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mardi 21 février 2023

Les grandes hérésies (Hilaire Belloc)

 

joseph Hilaire Pierre René Belloc (1870-1953) fut l’un des esprits les plus remarquables de sa génération, tout à la fois essayiste, poète, romancier, biographe, traducteur, satiriste et apologiste. Historien de formation, il sera aussi publiciste, député, chroniqueur militaire, globe-trotter et navigateur. Très largement méconnu en France, ce géant des lettres anglaises est pourtant né à La Celle-Saint-Cloud, de mère anglaise et de père français. Seuls les lecteurs assidus de Gilbert Keith Chesterton, son éternel acolyte, sont quelque peu familiarisés avec son nom. Et très peu des plus de 150 livres dont il est l’auteur ont été traduits en français. Il faut donc féliciter les éditions Artège d’avoir publié cette pépite dans une traduction française très réussie qui respecte la finesse d’esprit de l’auteur.

L’objectif de l’ouvrage est de passer en revue et d’examiner les principales offensives dirigées contre l’Eglise catholique – celles qui ont tout simplement marqué le cours de sa longue histoire. Hilaire Belloc a délibérément choisi de ne sélectionner que cinq hérésies : l’hérésie arienne, l’hérésie mahométane, l’hérésie albigeoise, l’hérésie protestante et enfin ce qu’il désigne comme l’hérésie moderne. De l’examen particulier de ces cinq grands mouvements opposés à la Foi, Belloc dégage quelques enseignements sur la substance de la religion catholique, à commencer par cette étrange vérité qui veut qu’en face d’elle les hommes sont tenus de se prononcer; soit ils l’adoptent, soit ils la combattent.

C’est à juste titre que ce livre est présenté comme un chef-d’œuvre de la pensée chrétienne. Belloc se sentait né pour guerroyer et c’est sur le terrain intellectuel qu’il était appelé à porter secours aux fondements menacés de la civilisation chrétienne. Sa colossale érudition et son exceptionnel pouvoir de synthèse sont mis au service du catholicisme dans ce livre dont la dernière partie consacrée à l’hérésie moderne est particulièrement clairvoyante sur ce qu’elle engendrerait.

Les grandes hérésies, Hilaire Belloc, éditions Artège, 270 pages, 19,90 euros

Acheter en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/les-grandes-heresies-hilaire-belloc/157360/

mercredi 4 janvier 2023

La Rébellion Cachée – Genèse d’un docudrame qui se souvient du génocide vendéen

 La Rébellion cachée – le film qui rend hommage aux martyrs vendéens

Daniel Rabourdin, diplômé de la Sorbonne et de l’IPC (Institut de Philosophie Comparée), ancien producteur chez EWTN, la télévision mondiale de Mère Angelica, met en images la bravoure des Vendéens durant la Guerre de Vendée. Il soutient grâce au cinéma la reconnaissance du génocide de 140 000 martyrs vendéens dans son docudrame La Rébellion Cachée.

« Quand j’étais adolescent en France, mes professeurs avaient l’habitude de ridiculiser la foi Chrétienne pour inciter les élèves au parjure, finalement. Heureusement, j’avais un mentor traditionaliste et un père intellectuellement alerte, qui m’avaient d’une certaine façon vacciné culturellement. Je devais me lever en classe et oser dire ce que je pensais. »

« Le dogme de l’Immaculée Conception par exemple. On se demande bien pourquoi un professeur d’Histoire devait le dénigrer. Peut-être parce qu’il était communiste ? Ce dogme n’a pas été inventé par une Église décrite comme institutionnelle, ainsi que le prétendait un enseignant en fait ignorant en ce domaine. Il a été au contraire clairement exprimé par les pasteurs de l’Église, alors que la foi en la l’Immaculée Conception de Marie était présente dans l’Église, corps mystique, depuis les premiers siècles. Finalement, je pense que ce professeur m’estimait parce qu’au moins je croyais en quelque chose. »

« En gros, je constate tous les jours ici aux Etats-Unis un respect beaucoup plus grand pour la religion chrétienne. Ce n’est peut-être pas qu’il y a plus de sens du sacré (peut-être moins, en fait) mais il n’existe presque pas de haine vis-à-vis du sacré. Les gens n’ont pas connu le marxisme, ni d’autres idéologies. Il n’existe presque pas de méchanceté vis-à-vis de la foi. Au contraire. 

C’est pourquoi les Chrétiens vivent beaucoup moins sous pression ici, ce qui se traduit par des personnes épanouies et qui ne sont pas sur la défensive, mais vont de l’avant. Et puis ce que j’appelle le puritanisme gauchiste ou misérabiliste n’est pas omniprésent comme en France. On peut aller de l’avant dans la vie offerte par notre Créateur. Ici sont beaucoup plus estimés la créativité, l’entreprise, l’efficacité, l’esprit d’équipe ou la prospérité. Et vous ne pouvez pas savoir le poids psychologique que cela vous ôte des épaules. Vous pouvez aborder la vie à bras ouverts et bâtir. Finis les obstacles bureaucratiques, les diplômes, les noms et statuts qui sont des obstacles finalement artificiels. Arrivé modestement et sans savoir parler la langue du pays, je suis accepté puisque je participe à la vie commune.

Finalement, quand je regarde ce qui passe en France dans l’éducation et s’aggrave, je me dis que l’Etat pratique un abus spirituel vis-à-vis des enfants. Ailleurs, on appellerait cela lavage du cerveau ou de la propagande de régime. À mon avis, cet abus par des adultes sur des enfants dans leur for interne devra être un jour dénoncé. C’est dur à entendre, mais dans le passé, il était dur d’entendre la critique d’autres abus, mais certains se sont réveillés face à l’injustice. »

« Je cherchais un nouveau docudrame à tourner, avec de l’action et de la foi. Dans ma cave en France, j’avais retrouvé une vieille bande dessinée de l’Histoire des Guerres de Vendée. Apres tout, la persécution de la Vendée par la Révolution Française, c’est l’une des premières persécutions de chrétiens par une puissance athée. 

Mais ces paysans sans compétence militaire se sont levés. Ils ont d’abord gagné de nombreuses batailles. Au plus fort de la guerre, ils rassemblaient environ soixante-dix mille hommes. Puis ils succombèrent sous un afflux considérable de soldats ramenés du front de l’Est. 

Mais encore, cela c’était une guerre entre hommes armés. Par contre, quand les révolutionnaires français s’acharnèrent sur la population civile, ils sont passés de la guerre au crime de guerre et finalement au génocide.  À peu près cent-quarante-mille personnes disparurent, dont quatre-vingts pour cent de femmes, enfants et personnes âgées. Ce n’est pas rien. Quand on parle de l’éradication des Chrétiens au Mexique par le gouvernement athée, il s’agit de quelques dizaines de milliers de personnes. En France on est passé au-dessus de 140 000 morts.

Et puis, étant donné que c’est une histoire pratiquement passée sous silence, j’ai encore plus de motivation à la mettre en exergue. Surtout aux yeux du monde et ensuite à ceux de la France. Une fois que  le monde sera sensibilisé, je suis certain que ce sera plus facile en France. »

« Je crois que la conscience du génocide n’est pas encore réelle. Tous les faits historiques sont pourtant là, comme le met en évidence l’historien Reynald Sécher Vendée, du Génocide au Mémoricide. Mais les gens n’intègrent pas encore ces éléments. Ils ont une réaction épidermiques face à Auschwitz, mais ils réagissent à peine au sujet du Goulag et encore moins face aux massacres de vendéens. Propagande du régime…

Et pourtant, les ordres d’élimination ont été donnés par le gouvernement, différents plans d’éradication totale étaient rédigés, la population ciblée était définie (vendéenne et chrétienne), la plupart des généraux ont obéi, les prisonniers furent noyés par milliers à la fois…

Ce sont surtout les chrétiens de sensibilité traditionnelle qui connaissent cette persécution. Ceux-là ont compris qu’il fallait résister culturellement s’ils voulaient garder leurs culture et identité. Ils ont tous quelques livres sur ce sujet. Ces vendéens sont leurs ancêtres dans la foi et la civilisation.

Et puis, de nos jours, les responsables politiques de la Vendée sont toujours militants à ce sujet. Ils s’efforcent d’obtenir de la République Française la reconnaissance du génocide vendéen. Je dis qu’il faut aller jusqu’au tribunal de La Haye. »

Le tournage du film

« Si vous voulez une information qui ne va pas de soi, en voilà une autre. J’ai liquidé ma retraite, fait appel à tous les volontaires possibles, fait comprendre aux gens qui aiment la Vendée qu’ils doivent s’impliquer et qu’ils doivent mettre la main à la poche. Et pas pour donner 10 euros mais pour en donner 100 ou 1000. J’ai découvert qu’en fait, certaines choses ne sont pas si onéreuses que cela. Le budget total va tout de même s’élever autour de 110 000 euros, mais il aurait pu atteindre le triple si nous avions été des fonctionnaires. Et avec 1000 donateurs, on peut aller loin. Il faut seulement que les gens se prennent en charge culturellement.

