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mercredi 6 mars 2024

Jean-Christian Petitfils : «Un homme nommé Jésus»

 L’historien Jean-Christian Petitfils fait une synthèse des connaissances historiques relatives à Jésus.

Ce que nous savons de lui, nous le tenons des Evangiles, de brèves notations chez des historiens romains et de découvertes archéologiques. La connaissance de l’époque et le recours à l’exégèse historico-critique éclairent l’ensemble.Comment l’historien attaché à serrer au plus près la vérité du Jésus de l’Histoire peut-il œuvrer ?

 Il lui faut, bien entendu, faire appel à toutes les données à sa disposition: le contexte politique, économique, social, culturel du Proche-Orient du Ier siècle, les acquis indiscutables de l’exégèse historico-critique et bien sûr sans omettre les renseignements innombrables tirés des récentes fouilles archéologiques en Israël. 

Mais, en même temps, il doit s’arrêter devant l’inexplicable, sans l’enjamber ni le négliger.
L’authenticité des exorcismes, des miracles et a fortiori de la Résurrection n’entre pas dans son domaine de compétence. Il doit se contenter des faits, tout en restant ouvert à leur interprétation. Il ne peut assurer, par exemple, que Jésus a marché sur l’eau ou a transformé l’eau en vin, mais il remarquera que, dans les communautés chrétiennes qui ont porté les Evangiles, ces faits, considérés comme authentiques, ont pris une signification capitale. Il lui est impossible de soutenir, au nom d’un positivisme hors d’âge, que la multiplication des pains n’a été qu’un banal partage fraternel de casse-croûtes tirés du sac: les Evangiles canoniques en parlent à six reprises, ce qui montre à quel point les esprits avaient été frappés par ce signe messianique. […] 

Le Figaro

https://www.fdesouche.com/2012/12/23/jean-christian-petitfils-un-homme-nomme-jesus/

mardi 28 mars 2023

Jésus, les historiens et les mythistes

 

• Il s’appelle Éric Leser. Il se dit journaliste et il essaie de montrer, sur le très conformiste site Slate, que Jésus-Christ n’a jamais existé. La preuve ? « Aussi étonnant que cela puisse paraître », on n’a jamais pu retrouver « son certificat de décès » (sic, 12 juillet 2015).

• Il s’appelle Christian Eyschen. Il est porte-parole de l’AILP (Association Internationale de la Libre Pensée). Il dénonce, lors d’un congrès de cette organisation, « la pseudo-existence de l’escroc nommé Jésus-Christ, qui n’a jamais existé » (sic, 27 août 2019).

• Il s’appelle Michel Onfray. Il soutient en 2005, dans son Traité d’athéologie, que Jésus ne peut être un vrai homme car, dans l’évangile, « il n’a pas faim, ni soif, il ne dort jamais » (sic, p. 157) ¹.

• Il s’appelle Francesco Caretta. Depuis 1999, il proclame que Jésus Christ n’est que la déification de la figure de Jules César. Outre l’identité des initiales J.C. – si surprenante, n’est-ce pas, entre deux personnages ayant vécu « presque » à la même époque dans le même Empire romain – il a en effet remarqué, qu’on trouve dans la vie de chacun des deux un cours d’eau (le Rubicon, le Jourdain), une femme (Cléopâtre, Marie-Madeleine) et un traître (Brutus, Judas). Si l’on ajoute que César a été en Gaule (Gallia), tandis que Jésus a vécu en Galilée, dont le nom est étrangement similaire (Galilea), comment ne pas conclure à l’identité des deux personnages ?

Avouons-le franchement : les arguments des négateurs de l’existence historique de Jésus Christ – dit mythistes – sont souvent d’une indigence qui décourage le commentaire. Aussi, quand on découvre dans Le Sel de la terre 115 un long article intitulé « Jésus face aux mythistes », on se demande d’abord s’il était nécessaire de consacrer 44 pages à ces farfelus.
Mais en fait, plus que des « mythistes », l’article traite des sources historiques sur Jésus.
En se limitant aux deux premiers siècles, il recense cinquante auteurs – chrétiens, juifs ou païens – affirmant tranquillement l’existence de Jésus, alors qu’il n’y a, en face, pas un seul négateur.
Parmi les textes les plus importants, l’article examine de près :
– les épîtres de saint Paul, dont tous les historiens (même mythistes) admettent l’authenticité, et qui apportent déjà pas mal d’éléments ;
– la très curieuse lettre de Mara bar Sérapion (vers l’an 73), dont les spécialistes discutent beaucoup depuis 20 ans ;
– la notice de Flavius Josèphe (vers l’an 93), avec et sans les trois phrases dont l’authenticité est aujourd’hui débattue ;
– le témoignage de Tacite (vers 110) et les sources d’information dont celui-ci disposait ;
– les deux mentions de Suétone (vers 119),
– enfin, le témoignage des différents ennemis de l’Église, au 2e siècle.
Indépendamment des « mythistes », qu’on ne rencontre pas forcément tous les jours, il est intéressant de connaître l’état actuel des travaux sur chacun de ces documents.

Quant au « mythisme », il est aujourd’hui favorisé par la généralisation du mensonge, qui entraîne automatiquement, par réaction, la généralisation du doute.
Découvrant combien les prétendues « élites » leur mentent, les Français sont de plus en plus tentés de jeter le bébé avec l’eau du bain et de nier systématiquement tout ce qu’ils ne peuvent pas personnellement vérifier. Et comme, en même temps, Internet rend accessibles même les thèses les plus farfelues qui ne touchaient autrefois que des cercles marginaux, quelques solides références contre les « mythistes » peuvent toujours être utiles.

Le Sel de la terre
Couvent de la Haye-aux Bonshommes – 49240 Avrillé
Sommaire du numéro 115 (hiver 2020-2021)

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¹— Michel Onfray donne d’autres arguments, tous du même niveau. Il juge invraisemblable que Jésus ait pu dialoguer avec Pilate, car « Ponce Pilate parle latin et Jésus araméen » (p. 161). Apparemment, il n’a jamais entendu parler du grec, langue officielle de la partie orientale de l’Empire romain. — Il nie la crucifixion, car « l’histoire témoigne : à l’époque, on lapide les juifs, on ne les crucifie pas » (p. 162). Tant pis pour Flavius Josèphe, qui témoigne si souvent du contraire (Guerre des juifs, livre 1, § 97 et 113 ; livre 2 § 72, 241, 252, 305 ; livre 3 § 316 ; livre 5, § 284, 446 ; etc.) — Il imagine que les évangélistes ont donné à Pilate le titre de « procurateur » (p. 161), alors qu’on ne trouve ce mot que dans une traduction latine, etc. — Il est vrai qu’Onfray se veut philosophe, et non historien. Mais comment qualifier l’éditeur Grasset qui publie sans rougir et diffuse à des centaines de milliers d’exemplaires un ouvrage dont chaque page contient trois ou quatre énormités de ce genre ?

https://www.medias-presse.info/jesus-les-historiens-et-les-mythistes/142061/

mardi 2 août 2022

Les grands lions de la chrétienté (4/5)

 

 

Les écrivains catholiques ne furent pas tous des agneaux. Sous la toison de laine, se cachaient parfois de grands fauves, généreux et puissants, aux canines acérées, prêts à mettre en pièces le coquin et le Malin. Sans pitié, mais pas sans piété.

Dieu vomit les tièdes. Les grandes plumes catholiques ont pris au mot la parole évangélique. Qu’est-ce que la colère d’Achille à côté de la colère des Pères l’Église ? Demandez donc à Joseph de Maistre, le grand champion du pape.

Si la fureur n’est pas sacrée, elle devient tout de suite führer révolutionnaire, disait-il en substance (anachronisme mis à part). C’est Maistre qui, au XIXe siècle, donnera le ton à l’ultramontanisme. Le premier Félicité de La Mennais, Louis Veuillot, Charles Baudelaire, Jules Barbey d’Aurevilly, Léon Bloy suivront. La vérité siège à Rome. A Paris, règne l’Antéchrist – et les régicides.

