier, pour les uns, la terrible inaction des émigrés en 1793-1794, et pour les autres, justifier l’idée qu’ils continuaient d’avoir du complot explicatif. Ils avaient oublié, bien sûr, ce que le général Canclaux écrivait alors qu’il commandait à Nantes : “Ce n’est pas d’après le plan de la Rouerie que les Vendéens se sont soulevés. Le plan de la Rouerie tendait à faire de la Bretagne ce que le hasard a fait de la Vendée“.

La Virée de galerne pose d’une manière crue la question des rapports qui ont pu exister entre le soulèvement vendéen et celui du Maine, du Bas-Anjou et de la Bretagne. En effet, les paysans du sud de la Loire purent constater amèrement à leurs dépens que leur cause n’était pas celle de leurs voisins du nord. C’est à peine si cinq mille “conspirateurs” rejoignirent la grande armée quand celle-ci occupa Laval, le 22 octobre 1793. Encore s’agissait-il des hommes de Jean Chouan : colporteurs, contrebandiers sans emploi, faux-sauniers regrettant la gabelle, braconniers des forêts domaniales… auxquels s’étaient joints des amis d’émigrés en relation plus ou moins suivie avec les réfugiés de Londres ou des îles Anglo-Normandes.

Il faut être clair : les paysans qui virent passer et repasser la grande armée et la foule qui l’accompagnait, ne prirent pas leur parti. De plus, la puanteur et la maladie ne les incitaient pas à la charité. Si certains firent preuve d’un grand courage en cachant et protégeant des “brigands”, d’autres, en nombre égal et même supérieur vers la fin décembre,  les dénoncèrent aux Bleus. Certains même leur donnèrent la chasse, apportant ainsi leur contribution à la terreur. On a certes pu parler d’une “petite Vendée” à propos des ralliés à la grande armée, mais cette exception ne peut pas masquer la différence. Amédée de Béjarry résume très bien la situation historique, pour sa part, quand il écrit : “En 1793, la Bretagne s’agitait pendant que la Vendée combattait“.

La confusion est patente et Simone Loidreau s’en amuse[2] : « De nos jours, le mot chouan recouvre tous les adversaires de la Révolution, dans la France de l’Ouest… (Les Vendéens) acceptent facilement le surnom… on ne compte plus le nombre d’enseignes de cafés, de restaurants, d’hôtels, baptisés « Auberge du vieux chouan », le « Relais des chouans »… Bien mieux, on a créé, depuis quelques décennies une « liqueur des chouans », qui est fabriquée en Vendée… »

Anne Bernet, qui a tenté, et plutôt réussi, la synthèse de la chouannerie, préfère parler « des » chouanneries.[3] Elle insiste, ce « n’est pas la Vendée, ce sud de la Loire qui, unanime derrière des généraux obstinés à faire la guerre en dentelles, se souleva d’un bloc… » Pour Anne Bernet, la chouannerie est confinée dans le schéma de la “petite guerre“, ce qui la rend très difficile à éteindre mais incapable  de l’emporter. (…) Notons enfin qu’Anne Bernet s’étend sur la spécificité chouanne en soulignant ses racines « celtes » : « S’il est un sentiment que l’âme chouanne et l’âme celte ont en commun, c’est l’amour fou de la liberté. »

Roger Dupuy considère la chouannerie comme une « Vendée avortée ».[4] Mais il met à distance les particularismes culturels des uns et des autres pour estimer que les différences tiennent « à une conjoncture militaire puis politique différente. » Dupuy observe que « le comportement des paysans de tout l’Ouest bocager est identique, de part et d’autre de la Loire. » Des plaintes, des doléances, quelques satisfactions puis la déception qui fait douter de la Révolution. Pour cet historien, le soulèvement de mars 1793 a toutes les allures d’une jacquerie et la chouannerie en est une autre… Au final, les insurrections de l’Ouest apparaissent comme un ultime combat pour les libertés et franchises locales « face aux exigences de l’Etat nouveau qui ne tolère plus ni les accommodements avec le passé ni les pluralité des législations. »

Claude Petitfrère ajoute ceci [5]« La Bretagne, le Maine, l’Anjou septentrional ne connaîtront que la Chouannerie. Cette révolte, qui éclatera au début de 1794, est proche cousine de celle de la Vendée mais s’en distinguera par deux caractères principaux : alors que la Vendée est un phénomène de masse qui soulève pour de longs mois la population d’un espace relativement homogène et bien circonscrit, la Chouannerie est une guérilla endémique avec des flambées de violence épisodiques dans un territoire en peau de léopard où voisinent les zones fidèles à la Révolution et d’autres fortement hostiles. »

Comme le dit très bien le bourreau de la Vendée, le général Turreau : “C’est à tort que l’on comprend sous la dénomination générale de Chouans ou de Vendéens, tous les révoltés qui ont agité successivement la plupart des départements de l’Ouest. Il ne faut pas confondre les rebelles d’outre-Loire avec ceux de la rive droite, ni les révoltés du Morbihan avec les Vendéens ou les brigands du Marais, parce que les événements, la localité et l’existance (sic) politique des insurgés ont assigné à ces guerres des caractères très-différents. (…) Le pays infesté par les chouans est fort étendu et forme à-peu-près un quarré, dont Nantes, Angers, Mayenne et Rennes sont les angles. Ils se montrent aussi quelquefois sur les routes de Fougères et de Dol à Rennes. Leurs rassemblements ne sont que de trente à quarante hommes, et il est rare qu’à nombre égal ils osent faire résistance aux troupes républicaines. [6] Turreau était un “expert”…  Cela signifie aussi que dès la pacification de février 1795, date à laquelle paraissent ces Mémoires, l’habitude était déjà prise de confondre et d’amalgamer les deux principales oppositions à La Révolution.