En fait, nous n’avions que deux professionnels pendant le tournage : le cameraman et moi-même. C’est inévitable pour certains postes. On peut faire des tas de raccourcis mais le caméraman, les monteurs et les ingénieurs du son doivent être compétents. Jim Morlino, le producteur de  The War of the Vendée  a accepté avec générosité d’être Directeur de la photographie. 

Et puis les cinq ou six amis qui m’aident ont fait trois ou quatre métiers pendant le tournage. L’actrice Clémentine Stépanoff était Productrice Assistante : elle me suivait sans cesse pour me rappeler ce que j’oubliais. Le photographe Christophe Laflaquière avait la tête d’un officier des Bleus républicains, dont il a joué le rôle.

Nous y avons cru, nous sommes démenés sans compter et il est fort possible que nous allons avoir une production aussi belle, sinon davantage que beaucoup d’autres. 

Les trois acteurs professionnels travaillaient pour la moitié de leurs cachets. Des paysans nous ont prêté leur ferme. Les Brigands du Bocage et leur fondatrice Ghislaine Herbreteau furent exceptionnels : ils étaient plus de 300, ont trouvé les lieux, m’ont dit où je pouvais louer les costumes etc. Ceux qui ne jouaient pas tartinaient les sandwiches. Ghislaine a passé une nuit à repasser les costumes. Elle est maintenant une grande amie.

Et puis il y a eu l’historien Reynald Sécher Vendée, du Génocide au Mémoricide. Il m’a prêté la guillotine de son musée et, pour une scène, il a fait creuser une fosse pour un charnier sur son terrain. D’autres amis nous ont prêté l’intérieur de leur maison. Je souhaite que ces bonnes actions leur apportent la reconnaissance de tous. Lisez leurs livres, faites appel à leur troupe. C’est un devoir pour nous.

Maintenant, le film est monté à 70 %. Je me demande toujours pourquoi nous n’avons pas encore échoué. Ma petite idée est que les prières de nos amis nous ont attiré la bienveillance divine. »

film1

« J’ai appris ce que nous savons, nous, Français, et que nous mettons trop peu en pratique.  Un secret parmi d’autres : l’union fait la force. L’individualisme, l’orgueil nous minent. Et cet orgueil peut être une fausse timidité, une fausse peur d’avoir son nom en clair dans un courriel. Et il s’agit de freins au succès d’une entreprise. Tout cela traduit que l’on pense plus à se protéger et pas du tout à se dévouer au bien commun. Je sais, cela froisse…

Pour réussir dans ces projets il faut avoir l’esprit de corps, bannir la médisance ou la jalousie. Jeanne d’Arc disait : « Il n’y a jamais assez de bon sang français pour se battre pour Dieu et la France. ». Cela veut dire être discipliné, humble.

Être généreux avec les entreprises ou les projets des autres aussi. Cliquer sur Partager dans Facebook pour affirmer au monde que l’on est derrière un projet. Les J’aime sont pusillanimes.
Il faut s’encourager, reconnaître les qualités des autres, les reconnaitre en public. J’aime bien cette expression : Complimente en public, critique en personne. Et puis celle-là aussi : Si tu n’as rien de positif à dire, tais-toi.

Il faut devenir adulte, s’élever au-dessus des ressentiments personnels et des vendettas. Mère Teresa disait Ce n’est pas pour la reconnaissance des gens que vous faites du bien, c’est pour le Bon Dieu. Il ne faut rien attendre en retour. C’est avec ces vertus supplémentaires que l’on réussira. « 

« Je prie les martyrs de Vendée pour chacun des donateurs. Les petits enfants qui mouraient leur rosaire en main aux villages des Lucs, les Carmélites de Compiègne… cette adolescente qui encourageait sa petite sœur en allant à la guillotine : Ne pleure pas, ce soir nous dînerons avec Jésus.

C’est une communion des saints à travers la construction d’une belle œuvre. »

« Et plus j’y réfléchis, plus je me dis qu’il existe au moins 1000 autres créateurs qui pourraient produire dans mille villes du monde. Les protestants se réunissent dans un temple et rassemblent 3 millions de dollars pour produire Fireproof. Et les cinémas montrent Fireproof. Pourquoi les Catholiques ne pourraient-ils pas réunir toutes les paroisses d’une ville pour produire leur film de qualité ? Je suis prêt à être leur producteur.

Maintenant, nous en sommes à 70 % du projet. Je vois la lumière au bout du tunnel. Mais je n’ai pas encore les fonds pour achever le docudrame. J’ai prouvé qu’il y avait de la valeur (voir notre bande-annonce et notre présentation sur larebellioncachee.com). Les bonnes âmes peuvent juger sur pièce et puis après s’engager. »

Le site du film : larebellioncachee.com

https://www.medias-presse.info/la-rebellion-cachee-genese-dun-docudrame-qui-se-souvient-du-genocide-vendeen/19367/

jeudi 14 avril 2022

Les points noirs de l’histoire de l’Eglise – Pour en finir avec 20 siècles de polémiques (Michael Hesemann)

 

Michael Hesemann est historien, écrivain et journaliste. Spécialiste d’histoire ecclésiastique, il a aussi étudié l’anthropologie culturelle, la littérature et le journalisme.

Une poignée d’auteurs opportunistes se bouscule pour nous présenter les Evangiles comme un tissu de mensonges, les papes comme des criminels avides de pouvoir, l’Eglise comme un instrument d’oppression, et Rome comme le sommet de l’intolérance. De vieilles légendes urbaines, inventées soit par ceux qui persécutaient les chrétiens dans l’Antiquité, soit plus tard par les réformés, les philosophes des Lumières ou encore les idéologues des dictatures modernes, ont brusquement refait surface.

De nouveaux reproches s’ajoutent, des histoires terribles autour de conspirations vieilles de plusieurs siècles émergent, construites sur la base de maigres indices et au prix de distorsions massives de la vérité, mais enrichies de tellement d’action, de sexe et de crimes qu’elles en deviennent irrésistibles pour un grand nombre de lecteurs; en réunissant ces trois ingrédients, il est très facile d’écrire un best-seller, tant il est vrai que les présumés obscurantistes de l’Eglise deviennent des personnages vendeurs.

Les légendes noires de l’Eglise catholique sont donc un filon qu’il est rentable de continuer à exploiter. Ce livre traite de ces légendes noires, nouvelles ou anciennes, qui entourent l’histoire de l’Eglise. Les affabulations d’auteurs populaires et racoleurs, mais aussi les lieux communs et les préjugés courants font, dans ce livre, l’objet d’une confrontation avec les faits et l’histoire. Michael Hesemann examine ce qui se cache réellement derrière toutes ces affaires et histoires scandaleuses et répond avec des faits historiques aux spéculations les plus extravagantes. 

Les points noirs de l’histoire de l’Eglise, Michael Hesemann, éditions Artège, 420 pages, 19,50 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/les-points-noirs-de-lhistoire-de-leglise-pour-en-finir-avec-20-siecles-de-polemiques-michael-hesemann/68802/

mardi 22 février 2022

HEIDEGGER ET LE NAZISME (SUITE SANS FIN)

 Sur cette question souvent abordée ces derniers temps, chaque commentateur y met sa vision du monde et de la philosophie, toute interprétation étant infinie. Soit on démontre que le philosophe était un nazi pour le discréditer avec toutes les variantes possibles, sa philosophie l'étant en partie ou non. Soit on affirme qu'il ne l'a pas été (ou que cela a été une erreur très passagère sans conséquence). Pour l'instant, il semble que cet engagement a été bien plus fort qu'on a bien voulu le dire. Cette affaire procure à certains une joie maligne de pouvoir ainsi juger négativement le grand philosophe et de se trouver ainsi mieux que lui. L'attitude parfois ambiguë d'Heidegger par la suite a surtout été celle d'un homme qui a cherché à assurer sa survie philosophique et même économique après la guerre.

Nous allons donc poser la question :

Y-a-t-il des points communs entre la pensée de Heidegger et un courant de la pensée allemande antidémocratique, anti-judéochrétien, anti-rationaliste que l'on retrouve aussi chez Nietzsche, interlocuteur posthume du grand philosophe d'origine catholique, ces thèmes pouvant se retrouver dans le nazisme ?

Heidegger était profondément Allemand. Cette évidence a de l'importance. Il a très peu quitté son pays et a eu comme lieu de réflexion la Forêt Noire, au sud de ce pays qui est la vraie et belle Allemagne qu'imaginent par exemple les Français. Il fut imprégné de ces thèmes récurrents à la culture allemande : la dureté et la pureté. L'être authentique dans toute sa dureté d'acier et sa pureté de cristal pouvait-il avoir une âme de démocrate ? La démocratie ne peut que fabriquer des individus tièdes, soumis, atomisés par le consensuel. On comprend tout par lassitude. Société démocratique qui met en avant des individus à la morpho-psychologie insignifiante, société qui refuse le conflit, l'affrontement, alors que « l'homme libre est guerrier ». On ne peut plus nier ou affirmer. Règne de la médiocrité, des médiocres, de l'insignifiant, du «modeste» qui rassure, triomphe des mots pompeux et creux, de la «tolérance», puisqu'il n'y a plus rien à refuser ou affirmer. Société où n'existent, comme l'écrivait le poète italien Marinetti, ni tragique ni émotion et qui évolue inexorablement vers le vide spirituel. Pour ce courant de pensée, le démocrate est fondamentalement inauthentique puisqu'il est le produit de l'opinion commune, du «on». Chez Heidegger on trouve aussi une apologie de l'origine avec, entre autres, celle des Allemands qui ont gardé leur langue originelle qui est devenue un bel instrument chez ce peuple de penseurs, poètes et musiciens.

