Affichage des articles dont le libellé est L'Humanité. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est L'Humanité. Afficher tous les articles

vendredi 12 mars 2021

LE LIVRE NOIR DES COMPLICES

 Si la tyrannie communiste a pu se maintenir pendant plus de sept décennies, elle l’a dû aux relais dont elle a bénéficié à l’Ouest. Thierry Wolton a fait le tour d’horizon des « idiots utiles ».

Journaliste, essayiste et historien, Thierry Wolton est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages traitant de politique française et de relations internationales, dont une douzaine d’essais consacrés à l’histoire des pays communistes.

Il y a un peu plus de dix ans, il a entrepris un projet colossal : une histoire globale du communisme analysant toutes les facettes du phénomène à travers les cinq continents. Les deux premiers volumes de cette Histoire mondiale du communisme, fruit de dix ans de travail sur le sujet mais aussi d’une vie de recherche sur la question totalitaire, ont paru en 2015. Le premier volume, Les Bourreaux, abordait cette histoire sous l’angle des pouvoirs communistes dont il décrivait l’idéologie, les objectifs et les méthodes. Le deuxième volume, Les Victimes, explorait le communisme d’en bas, se penchant sur le sort des populations et des sociétés soumises au joug marxiste-léniniste, en Europe de l’Est, en Amérique latine, en Asie ou en Afrique.

Voici enfin le troisième volume de cet « essai d’investigation historique » sans équivalent. Intitulé Les Complices, ce livre retrace ce qui n’est pas le moins effroyable dans l’histoire du communisme : les complicités, les complaisances et les aveuglements dont ce système totalitaire a bénéficié tout au long du XXe siècle, et au-delà. Nourri de faits, de documents, de portraits et d’anecdotes qui parfois prêteraient à sourire si le sujet n’était dramatique, ce récit qui complète la trilogie de Wolton fait la part de l’utopie, de la lâcheté ou de l’intérêt matériel dans ce qui a permis aux Etats communistes de durer si longtemps, et d’échapper le plus souvent au jugement de la postérité, le manteau de l’oubli étant jeté sur les crimes du communisme.

Dans l’enquête de Thierry Wolton, nous avons dégagé sept familles de complices du communisme, représentées chacune par une personnalité emblématique, sans ignorer que cette typologie pourrait être complétée ou affinée. « Cette histoire, souligne l’auteur, oblige à regarder une face sombre de l’humanité, ce qui est douloureux ». Le grand Soljénitsyne, qui avait tant fait pour faire connaître la réalité du communisme, nous a appris qu’avoir le courage de regarder la vérité en face est le seul moyen de conserver sa liberté de pensée.

Les staliniens / Pierre Daix

En mai 1945, un sondage Ifop révèle que 57 % des Français considèrent l’Union soviétique comme le pays qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne. L’URSS, puissance amie, est par conséquent tout aussi intouchable que son dirigeant, Joseph Staline. Auréolé de sa participation à la Résistance, le PCF remporte 26 % des suffrages aux élections législatives d’octobre 1945, 28 % à celles de 1946. Siégeant au gouvernement jusqu’en 1947, il domine la scène politique et intellectuelle, et veille à la solidarité absolue due à l’URSS, incriminant toute critique du système soviétique de sympathie rétrospective pour le nazisme. Pierre Daix, responsable des étudiants communistes dans Paris occupé, déporté à Mauthausen pour faits de résistance en mars 1944, membre du cabinet du ministre communiste Charles Tillon à la Libération, est rédacteur en chef des Lettres françaises, le mensuel culturel communiste fondé par Aragon, de 1948 à 1950, et le sera de nouveau de 1953 à 1972. En 1949, lorsque David Rousset, ancien trotskiste et ancien déporté, lance un appel dans le Figaro littéraire pour la création d’une commission d’enquête sur le système concentrationnaire de l’URRS, c’est Pierre Daix qui lance la contre-offensive dans l’Humanité, accusant Rousset, en ce temps de guerre froide, de « préparer les esprits à un conflit contre l’Union soviétique », puis dans les Lettres françaises. Dans son article, titré « Pierre Daix, matricule 59 807 à Mauthausen, répond à David Rousset », le journaliste nie toute analogie entre les camps nazis et les camps soviétiques, vantant ces derniers comme une « magnifique entreprise » : « Les camps de rééducation en Union soviétique sont le parachèvement de la suppression complète de l’exploitation de l’homme par l’homme. » David Rousset ayant assigné Claude Morgan, le directeur des Lettres françaises, et Pierre Daix, ceux-ci seront condamnés pour diffamation. Il faudra un très long chemin pour que Daix, ébranlé par l’intervention soviétique contre le Printemps de Prague, en 1968, puis en 1974 par l’expulsion d’URSS de Soljenitsyne, écrivain auquel il avait consacré l’année précédente un essai laudateur, renonce à reprendre sa carte du PC. Son autocritique, il la fera en 1976 dans J’ai cru au matin : « Moi, l’ancien de Mauthausen, j’ai bien aidé les bourreaux du goulag ».