L’historien, Roger Dupuy, a parfaitement mis l’accent sur l’essentiel lors du colloque international qui se tint en avril 1993, à la Roche-sur-Yon : « Les différences ne sont pas dues à des particularismes culturels hérités mais à une conjoncture militaire différente ». L’histoire, en effet, a pu vérifier. »

Morasse

[1] Editions Perrin, 2017.

[2] Simone Loidreau, Vendéens et Chouans, Paris, Economica, 2010.

[3] Anne Bernet, Histoire générale de la Chouannerie, Perrin, 2000 réédition en 2016.

[4] Roger Dupuy, “Vendée et chouannerie ou les apparences de la différence”, in La Vendée dans l’histoire, Paris, Perrin, 1994.

[5] Claude Petitfrère, La Vendée et les Vendéens, Paris, Gallimard, 2015.

[6] Louis-Marie Turreau, Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre de Vendée, 1795, pp. 17, 18 et 20.

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lundi 17 juillet 2023

Il y a 230 ans, Charlotte Corday monte sur l’Echafaud

 

Descendante du dramaturge Pierre Corneille, Charlotte Corday aura connu une vie digne des œuvres littéraires de son ancêtre. Qui aurait pu dire que cette jeune femme de 24 ans, montant sur l’échafaud en cette chaude journée d’été du 17 juillet 1793, aura réussi à faire taire à jamais la terrible voix de L’Ami du Peuple, Jean-Paul Marat.

En 1793, la Révolution française est à l’apogée de ses ignominies. Certains révolutionnaires ne cessent de haranguer le peuple et de demander toujours et encore plus de sang. À travers son petit journal, Jean-Paul Marat déclare ainsi à ses lecteurs : « Il y a une année, cinq ou six cents têtes abattues vous auraient rendus libres et heureux. Aujourd’hui, il en faudrait abattre dix mille. Sous quelques mois, peut-être en abattrez-vous cent mille, et vous ferez à merveille. » Comme le déclaraient Robespierre et ses partisans : « La Terreur est à l’ordre du jour. » Ainsi, toute personne considérée comme suspecte ou faisant preuve d’un tant soit peu de modération est considérée comme ennemi de la nation.

Les députés de la faction des Girondins sont ainsi menacés par les Montagnards dont faisaient partie les plus violents meneurs de la Révolution comme l’Incorruptible Robespierre, Danton et Marat. Répondant à l’un des nombreux appels à la violence et au meurtre de ce dernier, le député Pierre Vergnaud lance à l’ami du peuple : « Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! » Mais la repartie et la résistance des Girondins ne les empêchent pas d’être à leur tour considérés comme suspects. Arrêtés en juin 1793, ils sont jugés ennemis de la nation et guillotinés. Les rares survivants de cette purge révolutionnaire partent pour les campagnes et les villes de province. Là-bas, ils tentent de rallier le peuple afin de mettre fin à la folie des Montagnards.

Et c'est dans ce contexte qu'apparaît Charlotte Corday. Issue d’une famille noble sans argent dont la seule richesse était la foi, la jeune Charlotte Corday, de son vrai nom Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont, fut élevée dans des abbayes où elle apprit le sens du sacrifice. Revenue à Caen après la fermeture des institutions religieuses par la Révolution, la jeune Charlotte assiste à une des réunions des Girondins où elle finit par faire sa vocation de la déclaration d’un député : « Faites tomber la tête de Marat et la patrie est sauvée. »

Fermement décidée et consciente de la fin tragique qui l'attend, Charlotte Corday quitte sa Normandie natale et arrive à Paris, au début du mois de juillet 1793. Dès lors, elle tente par tous les moyens d’approcher Marat, qui ne quitte plus son domicile de la rue des Cordeliers. En effet, l’homme sanguinaire ne quitte plus sa baignoire, plongé dans des bains de soufre, pour tenter de soulager les terribles démangeaisons et ulcères que sa maladie de peau dévorante lui provoque. Ce qui ne l'empêche pas de continuer d’écrire ses articles, véritables appels au meurtre. Charlotte Corday, connaissant l’appétit féroce de la bête et afin de pouvoir pénétrer dans son antre, l’appâte avec le sang et la chair de députés girondins qu’elle se dit prête à dénoncer : « Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite... J'ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. » Avide de savoir où se terrent ses derniers ennemis, Marat accepte de la recevoir, le 13 juillet. Lors de cet entretien qui dure quinze longues minutes, la jeune femme frappe instinctivement sa victime immobilisée dans sa baignoire d'un seul coup de couteau à la poitrine. L’ami du peuple meurt dans l’instant.