La Mennais a commencé à la droite du roi et finit à gauche, au large et dans les nuées. Au fil des ans, le fils spirituel de Maistre s’est ainsi transformé en curé rouge avant la lettre, retranscrivant sous le coup d’une inspiration quasi-somnambulique les « paroles d’un croyant ». Son dernier papier, « Les saturnales de la réaction », écrit contre la répression de Cavaignac en 1848, est un chef-d’œuvre d’indignation qui renvoie le « J’accuse » de Zola au rayon des bafouilles républicaines. « Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or pour jouir du droit de parler : nous ne sommes pas assez riches : silence aux pauvres ! »

Léon Bloy, le Gengis Khan du pamphlet

Autre disciple de Joseph de Maistre, Louis Veuillot. Enfant du peuple, converti en 1838, plus radical encore dans sa défense du pape que son maître, Veuillot fut, non pas le chevalier de l’Église, mais son écuyer. Véhément, bagarreur, il défendait d’un même élan la veuve, l’orphelin et le prélat, attaquant sans relâche les bien-pensants, les libre-penseurs et les libéraux. L’Église a trouvé en lui l’un de ses plus redoutables lutteurs. Dans son interminable polémique avec Hugo qui le traitait de « simple jésuite et triple gueux », il est parvenu à placer quelques beaux uppercuts. C’est à lui que l’on doit le « bête comme l’Himalaya » à  propos du père Hugo. Ce qui a gâché malgré tout son talent, c’est qu’il était un peu trop calotin, au dire de Léon Daudet.

Calotin, Léon Bloy le fut aussi peu que possible. Son œuvre est un immense charnier où reposent ses victimes. Il empale, mutile, éviscère. C’est le Gengis Khan du pamphlet qui a tenu les « annales du dépotoir contemporain », du « vieux faisan de Victor Hugo » à « l’entripaillé sacristain Renan ». Un serial killer de plume que l’odeur du sang rendait impitoyable. Il a recyclé tout l’attirail symboliste pour le mettre au service d’un Dieu carnassier qui n’a que très peu à voir avec celui des Évangiles. Cela donne à sa polémique des accents byzantins et génocidaires, d’aucuns diront lucifériens. Les titres de ses livres valent mieux qu’un long discours : Propos d’un entrepreneur de démolitions ou Léon Bloy devant les cochons. Et que dire du journal qu’il dirigea et rédigea seul, Le Pal !

Mauriac, l’« Anus Dei »

Charles Péguy, lui, fut un soldat-paysan. Il donnait des coups de massue sourds, enfonçant la cognée au plus profond du crâne de ses adversaires. Sa polémique est aussi litanique et puissante que sa prose. Il attendait de la vérité qu’elle lui ouvre les portes du royaume – de Dieu et de France. C’était un poète épique, l’un de nos plus grands. Il ne faisait pas de mot d’esprit, il cherchait l’Esprit, venant d’un monde aujourd’hui inconcevable, homérique et cornélien. Le Georges Bernanos de La Grande peur des bien-pensants en procédait directement. Un temps où les hommes étaient des géants. Bernanos qui disait dans l’un de ses moments de lassitude que le métier de polémiste, passée quarante ans, est une obscénité, n’a pourtant jamais cessé d’être, jusqu’à sa dernière heure, un inflexible combattant, perpétuel exilé.

Dans ce panorama, Paul Claudel fait figure d’astre isolé. C’était un son et lumière baroque dans une cathédrale gothique, explorant une sorte de panchristianisme cosmique. « Quand Claudel vous parle, il est si brusque qu’on a l’impression qu’il vous gifle », disait Paul Morand. En dépit de sa conversion au catholicisme, il est resté pareil à la sauvagerie de son Tête d’or.

Tout l’inverse de François Mauriac. C’est à travers la disparition d’hommes tel que lui que l’on mesure tout ce que l’on a perdu. Certes, Mauriac incarnait un catholicisme souvent faisandé et mondain, mais suprêmement civilisé – méchant comme une vieille fille et charitable comme une vieille dame. Le malheureux n’a guère été épargné. Son goût pour les jeunes garçons anima les dîners en ville pendant un demi-siècle. Le mot, féroce, de Paul Léautaud, qui a beaucoup circulé dans l’entre-deux-guerres, s’applique aussi à lui : « Anus Dei ».

Des ruines et des décombres

Lucien Rebatet, auteur des mémorables Décombres, chef-d’œuvre polémique et best-seller de l’Occupation, nous a laissé ce stupéfiant portrait de Mauriac : « l’homme à l’habit vert, le bourgeois riche, avec sa torve gueule de faux Gréco, ses décoctions de Paul Bourget macérées dans le foutre rance et l’eau bénite, ces oscillations entre l’eucharistie et le bordel à pédérastes qui forment l’unique drame de sa prose aussi bien que de sa conscience est l’un des plus obscènes coquins qui aient poussé dans les fumées chrétiens de notre époque ». Pauvre Mauriac qui disait de sa voix ensorcelante : « Dans L’Enfer de Dante, je serais crucifié dans un fauteuil ».

Reste un peu de place pour évoquer Maurice Clavel, aussi tempétueux que généreux, qui a cru trouvé le Christ dans la révolte étudiante de 1968. Sous les pavés, la grâce ! Son « Messieurs les censeurs, bonsoir » résonne encore à nos oreilles et nous fait regretter tous ces grands combattants de la foi que furent les écrivains chrétiens qui ont appris une chose dans la fosse aux lions – rugir de déplaisir.

Photo : Lucien Rebatet

Épisode précédent :
L’âge d’or de la polémique (1/5)

Royauté de la droite, misère de la gauche (2/5)
Génie des gros, férocité des secs (3/5)

Prochain épisode : Recherche polémistes désespérément (5/5)

https://www.revue-elements.com/les-grands-lions-de-la-chretiente-4-5/

vendredi 15 octobre 2021

Histoire illustrée de la France chrétienne : L’Histoire à lire comme un roman

 

L’ouvrage publié par les éditions Saint-Jude est conçu comme un manuel d’Histoire, qui parcourt le temps depuis les gaulois jusqu’à nos jours. Richement illustré par les scènes des événements majeurs, des grands personnages, de cartes géopolitiques, de repères historiques, il n’en est pas moins écrit comme un roman truffé d’annecdotes et de citations, montrant les ressorts de l’Histoire. On découvre que derrière chaque grand homme, chaque oeuvre, il y eut des saints. On découvre l’influence bénéfique de l’Eglise pour faire passer un monde païen de la barbarie à la civilisation, et l’Histoire s’illumine.

Ce que la France doit à sa foi

« Fille aînée de l’Eglise », on ne peut comprendre l’Histoire de France si l’on ignore la profonde foi qui l’animait. Constituée de différents peuples, elle fut unifiée par la foi, et sur les préceptes de l’Evangile naquit une admirable civilisation de chevaliers, de châteaux, de moines et de cathédrales, d’oeuvres de charité et de missionnaires héroïques. Tout au long de son histoire, on voit les saints guider les rois, soulager les pauvres, l’Eglise tempérer les belliqueux et exalter la générosité. Nos racines sont chrétiennes, et ce que la France a de meilleur elle le doit à sa Foi, c’est ce que vous découvrirez à la lecture de cet ouvrage.

Plongez dans la plus formidable des histoires, la nôtre… 350 pages en couleurs  et plus de cent illustrations, cartes et plans.