Pour le philosophe de Freibourg, la philosophie parle allemand comme elle a parlé grec.

On trouve aussi l'éloge de l'enracinement, du sol natal, sol de l'enfance, des ancêtres. L'être enraciné s'oppose à l'errance, critique donc de la modernité, de l'américanisme opposé à l'esprit germano-européen. Philosophe de l'Etre, il avait sans doute ressenti plus qu'un autre la néantisation de l'Occident et la menace du nihilisme qui pesait sur celui-ci La pensée de gauche voit dans l'appartenance à un sol, un pays ou une nation le produit du hasard, ce qui est dépréciatif.. Dans la pensée heideggérienne, les notions de facticité, d'être jeté, d'être au monde donnent à cette appartenance une signification des plus profondes. Heidegger appartient au courant anti-rationaliste qui est aussi un prolongement de la phénoménologie husserlienne où toutes les certitudes scientistes, la mathématisation du monde, l'idée de raison, le réalisme naïf ont été mis à bas. On peut d'ailleurs noter que Husserl a été très étudié par les catholiques et même les ecclésiastiques. Car c'était sans doute la première fois qu'un courant de pensée majeur et puissant, non religieux, (la phénoménologie) remettait la science, vieille et grande rivale de l'Eglise et de la religion à sa place. La science a cru et croit encore être la vérité ou le réel alors qu'elle n'est qu'une construction axiomatique de l'esprit qui se surajoute au monde perçu qui est premier et dans lequel baignent tous les individus depuis leur naissance. La science même si elle nie, a comme fondements ultimes des postulats métaphysiques. Puisque n'existent que le subjectif et l'affectif, les mythes et la poésie ont droit de cité à la constitution de toute vérité au même titre que les modes de connaissance qui ont cru pendant longtemps depuis Descartes à l'objectivité de leurs méthodes.

La question dans la question est : Heidegger était-il raciste ? Certains n'ont pas hésité à la poser avec toute la dose de culpabilité que ce qualificatif peut engendrer de nos jours. Le philosophe avait connu une amourette avec une étudiante juive Hannah Arendt dont la jeunesse, le beau visage à l'époque et la maturité philosophique avaient attiré l'homme de trente cinq ans qu'était à ce moment là Heidegger. Mais ceci en général ne prouve pas grand chose. Plus fondamentalement Heidegger croyait au destin exceptionnel du peuple allemand et à i sa mission spirituelle pour combattre la décadence. Il fallait protéger «racialement» ce peuple allemand et ses points de vue rejoignaient parfois ceux d'Eugen Fischer, hygiéniste de la race qui, entre autres, était très inquiet de l'africanisation de la France dans les années trente, due à ses colonies. Que dirait-il de nos jours ? Heidegger ne croyait sans doute pas au racisme biologique puisqu'il avait lui-même déconstruit l'idée de science de façon encore plus radicale que Husserl, mais pour lui c'était le « peuple qui devait décider » de sa santé et de sa préservation.

par Patrice GROS-SUAUDEAU  nov . déc 2002

dimanche 26 décembre 2021

Terres de Mission n°243 : Aux sources de la France chrétienne

 Francine Bay, auteur de « Au matin de la France chrétienne », évoque l’impressionnante floraison de saints qui évangélisèrent dès les temps apostoliques notre pays. De saint Sidoine, aveugle né, guéri par le Christ, à sainte Marie Madeleine, de saint Memmie, premier évêque de Châlons converti à Rome par saint Pierre lui-même, à saint Front, premier évêque de Périgueux qui faisait partie selon la Tradition des 72 disciples désignés par le Christ, autant de témoins qui firent de notre pays la « Fille aînée de l’Eglise ».

Puis Nicolas Bauer, chercheur à l’ECLJ (European Center for Law and Justice), revient sur les débats à propos de la liberté de culte devant la Cour européenne de justice.


https://www.tvlibertes.com/terres-de-mission-n243-aux-sources-de-la-france-chretienne

jeudi 22 juillet 2021

La longue marche des catholiques de Chine (Yves Chiron)

 

Yves Chiron, directeur du Dictionnaire de biographie française et historien, s’est spécialisé dans l’histoire de l’Eglise catholique et a publié de nombreux ouvrages et articles sur le sujet.

C’est sur la situation périlleuse des catholiques en Chine qu’il pose cette fois un regard attentif. Selon le Bureau national des Affaires religieuses, il y aurait 5,7 millions de catholiques en Chine.

Un chiffre vraisemblablement minimisé. Le Holy Spirit Study Centre de Hong Kong, institution qui suit de très près toute la vie de l’Eglise catholique en Chine, estime qu’il y a en vérité 10 millions de catholiques en Chine. C’est leur histoire que retrace Yves Chiron, depuis l’arrivée du christianisme aux premiers siècles jusqu’à nos jours.

Cette histoire d’héroïques missionnaires (“nestoriens”, franciscains, dominicains, jésuites, augustins et lazaristes), et sa cohorte impressionnante de martyrs occidentaux et chinois, prend une toute autre tournure lorsque la victoire de la Révolution communiste chasse les missionnaires occidentaux, prétend séparer les catholiques chinois de Rome et ouvre des décennies où le choix n’est plus qu’entre la persécution ou la soumission. Pourtant, l’Eglise non seulement y a survécu à toutes les persécutions, y compris pendant les dix années (1966-1976) où il n’y eut plus une seule église ouverte, mais elle a continué à croître. Mais qu’en sera-t-il de l’avenir ? L’Accord Provisoire signé en septembre 2018 entre le représentant du Saint-Siège et le représentant du gouvernement chinois a suscité l’indignation d’éminentes figures catholiques de Chine.

La longue marche des catholiques de Chine, Yves Chiron, éditions Artège, 336 pages, 17,90 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

mardi 4 mai 2021

Saint Colomban, l’Europe venue d’Irlande

 

Cet article a été initialement publié pour l’excellent site de Liberté politique, à lire et soutenir.

Le 21 novembre 615, au fond d’une grotte obscure près du monastère de Bobbio, dans le nord de l’Italie, s’éteignait en ermite le plus grand fondateur de monastères du VIIe siècle, saint Colomban. La règle qu’il avait imposée à ses maisons religieuses et qui se répandait alors dans toute la chrétienté latine allait permettre d’unifier l’univers monastique européen. De ces monastères rejaillissaient la civilisation, sous la plume des moines et par la force de leurs bras.

L’OCCIDENT des IVe-Ve et VIe siècles avait failli voir disparaître la jeune et fragile chrétienté. L’effondrement de l’Empire l’avait déjà placée dans une situation délicate, les évêques étant bien souvent les derniers représentants locaux d’une autorité morale et politique, face aux nouveaux maîtres, souverains païens en Grande-Bretagne et sur les bords du Rhin, ariens en Italie, en Espagne et dans les trois quarts sud de la Gaule.

Partout, la catholicité avait reculé, et il fallut le miracle de la conversion de Clovis pour lui rendre ce tonus qui lui permit de remporter la partie contre l’arianisme notamment. Mais la domination mérovingienne, tout comme celle des autres royautés barbares, quoi que devenues catholiques, avait ceci d’inquiétant qu’en héritant du pouvoir impérial romain délabré, elle prenait également la main sur la vie de l’Église, par la nomination de nombre d’évêques et d’abbés. Si le chapitre cathédral ou les frères élisaient normalement leurs supérieurs, en vérité, le roi imposait facilement ses courtisans, et la lecture de Grégoire de Tours montre aisément combien les prélats indignes se mêlaient aux saints.

Par ses richesses fraîchement acquises et par son autorité spirituelle, l’Église était un fort enjeu de pouvoir. Pour contrer cette mainmise, d’autant plus pernicieuse qu’elle était l’œuvre, non pas de Machiavels mais d’hommes de foi sincères, il fallait une forte personnalité, parfaitement libre, et fidèle au Christ.

Un moine venu de l’indomptable Irlande

L’Irlande avait échappé aux invasions barbares et n’avait pas connu l’empire. Ce fut le cas unique d’un pays s’évangélisant lui-même, en l’espace d’une génération, grâce à la figure de l’évêque saint Patrick. L’armature religieuse de l’île était constituée principalement par le réseau dense de ses monastères, promouvant une spiritualité ascétique, où la récitation perpétuelle des psaumes, les jeûnes à répétition, les pénitences brutales comme les bains glacés afin de se prémunir contre les tentations charnelles, étaient la norme. Mais ces maisons de Dieu étaient aussi des centres d’études.