La citoyenne Corday est immédiatement maîtrisée par la compagne de Marat et ses domestiques. Emprisonnée, elle est conduite à la Conciergerie, le 15 juillet, afin de comparaître devant le terrible Tribunal révolutionnaire pour y être jugée. Reconnaissant son acte, elle est condamnée à mort et conduite à la guillotine habillée d'une simple chemise rouge, couleur des assassins mais aussi celle du martyre. Charlotte Corday aura su ainsi donner sa vie pour faire « tomber la tête de Marat ».

Eric de Mascureau

https://www.bvoltaire.fr/il-y-a-230-ans-charlotte-corday-monte-sur-lechafaud/

mardi 3 janvier 2023

« Berthe au grand pied » Rémi Usseil – La beauté chrétienne de la littérature médiévale et des chansons de gestes

 

Berthe au grand pied  « Berthe au grand pied » est un livre atypique dans la littérature française du XXIè siècle, écrit à la manière du Moyen Âge, le texte est joliment agrémenté de photos polychromes de documents d’époque. Il s’agit d’une fiction légendaire, ancienne, renouvelée dans les règles de l’art, trop vite lue; vivement recommandée, même et surtout aux lecteurs un peu blasés. E.D.

Interview de Rémi Usseil, auteur de Berthe au grand pied.

Emilie Defresne:  Berthe au grand pied, est-ce votre première œuvre littéraire?

Rémi Usseil: Oui, mais il ne s’agit pas du premier projet par lequel je cherche à faire connaître nos épopées médiévales. Je tiens depuis plusieurs années un blog, Matière de France, consacré à la présentation de ces textes. Cette activité m’a permis de faire des rencontres et a fini par m’ouvrir des portes.

– D’où vous est venue l’idée d’écrire à la façon du Moyen Âge? 

J’ai suivi des études de Lettres, au cours desquelles je me suis particulièrement intéressé à la littérature du Moyen Âge, et j’ai notamment eu la chance d’avoir pour professeur un grand spécialiste du cycle arthurien, Philippe Walter. Mais mon goût pour la « matière de France », c’est-à-dire pour le cycle littéraire dont Charlemagne est le principal pivot, me vient de mes lectures personnelles, et c’est surtout en autodidacte que j’ai exploré ce corpus.

– Pouvez-vous nous expliquer ce qui fait la particularité d’une épopée médiévale brièvement ?

Nos épopées médiévales ou, pour leur donner leur véritable nom, les chansons de geste, étaient à l’origine de longs poèmes destinés à être chantés en s’accompagnant d’un instrument,  célébrant des héros et leurs hauts faits. En cela, les chansons de geste sont très proches des épopées homériques que déclamaient les aèdes dans la Grèce antique. Le merveilleux, chrétien ou féerique, n’en est pas absent : on peut y voir les anges, les démons ou les saints intervenir dans les affaires et les combats des mortels, comme le font les dieux dans l’Iliade et l’Odyssée. Le thème principal de ces poèmes était la guerre : guerre féodale entre lignages de barons ennemis, guerre livrée par le roi contre ses grands vassaux rebelles, et surtout guerre opposant les Chrétiens (généralement rassemblés sous l’égide de Charlemagne) aux Sarrasins d’Espagne ou d’Orient.  Berthe au grand pied est l’une des rares chansons de geste qui délaissent la thématique guerrière au profit d’une intrigue plus romanesque.

–  Qu’est-ce qui vous attire dans le Moyen-Âge, cette longue période de notre histoire qui va de la chute de l’Empire romain à la chute de l’Empire byzantin ?

Surtout sa littérature, dont nous avons du mal aujourd’hui à mesurer la richesse et la variété. Qui plus est, certains genres littéraires du Moyen Âge n’ont aucun équivalent aujourd’hui Je suis particulièrement sensible à la place du vers et de la poésie dans la littérature médiévale : on y trouve de grandes œuvres narratives entièrement composées en vers (plus de 30 000 vers pour les plus longues) et des incises lyriques versifiées se glissent également dans des œuvres en prose, procédé que j’ai utilisé dans Berthe. L’actuelle hégémonie de la prose en littérature aurait consterné les écrivains médiévaux.

– La plupart des œuvres montrent un Moyen Âge sombre, votre histoire reflète un Moyen Âge vertueux et bon enfant. Pourquoi ?  Où est la vérité ?

Mon œuvre  n’est pas un roman historique mais l’adaptation d’une légende, rapportée par des poèmes qui relèvent du genre épique. Les héros de chansons de geste, tels que Berthe au grand pied, étaient dans une certaine mesure des modèles. Par sa piété, sa constance, sa fermeté dans les épreuves, son humilité, Berthe incarne un idéal de l’épouse chrétienne telle qu’on la conçoit alors, idéal qui fut certainement imité, comme le sont d’ordinaire les idéaux, mais dont il serait naïf de penser qu’il ait souvent été atteint. Il ne suffit pas d’admirer la sainteté pour être un saint.