Deux mille ans d’histoire défilent en 350 pages avec une présence constante : les saints… Ils sont là, abordant les côtes de France au premier siècle, envoyés par Rome et constituant les premiers évêques de Gaule, subissant le martyre dans les amphithéâtres de Lyon, décapités à Montmartre, puis baptisant Clovis, conseillant les rois et devenant même l’un d’eux. Puis prenant l’épée pour chasser les anglais, défendre les chrétiens d’Orient, et toujours, fonder des oeuvres de charité, soigner les âmes et les corps jusqu’à nos jours. Une fresque lumineuse dans un siècle qui dénigre ses racines chrétiennes.

https://www.lesalonbeige.fr/histoire-illustree-de-la-france-chretienne-lhistoire-a-lire-comme-un-roman/

mardi 9 mars 2021

CAMILLE PASCAL ET LE ROMAN VRAI DES RACINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE

 Le premier choc de ce livre vient de son titre, Ainsi, Dieu choisit la France, autant que de son sous-titre qui se détache sur un bandeau rouge : La véritable histoire de la fille aînée de l’Eglise. Dieu, la France, la fille ainée de l’Eglise, voilà des mots rarement associés au sein des cercles dirigeants auxquels appartient l’auteur.

Conseiller d’Etat depuis 2012, Pierre Pascal a été collaborateur de plusieurs ministres, directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, secrétaire général du groupe France Télévisions et enfin, de 2011 à 2012, conseiller du président de la République, Nicolas Sarkozy, pour qui il a préparé maints discours : une tranche de vie qu’il a racontée dans Scènes de la vie quotidienne à l’Elysée (Plon, 2012).

D’où vient-il, ce fameux titre ? D’une lettre écrite par le pape Grégoire IX, en 1239, au roi Saint Louis : « Ainsi, Dieu choisit la France de préférence à toutes les autres nations de la terre pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif le royaume de France est le royaume de Dieu ; les ennemis de la France sont les ennemis du Christ ». On savait Camille Pascal catholique, mais on ne s’attendait pas à lire sous sa plume une évocation des grandes heures de la France chrétienne, et surtout pas dans le ton du catholicisme d’autrefois. Il s’en explique dans une savoureuse introduction dans laquelle il rappelle que, naguère, même l’école de la République donnait leur place aux figures de la France catholique en les laïcisant (en louant par exemple saint Vincent de Paul, le défenseur des pauvres, sans insister sur ce que son œuvre devait à sa foi). Camille Pascal assure encore que la vocation universaliste du pays des droits de l’homme était la version profane de « la mission divine de la France ». Or de nos jours, déplore-t-il, il est devenu « presque inconvenant » de convoquer dans un cadre scolaire le souvenir de Clovis, des croisades ou de Jeanne d’Arc. Aussi souhaite-t-il non seulement faire redécouvrir un passé qui n’est plus transmis, mais encore, lui l’agrégé d’histoire qui a enseigné à la Sorbonne et à l’EHESS, réagir contre les milieux universitaires qu’il a côtoyés. « C’est en réaction à un demi-siècle de domination structuraliste, précise l’auteur, à ce qui m’a été enseigné pendant des années dans des sommes assommantes, lues comme autant de bibles sur les bancs de la Sorbonne, que j’ai voulu écrire ce livre. » Dans cet ouvrage, Camille Pascal, doublement provocateur, recourt en effet au récit à l’ancienne, ne méprisant pas ce qu’il nomme « les joies simples des livres d’images et de l’histoire subjective » et, exaltant les héros et les saints, s’inscrit sans complexe dans la tradition désormais vilipendée du roman national.

Voici donc, dans un récit haut en couleur, le baptême de Clovis, le couronnement de Charlemagne, le rachat de la couronne d’épines par Saint Louis, l’affrontement entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, la chevauchée victorieuse de la Pucelle d’Orléans, le fossé de sang entre catholiques et huguenots creusé par la nuit de la Saint-Barthélemy, le vœu de Louis XIII, le Concordat entre Pie VII et Bonaparte, la bataille de la loi de séparation des Eglises et l’Etat. Dans chacun de ces chapitres s’écrit une page de la longue relation de la France avec le christianisme.

« Ce livre est là, souligne Camille Pascal, pour rappeler que la foi en Dieu a été, pendant près de quinze siècles, le vrai moteur et la seule justification de ceux qui gouvernaient en France ». L’auteur l’analyse comme une donnée historique devant être acceptée par les non-croyants. Son ouvrage est-il pour autant un pur livre d’histoire ? Pas complètement, en ce sens qu’il se joue çà et là des preuves et des sources afin de conforter la cohérence de son propos. A vrai dire, sans l’avouer, ce livre est aussi un livre d’actualité. En scrutant notre passé chrétien, en s’interrogeant sur le « destin particulier de la France », Camille Pascal, qui rappelle qu’après la Grande Guerre, « la République reste laïque, la France catholique », pose la question de savoir si l’homme peut se passer de transcendance, et si une société peut tenir ensemble sans une foi commune qui la dépasse. Au sens noble du terme, c’est une question éminemment politique.

Jean Sévillia

Ainsi, Dieu choisit la France, de Camille Pascal, Presses de la Renaissance, 350 p., 18 €.

Sources :  (Edition du  vendredi 11 novembre 2016)

https://www.jeansevillia.com/2016/11/17/camille-pascal-roman-vrai-racines-chretiennes-de-france/

lundi 3 août 2020

Martin de Tours, fondateur de l’identité chrétienne de la France

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En juillet 2010 se tenait la XIXe université d’été de Renaissance catholique, ayant pour thème l’identité nationale.

À l’occasion des 10 ans de cet événement, Boulevard Voltaire publie durant l’été, avec l’autorisation de Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique, des extraits des actes du colloque dont le sujet demeure plus que jamais d’actualité.

Aujourd’hui, l’intervention de l’historienne Anne Bernet, auteur de Saint Martin, l’apôtre des Gaules, publié en 1997.

Une grande figure ayant contribué à la christianisation de la Gaule au IVe siècle, saint Martin, évêque de Tours Martin, symbole de l’évangélisation de notre pays, a unifié la Gaule autour du catholicisme. Ses miracles ont fait sa popularité. Martin, dont les Wisigoths ont occupé la ville sainte et le tombeau, a créé ainsi parmi les populations restées catholiques un esprit de résistance qui a conduit à tout faire pour délivrer les lieux.
Une croisade avant l’heure, en quelque sorte ! […]

L’évêque Lidoire mort en 372, le siège de Tours devient vacant. Il est proposé à Martin, mais celui-ci refuse : il ne veut pas être évêque mais aspire à rester moine. Il est alors enlevé. Un marchand tourangeau arrive à Ligugé, prétendant que sa femme est très malade et qu’il faut que Martin vienne lui imposer les mains à Tours.
Charitable, un peu naïf, Martin accepte de le suivre. À peine arrivé à Tours, il est sacré évêque de force ; là encore, il voit la main du Seigneur.
Martin ne sera pas un évêque ordinaire, ce que les Tourangeaux ignorent ; le haut clergé, plus préoccupé des biens de la terre que de ceux du ciel, ne lui plaît guère. Il est métropolite de la Lyonnaise 3e, autrement dit la première figure religieuse de la région, avec autorité sur cette Église, qu’il entreprend de réformer. Il se heurte vite à son clergé et décide alors que la meilleure chose à faire est d’en former un lui-même. Martin fonde alors une abbaye à Marmoutier, où il installe des moines qu’il prépare personnellement à la vie de prière et de pauvreté ; de cette communauté sortiront plusieurs évêques : ceux du Mans, Angers, Orléans. Martin n’est jamais revêtu de la pourpre épiscopale, mais plutôt habillé comme un pauvre.

Un jour, lors d’une tournée dans son diocèse, monté sur un vieil âne, habillé d’une façon qui ferait honte au dernier des paysans, il croise la route du percepteur impérial, très haute figure, avec son bel attelage. Ce dernier l’apostrophe : « Dégage, toi le pauvre ! » Martin, ne se garant pas assez vite, est violemment battu par l’escorte qui le laisse à terre à moitié assommé. L’attelage du percepteur, quasiment paralysé, ne peut pas faire un pas de plus ! Le fonctionnaire impérial ne comprend pas… jusqu’à ce qu’il apprenne qu’on vient d’assommer l’évêque de Tours. Des soins sont prodigués au pauvre Martin ; à l’instant où le percepteur présente des excuses, son attelage peut repartir. […]

Martin, proche de son peuple, est aimé, et opère des conversions. À son arrivée à Tours, il a trouvé une situation catastrophique. La Touraine a été christianisée vers 250 à la demande du pape Fabien, par son envoyé, Gatien, martyrisé presque immédiatement. Pendant cinquante années, le siège de Tours est resté vacant ; il est assez admirable que la poignée de catholiques ait tenu bon sans évêque ni prêtres. Lorsque l’évêque Lidoire a été nommé, il a trouvé une catholicité encore existante, mais sans direction et fort à son aise. Mais Martin est horrifié par ce qu’il découvre. Ainsi vénère-t-on le tombeau d’un homme réputé avoir été un très grand martyr.