Les moines, entre leurs exercices pieux et leurs pénitences se livraient à la lecture et la copie d’ouvrages spirituels ou profanes venus du continent. La sagesse latine et la théologie des pères de l’Église étaient conservées et magnifiées derrière les hauts murs des monastères. Ce climat porteur ne pouvait que donner de beaux fruits à destination de la chrétienté continentale.

Rédigée par un auteur franc, la vie de Colomban donne assez peu d’informations sur les années irlandaises du saint. On en sait assez, cependant, pour imaginer un homme d’excellente famille, rentré par goût et vocation réelle en vie religieuse. Né vers 540, il fut autant instruit dans les Écritures saintes que dans la littérature latine profane, ce que l’on appelait jadis les arts libéraux (grammaire, rhétorique, géométrie, œuvres poétiques, etc.). Ce premier point était assez rare. Mais loin d’être un pur esprit, nous lisons qu’il était doté d’une stupéfiante beauté lui causant d’ailleurs bien du tracas dans le domaine de la chair. L’auteur n’en dit pas plus…

C’est pour conserver sa pureté qu’il décida, tout jeune homme, d’entrer à l’abbaye de Bangor, dans le nord de l’Irlande, contre l’avis de sa mère. Là, il se forma à la dure spiritualité des moines irlandais.

Sa forte personnalité lui fit de suite des compagnons et des disciples. Mais à l’étroit dans les murs de l’abbaye, mû par le zèle apostolique, il se mit en route, également contre l’avis de son père abbé qui souhaitait le retenir auprès de lui.

C’est la Gaule qui retint l’attention du moine.

Colomban en Gaule mérovingienne

Il y avait alors grande pitié au royaume de France. Clovis était mort en 511. L’unité fragile du pays avait été rompue par le partage entre ses fils. Reconstitué par Clotaire Ier, dernier survivant des enfants royaux, le Regnum francorum avait de nouveau volé en éclats, à sa mort en 561, partagé entre Chilpéric, Sigebert, Gontran et Caribert.

Caribert mort en 567, Sigebert mort en 575, restaient en lice Gontran d’une part, Chilpéric et Childebert II fils de Sigebert d’autre part. La guerre civile faisait rage, d’autant plus que tandis que Gontran cherchait désormais la paix et la sanctification, derrière Chilpéric s’agitait la reine Frédégonde, animée d’une haine personnelle et implacable contre la veuve de Sigebert, Brunehaut. Il faut dire que Chilpéric avait été marié à la sœur de Brunehaut, Galswinthe, que Frédégonde avait faite étrangler, afin de la remplacer légitimement dans le lit royal… La querelle politique était donc doublée d’un conflit familial inexpiable. Cette férocité prêterait à rire si elle ne rejaillissait pas sur la vie spirituelle du royaume, dont les sièges épiscopaux étaient autant de gages politiques pour contrôler les populations et obtenir un surcroît de prestige contre l’adversaire.

Colomban débarqua en Gaule dans ce contexte d’extrême tension vers 585, alors que Chilpéric venait d’être assassiné, sans doute à l’instigation de Frédégonde, surprise dans ses adultères. Le tout jeune Clotaire II ne pouvait gouverner, et sa mère devenait régente. Childebert, quant à lui, marié parce qu’il fallait bien avoir des héritiers, était sous la coupe de sa mère implacable et dominatrice, Brunehaut. C’était le règne des reines cruelles.

Colomban, dans ce contexte de guerre, ne pouvait pas se fixer. Il entama une vie errante, avec ses compagnons irlandais, annonçant l’Évangile de villes en villages. Mais son éloquence lui gagnait les cœurs, et l’un des plus doux, revenu de ses turpitudes de jeunesse, le roi Gontran, tint à le conserver auprès de lui. Colomban souhaitait mener une vie retirée, le souverain lui donna, au coeur de la Bourgogne, l’ancien castrum romain d’Annegray, sur l’actuelle commune de Faucogney, en Haute-Saône. Annegray était une véritable solitude, entourée de bois, voisine de rares villages.

Mais l’exigence de la vie monastique que Colomban imposa à ses frères, et les prodiges qui entourèrent rapidement sa personne attirèrent les disciples.

Au centre de l’Europe

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Il fallait trouver plus grand et plus adapté à une communauté importante. Les moines irlandais accueillaient des fils de la noblesse franque en nombre, et ils avaient désormais d’importants soutiens à la cour. Gontran leur donna l’ancien castrum de Luxeuil en 590, lieu également de thermalisme, dans l’actuelle Franche-Comté. Nous étions aux frontières entre la Bourgogne ou Burgondie, de Gontran, et l’Austrasie de Childebert II.

Mais si Annegray avait été une solitude, Luxeuil serait un véritable désert. Pourtant, en quelques années, les moines en firent, à la force de leurs mains, une terre labourée de part en part.

Colomban avait pourtant appliqué les règles de sa vieille Irlande ; la prière perpétuelle à l’image du chant angélique dans le ciel, les offices interminables ponctués par la quasi-totalité du psautier, les jeûnes à répétition et surtout une discipline de fer, où chaque manquement à la règle était sanctionné par des coups de discipline ou de verge. Mais la croissance spirituelle des moines à l’école de leur maître attirait. Les nobles gallo-romains et francs multipliaient les dons, envoyaient leurs fils apprendre les humanités auprès des moines, ou bien venaient eux-mêmes revêtir l’habit.

Colomban faisait assécher les marécages, mettre les terres en culture, élever des troupeaux, rationaliser l’exploitation des bois, agrandir les bâtiments de son monastère. Il écrivait, dans sa règle, qu’un moine ne devait se mettre au lit que dans un tel état de fatigue qu’il s’endormit déjà en marchant, et devait se réveiller avant d’être tout à fait reposé.

Pourtant, les vocations affluaient.

Ce succès donna à l’abbé un ascendant politique.

Au coeur des luttes de pouvoir

Gontran, mort sans enfant en 592, avait légué son royaume à Childebert II, lui-même mort en 595. Il laissait, quant à lui, deux fils, Théodebert et Thierry. Ce dernier reçut la Bourgogne, l’Austrasie restant à Théodebert. Mais toujours Brunehaut, leur grand-mère, régnait en fait.

Thierry, cependant, goûtait la compagnie édifiante de Colomban et ce dernier l’incitait à mener une vie droite. Qu’est-ce à dire ? Prendre une épouse légitime et cesser tout commerce avec les concubines dont Brunehaut était pourvoyeuse afin d’éviter qu’une nouvelle reine ne lui fit de l’ombre.

Brunehaut était directement attaquée dans son pouvoir, tant le gouvernement de l’État se mélangeait avec celui des alcôves. Elle fit appeler Colomban, qui, devant elle, renouvela ses admonestations pour que Thierry mène une vie pure.

Commença un conflit politique et religieux. Brunehaut établit le blocus du monastère vers 610, interdisant aux moines de sortir et aux hommes de l’extérieur de venir les visiter.

Il n’est pas nécessaire, ici, de dresser la liste des échanges entre Brunehaut la retorse et Colomban l’inflexible, pour la direction morale de Thierry le concupiscent.

L’implacabilité du moine finit par provoquer l’irréparable : Thierry se rendit lui-même à Luxeuil dont il fit forcer les portes, pour faire fléchir Colomban en obtenant de lui la bénédiction des enfants qu’il avait eus de ses concubines, d’une part, et d’autre part que hommes et femmes puissent franchir la clôture pour des visites, puisque jusqu’alors, même Brunehaut s’était vue refuser l’entrée du monastère.

L’échange tourna immédiatement à l’aigre. Le roi pensait tenir la dragée haute à l’ascète en le menaçant de faire cesser tous les dons royaux, en cas de rupture.

La réponse fut nette : « Si vous voulez violer la rigueur de nos Règles, nous n’avons que faire de vos dons ; et si vous venez ici pour détruire notre monastère, sachez que votre royaume sera détruit avec toute votre race. »

Mais les Mérovingiens avaient le sang chaud, et Thierry le faible sentit bouillonner ses entrailles : « Tu espères peut-être que je te procurerai la couronne du martyre ; mais je ne suis pas assez fou pour cela : seulement, puisqu’il te plaît de vivre en dehors de toute relation avec les séculiers, tu n’as qu’à t’en aller par où tu es venu, et jusque dans ton pays. »

Infatigable apôtre du seigneur

Exilé à Besançon, Colomban y vécut quelques temps en maître spirituel adulé des foules, avant de revenir secrètement à Luxeuil. C’est donc une troupe armée qui lui dit prendre de nouveau le chemin de l’exil, cette fois vers l’Irlande. Tous les moines étrangers, Irlandais et Britanniques, étaient chassés avec lui. Seuls les Francs pouvaient rester à Luxeuil.