La vérité, à mon sens, est que le Moyen Âge ne fut ni un âge d’or ni un âge de ténèbres. Ce fut une époque complexe avec ses élans sublimes, ses réalisations brillantes, mais aussi ses parts d’ombre et même ses horreurs. Pour porter un regard juste sur ces mille ans de notre Histoire, il ne faut ni les idéaliser ni les assombrir : c’est ainsi que nous en redécouvrirons l’héritage, qui est encore capable de nous émouvoir.

– Pourquoi le Moyen-âge dans l’imaginaire populaire représente-t-il  une époque ténébreuse, avec des gens croupissant dans des oubliettes, des barbaries guerrières, des pendus et autres joyeusetés ?

Une telle représentation est profondément injuste. Après les travaux d’une Régine Pernoud ou d’un Georges Duby, les historiens modernes ont d’ailleurs en grande partie renoncé à cette grossière caricature, mais l’imagerie populaire, véhiculée notamment par les films, la bande dessinée et les jeux vidéo, est longue à s’estomper.

Il est devenu banal, bien sûr, d’accuser de ce travestissement la propagande révolutionnaire et l’école de la Troisième République. A juste titre : les manuels scolaires des fameux hussards noirs n’ont pas peu contribué à donner du Moyen Âge l’image d’une période obscurantiste et barbare.

Mais on oublie trop que ce phénomène est plus ancien que la Révolution.  Boileau, parce qu’il ne comprenait pas les règles de la poésie médiévale et ne savait pas la lire, l’exécute dans son Art poétique, par des vers dont l’injustice ne peut qu’horrifier quiconque a pris la peine de la connaître.

En fait, on trouve les prémisses de ce dénigrement dès la Renaissance, lorsque les poètes de la Pléiade se persuadèrent que le fin du fin de l’art littéraire était d’imiter l’Antiquité, et reprochèrent aux auteurs français qui les avaient précédés de n’avoir pas été suffisamment grecs et romains.

– Le genre littéraire moyenâgeux que vous avez choisi ne reflète-t-il pas par-delà l’Histoire, la mentalité de l’époque ?

Les chansons de geste reflètent certains des idéaux du Moyen Âge : le courage, la loyauté, les vertus chevaleresques, la foi ardente qui poussait en foule les hommes de ce temps vers Compostelle ou vers  Jérusalem, malgré les difficultés et les périls du voyage. Mais il ne suffit pas, pour connaître une époque, de connaître ses idéaux. La foi des hommes du Moyen Âge n’excluait pas les préoccupations les plus triviales et les plus terre-à-terre.

En outre, les chansons de geste sont des textes aux sujets élevés, dont les personnages sont des rois, des barons et des chevaliers. Les paysans et les bourgeois en sont presque absents, alors qu’ils formaient la grande majorité de la population du royaume.

C’est pourquoi lire des chansons de geste ne suffit pas à connaître la mentalité de l’époque : il faudrait par exemple, pour s’en faire une idée plus équilibrée, lire également quelque fabliaux ou le Roman de Renart : ces textes montrent bien la verve comique, et volontiers grivoise, qui participe aussi de l’esprit du temps, et ils mettent en scène tout un peuple de « vilains », de petites gens, sur lequel il est nécessaire de se pencher si l’on veut connaître le Moyen Âge.

–  Seriez-vous tenté par le genre littéraire des romans historiques ?

Pas vraiment, en tout cas pas pour l’instant. La tâche à laquelle je me suis attelé, arracher nos épopées  à l’oubli, suffirait de toute façon à occuper plusieurs écrivains pendant une vie entière. Ce n’est pas la besogne qui manque, ce sont les bras !

– Les cathédrales par leur beauté et leur majesté ne reflètent-t-elles pas une civilisation fondée sur le Christ et donc d’une haute spiritualité qui nous est devenue étrangère ?

La religion au Moyen Âge imprègne tous les aspects de la vie. Les cathédrales en sont le témoignage le plus visible, mais il ne faut pas oublier que la religiosité médiévale se manifestait aussi par des myriades de rites, de coutumes, d’habitudes qui n’ont pas forcément laissé de traces : le fait de toujours désigner une date par la fête du saint qui y correspond ; le culte des reliques ; les innombrables pèlerinages locaux aujourd’hui disparus, par lesquels on allait demander au saint protecteur de la ville voisine des faveurs souvent très concrètes, telles qu’une grossesse ou la guérison d’une maladie ; la bénédiction divine que l’on appelait sur les activités humaines les plus ordinaires (on bénissait par exemple les cultures lors de la fête aujourd’hui bien oubliée des Rogations)…

Au chrétien d’aujourd’hui, dont la foi est plus intellectualisée et s’exprime moins par l’intermédiaire de gestes et de symboles, toutes ces pratiques paraîtraient sans doute un fatras bizarre et quelque peu superstitieux. Mais avec ces croyances et coutumes, c’est tout un rapport simple et familier de l’homme avec la religion qui a disparu : aux yeux des hommes du Moyen Âge, la grandeur de Dieu ne l’empêchait pas de se pencher sur leurs soucis les plus triviaux. Il est permis à un croyant de regretter la perte de cette candeur.

– La civilisation médiévale était-elle pour vous éblouissante ? Peut-elle encore nous éblouir ?