Les compagnons de route / Jean-Paul Sartre 

En 1948, les Temps modernes, revue lancée trois ans plus tôt par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, est à la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et communisme. Au Congrès mondial des intellectuels pour la paix, organisé par les communistes à Wroclaw, en Pologne, cela vaut à Sartre d’être traité de « hyène dactylographe ». En 1950, toutefois, la revue condamne l’antisoviétisme de David Rousset : « L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues ». C’est le début du rapprochement de Sartre et du Parti communiste, mouvement qui s’accélère à la mort de Staline, en 1953. « Jean-Paul Sartre symbolise le compagnonnage de route des années du post-stalinisme », observe Thierry Wolton. En 1954, le philosophe effectue une visite à Moscou et à Leningrad, où il se rendra régulièrement jusqu’au milieu des années 1960 : « Les Soviétiques, commente Wolton, ont le savoir-faire nécessaire pour amener leur hôte à voir ce qu’ils veulent. » Au retour de son premier voyage, le philosophe confie ses impressions à Libération (quotidien des compagnons de route du PCF qui disparaîtra en 1964) : « Le citoyen soviétique possède à mon avis une entière liberté de critique. […] Vers 1960, avant 1965 […], le niveau de vie moyen en URSS sera de 30 à 40 % supérieur au nôtre. »  En 1961, à l’occasion d’un hommage funèbre à Merleau-Ponty, il racontera comment la répression d’une manifestation communiste à Paris, lors de la guerre de Corée, l’avait retourné : « Les derniers liens furent brisés, ma vision fut transformée : un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais. » Engagé en faveur de la décolonisation et dans la lutte contre la guerre d’Algérie, Sartre placera ensuite dans les peuples du tiers monde l’espoir de rupture qu’il mettait naguère dans le prolétariat français. Directeur ou soutien affiché de plusieurs journaux gauchistes dans les années 1970 (La Cause du peuple, J’accuse, le nouveau Libération), il n’aura pas cessé de croire en la révolution.

Les curés rouges / l’abbé Boulier

Lorsque Nikita Khrouchtchev, répondant à l’invitation du général de Gaulle, effectue une visite officielle à Paris, en 1960, l’ambassadeur d’URSS offre une réception dans son hôtel de la rue de Grenelle. Parmi les 500 invités qui salueront le maitre du Kremlin déambule un prêtre suspendu par le Vatican, mais indéfectiblement fidèle à l’alliance franco-soviétique : l’abbé Boulier. « L’abbé Jean Boulier, remarque Thiery Wolton, incarne le « curé rouge » dans la France de l’immédiat après-guerre ». Curé de paroisse à Paris (1932-1938) puis à Monaco (1938-1941), cet ecclésiastique qui a participé, avant-guerre, à la fondation de la Jeunesse ouvrière chrétienne est en contact avec la Résistance communiste dans la France occupée. A la Libération, soutient l’expérience des prêtres-ouvriers. En 1946, il organise le voyage d’Emmanuel Mounier en Pologne, visant à nouer des liens entre la revue Esprit, où s’expriment nombre de compagnons de route chrétiens du communisme, et le mouvement catholique polonais Pax, courroie de transmission communiste. En 1947, il appuie l’Union des chrétiens progressistes, un parti fondé en 1947 par des intellectuels qui estiment, derrière André Mandouze, que les démocrates-chrétiens du MRP se situent trop à droite et qu’il leur appartient d’œuvrer politiquement et électoralement aux côtés du Parti communiste. L’abbé Boulier, engagé dans le Mouvement de la Paix, en 1948, et présent (en soutane) au congrès de Wroclaw, s’en explique ainsi : « Les chrétiens doivent combattre l’ordre social brutal, où l’argent est roi. » Sa proximité voyante avec les idées communistes lui vaut d’être suspendu en 1950, et même réduit à l’état laïc en 1953. Ne cessant d’arguer de sa foi catholique, l’abbé Boulier sera réintégré après le concile Vatican II, et publiera son autobiographie en 1977 : J’étais un prêtre rouge. Petite curiosité, jusqu’à sa mort, survenue en 1980, ce prêtre hors-cadre ne cessera de célébrer la messe en latin.