Les proscrits étaient embarqués sur la Loire, et d’étape en étape, il était interdit de leur apporter des vivres, ni le moindre secours. Mais à Orléans, il se trouve des âmes charitables pour braver l’interdiction. À Tours, Colomban vénère les reliques de saint Martin et dîne avec l’évêque, malgré l’interdiction.

Ces camouflets au pouvoir royal montrent combien avait grandie la puissance spirituelle, restaurée par l’influence colombanienne.

En effet, s’il avait peu bougé de son monastère, Colomban avait marqué tous les esprits, et les maisons religieuses commençaient à unifier leurs règles à l’imitation de la sienne.

Cette influence ne pouvait qu’inciter Colomban à achever sa mission sur le continent, où sa présence était plus nécessaire qu’en Irlande. A Nantes, le gros temps empêchait le navire de prendre la mer. Les moines furent débarqués, et malgré l’opposition du comte de Nantes et de l’évêque, fidèles de Brunehaut, ils prirent la route de Soissons, où régnait Clotaire II, alors seul souverain, sa mère Frédégonde étant morte en 597.

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, paraît-il… Clotaire fit le meilleur accueil à Colomban. Ce dernier, pourtant, ne pensait pas rester dans ces royaumes ennemis, où l’inconduite des cours princières lui était une cause d’écœurement. Il se fit prêter une escorte par le roi Clotaire et se rendit auprès de Théodebert, alors en guerre contre son frère Thierry et donc contre sa grand-mère Brunehaut. Son objectif, cependant, n’était pas de faire souche-là, non plus. Armé de l’autorisation royale, rejoint par quelques frères de Luxeuil, et toujours accompagné de ses Irlandais, il partit sur le Rhin, infatigable sexagénaire, évangéliser les peuples restés païens dans ces régions des confins de l’Austrasie.

Il fit bâtir son nouveau monastère à Bregentz, près du lac de Constance, maintenant des relations étroites avec Théodebert, pour lequel l’évangélisation des confins de son royaume constituait à la fois une obligation sacrée de sa charge royale et une opportunité politique, afin d’unifier les peuples sous sa domination.

Mais en 612, la défaite définitive de son protecteur obligea Colomban à quitter Bregentz. Les Irlandais restèrent en Allemagne d’où ils essaimèrent dans les vallées helvétiques.

Le triomphe de Colomban

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Cette fois, Colomban avait pris la route de l’Italie où survivaient pêle-mêle arianisme et paganisme au milieu des provinces catholiques. Parvenu au nord de l’Italie, dans le royaume des Lombards, il reçut la protection du roi Agilulfe. Accaparé par la prédication contre les Ariens, Colomban consumait ses dernières forces. Sur la terre de Bobbio, donnée par le souverain, il élevait en parallèle un nouveau monastère. Comblé de jours, le dos ployant sous la fatigue, Colomban avait encore la force de participer lui-même aux travaux de construction et de jeter les bases de la bibliothèque des frères, futur centre d’études majeur de l’Italie du nord.

En Gaule, la victoire Clotaire II et la mort de Brunehaut en 613 consacraient le triomphe du modèle colombanien. En effet, la disparition des ennemis du saint et la réunification du royaume sous le sceptre de l’un de ses protecteurs facilitait la diffusion de sa règle et normalisait les relations transalpines entre l’exilé et ses frères restés en Gaule.

Le 21 novembre 615 s’éteignait cet infatigable lutteur de Dieu. Il laissait sa règle et des œuvres poétiques aujourd’hui largement perdues. Mais surtout il laissait un semis de monastères, une cohorte de disciples, qui allaient organiser la chrétienté occidentale jusqu’à ce que les Carolingiens, à la fin du siècle suivant, imposent partout la règle de saint Benoît.

Si les rigueurs de sa spiritualité sont aujourd’hui largement oubliées, la chrétienté lui doit d’avoir contribué grandement à transmettre et restaurer l’amour de Dieu dans des siècles de fer. En outre, son goût de l’étude nous légua, par les scriptoriums de ses monastères, des manuscrits de la sagesse latine et grecque que nous aurions perdus à jamais sans ces austères compagnons de Jésus-Christ.

https://gabrielprivat78.wordpress.com/2015/11/16/saint-colomban-leurope-venue-dirlande/#more-815

dimanche 25 avril 2021

Maurras et l’Eglise

 

Non ! Il ne s’agit pas ici de faire encore une fois le procès des relations entre Maurras et l’Eglise. Il ne s’agit ni de dénoncer, ni de sauver le maître à penser de l’école d’Action française.

Les ouvrages sur les relations entre l’Action française et l’Eglise, et entre Charles Maurras et cette dernière, sont nombreux et documentés. Un billet de bloc notes ne saurait les remplacer.

Cependant, on a vu ressurgir, à l’occasion de plusieurs ouvrages récents, cette ritournelle selon laquelle Charles Maurras aurait eu de l’Eglise une vision utilitariste, faisant d’elle la gardienne de l’ordre social. En somme, elle aurait été le parfait opium du peuple, pour reprendre la phraséologie marxiste.

Ce sont ces affirmations récentes, venant d’auteurs et de commentateurs sans doute mal informés, qui nous font réagir.

Bien-sûr, Charles Maurras ne fut pas un auteur catholique. Il n’a jamais prétendu l’être. S’il s’enorgueillit de ce titre à de rares occasions lorsqu’il lui fut décerné par tel ou tel prélat, rien dans son œuvre ne le laisse penser. C’est sous le sceau de l’agnosticisme et du positivisme qu’il publia la presque totalité de ses livres et articles.

En outre, plusieurs de ses thèses sont évidemment incompatibles avec l’enseignement de l’Eglise. Sa vision intégrale du nationalisme et du patriotisme, sa théorie des quatre états confédérés ennemis naturels de la France (judaïsme, protestantisme, franc-maçonnerie et métèques) sont en totale contradiction avec la lettre et l’esprit du christianisme.

Le penseur de Martigue le savait, qui ne mâcha pas ses mots, au début de sa vie d’auteur, contre le message évangélique. Il considérait le Magnificat comme un venin, à cause du verset « Il relève les puissants de leur trône et il élève les humbles, il comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides ». Il appelait les apôtres « ces quatre juifs obscurs » et tout un conte du Chemin de Paradis est consacré au Christ hébreu destructeur de l’ordre et de la beauté de la sagesse athénienne. (Ce conte fut retiré des éditions suivantes, par souci de bienveillance vis-à-vis de l’Eglise.)

Impossible donc de faire de Maurras un auteur chrétien.

Pourtant, la question n’est pas aisée à trancher radicalement. L’Eglise hésita à condamner Maurras et son oeuvre de 1914 à 1926. La sentence proclamée fut finalement levée en 1939. L’Eglise, donc, elle-même, peinait à démêler ce qui lui était hostile de ce qui lui était amical, ou neutre au pire.

De fait, si Maurras l’agnostique avait un contentieux à régler avec le Christ, il était, de manière étonnante, un amoureux fou de l’Eglise. La dissociation des deux surprend. Elle est une contradiction de l’homme qui batailla toute sa vie avec sa propre incroyance.

Devenant progressivement sourd à partir de l’âge de 14 ans, tentant de se suicider à la même époque car voyant se fermer à lui la carrière d’officier de marine qu’il rêvait d’embrasser, il fut mis entre les mains du meilleur helléniste du diocèse d’Aix et Marseille, l’abbé Penon, futur évêque de Moulins, et dont la volumineuse correspondance avec Maurras a été publiée il y a quelques années grâce aux bons soins d’Axel Tisserand. On voit, au fil de cette correspondance, le jeune homme s’éloigner progressivement de Dieu. Mais ô paradoxe ! Découvrir dans le même temps la philosophie thomiste, dont il fut un adepte de la logique et de l’harmonie de pensée.

Le lien entre Maurras et l’Eglise, même aux pires temps de l’incroyance, ne fut jamais rompu tout à fait. Connaissant bien le carmel de Lisieux et bien connu des religieuses, celles-ci ne cessèrent de prier pour lui jusqu’à sa mort en 1952.

Ont-elles eu de l’influence sur sa conversion ? Peut-être.
De fait, condamné à la prison perpétuelle en 1945 pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison (Quelle ironie pour l’auteur le plus fanatiquement anti-allemand de sa génération !), il fut gracié pour raisons de santé en 1952 au soir de sa vie et transféré à l’hôpital Saint-Symphorien de Tours. Là, l’aumônier de l’hôpital, le chanoine Cormier, tenta d’obtenir la conversion du vieillard et l’obtint de manière éclatante, comme l’atteste le témoignage émouvant qu’il livra par la suite, intitulé ; Mes entretiens de prêtre avec Charles Maurras, mars-novembre 1952. L’homme reniait-il ses erreurs passées ? Ce secret nous sera à jamais inconnu. Mais c’est en pénitent et communiant qu’il rendit l’esprit.
Le chemin n’avait jamais été tout à fait abandonné et l’interrogation spirituelle de celui qui se proclamait agnostique saute aux yeux du lecteur attentif.