La civilisation médiévale a assurément produit des réalisations éblouissantes. Encore aujourd’hui, il suffit de se rendre à la cathédrale de Chartres ou à la Sainte-Chapelle de Paris pour être ébloui, presque littéralement.

– Avez-vous des projets littéraires en cours ?

En effet, et ces projets portent toujours sur les chansons de geste. Mais il est un peu tôt pour en dire davantage.

– Pouvez-vous nous citer vos auteurs ou vos œuvres préférées ?

Vous l’aurez compris, c’est surtout à la littérature médiévale, et particulièrement à sa branche épique, que je m’intéresse. Il m’est difficile de nommer des auteurs, car ceux-ci sont le plus souvent anonymes, mais je pourrais aisément citer un grand nombre de chansons de geste chères à mon cœur, à commencer par la Chanson de Roland. Il existe plus d’une centaine de ces poèmes : la bagatelle d’environ deux millions de vers !

Enfin, si je ne devais citer qu’un seul auteur moderne dont l’influence sur moi a été grande, je choisirais Tolkien. Je trouve tout-à-fait admirable la manière dont il s’est réapproprié l’héritage des grands mythes occidentaux pour créer son univers et ses légendes. A l’origine, l’intention de Tolkien était de forger une mythologie pour l’Angleterre : il estimait en effet que son pays ne possédait aucun corpus littéraire vraiment digne d’être considéré comme tel. C’est ce sentiment de manque qui l’a poussé à façonner sa célèbre Terre du Milieu et les récits qui s’y déroulent.

Or, nous autres Français avons une chance que Tolkien nous aurait enviée : nous possédons déjà une mythologie. Nous l’avons simplement oubliée. La matière de France est une mythologie, avec ses héros, ses monstres et ses êtres surnaturels, ses lignages prédestinés, glorieux ou tragiques, ses quêtes et ses guerres, ses amours, ses prodiges et même ses métamorphoses. Il ne tient qu’à nous de la tirer de l’oubli.

– Berthe au grand pied reflète la fusion de la société médiévale avec la Religion, pouvez-vous nous dire quel est votre rapport avec cette Religion ? S’il s’agit de folklore, de nostalgie, ou d’une aspiration personnelle ?

Je suis un homme du XXIe siècle. La foi toute médiévale qui s’exprime dans le roman ne peut donc pas vraiment être la mienne. Comme je l’indique dès la préface de Berthe au grand pied, je suis l’auteur de l’œuvre mais pas son narrateur. Le narrateur est un homme du Moyen Âge, et je lui ai prêté la foi robuste mais simple qui convient au sujet : pour lui, il est tout naturel que la Providence protège les bons, que le châtiment guette les méchants, et une bonne histoire ne saurait finir que par le triomphe de la justice, même si pour cela Dieu doit faire quelques miracles. Ce sont des conceptions qu’aujourd’hui nous pourrions juger naïves, mais j’ai pour ce narrateur beaucoup de tendresse et pour la foi qui l’anime beaucoup de respect. J’ose croire que mes lecteurs le sentiront.

Titre: Berthe au grand pied

Auteur Rémi Usseil

Edition: les Belles lettres

https://www.medias-presse.info/berthe-au-grand-pied-remi-usseil-la-beaute-chretienne-de-la-litterature-medievale-et-des-chansons-de-gestes/20473/

jeudi 1 décembre 2022

Révolution et Contre-révolution, les leçons de l’Histoire

 Les épopées contre-révolutionnaires présentées dans ce numéro de la revue Civitas sont notre passé.

Elles doivent nous inspirer dans les combats contre-révolutionnaires d’aujourd’hui. Car nos combats contre la destruction de la famille, la dénaturation du mariage, la déchristianisation de notre société, le déracinement, le travail de sape de notre patrie, l’invasion migratoire, le mondialisme,…  doivent être menés dans l’esprit et selon les principes contre-révolutionnaires.

Mgr de Ségur a donné quelques conseils « pour combattre le bon combat et conserver la foi ». S’adressant aux vrais catholiques, il leur dit : « Par la prière, par les saintes œuvres, par l’action et par la parole, par la polémique, par tous les moyens légitimes d’influence, chacun d’eux s’efforce de repousser l’ennemi et de faire triompher la bonne cause. »

Bien sûr, le combat contre-révolutionnaire n’est pas consensuel. Combien ne voyons-nous pas autour de nous de prétendus « amis » qui croient admirer croisés, chouans et cristeros, mais qui répugnent à envisager de mener les combats actuels avec la même abnégation, la même force, la même fermeté, la même intransigeance et surtout la même foi catholique publiquement assumée et revendiquée ?

Les luttes entre la Contre-révolution et la Révolution sont souvent cachées mais éclatent non moins souvent au grand jour, dans une succession d’événements apocalyptiques où la grandeur et le courage le disputent à l’horreur et à la lâcheté.

Il s’agit en ces pages d’exercer autant un devoir de mémoire, que de discerner des leçons pour le présent et l’avenir :

Leçons négatives d’une part : ces épopées ont été l’occasion d’erreurs parfois gravissimes. Le but n’est pas tant de le rappeler que d’amener le lecteur à percevoir combien – dans le contexte actuel de déchristianisation avancée et de haine entretenue contre les catholiques (la Révolution ne dépose jamais les armes…) – des erreurs a priori beaucoup moins graves pourraient être néanmoins rapidement fatales.