Des martyrs, Tours en a connu, certes, mais ce tombeau-là n’inspire rien de bon à Martin. Finalement, il se rend compte qu’il s’agit, en réalité, d’un chef gaulois, un chef de bagaudes, supplicié par les Romains : peut-être est-ce un héros du patriotisme gaulois, mais certainement pas un martyr. Martin interdit ce culte. Il faudra sa très grande popularité pour que les Tourangeaux – catholiques – se détournent de cette vénération.
Et que dire de l’immense majorité des ruraux, restés intégralement païens ? Aussi Martin arpente-t-il les campagnes pour détruire un à un les temples, les lieux de culte et surtout les arbres sacrés. Ces campagnes gauloises étant restées profondément fermées à l’influence romaine, les dieux celtes, les arbres, la nature y sont toujours vénérés.

Anne Bernet

https://www.bvoltaire.fr/martin-de-tours-fondateur-de-lidentite-chretienne-de-la-france/

vendredi 26 juin 2015

Ces belles pages d’Histoire que Najat Valaud-Belkacem veut cacher à nos enfants

Dans Rivarol du 15 mai, Elisabeth B., proviseur honoraire, s'entretenant avec Jean-Philippe Robiquet, a clairement démontré que le ministre de l'Éducation dite nationale, la colérique Najat Valaud-Belkacem, organise, par sa nouvelle réforme des collèges, la liquidation des derniers savoirs. Cette réforme, contestée aujourd'hui jusque dans le camp socialiste, est en effet une nouvelle provocation dans le but d'amener les petits Français, déjà pas mal perturbés avec la théorie du genre, à ne plus rien savoir de ce qui enthousiasmait les générations précédentes et leur faisait aimer résolument la France.
À travers ces nouveaux programmes qui donnent en classe de cinquième le statut de matière obligatoire à l'islam et celui de matière facultative à la chrétienté, que retiendront les enfants d'aujourd'hui et de demain de ces hauts faits présidant au baptême de Clovis et à la fondation de la France qui réalisèrent, grâce à la belle Clotilde, l'alliance de l'Église du Christ et du roi très chrétien afin de triompher, dans l'ordre, de la barbarie ? Que sauront-ils de Charlemagne, empereur d'Occident, petit-fils de Charles Martel, lequel avait arrêté les musulmans à Poitiers en 732 ? Et du même Charlemagne qui s'attira l'hommage du calife de Bagdad Haroun al-Rachid et s'imposa ainsi comme le protecteur du Saint-Sépulcre, donc des communautés chrétiennes d'Orient ?
Exeunt les croisades ?
Quant aux Croisades, cette magnifique aventure spirituelle, qui n'avait rien d'une « guerre sainte», il est à craindre que, vues presque exclusivement du côté musulman, elles soient présentées comme des guerres d'intolérance et de conquêtes. Comment les professeurs pourront-ils faire sentir ce bel élan de foi et d'enthousiasme qui, au cri de « Dieu le veut ! », souleva les seigneurs les plus avides et les plus turbulents, les amena à mettre leur individualisme au service du Christ dans une France brûlant de ferveur chrétienne, où la rayonnante abbaye de Cluny rappelait à tous que la Cité de Dieu dépassait les barrières féodales et que le service du suzerain était comme le premier degré d'un ordre supérieur dont le Christ était la clef de voûte ? Qui parlera encore à nos enfants du champenois Odon de Lagery (1042- 1099), pape sous le nom d'Urbain II (1088-1099), qui prit l'initiative de la première Croisade, après que les Seldjoukides — des Turcs récemment islamisés ! — eurent occupé les Lieux saints et terrorisé l'empereur chrétien de Constantinople, lequel ne cessait de lancer des appels au secours à l'Occident ?
Des foules de seigneurs répondirent à l'appel lancé au Puy le 15 août 1095 par le pape Urbain II et renouvelé au concile de Clermont le 27 novembre de la même année, exhortant les barons turbulents à unir et à canaliser leurs énergies pour délivrer la Terre sainte et mériter ainsi leur salut. Un excellent dérivatif s'offrait à l'ardeur impétueuse des seigneurs. L'honneur chevaleresque n'avait de sens qu'intégré dans le patrimoine civilisateur...
Les footballeurs ont remplacé les croisés
Le premier à s'enrôler fut l’évêque du Puy, Adhémar de Monteil, d'une noble lignée de la vallée du Rhône : le pape le nomma chef spirituel de la Croisade et en fit son légat auprès de l'armée qui se constituait. Le comte de Toulouse, Raymond IV de Saint-Gilles, manifesta aussi un zèle brûlant, ainsi que Robert, comte de Flandre, Hugues, comte de Vermandois, frère du roi de France Philippe Ier, Guillaume VI, comte d'Auvergne, Gaston IV, vicomte de Béarn, Roger II, comte de Foix, Guillaume IV, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers, Bohémond de Tarente — un Normand de Sicile —, Robert Courte-Heuse, duc de Normandie, fils de Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre en 1066 et décédé en 1087 Et, bien sûr, le plus célèbre, Godefroy de Bouillon (1058-1100), duc de Basse-Lotharingie, héritier du Brabant, terre d'Empire, par sa mère, mais fils du comte de Boulogne en terre capétienne. Tous ces noms de valeureux soldats du Christ, les enfants de la génération qui fut en cinquième dans les collèges catholiques des années 1950-1955, en savaient la liste par cœur et en admiraient les images. Maintenant les enfants devront se contenter de collectionner des images de joueurs de football…
Il y eut se contenter de collectionner des images de joueurs de football...
Il y eut aussi la croisade des classes populaires menée par Pierre l'Ermite — un moine d’Amiens vêtu d'une tunique de laine et d'un manteau de bure. Leur cohue mal organisée entraînée par un pauvre chevalier, Gautier-Sans-Avoir, partit sans attendre le signal de l'évêque du Puy et ce fut un épouvantable désastre. Tous furent décimés par la faim et se firent massacrer par les Turcs dès octobre 1096. Il ne resta plus que des monceaux d'ossements sur la route de Constantinople à Nicée. Quelle émotion pour nos jeunes sensibilités d'écoliers d'alors !
L'expédition dirigée par les seigneurs, préparée soigneusement, partit par quatre itinéraires différents devant se rejoindre à Constantinople. Tous ces pèlerins — car c'était essentiellement un pèlerinage, bien qu'armé ! — manifestaient une abnégation absolue. La croisade éteignait, au moins au départ, les inimitiés personnelles et ranimait la notion de fraternité des baptisés. La confiance en la cause sainte devait suffire à tout : on se précipitait au combat, on ne reculait pas sans déshonneur, il fallait vaincre ou perdre la vie. Le salut éternel éclipsait toute autre considération.
L'empereur Alexis Comnène et sa fille Anne, plus byzantins que jamais, leur réservèrent un accueil plutôt mitigé, mais l'essentiel était plus loin, en Asie mineure ; le 19 juin 1097, les croisés prenaient Nicée, puis le 1er juillet Dorylée, s'ouvrant ainsi la route de la Syrie. Il fallait avancer malgré la faim et la chaleur : en juin 1098, ils prirent, après un long siège et dans d'effroyables conditions, la ville d'Antioche.
Pendant ce temps, dans le royaume de France, des prières et des processions étaient prescrites et, dans les châteaux, les femmes montraient une énergie sans pareille. Que le mari ne s'avise pas de rentrer avant d'avoir accompli son vœu ! Étienne-Henri, comte de Blois, terrorisé lors du siège d'Antioche, osa déserter son épouse Adèle, en digne fille de Guillaume le Conquérant, l'accueillit fort mal et le força à repartir pour l'Orient ; quelques mois plus tard il y mourut prisonnier. Et les écoliers de 1950 continuaient de prier pour le repos de son âme !