Attentif à la partie catholique de ses militants et soucieux de ménager l’Eglise, il expurgea, à plusieurs reprises, ses oeuvres de leurs passages hostiles à Jésus Christ et à l’évangile.

Mais surtout, le rôle assigné par Maurras à l’Eglise dans sa réflexion apparaît dans l’épais volume intitulé La démocratie religieuse, recueil de ses polémiques avec le penseur démocrate-chrétien Marc Sangnier, et de ses échanges, justement, avec l’Eglise, jusqu’au temps de la condamnation de 1926.
Alors, quel est ce rôle ? L’Eglise est-elle la garante de l’ordre ? Oui, en quelque sorte, mais pas au sens où l’entendent aujourd’hui les pourfendeurs retardataires du philosophe. Pour lui l’Eglise, non seulement comme institution, mais par sa philosophie, par ses ordres religieux, par sa pensée et par sa hiérarchie était la gardienne et la promotrice de toute civilisation. Pour Charles Maurras, l’avenir de la civilisation humaine, de tout ce qu’il y avait de bien, de bon et de vrai en les hommes et leur histoire, était garanti, conservé et promu par l’Eglise.

Persuadé qu’elle était l’arche au sein de laquelle l’humanité avait trouvé le refuge, il consacra une large part de son combat politique à la défendre. Esthétique, pensée grecque, droit latin, beauté de l’architecture et des arts en général, droiture de la sagesse, esprit de justice, harmonie du corps social, tout était conservé en l’Eglise et en son histoire. Elle assurait le salut temporel des hommes, il en était persuadé.

Beaucoup de catholiques sont persuadés de ces faits, encore aujourd’hui. Mais entre Maurras et l’Eglise il y a bien sûr cette incompréhension d’origine sur la personne même de Jésus Christ, coupure fondamentale qui ne fut résorbée qu’au jour de la mort, trop tard pour que l’oeuvre fut modifiée.

Les continuateurs ou les disciples de Maurras, chrétiens pour la plupart, comme le philosophe Pierre Boutang, se débarrassèrent de tout ce qui était incompatible dans la pensée de leur maître avec le christianisme, notamment l’antisémitisme, l’anti-protestantisme et la xénophobie. Ils continuèrent pourtant d’en faire un enseignant de la sagesse.

Maurras auteur catholique ? Non. Maurras manipulateur de l’Eglise en raison de la préservation d’un ordre social conservateur ? Non plus !
Il fallait que ce soit dit.

https://gabrielprivat78.wordpress.com/2017/01/22/maurras-et-leglise/

lundi 15 mars 2021

Eglise et Révolution

 

Elle fut d’abord le prisme à l’aune duquel il convenait de relire toute l’histoire de France, jusqu’à l’historien Augustin Thierry, dans les années 1820, comprenant l’autonomie des communes médiévales du XIIe siècle selon les principes libéraux de 1789… Puis elle fut politique d’abord, avant de devenir exclusivement socio-économique sous le pontificat du stalinien Albert Soboul, mandarin suprême de la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne. Le Bouddha vivant Soboul ayant été jeté aux enfers à la suite d’une lutte âpre contre les tenants de la nouvelle histoire, elle fut culturelle et intellectuelle tout entière. Il ne fut plus possible de comprendre la révolution sans la lecture que François Furet en donna à partir de la fin des années 1960 et jusqu’à sa mort en 1997.

Depuis, sa consœur en historiographie, Mona Ozouf, joue les gardiennes du temple, allant jusqu’à juger de « peu d’intérêt » l’imposant Livre noir de la révolution française, publié en 2008 aux éditions du Cerf, sous la direction de Stéphane Courtois, et regroupant des plumes historiques et littéraires parmi les meilleures. Pour être honnête, ce livre porte mal son titre et il est plutôt un des inventaires les plus aboutis de l’histoire française de la Contre-Révolution, qu’un authentique livre noir. De là à juger sans intérêt cette remarquable somme de connaissances, Madame Ozouf pousse l’excommunication un peu loin.

Il y a bel et bien une ecclésiologie dans la lecture de la Révolution française, et gare à qui s’en éloigne jusqu’à ce que l’ancienne foi soit balayée par une nouvelle ! Quoi qu’il en soit, l’événement révolutionnaire demeure le point nodal de notre histoire contemporaine, celui autour duquel tournent tous les enjeux. La lecture que l’on donnera de la Révolution sera toujours éminemment politique, et orientée, même chez les chercheurs les plus sérieux. Faut-il pour autant retirer tout crédit à ces chercheurs ? Certainement pas ! Chacun a apporté une pierre fort utile à la compréhension de ce bel édifice, d’Augustin Cochin à François Furet, en passant par Tocqueville, Mathiez, Soboul, et tant d’autres. Le péché réside dans l’absolutisation de la thèse défendue au détriment des autres. L’histoire, avec la révolution, se prend pour ce qu’elle n’est pas, pour une foi. Elle n’est qu’un outil de compréhension et dès lors doit savoir accéder aux autres points de vues, non pas dans la contradiction qu’ils portent ; deux thèses portant sur le même point et se contredisant ne peuvent être acceptées pour vraies l’une et l’autre, à moins de tomber dans le relativisme le plus débilitant ; mais dans la capacité de la thèse nouvelle à éclairer un point sombre, à l’enrichir. Cette approche des apports nouveaux, chaque école le vit pleinement, mais en son sein, séparée des autres.

Une seule fait exception, celle qui aborde, depuis la fin des années 1990, autour de deux figures historiennes, les origines religieuses de la révolution française. Peut être parce que le sujet est si peu abordé en tant que tel que ces rares figures se sentent investies d’une légitimité trop faible pour balayer les autres thèses et ainsi s’en accommodent, ayant uniquement la prétention d’ouvrir une autre voie d’approche.

De fait, lorsque l’on parle de la révolution, on parle forcément de religion et d’Eglise, mais en l’intégrant aux thèses dominantes, ou en l’insérant dans le déroulé des faits, avec les listes de prêtres réfractaires ou jureurs, la constitution civile du clergé, les martyrs de septembre, les mariés de la Loire, puis le Concordat, éventuellement pour les plus hardis les élucubration de l’abbé Barruel. Par contre, la religion en tant que sujet autonome n’est quasiment jamais abordée dans la lecture des sources de la révolution française. C’est une erreur de méthode colossale qui vient à négliger, chez les plus grands historiens, cet aspect de la vie des hommes de l’époque, cette vie de foi qui était pour beaucoup comme une seconde respiration et donc inspirait forcément leurs actes, leurs pensées politiques, leurs craintes.

On oublie un peu vite, par exemple, que Sieyès et Talleyrand étaient prêtres, qu’un prêtre lit chaque jour son bréviaire et dit sa messe, qu’il reçoit en confession ou en direction spirituelle. Sans doute nos deux larrons avaient-ils une pratique un peu lâche et étaient-ils autant sous l’alcôve qu’à l’autel. Mais cette vie sacerdotale ils devaient la pratiquer au moins de façon superficielle, et il fut tout une période de leur existence où elle était la vie même. La simple prise de conscience que deux des plus grands acteurs de la Révolution aient connu par cœur leurs oraisons, leur bréviaire, des dizaines de psaumes, sans doute leur messe, aient eu une connaissance fine de nombre d’écrits théologiques permet d’envisager différemment leurs prises de position.

Sans forcément s’attarder sur ces deux figures, c’est un point qu’abordent avec détail l’historien américain protestant Dale van Kley et la française Catherine Maire. Notamment, Van Kley, dans son Histoire des origines religieuses de la révolution française, publiée en France aux éditions du Seuil en 2001, montre bien comment le protestantisme dans son opération de sécularisation de la vie politique, faute de clergé, puis le jansénisme à partir du règne de Louis XIV et plus intensément sous Louis XV, ont préparé le terrain à la révolution. Attardons-nous sur ce jansénisme. Théologie de la grâce condamnée par l’Eglise pour son rigorisme et le peu de place qu’elle laisse au libre arbitre dans l’obtention de cette grâce via les œuvres, le jansénisme possède surtout, dans le sujet qui nous intéresse, un versant politique. Les élites jansénistes sont largement des élites parlementaires parisiennes. La persécution religieuse dont pâtira ce groupe spirituel se traduira en une résistance politique tenue fermement par le parlement de Paris. La foi persécutée servira de ciment aux parlementaires parisiens et les galvanisera avec les parlements de province contre les auteurs de la persécution, la papauté et le roi. Une haine authentique de la papauté naîtra dans certains cercles. Le cercle janséniste, ici, s’élargit en ce sens qu’il séduit également les ecclésiastiques gallicans trop heureux d’envisager pouvoir se passer un jour de la tutelle temporelle de Rome (loin d’eux l’idée de se couper de sa tutelle spirituelle, bien que l’un n’aille pas sans l’autre dans la vie de l’Eglise). Cette lutte anti-pontificale se traduira en 1764 par l’expulsion des meilleurs soutiens du pontife en France, les jésuites, expulsés du royaume de France pour une sombre affaire de dettes impayées, mais avec surtout l’alliance des groupes de parlementaires jansénistes, gallicans et philosophiques. La vengeance est un plat qui se mange froid, et les jansénistes faisaient payer à la compagnie de Jésus les injures du siècle de Louis XIV.