Leçons positives d’autre part : nous ne serions pas de Dieu si nous limitions notre propos aux trahisons, bassesses et autres inconséquences… et ce dossier doit être l’occasion de méditer des pages d’héroïsme, de grandeur et de sacrifices écrites par des catholiques de tous les temps et de toutes les latitudes, fidèles à leur Dieu et à leur patrie.

Le premier article sur le génocide vendéen, écrit par Sylvain des Rochettes, montrera d’abord  – sur base des travaux de Reynald Secher – jusqu’où peut aller l’horreur révolutionnaire, dans un pays que l’on pensait alors à la pointe de civilisation. Il faut s’en souvenir et en tirer pour demain toutes les conséquences.

Michel Fromentoux présentera ensuite la résistance ardéchoise pendant la Révolution, moins connue mais tout aussi édifiante que l’épopée vendéenne.

Jean-Louis Picoche nous entraînera au-delà de l’océan pour évoquer l’histoire des Cristeros. Selon Jean-Louis Picoche, l’issue de cette épopée aurait pu être beaucoup plus favorable si certains hommes d’Eglise n’avaient pas montré une ingérence et une naïveté coupables.

Enfin, Miguel Ayuso, juriste et philosophe du droit, brossera un portrait, plus intellectuel qu’événementiel, du carlisme, grand mouvement du légitimisme et du traditionalisme espagnol.

Pour commander ce numéro: 7€ + 2.50 de port   Image d’aperçu

ou par chèque bancaire à l’ordre de Civitas, 17 rue des Chasseurs, 95100 Argenteuil

https://www.medias-presse.info/revolution-et-contre-revolution-les-lecons-de-lhistoire/44915/

lundi 24 octobre 2022

L’Apothéose humaine : une idole au cœur du mythe de la modernité (abbé Olivier Rioult)

 

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Ce livre part du postulat que pour traiter sainement de la dignité humaine, de son idolâtrie et de son apothéose, il est nécessaire de prendre le temps d’observer le monde dans sa réalité. Après l’observation des faits, on pourra essayer de trouver les causes du phénomène constaté et seulement alors on pourra tenter d’y remédier par une thérapie adaptée.

L’abbé Rioult a donc divisé son ouvrage en trois parties : des faits que tout le monde peut constater, des causes que tout le monde peut comprendre et des remèdes que tout le monde peut suivre.

Pour ce qui est des faits, l’auteur a choisi d’observer l’évolution de l’école, de la famille, des métiers et de la société. Dans ces différents domaines, le constat est alarmant et passe par une identique incapacité à transmettre le patrimoine humain.

La deuxième partie de ce livre cherche les causes de ce phénomène dans ses origines morales, philosophiques, politiques, historiques et psychologiques : l’impiété, la disparition de la recherche du Bien commun, la Révolution propagée dans tous les domaines, la laïcité ou l’humanité sans Dieu, la « Messe bâtarde », la « dissociété », le refus du réel, la mort de l’intelligence…

Enfin, après cet examen minutieux de la folie libérale et de ses utopies destructrices, la troisième partie délivre le remède : l’amour de la vérité, que Dieu offre à chacun, pour pouvoir se sauver. 

L’Apothéose humaine, abbé Olivier Rioult, éditions des Cimes, 365 pages, 22 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/lapotheose-humaine-une-idole-au-coeur-du-mythe-de-la-modernite-abbe-olivier-rioult/49216/

mardi 20 septembre 2022

La confrontation Révolution Contrerévolution (Colonel Chateau-Jobert)

 

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Le Colonel Pierre Chateau-Jobert (1912-2005), officier parachutiste surnommé Conan par ses camarades, combattant de la Seconde Guerre mondiale (et compagnon de la Libération) ainsi que des guerres d’Indochine et d’Algérie, engagé au sein de l’OAS, fut l’un des meilleurs spécialistes français des opérations commandos et de la guérilla.

Interrogé en 1976 sur le cheminement qui l’avait conduit au combat contre révolutionnaire, le colonel Chateau-Jobert répondait :

 » Le point de départ de ce cheminement est pour moi très net. C’est en tournant autour de cette question de « la fin qui justifierait les moyens » que j’ai pris conscience de deux idéologies qui s’opposent l’une à l’autre et dont la ligne de séparation est la reconnaissance ou, au contraire, le refus de reconnaître un certain ordre dont les lois physiques, morales, sociales me paraissent « naturelles ». De là à passer à l’ordre naturel, puis à l’ordre naturel et chrétien, il y avait plus d’un pas ! Par le fait des circonstances de ma vie militaire, il se trouve qu’il m’y a fallu des années. »

Ce livre fait le constat que l’adversaire est à l’intérieur même du pays autant qu’il est à l’extérieur; la guerre qu’il nous fait est « révolutionnaire » parce qu’elle est illimitée dans le domaine psychologique et moral; illimitée au point que cet adversaire se donne le droit d’user de tous les moyens, aussi illicites, inhumains, immoraux qu’ils soient.