Mais entre-temps, et sans ce pauvre poltron, le vœu avait été accompli car, surmontant toutes les souffrances, toutes les velléités d'anarchie, comme aussi la mauvaise volonté de l'empereur byzantin, les 12 000 hommes restés plus ou moins sains et saufs sur les 150 000 partis quatre ans plus tôt de l'Europe entière, avaient réussi à étonner le monde entier en prenant Jérusalem le 15 juillet 1099 ! Nous aussi, écoliers du vingtième siècle, nous en restions époustouflés !
Le contraire d’une « guerre de religion »
Il serait dramatique que nos enfants gardent l'impression que ces héros et ces saints agirent par haine des musulmans. Jamais les auteurs de récits contemporains ne parlaient de lutter contre une autre religion. On ne faisait nullement mention de musulmans ni de Mahomet ; en fait les croisés, en 1095 ignoraient tout de l'islam. Les ennemis étaient dits "infidèles" ou "Turcs" et Sarrasins", ou plus souvent "Assyriens", "Mèdes", "Perses", "Babyloniens", "Sumériens", etc. Les Francs découvraient tout et, quelque peu effarés devant la multitude de peuples rencontrés, ils ne pensaient même pas que ces peuples pussent être liés par une même religion(1). Ils menaient donc tout le contraire d'une « guerre de religion » : ils ne combattaient que pour l'honneur de Jésus-Christ et pour garder la liberté de prier et de séjourner sur les lieux mêmes où il donna sa vie par amour pour nous.
Dans une vision musulmane obligatoire, ces nuances échapperont aux professeurs, de même que ceux-ci auront le plus grand mal à se défaire de l'idée que les Croisades eussent des raisons "économiques ». Quel intérêt auraient eu des seigneurs déjà si riches de fiefs et de châteaux en France à s'ouvrir d'autres conquêtes vraiment aléatoires en Orient ? Beaucoup s'y appauvrirent. Quant aux marchands italiens, ils n'intervinrent que plus tard. Bien établis à Constantinople ou au Caire, Jérusalem et la Terre sainte ne leur offraient que de bien maigres débouchés.
Les "bénéfices" se situèrent sur le plan spirituel et culturel. Le roi de France apparut, plus que l'empereur ou tout autre souverain d'Occident, comme le champion de la chrétienté, en tous cas gardien des Lieux saints : une autre raison pour s'affirmer « roi très chrétien » !
Une nouvelle France en Terre Sainte ?
Et nous assistions, émerveillés, à la naissance d'une nouvelle France à Jérusalem ! Car beaucoup de croisés restèrent sur place une fois leur vœu accompli : il fallait protéger durablement les Lieux saints, garantir le maintien d'une force capable d'assurer la liberté des chrétiens. Pour ces nobles gaillards flamands, bourguignons languedociens, rien de plus digne que de se muer en bâtisseurs et en administrateurs ! Très vite, autour de Jérusalem et des principautés d'Édesse, d'Antioche et de Tripoli, des villes se créèrent avec leurs franchises, leurs marchés, leurs corps de métiers. De la Mésopotamie à la Méditerranée, de l'Euphrate au Jourdain se dressaient les mêmes forteresses qu'en France, les mêmes églises, les mêmes hospices. Une civilisation originale commençait de naître, sans heurter les mœurs du pays, car les élites locales étaient appelées à l'administration. Que de liens d'estime se tissèrent alors entre Français et Orientaux ! Les Francs adoptaient de nouveaux modes de vie, apprenaient les langues du lieu, s'initiaient à la médecine, aux mathématiques arabes, à la fabrication du papier... Le commerce se développa prodigieusement avec la métropole fruits exotiques, parfums enivrants, étoffes précieuses. ..
L'entreprise était d'autant plus méritoire, et exaltante à nos yeux d'écoliers de naguère, qu'elle s'accomplissait sous la menace permanente d'invasions musulmanes et au rythme de fantastiques chevauchées, mais, pendant plus d'un siècle, les rois (Baudouin Ier, Baudouin II, Foulques Ier, Baudouin III, Amaury Ier, Baudouin IV, le « roi lépreux », mort à vingt-quatre ans !) allaient, imitant admirablement les Capétiens, jouer avec finesse des désaccords entre les Infidèles. Comme récrivait le duc de Levis-Mirepoix, « il n'est pas d'exemple plus pathétique, resserré en moins de deux siècles, dans le décor prestigieux des croisades de ce que le génie français a produit de merveilles ou précipité de désastres selon qu'il a ordonné en vue du bien commun ou abandonné à leurs caprices ses affirmations individuelles(2) ». Car ce royaume de Terre sainte était fait de main d'homme et, malgré l'intervention de saint Louis, ne put résister aux discordes entre ses chefs.
Ce n'est pourtant pas l'histoire d'un échec. À sa force morale encore agrandie par sa captivité après la défaite de Mansourah (1250), le saint roi manifesta une intelligence politique remarquable puisqu'il tenta une alliance qui eût peut-être changé la face du monde, avec les Mongols(3), prêts à aider les chrétiens à reprendre Jérusalem aux mamelouks ! Mais il dut rentrer à Paris et sa politique ne fut hélas pas poursuivie... Néanmoins séjournant quatre ans en Syrie (1250-1254), le saint roi sut établir la concorde et l'unité. Les musulmans eux-mêmes, frappés de sa loyauté, l'appelaient le « sultan juste » , ils avaient recours à son arbitrage, voire à sa protection contre les musulmans les plus fanatisés. Et le même roi, mourant en 1270 sur le sol tunisien, n'affirmait-il pas la vocation de la France héritière des Césars chrétiens de combattre la piraterie en Méditerranée ? Le souvenir de saint Louis n'a cessé d'entretenir dans ce Proche-Orient devenu aujourd'hui une poudrière, une chrétienté qui se souvient de la France comme de sa protectrice naturelle et comme d'un modèle de concorde entre les populations. Que d'horizons ouverts à une diplomatie française digne de ce nom si nos gouvernants en avaient la volonté !
La chrétienté : un détail de l’Histoire ?
Il découle de tout cela que les collégiens d'aujourd'hui élevés en « citoyens du monde » n'auront plus la chance de s'émouvoir à de grands récits de si hauts faits, et que vouloir faire de renseignement de l'islam une priorité obligatoire et se contenter de reconnaître un statut secondaire et facultatif à l'enseignement de la chrétienté comme si elle n'était qu'un "détail" de l'Histoire, c'est s'obstiner à perpétuer de graves et fort dangereuses incompréhensions entre les deux croyances, car là connaissance de la chrétienté et de son expérience des infidèles est indispensable à la connaissance de l'islam lui-même. C'est dans la mesure où la chrétienté, débarrassée de l'idéologie laïciste issue de la Révolution et de la croyance en l'égalité de toutes les religions issue du concile Vatican II, reconnaîtra que l'islam n'est qu'une vague copie de croyances chrétiennes et juives, — assaisonnées souvent de beaucoup de haine envers la seule vraie civilisation, la civilisation chrétienne — que l'on retrouvera la manière sage, forte, juste et charitable de traiter les musulmans, — âmes à convertir —, avant qu'ils nous maltraitent
Michel FROMENTOUX. Rivarol du 28 5 2015
1) - Comme nous le disait l'historien Jacques Heers, lors d'un entretien pour L'Action Française 2000 du S août 1999.
2) - Duc de Lévis Mirepoix : Grandeur et misère de l'individualisme fiançais. Ed La Palatine, 1957.
3) - René Grousset : L'épopée des croisades. Ed. Perrin, 1995.