Les maoïstes /  Philippe Sollers

Mao Tsé-Toung décrète la « Révolution culturelle » en 1966. Au pouvoir depuis 1949, le dictateur communiste a déjà imposé à la Chine un régime politique et économique dont le bilan s’établit en millions de victimes. Mais le mouvement qu’il lance aspire à aller plus loin dans la transformation de la société chinoise. Tandis que les gardes rouges – des adolescents fanatisés – sont lâchés par bandes à travers le pays, tout ce qui vient d’Occident et tout ce qui évoque l’ancienne Chine est détruit, et les Chinois se doivent d’apprendre par cœur les citations du président Mao recueillies dans le Petit Livre rouge. C’est à ce moment-là qu’en Occident, dans les cercles nés de la dissidence avec le Parti communiste, s’épanouit la fascination pour la Chine populaire, ce pays qui a rompu avec Moscou en 1960. En 1968 et dans les années suivantes, les mouvements maoïstes tiennent leur place dans la galaxie gauchiste. Entre 1971 et 1976, Tel Quel, revue fondée en 1960 par Philippe Sollers, un jeune espoir de la littérature française, offre une tribune à la pensée Mao Tsé-toung. En 1971, la revue publie un épais volume de la députée communiste italienne Maria-Antonietta Macciocchi, De la Chine : six cents pages d’exaltation de la Révolution culturelle qui seront un bestseller en Europe. En 1974, l’équipe de Tel Quel (Roland Barthes, Philippe Sollers, Julia Kristeva) se rendent en Chine où les autorités, comme ils l’ont fait avec  Maria-Antonietta Macciocchi, leur montrent ce qu’elles veulent leur montrer. Un numéro complet de la revue sera consacré aux observations que les Français ont tirées de leur voyage, à peu près toutes louangeuses : Thierry Wolton signale que Sollers tance ses compagnons de voyage « lorsqu’ils font la fine bouche sur les réussites du maoïsme ». La même année, le sinologue Simon Leys, dans Ombres chinoises, livre la vérité sur ce pays transformé en fourmilière encadrée par le Parti et où tout rebelle est exécuté ou expédié au laogai, le goulag chinois. Mais personne ne l’écoute. En 1976, Tel Quel pleure la mort de Mao. Il faudra les règlements de comptes consécutifs à la mort du dirigeant chinois et l’emprisonnement de sa veuve, Jiang Qing, pour que Sollers ouvre les yeux. « Mao a prolongé pour nous, écrit-il en 1977, la vie de ce qu’il faut bien appeler, aujourd’hui, l’illusion marxiste ».