Voilà pour la politicaillerie.

Quant aux idées, elles sont encore plus porteuses de subversion. Dans le courant du XVIIIe siècle, renouant avec les vieilles lunes du grand schisme d’Occident de 1378, les penseurs jansénistes promeuvent un gouvernement de l’Eglise qui, dans le fond les arrange, où l’institution hiérarchique doit, pour se rapprocher de la réalité de l’Eglise comprise en tant qu’assemblée des fidèles, être gouvernée par un concile régulier. C’est le retour du conciliarisme. Les jansénistes, ici, s’inspirent du théologien Richer, qui préférait largement le gouvernement de l’Eglise par une assemblée de prélats et de représentants des fidèles que par le souverain pontife. Allons plus avant. C’est en fait le sillage de la souveraineté populaire qui se trace. L’Eglise ne serait plus gouvernée du haut, mais à partir de la base dans laquelle serait la véritable légitimité.

En sous-estimant la portée de la diffusion des arguments jansénistes dans la société intellectuelle française, les historiens sont souvent passés à côté de cette source d’inspiration du principe de souveraineté populaire et du gouvernement par une assemblée. Ce n’est certes pas la seule source d’inspiration, mais dans un pays qui respire la chrétienté, elle est loin d’être négligeable.

Rassemblons les éléments de cette préparation : gallicanisme exacerbé, repliement français, rejet du pontife, conciliarisme, agitons bien l’ensemble et nous avons des éléments détonants pour comprendre une voie d’accès à la révolution, pour comprendre la sape du pouvoir royal dans les élites dès le milieu du règne de Louis XV, pour comprendre enfin la Constitution civile du clergé, aboutissement naturel d’un siècle de réflexion. Sachant également qu’à ces considérations de doctrine, Talleyrand, auteur de la dite constitution, schismatique par ailleurs, ajoutait des considérations financières pour l’entretien du clergé. Un clergé d’autant plus nationalisé et donc dépendant du peuple, qu’il serait rétribué par l’Etat.

Les jansénistes avaient-ils conscience de la bombe qu’ils préparaient ? Certainement pas ! Se réjouirent-ils des événements ? Au début oui. L’abbé Grégoire, autre grande figure révolutionnaire, n’était-il pas jansénisant, voire janséniste ?

Mais la joie fut de courte durée. Il y avait un jansénisme populaire, il y avait un jansénisme parlementaire et bourgeois, il fut balayé dès 1789 par la suppression des parlements, la fin des jurandes qui ruinait les métiers de corporation, et enfin la décapitation, au propre comme au figuré, de la noblesse de robe dans les tourmentes de la Terreur. Les jansénistes parisiens avaient, comme les bourgeois de Trotski, tissés la corde qui allait servir à les pendre. Jamais ce courant spirituel ne s’est remis de la tourmente révolutionnaire. Au XIXe siècle, amoindri, privé de toute visibilité, portant des préoccupations à cent lieues de celles, même religieuses, des Français, ils disparurent, peu à peu, dans le domaine de l’anecdote, de l’histoire secrète, dans le mythe du tout petit reste, de la communauté des purs…

Tout ça pour en arriver là !

Mais c’est une autre histoire, et celle qui nous intéresse s’est arrêtée en 1789. Cette lecture de la montée vers la révolution ne manque pas d’intérêt et on ne peut que regretter que si peu d’historiens l’exploitent. Espérons que les thèses de Van Kley et Maire seront suivies d’autres et enrichies, jusqu’à ce que cette voie se taille enfin la part qu’elle mérite, aux côtés de l’analyse socio-économique, politique et intellectuelle.

A lire :

Maire Catherine, De la cause de Dieu à la cause de la nation, le jansénisme au XVIIIe, Gallimard, Paris, 1998.

Van Kley Dale K., Les origines religieuses de la révolution française, 1560-1790, Le Seuil, Paris, 2002

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jeudi 11 mars 2021

Les mystères d’Eleusis 2/2

  

Déméter, représentation de Howard David Johnson

DIONYSOS

Pendant son errance, "Déméter" avait été recueillie à Eleusis avec générosité, où dévoilant son identité, elle remercie ses hôtes en les initiant à ses mystères et aux secrets de l'Agriculture. C'est l'origine du culte qui sera consacré à la Mère et sa fille et célébré sur place, au temple de "Déméter" sous le nom des "Mystères d'Eleusis".

Ce culte, célébrant les cycles de la vie voit le principe de résurrection renforcé par le culte associé à "Dionysos" qui y est célébré.

Le destin de ce Dieu de la vigne est symboliquement similaire à celui du Nazaréen célébré par les chrétiens.  Fils de "Zeus" et de la mortelle "Sémélé", c'est un Dieu errant qui se manifeste par des apparitions et des prodigues. Persécuté par les titans, il est tué et Athéna recueille son coeur et le rapporte à Zeus qui le dévore offrant ainsi à "Dionysos" une résurrection et une deuxième vie.

SÉMÉLÉ

Un autre jour, "Dionysos" décide d'aller visiter sa mère la mortelle "Sémélé" aux enfers d'où il l'arrache du Royaume d'Hadès et la transporte jusque dans l'Olympe, où elle devient immortelle sous le nom de "Thyoné". C'est une "assomption" dans la définition la plus stricte et chrétienne du terme !

"Dionysos" est adopté par les Romains sous le nom de "Bacchus" où la légende de l'enlèvement de sa mère "Sémélé" va se répandre dans tout l'empire. "Sémélé" est célébrée par les romains, à cause de cette "assomption" et elle est adorée comme l'incarnation de l'esprit de Dieu; Pure et sans tâche, la "Sémélé" romaine, source du divin est appelée "vierge immaculée" et sa célébration se déroulait ....en août !

NEMORALIA

Mais c'est  un autre culte romain, qui est à l'origine de célébrations païennes honorant la "Diane", la Déesse de la chasse et de la lune, qui se déroulait durant les ides d'Août (13 au 15) : c'est la "Nemoralia".

La Déesse "Diane" des Romains, assimilée à la Déesse "Artémis" des Grecs, est une personnification de la Nature sauvage, des animaux et du ciel nocturne et symbole de la fécondité. Il est a noter qu'elle fait partie des rares  "Déesses vierges" du panthéon païen.

Voilà, tout est déjà en place dans les temples et les coeurs des Hommes lorsque les chrétiens arrivent : les personnifications divines, les symboles, les fonctions, les allégories, le légendaire, et même le calendrier ! Le christianisme, hypocrite et violent, en s'acharnant à détruire l'ancienne foi païenne, n'a en réalité chercher qu'a l'imiter, dans le but de détourner ses fidèles et corrompre ses rituels.

LE CULTE MARIAL CHRÉTIEN

La popularité de la Déesse Mère, la renommée de Sémélé dans tout l'Empire permit de maintenir vivant le culte dédié aux cycles agricoles et ses déesses tutélaires. L'Eglise va devoir intégrer les traditions païennes dans sa théologie, les christianisant peu à peu jusqu'à élever culte marial au rang de dogme théologique.

UNE  TRADITION QUI RÉSISTE ET S'IMPOSE

- En 373, Saint Ephrem évoque le concept selon lequel le corps de Marie serait resté intact après sa mort.

- Au VIe siècle, l'empereur byzantin Maurice instaure la fête de la Dormition de la Vierge Marie chaque année à la date du 15 août, qui est ensuite est introduite en Occident sous l'influence du pape Théodore au VIIe siècle.

- Au VIIIe siècle la célébration prend le nom d'Assomption Elle est citée "fêtes d'obligation" en 813 par le Concile de Mayence.

- En 1637, le roi Louis XIII, désirant un héritier, consacre la France à la Vierge Marie et demande A la naissance du futur Louis XIV le 15 août  devient fête nationale.

- En 1854 la proclamation du dogme de l’Immaculée conception provoque de nombreuses polémiques.

- Le 1er novembre 1950, Pie XII institutionnalise la fête mariale qui existe depuis quatorze siècles en proclamant personnellement, infailliblement, le dogme de l'Assomption pour l'Église Catholique

"VOX POPULI, VOX DEI !"

Malgré les attaques qu'elles subissent depuis plus de 2000 ans, les croyances païennes qui plus est fragilisées par leur tolérance naturelle, existent toujours au sein de la "foi native" des populations européennes fidèles à leurs traditions.

Pendant des siècles le souvenir de la Déesse de la terre cultivée s'est transmis à travers des objets (couronnes, gerbes etc..), des rituels (rogations), des dictons ("La Vierge du quinze août arrange ou dérange tout"), des gestes etc... et le culte légendaire des anciennes déesses a lui aussi connu une "résurrection" à travers les célébrations mariales...