mardi 27 novembre 2012

Saint Louis (1214 - 1270) L'apogée de la France capétienne

Le 8 novembre 1226, à la mort du roi Louis VIII le Lion, son jeune fils lui succède sous le nom de Louis IX. Il est sacré à Reims le 29 novembre suivant. Son règne coïncidera avec l'apogée de la France capétienne et chrétienne et il restera dans la postérité sous le nom de Saint Louis.
Le «siècle de Saint Louis»
Le XIIIe siècle français est souvent qualifié de «siècle de Saint Louis». Né l'année de la bataille de Bouvines (1214), le roi règne en effet de 1226 à 1270. Dans cette longue période, il porte le royaume capétien à son maximum de prestige.
Chevalier courageux et combatif, souverain habile et sage, mari empressé autant que fidèle, profondément pieux, le roi Louis IX apparaît comme le modèle du chevalier chrétien, d'où sa canonisation quelques années à peine après sa mort.
Le roi met fin à la première guerre contre l'Angleterre ainsi qu'à la croisade contre les Albigeois. Il régularise les relations entre la France et l'Aragon. Il remet enfin à leur place les turbulents féodaux et modernise l'administration.
Sous son règne, Paris devient la ville la plus prestigieuse de la chrétienté occidentale avec son Université et ses monuments (Sainte Chapelle, Notre-Dame). Les foires de Champagne, entre Flandres et Lombardie, stimulent le commerce et la naissance d'une bourgeoisie urbaine active et entreprenante.
Une prise de pouvoir progressive
Par sa mère Blanche de Castille, le nouveau roi est est l'arrière-petit-fils d'Henri II et Aliénor d'Aquitaine.
Il n'a que 12 ans quand il succède à son père et c'est sa pieuse mère qui prend alors en main les destinées du royaume avec le titre de «baillistre» (régente, d'après le vieux français baillir, synonyme d'administrer).
La baillistre met un terme à la croisade contre les Albigeois en concluant le traité de Meaux avec le comte de Toulouse en 1229. En 1234, elle soutient une lutte difficile contre de turbulents vassaux comme le comte de Boulogne, le duc de Bretagne et le comte Thibaut IV de Champagne. La coalition se défait et échoue, peut-être en partie à cause de l'amour passionné que le comte de Champagne voue à la belle reine Blanche, amour que celle-ci repousse néanmoins sans équivoque.
Enfin, elle marie son fils à Marguerite de Provence le 27 mai 1234 en la cathédrale de Sens. D'une nature ardente, le roi aimera sa femme avec passion sans cesser bien entendu de lui être fidèle. Les deux époux auront onze enfants.
Bien que déclaré majeur en 1236, à un âge déjà bien avancé, 21 ans, Louis IX laisse les rênes du gouvernement à sa mère jusqu'en 1242, ne les reprenant que pour combattre une ultime révolte féodale. Après les victoires de Taillebourg et Saintes, le roi renouvelle à Lorris un traité de paix avec le comte de Toulouse. Il prépare également une paix durable avec l'Angleterre. Celle-ci est signée le 4 décembre 1259 à Paris, mettant fin à la première «guerre de Cent Ans» entre les deux pays.
Dans le même souci d'équilibre et de concessions réciproques, le roi capétien a signé l'année précédente à Corbeil un traité par lequel il abandonne toute forme de suzeraineté sur la Catalogne, la Cerdagne et le Roussillon cependant que le roi Jacques 1er d'Aragon renonce à ses prétentions sur la Provence et le Languedoc (à l'exception de Montpellier). Le fils du roi de France, futur Philippe III, épouse par ailleurs la fille de Jacques, Isabelle d'Aragon.
Fort de sa réputation de souverain juste et équitable, Louis IX est quelques années plus tard, à Amiens en 1264, choisi comme arbitre dans un conflit entre le roi Henri III d'Angleterre et ses barons. Cet arbitrage est connu sous le nom de «mise d'Amiens».
La chrétienté occidentale au XIIIe siècle
Cliquez pour agrandir L'Europe actuelle et une bonne partie de nos moeurs et de nos institutions ont été forgées au coeur du Moyen Âge, dans une époque assombrie par les disettes, les maladies et l'insécurité mais éclairée par la foi et la confiance en l'avenir...
Triomphe du roi chrétien
Libéré de ses soucis de voisinage, le roi inaugure à Paris la Sainte Chapelle. Ce chef d'oeuvre de l'art gothique est destiné à abriter de saintes reliques acquises à prix d'or par le souverain. Pour le futur Saint Louis, l'acquisition des reliques et la construction de la Sainte Chapelle sont certes affaire de piété. Elles sont aussi le fruit d'une habile politique visant à faire de Paris une cité comparable, en prestige et en sainteté, à Rome et Jérusalem.
Cette politique est servie par le dynamisme et le rayonnement de l'Université de Paris où enseigne Saint Thomas d'Aquin (1225-1274). Contemporain et ami du roi, le dominicain italien tente de concilier la pensée d'Aristote et la foi chrétienne. En 1253, le chapelain du roi Robert de Sorbon fonde sur ses deniers une pension pour accueillir les étudiants et les maîtres en théologie dépourvus de ressources. Ce Collegium pauperum magistrorum deviendra plus tard... la Sorbonne.
En son royaume, le roi se montre à la hauteur de sa réputation. Il institue des enquêteurs qui sanctionnent les abus de ses représentants locaux, baillis et sénéchaux, et met en place une commission financière chargée de traquer les détournements de fonds (elle deviendra la Cour des Comptes sous le règne de son petit-fils Philippe le Bel).
Il sévit contre les guerres privées. Les conseillers et juristes de la cour prennent l'habitude dans les années 1250 de se réunir en «parlement» (le mot est nouveau), parfois en présence du roi, pour juger des affaires qui leur sont soumises. Ainsi se développe une justice d'appel qui prévient et corrige les abus de la justice locale ou seigneuriale.
En 1261, le roi interdit les duels judiciaires. Cette pratique archaïque sera remise en vigueur à titre exceptionnel par son lointain successeur Henri II à l'occasion du duel de Jarnac.
Justice royale, arbitraire seigneurial
Louis IX se signale aussi par ses initiatives à l'encontre des juifs. Il fait brûler en place publique tous les manuscrits hébreux de Paris (pas moins de 24 charrettes) après qu'un juif converti, Nicolas Donin, eut assuré en 1242 qu'ils contenaient des injures contre le Christ. En 1254, il bannit les juifs de France (mais, comme souvent au Moyen Âge, la mesure est rapportée quelques années plus tard en échange d'un versement d'argent au trésor royal).
En 1269 enfin, il impose aux juifs de porter sur la poitrine une «rouelle», c'est-à-dire un rond d'étoffe rouge, pour les distinguer du reste de la population et prévenir les unions mixtes, appliquant ce faisant une recommandation du concile de Latran (1215) qui avait demandé de marquer les juifs, à l'image de ce qui se pratiquait déjà dans le monde musulman.
Ces mesures contestables témoignent du désir du pieux souverain de moraliser son royaume. Dans le même ordre d'idées, il réprime la prostitution, l'ivrognerie, les jeux de hasard. Il expulse aussi en 1269 les banquiers lombards et les usuriers originaires de Cahors (les cahorsins).
Une réputation de sainteté
La vie de Saint Louis nous est surtout connue par son biographe Jean de Joinville (1224-1317), sénéchal de Champagne, qui vécut à son service à partir de la septième croisade (1244). Joinville a ainsi popularisé l'image du roi rendant la justice sous un chêne, dans son domaine de Vincennes, à l'est de Paris.
Dans sa vie privée, le roi se montre d'une austérité à toute épreuve. Il se restreint sur la bonne chère et le vin, porte un cilice (vêtement de crin) à même la peau pour se mortifier, se fait fouetter le vendredi en souvenir de la mort du Christ, soigne et lave lui-même les pauvres...
Jean de Joinville a écrit sa Vie de Saint Louis entre 1305 et 1309 à la demande de la reine Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel. Sur la miniature ci-dessus (1330-1440), on le voit remettre son manuscrit à Louis de Navarre, futur Louis X le Hutin.
Le manuscrit, dont un original a été redécouvert au XVIIIe siècle, a fait l'objet de plusieurs rééditions (très remaniées) dès la Renaissance. Il va contribuer au renouveau du culte de Saint Louis sous le règne d'Henri IV. Ce roi appartient à une branche cadette de la dynastie capétienne qui remonte à Robert de Clermont, quatrième fils de Saint Louis. Soucieux de consolider sa légitimité, Henri IV souligne sa filiation avec le saint roi. Ainsi donne-t-il son prénom à son fils aîné, le futur Louis XIII.
Malheureuses croisades
Le roi se consacre par ailleurs à ses rêves de croisade en Terre sainte. Ils ne lui porteront pas chance.
Ayant une première fois fait le voeu de se croiser suite à une maladie, il s'embarque avec son armée à Aigues-Mortes, en Provence, le 12 juin 1248, après avoir confié le royaume aux bons soins de sa chère mère. Il atteint le delta du Nil et s'empare de Damiette, puis ill bat l'armée du sultan, composée de mercenaires appelés mamelouks, devant la citadelle d'el-Mansourah. Mais son avant-garde s'aventure imprudemment sur la route du Caire en dépit de ses ordres. Bientôt, toute l'armée est bloquée par la crue du Nil et menacée par la famine et l'épidémie. Elle tente de battre en retraite. Le 8 février 1250, le roi de France est fait prisonnier en protégeant son arrière-garde.
Hôte forcé des Égyptiens, Saint Louis impressionne ses geôliers par sa piété et sa grandeur d'âme. Libéré contre une rançon de 200.000 livres et la restitution de Damiette, il séjourne quatre ans dans les échelles franques du Levant dont il restaure l'administration et les défenses. La mort de sa mère le 26 novembre 1252 l'oblige à revenir enfin chez lui.
Saint Louis est encore à l'origine de la huitième et dernière expédition. L'expédition, longuement préparée, est contestée par les proches du roi et le fidèle Joinville lui-même refuse d'y participer ! Comme précédemment, il s'embarque avec son armée à Aigues-Mortes mais se dirige vers... Tunis. Son objectif est de convertir l'émir local. Mais, à peine débarquée, l'armée est frappée par une épidémie de typhus. Le roi lui-même est atteint et meurt pieusement sous les murs de Tunis, emportant avec lui l'idéal religieux de la croisade.