Les castro-guévaristes / Régis Debray

En 1956, Fidel Castro et son frère Raul débarquent à Cuba à la tête d’une troupe armée. L’expédition est décimée. Parmi les douze survivants qui prennent le maquis se trouvent les frères Castro et un jeune médecin argentin, Ernesto Guevara, qu’on surnommera bientôt le Che. En 1959, la guérilla révolutionnaire est victorieuse du régime corrompu de Fulgencio Batista. En 1961, Castro proclame Cuba « première république socialiste d’Amérique ». Une république gouvernée par la bureaucratie, la terreur politique et la suppression des libertés civiques. Généreusement accueillis à la Havane, journalistes et écrivains de gauche, de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir à Jacques Lanzmann ou Françoise Sagan, se bousculent néanmoins pour préparer des reportages et des livres où ils chantent la gloire du Lider maximo. Les responsables de l’Union des étudiants communistes – Régis Debray, Roland Castro, Bernard Kouchner – ne manquent pas ce pèlerinage à Cuba qui permet de joindre l’utile à l’agréable, le socialisme au soleil, au rhum et aux filles faciles. Brillant normalien, Debray, notamment, multiplie les séjours qui le conduisent à devenir l’ami de Fidel Castro et de Che Guevara. En 1965, après l’agrégation de philosophie, il s’installe à Cuba, et y rédige Révolution dans la révolution, une théorie de la guérilla. De la théorie à la pratique, il rallie la Bolivie où, sur les hauts plateaux, il organise des maquis. Capturé en 1967, il est condamné à trente ans de prison, quelques semaines avant que Che Guevara ne soit exécuté par les forces de l’ordre, entrant par la mort dans la légende. Trois ans durant, le slogan « Libérez Régis Debray » fleurira sur les murs de la Sorbonne. En 1970, sous la présidence de Georges Pompidou, le gouvernement français négociera discrètement avec la Bolivie l’amnistie et la libération du jeune philosophe qui, avant de regagner Paris, rendra visite au nouveau président chilien, Salvador Allende. Une quinzaine d’années seront nécessaires à Régis Debray, conseiller de François Mitterrand dans les années 1980, pour se déprendre du romantisme révolutionnaire.

Les pro-Indochinois /  Jean Lacouture

Jean Lacouture, successivement journaliste à Combat, au Monde, à France-Soir, à nouveau au Monde, ainsi qu’au Nouvel Observateur, a été, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, attaché de presse à l’état-major du général Leclerc en Indochine. Ce pays l’a marqué. Engagé à gauche, devenu une grande plume de la presse française et un historien du présent dont on pouvait reconnaître le talent sans partager les idées, il aura eu de multiples entretiens avec les leaders du tiers-monde, Nasser, Bourguiba ou Hô Chi Minh – ce dernier lui inspirant une biographie en 1967. Tout naturellement, au regard de ses opinions, il défendait l’indépendance du Vietnam. L’hostilité à « l’impérialisme américain », marqueur idéologique de la gauche de l’époque, le conduira à prendre parti pour tous les gouvernements hostiles aux Etats-Unis, que ce soit au Vietnam, au Cambodge ou au Laos, et ce sans considération de la place que les communistes y occupaient. En avril 1975, lorsque les Khmers rouges s’emparent de Phnom Penh et vident la ville de ses habitants, il y voit une « audacieuse transfusion de peuple » et salue la venue imminente d’un « meilleur Cambodge ». Quinze jours plus tard, il se réjouit de la prise de Saigon par les troupes du Nord-Vietnam, ne se posant guère de questions sur le régime qui allait s’imposer aux Vietnamiens du sud. En 1977, il prend connaissance du livre du père François Ponchaud, Cambodge année zéro, missionnaire qui allait révéler le génocide perpétré par Pol Pot et ses hommes. Le journaliste fait alors amende honorable. Interrogé par Valeurs actuelles (13-19 novembre 1978), Lacouture avoue « avoir pratiqué une information sélective en dissimulant le caractère stalinien du régime nord-vietnamien ». Et de préciser : « Je pensais que le conflit contre l’impérialisme américain était profondément juste, et qu’il serait toujours temps, après la guerre, de s’interroger sur la nature véritable du régime. Au Cambodge, j’ai péché par ignorance et par naïveté. Je n’avais aucun moyen de contrôler mes informations. J’avais un peu connu certains dirigeants actuels des Khmers rouges, mais rien ne permettait de jeter une ombre sur leur avenir et leur programme. Ils se réclamaient du marxisme, sans que j’aie pu déceler en eux les racines du totalitarisme. J’avoue que j’ai manqué de pénétration politique. »