Ici apparaît donc la confrontation aiguë entre deux idéologies fondamentalement opposées car, de notre côté, nous n’avons pas le droit d’user de ces moyens qui soulèvent l’indignation.

S’il semblait à quelques-uns que, par ce fait même, nous fussions vaincus d’avance, ce livre prouvera le contraire.

Ce livre est un peu comme un ouvrage « à la Vauban » où les places d’armes, les réduits, les saillants contribuent tous à une défense réciproque et à un renfort mutuel. Ainsi doit-il en être de la structure contrerévolutionnaire. Sur les remparts, la place des hommes d’armes est prévue selon leurs spécialités; mais tout le monde ne porte pas les armes et cependant, dans l’enceinte fortifiée, tout le monde participe à l’action d’ordre et à la sauvegarde des personnes et des biens; et jusque dans les campagnes environnantes, chacun sait ce qu’il doit faire contre l’ennemi.

En des temps de grande confusion, chacun est bien concerné par la défense aux remparts de la Cité, pour sauver les valeurs d’une civilisation en grand péril.

Cet ouvrage écrit par un homme expérimenté contient de précieux conseils pour les temps présents et à venir.

La confrontation Révolution Contrerévolution, Colonel Chateau-Jobert, éditions de Chiré, 365 pages, 25 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/la-confrontation-revolution-contrerevolution-colonel-chateau-jobert/51895/

mardi 8 mars 2022

 Qui furent les bourreaux ?

– Étienne Christophe Maignet, avocat et député du Puy-de-Dôme, représentant de la Convention nationale, né à Ambert le 9 juillet 1758, a participé à la terrible répression de l’insurrection de Lyon et à la« punition » de Bédoin (village décimé pour cause « d’arbre de la liberté » arraché). Il installe « son » tribunal, selon les derniers décrets de la Convention sans jurés et sans défenseurs, dans l’ex chapelle Saint Louis assez grande pour accueillir spectateurs, « juges » et inculpés-condamnés des départements du Vaucluse et des Bouches du Rhône. Pour remplir les geôles de ce « Tribunal » il suffisait de la dénonciation de deux citoyens.

Son tribunal était composé à partir du 19 juin 1794 des membres suivants :

– Jean Fauvety, Président, né en 1763 à Uzès, Protestant « au cœur d’acier ».

– Pierre-Michel-François Roman de Fonrosa, dit Roman-Fonrosa, né à Die (Drôme) le 8 mars 1733, avocat, juge de la commission.

– Jean-Pierre Melleret, né à Étoile sur Rhône (Drôme le 25 septembre 1761, médecin, juge de la commission.

– Gaspard Ragot, 42 ans, menuisier à Lyon, juge de la commission ; ivre, il dort durant les séances !

– Joseph Fernesc, ouvrier en soie à Lyon, juge,  inculte et sans pitié.

– François-Charles-Gabriel-Léonard Viot, âgé de 28 ans, né à Charleville, ancien déserteur du régiment de Penthièvre-Dragons, accusateur public – dit le pourvoyeur de la guillotine –  sabre à la main, il mène les condamnés du « Tribunal » à la prison du Cirque, antichambre de la guillotine. Là il les dépouille de leurs derniers biens.

– Joseph-François Barjavel, homme de loi, né à Carpentras le 7 novembre 1764, conseil de l’accusateur public.

– Claude Benêt, homme de loi natif d’Orange, 31 ans, greffier de la commission.

– Eustache Nappier, né à Montreuil-l’Argillé le 15 mars 1751, huissier de la commission.

– Claude Dubousquet fils, d’Avignon, 36 ans, commis de l’huissier adjoint.

– Pierre-Nicolas Goubert, chirurgien-pédicure à Paris.

– Joseph Teyssier.

– Joseph-Marie-Victor-François Cottier-Julian, docteur en droit de Carpentras, 28 ans, secrétaire en chef de la commission.

Les directives du Comité de Salut Public données à Maignet le 18 mai 1794 sont claires :

«Les membres de la Commission établie à Orange sont nommés pour juger les ennemis de la Révolution. Les ennemis de la Révolution sont tous ceux qui par quelques moyens que ce soit, et de quelques dehors qu’ils se soient couverts, ont cherché à contrarier la marche de la Révolution. La peine due à ce crime est la mort. La preuve requise pour la condamnation sont tous les renseignements, de quelque nature qu’ils soient qui peuvent convaincre un homme raisonnable et ami de la liberté

Qui furent leurs victimes ?

A Orange, à partir du 6 mai jusqu’au 19 juin, 800 personnes sont arrêtées et incarcérées, dont les religieuses de Bollène, Pont-Saint-Esprit, Sisteron, Caderousse, Pernes. Au nombre de 32, voici leur nom pour la postérité :

6 juillet. sœur Marie-Rose, 53 ans, bénédictine du couvent de Caderousse,

7 juillet. sœur Iphigénie de Saint-Matthieu, 32 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

9 juillet. sœur Sainte-Mélanie, 61 ans, ursuline du couvent de Bollène,

9 juillet. sœur des Anges, 39 ans, ursuline du couvent de Bollène,

10 juillet. sœur Sainte-Sophie, 36 ans, ursuline du couvent de Bollène,

10 juillet. sœur Agnès de Jésus, 44 ans, ursuline du couvent de Bollène,

11 juillet. sœur Sainte-Pélagie, 42 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

11 juillet. sœur Saint-Théotiste, 53 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

11 juillet. sœur Saint-Martin, 52 ans, sacramentine du couvent de Bollène,.