La dépouille du roi est inhumée dans la nécropole royale de Saint-Denis, à l'exception de son coeur, conservé à Monreale, en Sicile, dans le royaume de son frère Charles.
Dès l'année suivante est entamé son procès en canonisation. Celle-ci est prononcée par le pape Boniface VIII le 11 août 1297, sous le règne de son petit-fils Philippe IV le Bel. La monarchie capétienne est alors à son maximum de prestige et la France figure comme le royaume le plus puissant et le plus prospère de la chrétienté.
André Larané. http://www.herodote.net

lundi 18 janvier 2010

An Mil : Féodalité, Église et chevalerie

La prodigieuse aventure européenne a son origine dans les remous qui ont agité l'Europe et les pourtours de la Méditerranée autour de l'An Mil (Xe-XIe siècles de notre ère). André Larané.
États européens en gestation
Après l'extinction de l'empire romain et de la culture hellénistique, le monde méditerranéen s'était divisé entre trois empires très différents et opposés les uns aux autres :
– l'empire byzantin, resté très proche du modèle antique,
– l'empire arabo-musulman, en rupture avec le passé chrétien de l'Occident,
– l'empire de Charlemagne, vague réminiscence de l'empire romain, marqué par ses racines germaniques et coupé de l'Orient antique du fait de l'invasion arabe.
Après la mort de Charlemagne, l'empire carolingien sombre très vite dans le chaos. Ses héritiers, divisés et dénués de pouvoir, se montrent inaptes à unir les forces de l'empire pour faire face à une deuxième vague d'invasions barbares.
Les Normands (ou Vikings) sèment la terreur le long des grands fleuves.
Les Sarrasins s'établissent en Sicile et en Provence. Ils poussent des razzias jusqu'à Rome, détruite en 946, et dans... les Vosges. Les Magyars venus de l'Est chevauchent jusqu'à Nîmes.
Les rois et les empereurs, faute de pouvoir être partout à la fois, délèguent à leurs compagnons (en latin comitis, dont nous avons fait comtes) la surveillance d'une portion du territoire. En échange de ce service, les nobles peuvent jouir des revenus des terres qu'ils ont reçues en dépôt.
Pour les convaincre de les accompagner à la guerre en cas de besoin, les rois et empereurs carolingiens leur donnent l'assurance que les droits de leurs fils sur leurs terres seraient préservés au cas où ils viendraient à mourir à la guerre. En particulier, le roi Charles le Chauve garantit à ses seigneurs la faculté de léguer leurs terres à leur héritier par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise du 16 juin 877.
C'est ainsi qu'émerge une noblesse héréditaire dont la puissance est liée à la richesse terrienne et dont la légitimité repose sur les liens de confiance (feudus en latin, dont nous avons fait féodal) entre supérieur (suzerain) et inférieur (vassal). C'est le triomphe de la féodalité, c'est-à-dire d'un ordre social fondé sur les liens d'homme à homme (et non pas comme dans l'Antiquité ou dans d'autres régions du monde sur l'obéissance à un chef tout-puissant). Énergique et bien armée, protégée derrière de robustes châteaux forts, la noblesse féodale a finalement raison des envahisseurs. Les Vikings s'installent dans l'estuaire de la Seine en 911 et s'assagissent. Les Hongrois sont arrêtés au Lechfeld en 955 et se stabilisent en Pannonie, dans la plaine du Danube. Les Sarrasins, enfin, sont expulsés de leur repaire de Fraxinetum (La Garde-Freinet), près de Saint-Tropez, en 972.
La lutte contre les envahisseurs et l'arrêt définitif des invasions débouchent sur des coalitions de grands féodaux. De celles-ci vont sortir des embryons d'États qui vont faire la grandeur de la civilisation européenne.
La naissance de l'Allemagne peut être datée de 911 avec l'élection du roi Conrad 1er de Franconie ; celle de la France, de 987 avec l'élection, ici aussi, d'un souverain national, Hugues Capet. L'Angleterre forge son identité définitive après la conquête normande et l'accession au trône de Guillaume le Bâtard, en 1066.
Plus à l'est, le premier roi de Hongrie, Étienne, est couronné par le pape le 15 août 1001 ; un premier État russe émerge timidement autour de Kiev avec l'avènement du grand-prince Iaroslav le Sage, en 1019 ; Boleslav le Grand devient roi de Pologne en 1024... Le christianisme pénètre jusqu'au Danemark, avec la conversion du roi Harald-à-la-Dent-Bleue en 966.
La chrétienté s'affirme
Dans les dernières décennies de l'époque carolingienne, la papauté et le clergé séculier (curés et évêques) sont des objets de scandale.
Un observateur superficiel aurait pu y voir le signe d'un déclin irréversible. Pourtant, après l'An Mil, en l'espace d'un siècle - le XIe -, l'Église catholique va se réformer hardiment sous l'impulsion des abbés de Cluny et des papes, de Grégoire VII à Innocent III.
Des moines avides de culture redécouvrent la science antique à travers des traductions de l'arabe, à l'image de l'illustre Gerbert d'Aurillac, qui devient pape sous le nom de Sylvestre II.
Aux XIIe et XIIIe siècles naissent les premières Universités, vouées avant toute chose à l'étude de la théologie et des textes anciens.
L'Église intervient dans le droit civil en sacralisant le mariage (c'est aux alentours de l'An Mil qu'il est classé parmi les sept sacrements chrétiens) et surtout en interdisant les unions forcées.
Les femmes ne peuvent plus être mariées sans leur accord explicite et public. C'est un changement d'une profonde signification : il consacre la primauté de l'individu sur le groupe ou le clan.
À partir du moment où chacun, homme ou femme, devient libre de choisir son conjoint, il apprend à raisonner, décider et agir par lui-même.
On peut dire que c'est à partir de là que la chrétienté occidentale commence à se démarquer des autres cultures et à prendre son essor.
D'autre part, à l'opposé de la plupart des autres cultures où les pères reçoivent une «dot» lorsqu'ils livrent leur fille en mariage, le Moyen Âge développe l'usage d'une dot ou d'un trousseau que la future mariée, à l'inverse, apporte avec elle. Cette dot assure à la femme un certain ascendant sur son conjoint.
L'Église s'immisce aussi dans les liens de vassalité. Elle introduit dans les hommages de vassal à suzerain un serment sur la Bible et des obligations morales. La féodalité devient partie prenante de la chrétienté occidentale.
Émergence de la chevalerie