Le christianisme, si il a pu détruire les temples et les guerriers des dieux masculins, en revanche n'a pas réussi a faire disparaître la présence de la Déesse-mère dans le coeur des Hommes, et ce malgré les 4 siècles d'incendies qui dressèrent des bûchers hurlants à travers l'Europe des antiques "sourcières".

Et l'Eglise catholique, héritière directe de ce besoin revendicateur d'adoration d'un principe féminin et maturant s'est résignée à l'intégrer dans son univers théologique appauvri, et d'accorder à Myriam une place particulière et élevée, issue directement du symbolisme païen de l'antiquité, : celle de la Vierge reconnue "Théotokos" (Mère de Dieu)

Alors, faute de pouvoir la faire disparaître des consciences, l'Eglise va tenter d'enfermer l'universalité de la Grande Déesse dans le dogme chrétien, et sa définition étriquée et aride d'une monolâtrie universalisée, étendant son interprétation prosélytique à la christianisation des "Vierges noires", pourtant antérieures de plusieurs siècles à l'année zéro de la "révélation"...

Et l'Eglise embarrassée que ces croyances persistantes, les intègre en les qualifiant à son tour de "mystères", qualificatif également emprunté aux religions anciennes, mais qui ici n'est qu'une forme lâche évitant  toute forme d’exégèse  approfondie qui trahirait sa forfaiture.

CONCLUSION

La Vierge Marie, que les chrétiens catholiques et orthodoxes célèbrent ce 15 août, ne doit pas nous faire oublier les madones sacrées d'Eleusis, de Rome ou de Scandinavie, car il s'agit bien d'Elle, la Grande Déesse-Mère, dans sa réalité plurielle et qui, fidèle à son initiation, se métamorphose sans cesse, renaissant à travers les cycles des saisons comme ceux des civilisations, à chaque fois, vierge et pure, et dispensant auprès de ses fidèles un amour maternel et protecteur éternel.

Erwan Castel, Cayenne le 15 août 2013

http://alawata-tradition.blogspot.com/search/label/D%C3%A9esse-m%C3%A8re

Les mystères d'Eleusis 1/2

  

Déméter, représentation de Howard David Johnson

La religion chrétienne, tout en luttant farouchement contre les croyances païennes, n'en assimila pas moins de nombreux éléments des anciens polythéismes originels, dont les principaux rites, symboles, fêtes etc...furent  intégrés souvent par stratégie prosélytique dans le nouveau calendrier liturgique.

Parmi les croyances païennes qui résistent et survivent au coeur de la nouvelle religion, celles liées à la Déesse Mère jouent un rôle particulier et influencent la théologie chrétienne à travers le personnage de Marie qui va évoluer progressivement dans l'histoire de l'Eglise pour rejoindre dans une dimension solaire le personnage de son fils Jésus.

LA FÊTE DE L'ASSOMPTION

L'"assomption" (du latin "assumere" : prendre, enlever) des chrétiens est aujourd'hui un dogme qui célèbre l'élévation au ciel, de Marie, "la Mère de Dieu", c'est surtout la reconnaissance par l'Eglise d'un "culte marial" populaire et tenace dont les origines remontent à la plus haute antiquité païenne.

En effet cette fête que le calendrier liturgique fixe aujourd'hui le 15 août, n’a été reconnue que très récemment, en octobre 1954 par les catholiques, après la publication deux ans auparavant du dogme de l’Assomption par le pape Pie XII après des siècles d'études théologiques menées depuis les "Pères de l'Eglise"

Car l'élévation de Marie, "à la gloire du ciel en son âme et en son corps, exaltée par le Seigneur comme Reine de l'univers afin de ressembler plus parfaitement à son Fils" (Constitution dogmatique "Lumen Gentium" sur l'Eglise Vatican II, 1964) ne trouve pas sa source dans les textes reconnus par l'Eglise, bien au contraire... mais dans des croyances populaires issues de la Tradition et qui vont lui donner une dimension légendaire..

Car sans rentrer dans les querelles théologiques qui opposent autour du personnage de Marie, les catholiques avec les orthodoxes (au sujet de l'"immaculée conception") ou avec les protestant (qui rejettent toute forme de "mariolatrie") il faut admettre qu'initialement, dans les écritures, même si son fils se voit attribué une naissance surnaturelle (et symboliquement solaire),  "Myriam" en revanche est une femme humaine et mortelle, qui épousa Joseph et dont les textes rapportent peu de témoignages.

A l'époque de l'évangélisation, l'église chrétienne primitive voit arriver de nombreux convertis d'origine païenne, habitués au culte des déesses. Naturellement ces populations essentiellement agricoles identifièrent le personnage maternel de Marie, comme une continuité de la divinité maturante, déesse des cycles saisonniers et de l'Agriculture. Cette survivance païenne dans la symbolique chrétienne fut certainement favorisée également par le catéchisme des premiers prêtres d'origine celtique qui utilisaient l'image de la mère du Christ pour mieux corrompre les symboles païens et détourner les cultes féminins dédiées à la Déesse Mère.

LES ORIGINES PAÏENNES

Les religions polythéistes originelles, vouent toutes un culte particulier à la Terre, et ce panthéisme connait par la suite plusieurs représentations divines, déclinaisons de la Déesse Mère.

Sous son aspect naturel et sauvage, c'est la "Gaia" des Grecs, la "Tellus" des Romains... Déesse primordiale qui personnifie la Terre en tant que matière, elle est l'ancêtre maternel des races divines, apparue juste après le Chaos, elle donnera naissance seule, au ciel (Ouranos), à la mer (Pontos) et aux montagnes (Ouréa), avant de s'unir à eux et enfanter les Titans et autres divinités.

Sous son aspect cultivée et fécond, elle est la "Déméter" des Grecs, l'"Isis" des Égyptiens, la "Cérès" des Romains, la "Cerrydwen" des Celtes ou la "Freyja" des Scandinaves...

Déesse de la fertilité et de l'Agriculture, Cette manifestation  de la Terre-Mère est au agit directement auprès des Hommes, leur dispensant les cycles saisonniers alternant entre le monde souterrain et obscur de la Mort et celui, terrestre et lumineux de la vie.

Ces divinités païennes symboles de beauté et fertilité, et associées aux activités agricoles étaient souvent célébrées au mois d'août, pendant les moissons (au mois d'août): c'est le "Lugnasad" des Irlandais, la fête de"Lug" fils et époux de la Déesse mère "Eithne"; ou le "Sacrum Anniversarium Cereris" des Romains , en l'honneur de Cérès, Déesse de la Terre, à qui étaient offert les "prémices" premiers fruits des récoltes, et les premiers nés des troupeaux.

DÉMÉTER

Mais c'est certainement le culte de la "Déméter" des Grecs, qui par les descriptions existantes, illustre le mieux le rapport divin aux cycles de la Nature, symboles de l'immortalité de la vie, qui connaît après chaque mort cyclique, une résurrection et une nouvelle virginité.

"Déméter" (en grec ancien Δημήτηρ / Dêmếtêr qui dérive de Γ Μήτηρ / Gễ Mếtêr, « la Terre-Mère » ou de Δημομήτηρ / Dêmomếtêr, « la Mère de la Terre », de δμος / dễmos, « la terre, le pays ») est la Déesse de la Fertilité et des moissons. Dans la mythologie des cycles des saisons, elle est indissociable de sa fille "Perséphone" qui elle est devenue la Déesse du monde souterrain (les Enfers), associée au retour de la végétation lors du printemps.

"Déméter aux beaux cheveux, vénérable Déesse à la faucille d’or et aux beaux fruits, qui dispense les saisons et les beaux présents" (Hymnes homériques) a une fille, "Perséphone aux belles chevilles", et  qui est enlevée par "Hadès" le Dieu des Enfers. Sa mère terrassée par le chagrin, sous la forme d'une vieille femme nommée "Doso" erre à la recherche de son enfant, délaissant le monde des humains qui voit ses terres devenir stériles : « La Terre sera affamée tant que je n'aurai pas retrouvé ma fille. »....

La famine et la mort guettent le monde des humains et "Hélios", le Dieu solaire témoin de l'enlèvement de "Perséphone" révèle à sa mère le coupable. Pendant ce temps là, "Perséphone" aux Enfers est piégé par le rusé "Hadés" qui lui fait manger sept pépins de grenade, nourriture réservée aux morts et la liant ainsi éternellement au Royaume de son époux "Hadès" auprès duquel elle assumera désormais sa fonction de Reine des morts.

La situation semble sans issue aussi l'arbitrage de "Zeus" est réclamé et un compromis est accepté par "Hadès" et Déméter" : Perséphone passera l'Automne et l'Hiver dans les enfers souterrains en tant que Déesse des morts et le Printemps et l’Été avec sa mère en tant que "Coré", la Déesse du blé. Cette alternance célèbre le retour à la vie, le cycle des saisons et et celui des moissons et de la fertilité de la terre où les semences renaissent de l'obscurité du royaume des morts offrant aux fidèles une promesse de résurrection et de retour sur terre.

Pour découvrir le mythe de Déméter,  le lien ici : Hymne homérique à Déméter, traduction par Leconte de l'Isle

À suivre