11 juillet, sœur Sainte-Sophie, 54 ans, ursuline du couvent du Pont-Saint-Esprit,

12 juillet. sœur Rose de Saint-Xavier, 48 ans, sœur converse du couvent de Bollène,

12 juillet. sœur du Bon Ange, 32 ans, converse sacramentine du couvent de Bollène,

12 juillet. sœur Saint-Henri, 48 ans, bernardine de l’abbaye Sainte Catherine d’Avignon,

12 juillet. sœur Saint-Bernard, 41 ans, ursuline du couvent du Pont-Saint-Esprit,

13 juillet. sœur Saint-Gervais, 45 ans, ursuline du couvent de Bollène,

13 juillet. sœur Saint-François, 52 ans, ursuline du couvent de Bollène,

13 juillet. sœur Sainte-Françoise, 38 ans, converse ursuline du couvent de Carpentras,

13 juillet. sœur Madeleine de la Mère de Dieu, 25 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

13 juillet. sœur de l’Annonciation, 24 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

13 juillet. sœur Saint-Alexis, 54 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Aimée de Jésus, 61 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Marie de Jésus, 36 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Saint-Joachim, 58 ans, converse sacramentine du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Saint-Michel, 55 ans, converse ursuline du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Saint-André, 65 ans, converse ursuline du couvent de Bollène,

16 juillet. sœur Madeleine du Saint-Sacrement, 51 ans, ursuline du couvent de Pernes,

16 juillet. sœur du Coeur de Marie, 40 ans, bernardine de l’abbaye Sainte Catherine d’Avignon,

26 juillet. sœur Saint-Augustin, 75 ans, sacramentine du couvent de Bollène,

26 juillet. sœur Catherine de Jésus, 70 ans, ursuline du couvent du Pont-Saint-Esprit,

26 juillet. sœur Saint-Basile, 61 ans, ursuline du couvent du Pont-Saint-Esprit,

26 juillet. sœur Claire de Sainte-Rosalie, 68 ans, ursuline du couvent de Bollène,

26 juillet. Mère du Coeur de Jésus, 58 ans, ursuline, Supérieure du couvent de Sisteron,

Outre les 32 religieuses, les 300 autres victimes furent 36 prêtres et religieux, 43 paysans, 13 cordonniers, 12 femmes, 11  soyeux, 3 cardeurs de laine, 6 orfèvres, 6 charpentiers, menuisiers ou charrons, 5 aubergistes, 5 tailleurs, 5 maçons, 3 boulangers, 3 Maréchaux-ferrants, 2 bouchers, 2 chapeliers, 2 cordiers, 2 meuniers, 2 selliers, 2 couturières, des fondeurs, foulonniers, messagers, pâtissiers, quincailliers, taillandiers, vanniers, relieurs, colporteurs, commis ou domestiques.

Que sont devenus les bourreaux ?

– Étienne Christophe Maignet, représentant de la Convention nationale meurt à Ambert, son village natal le 22 octobre 1834. Inquiété après la chute de Robespierre, il se cache jusqu’à l’amnistie générale du 26 octobre 1795. Condamné à l’exil, il reviendra sous Louis-Philippe et meurt en 1834.

– Jean Fauvety, Président sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon.

– Pierre Roman de Fonrosa, dit Roman-Fonrosa, juge, sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon

– Jean-Pierre Melleret, juge de la commission, sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon

– Gaspard Ragot, juge sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon

– Joseph Fernesc (ou Fernex), juge, sera exécuté par la foule, à Lyon le 14 février 1795.

– François-Charles-Gabriel-Léonard Viot, accusateur public, sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon

– Joseph-François Barjavel, conseil de l’accusateur public sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon.

– Claude Benêt, greffier de la commission sera guillotiné le 26 juin 1795 à Avignon

– Eustache Nappier, huissier de la commission, condamné le 26 juin 1795 à 12 ans de fer et à être préalablement exposé attaché à un poteau placé sur un échafaud, pendant six heures, sera poignardé par des inconnus pendant son exposition.

– Claude Dubousquet, commis de l’huissier adjoint, acquitté le 26 juin 1795.

– Pierre-Nicolas Goubert, mis hors de cause le 26 juin 1795.

– Joseph Teyssier, mis hors de cause le 26 juin 1795.

– Joseph-Marie-Victor-François Cottier-Julian (27 ans), secrétaire en chef de la commission ; jugé le 10 juillet 1795, condamné à 20 ans de fers et à six heures d’exposition. À sa demande, sa peine est relevée à 24 ans de fers pour éviter l’exposition, devant la menace qu’il soit assassiné comme Eustache Nappier. Le jugement est annulé l’année suivante, et il est libéré.

Hristo XIEP

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