Au temps de Charlemagne et des Carolingiens, les nobles et leurs vassaux pratiquaient la guerre à cheval. Ils bénéficiaient d'une innovation technique : l'étrier emprunté aux barbares Avars vers le VIIe siècle. Cet équipement nouveau donne aux guerriers à cheval une plus grande stabilité et leur permet de frapper leur adversaire avec la lance à l'horizontale. Désormais, grâce à l'étrier, c'est à ces guerriers à cheval, ou «chevaliers», que revient la prépondérance dans les combats. D'origine paysanne aussi bien que noble, les chevaliers sont des hommes avant tout assez aisés pour s'offrir le luxe d'un cheval et d'une armure. Ils vivent dans les villes comme dans les campagnes. Ils partagent leur temps entre la guerre, la chasse et les tournois, ces derniers étant parfois plus meurtriers que la guerre elle-même.
Dès l'An Mil, en France puis dans le reste de l'Europe occidentale, noblesse et chevalerie en viennent rapidement à se confondre. Les nobles adoptent les pratiques guerrières des chevaliers et bon nombre de chevaliers se hissent dans la noblesse. Celle-ci devient héréditaire et prend la forme d'un groupe social fermé. Les seigneurs, par leurs exactions continuelles, empêchent tout fils de paysan d'y accéder et la solidarité familiale préserve tout fils de chevalier d'en être exclu.
L'entrée dans la chevalerie se fait dans la quatorzième année au cours d'une cérémonie appelée «adoubement». Le postulant se voit remettre par son père ou son oncle l'épée et le baudrier (protection de la poitrine en cuir ou en métal), symboles de sa vocation. Puis il reçoit un coup au visage, la «paumée», souvenir d'un ancien rituel de passage. Enfin, il se livre à quelques exercices par lesquels il démontre son aptitude au combat.
L'Église ne tarde pas à s'immiscer dans ce rituel profane en introduisant bénédiction et nuit de prières. Par cette christianisation de l'adoubement, elle met au pas les chevaliers et leur transmet ses idéaux de paix et un certain code de l'honneur. Ainsi les chevaliers s'engagent-ils dans la défense de «la veuve et de l'orphelin».
L'Église encourage aussi les «trêves de Dieu», c'est-à-dire les pauses dans les guerres privées qui mettent régulièrement à feu et à sang les campagnes. Non sans succès, elle atténue ainsi la violence des guerres féodales. L'appel à la croisade, pour secourir les chrétiens d'Orient menacés par l'offensive turque et délivrer le tombeau du Christ, achève de transformer la soldatesque en une milice plus ou moins dévouée à l'Église.
Voici quelques passages d'un serment de paix établi par l'évêque de Beauvais, Guérin, en 1023-1025, à l'usage des chevaliers :
Je n'envahirai une église d'aucune façon...
Je n'attaquerai pas le clerc ou le moine s'ils ne portent pas les armes du monde, ni celui qui marche avec eux sans lance ni bouclier...
Je ne prendrai pas le boeuf, la vache, le porc, le mouton, l'agneau, la chèvre, l'âne, le fagot qu'il porte, la jument et son poulain non dressé. Je ne saisirai pas le paysan ni la paysanne, les sergents ou les marchands; je ne leur prendrai pas leurs deniers, je ne les contraindrai pas à la rançon; je ne les ruinerai pas, en leur prenant leur avoir sous le prétexte de la guerre de leur seigneur, et je ne les fouetterai pas pour leur enlever leur subsistance...
Je n'incendierai ni n'abattrai les maisons, à moins que je n'y trouve un chevalier, mon ennemi, ou un voleur; à moins aussi qu'elles ne soient jointes à un château qui soit bien un château...
Je n'attaquerai pas les femmes nobles, ni ceux qui circuleront avec elles, en l'absence de leur mari, à moins que je ne les trouve commettant quelque méfait contre moi de leur propre mouvement; j'observerai la même attitude envers les veuves et les moniales...(*).
Le roi de France Saint Louis apparaît au XIIIe siècle, le siècle chrétien par excellence, comme un chevalier modèle, courageux à la guerre, conciliant avec ses ennemis, compatissant envers les humbles, loyal envers ses vassaux... Les codes moraux de la chevalerie, notamment le code de l'honneur et le respect de la parole donnée, ont imprégné les sociétés occidentales jusqu'au XXe siècle, inspirant à la plupart des Européens un respect quasi-inné pour les institutions sociales et les lois.
L'intériorisation de ces codes moraux a favorisé le développement d'une économie marchande fondée sur la confiance. Elle a contribué à l'épanouissement de la civilisation occidentale, européenne et chrétienne. Sans cette intériorisation, l'ordre social n'aurait pu être maintenu que sous la menace et la contrainte, à un coût très élevé et avec peu de résultats (comme c'est le cas aujourd'hui dans beaucoup de territoires d'Amérique latine, du Moyen-Orient et d'Afrique).
Avènement de la laïcité
Malgré son appétit de réformes, la papauté doit très vite reconnaître des limites à ses interventions politiques. L'empereur et le pape s'opposent au cours de la Querelle des Investitures sur la question de savoir à qui revient le droit de nommer les évêques, voire de désigner le pape. Avec, à la clé, les ressources financières colossales dont dispose le clergé (donations des fidèles, dîme,...).
La querelle se solde par un partage des responsabilités entre le pouvoir séculier (l'empereur) et le pouvoir spirituel (l'Église). C'est l'origine de la laïcité, une invention médiévale qui permettra aux Européens de développer leurs talents sans rendre de comptes aux censeurs de l'Église.
La chrétienté occidentale au XIIIe siècle
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L'Europe actuelle et une bonne partie de nos moeurs et de nos institutions ont été forgées au coeur du Moyen Âge, dans une époque assombrie par les disettes, les maladies et l'insécurité mais éclairée par la foi et la confiance en l'avenir...
Bibliographie
Parmi les livres essentiels sur les origines de l'Europe et l'An Mil, on peut lire avec profit L'An Mil de Georges Duby (Folio-Histoire, Gallimard/Julliard, 1980). C'est en fait un recueil de chroniques de l'époque, classées par thèmes et commentées par l'historien.
À noter l'essai décapant de Jacques Le Goff : L'Europe est-elle née au Moyen Âge ? (Seuil 2003) et le beau livre de Pierre Riché sur Les Grandeurs de l'an mille (Bartillat, 2001) et les fortes personnalités de cette époque. -
Élection et hérédité
L'élection est la règle dans la plupart des communautés médiévales, que ce soit dans les corporations marchandes, dans les villages ou encore chez les guerriers. Les souverains eux-mêmes sont souvent cooptés ou élus par leurs pairs en fonction de leur aptitude au commandement (c'est en particulier le cas des premiers Capétiens, des Carolingiens et des empereurs d'Allemagne).
L'élection est également la règle dans l'Église, qu'il s'agisse du pape, des évêques ou des abbés. C'est aux monastères qu'il revient en particulier d'avoir inventé la règle démocratique : «Un homme, une voix». Autant dire que le suffrage universel n'a pas jailli du néant au XIXe siècle mais puise ses racines dans les temps les plus «obscurs» du Moyen Âge.
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