Communistes jusqu’au bout / Aragon

De François Furet à Emmanuel Leroy Ladurie et d’Annie Kriegel à Dominique Desanti, on n’en finirait pas de dresser la liste des intellectuels qui ont été adhérents du Parti communiste et qui, un jour, ont rompu avec lui. Impossible d’en dire autant de Louis Aragon, grand écrivain français mais indéfectiblement membre du PCF jusqu’à sa mort. D’abord participant au mouvement Dada puis au surréalisme, rallié au communisme et adhérent du Parti en 1927, celui-ci est conduit à renier ses premiers engagements littéraires lorsque, emmené par sa compagne Elsa Triolet en URSS, en 1930, il assiste à la Conférence des écrivains révolutionnaires de Kharkov et doit signer une autocritique dans laquelle il désavoue tout ce qui contredit le matérialisme dialectique dans ses écrits antérieurs. En 1931, ce poète compose un hymne où il chante les méthodes du Guépéou (la police politique soviétique). De 1933 à 1935, il est une des chevilles ouvrières dans le monde intellectuel de la stratégie de front unique antifasciste décrétée par Moscou, participant notamment au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture qui se tient à Paris. Codirecteur du quotidien Ce soir lancé par le Parti en 1937, Aragon soutient le pacte germano-soviétique de 1939. Sous l’Occupation, il anime en zone sud le Front national des écrivains, une émanation communiste, et à la Libération devient secrétaire général du Comité national des écrivains, dont il sera ensuite président, organisation sous tutelle communiste qui veille à la rigueur de l’épuration dans le milieu littéraire. Aux Lettres françaises qu’il a fondées dans la Résistance, son influence reste prépondérante dans toutes les années d’après-guerre. En 1956, il intervient pour que le Comité national des écrivains ne condamne pas l’intervention soviétique à Budapest. En 1968, toutefois, il publie avec Pierre Daix, dans Les Lettres françaises, la protestation du CNE contre l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie à Prague. Cette prise de distance vis-à-vis de l’orthodoxie communiste poussera la direction du PC à liquider Les Lettres françaises, décision qui interviendra en 1972. La même année, Aragon acceptera quand même, pour ses soixante-quinze ans, la médaille soviétique de la Révolution d’octobre. Quand il mourra, en 1982, l’écrivain sera toujours membre du Comité central du PCF.

Jean Sévillia

Thierry Wolton Une histoire mondiale du communisme. Tome 3, les complices. Grasset, 1172 pages, 33 € jusqu’au 31 janvier 2018, 39 € au-delà de cette date.

Sources :  (Edition du  lundi 2 octobre 2017)

https://www.jeansevillia.com/2017/12/14/livre-noir-complices/

vendredi 26 février 2021

LE TEMPS DES CAMPS

 Le 12 novembre 1949, Le Figaro littéraire publie un article portant ce titre : « Au secours des déportés dans les camps soviétiques. Un appel aux anciens déportés des camps nazis ». Constatant que « des témoignages accablants sont produits en nombre toujours plus considérable sur les camps de déportation soviétiques », le texte réclame une commission d’enquête sur le sujet, commission formée « d’anciens déportés politiques éprouvés », rescapés des camps nazis. L’article est accompagné d’une carte des régions de déportation en URSS – le mot « goulag » y figure.

L’auteur, David Rousset, est un homme de gauche. Résistant, alors trotskiste, il a été arrêté en 1943, et déporté. Revenu vivant, il a publié L’Univers concentrationnaire, un témoignage sur les camps nazis (prix Renaudot 1946) et en 1947, Les Jours de notre mort, un roman fondé sur ses souvenirs de l’enfer. Le 15 novembre 1949, trois jours après l’appel du Figaro littéraire, David Rousset présente son initiative lors d’une conférence de presse qu’il tient avec Rémy Roure, un journaliste du Monde, comme lui ancien détenu de Buchenwald. Dès le 16 novembre, sous la plume de Pierre Daix, L’Humanité contre-attaque dans un article accusant Rousset et ses partenaires de préparer les esprits à un conflit contre l’Union soviétique ! Le lendemain, l’hebdomadaire communiste Les Lettres françaises défend le principe des « camps de rééducation » soviétiques, instruments de justice sociale, l’expression devenant « centres de rééducation » dans une brochure diffusée à 200 000 exemplaires par le PCF : « Pourquoi David Rousset a-t-il inventé les camps soviétiques ? » Il s’ensuivra un procès que les communistes perdront, comme ils avaient perdu leur procès contre Victor Kravchenko, ce dissident soviétique qu’ils accusaient de mentir lorsqu’il évoquait les camps en URSS. Le volume qui paraît aujourd’hui réunit les écrits de l’époque de David Rousset, mort en 1997, et quelques-uns de ses textes des années 1970. Ils montrent le long chemin qui aura été nécessaire, en France, pour faire admettre l’existence des camps soviétiques, et surtout leur équivalence avec les camps nazis, comparaison sacrilège.

Jean Sévillia

La Fraternité de nos ruines. Ecrits sur la violence concentrationnaire, 1945-1970, de David Rousset, Fayard, 394 p., 22 €.

Sources :  (Edition du  vendredi 25 mars 2016)

https://www.jeansevillia.com/2016/04/05/le-temps-des-camps/

dimanche 15 novembre 2020

Henri Alleg, un héros comme la gauche les aime (texte de 2013)

La gauche vient de perdre l'un de ses « héros » historiques, qui trahit le pays qui l'avait accueilli. Retour sur le parcours pas très clair du militant communiste Henri Alleg.

La gauche française est en deuil. Le 17 juillet est mort un citoyen modèle, auquel le président de la République, François Hollande, s'est empressé de rendre hommage dès le lendemain : « J'apprends la disparition de Henri Alleg. Son livre, La Question, publié en 1958 aux éditions de Minuit, alerta notre pays sur la réalité de la torture en Algérie. Toute sa vie, Henri Alleg lutta pour que la vérité soit dite. À travers l'ensemble de son œuvre - jusqu’à son dernier livre, Mémoire algérienne, paru en 2005 - il s'affirma comme un anticolonialiste ardent. Il fut un grand journaliste, d'abord à Alger Républicain, dont il assura la direction; puis à L'Humanité, dont il fut le secrétaire général et auquel il collabora jusqu’en 1980. Henri Alleg est constamment resté fidèle à ses principes et à ses convictions. » Fermez le ban !

La presse de gauche n’est pas non plus avare de louanges. L'un des meilleurs morceaux choisis des éloges funèbres publiées ces derniers jours a été mis en ligne sur le site Internet du journal Le Monde, signé de Charles Silvestre, ancien rédacteur en chef de l'Humanité, qui dresse le panégyrique du cher défunt. On y relève quelques informations, ou confirmations, que nous soulignerons.

Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, est né en 1921 à Londres, de parents juifs russo-polonais, ce qui permet à Silvestre d'écrire qu'il était « un melting-pot à lui tout seul. britannique par sa naissance, il sera français par choix quand sa famille s'installe au nord de Paris, puis algérien par adoption après l'indépendance de 1962 ».

Il n'est pourtant pas complètement apatride, puisque ce Russo-Polonais d'origine adhère au Parti communiste, plus russe que français.

« L’envie de bourlinguer le saisit en 1939 au moment où débute la seconde guerre mondiale. Il songe à l'Amérique mais débarque à Alger », poursuit Silvestre. Cette « envie de bourlinguer » tombe à point nommé pour lui éviter de se battre contre les armées du IIIe Reich, comme le font alors des milliers de jeunes Français de son âge. Il est vrai qu'à l'époque, le pacte germano-soviétique ayant été signé le 23 août 1939 entre l'Allemagne de Hitler et l'URSS de Staline, ses amis du Parti communiste n'encouragent pas encore la lutte contre les nazis et refusent la « guerre impérialiste ». Maurice Thorez lui-même, Secrétaire général du PCF, donne à ses « troupes » l'exemple de la désertion.

À Alger, Alleg fait ses preuves et devient, en 1951, directeur du quotidien Alger républicain, un organe du Parti communiste algérien (PCA). En 1954, dès les débuts de la guerre d'Algérie, les communistes aident la rébellion. En 1955, sous le gouvernement d'Edgar Faure, le PCA est très logiquement dissous, Alger républicain interdit et Alleg « plonge dans la clandestinité », comme l'écrit Silvestre; une « clandestinité » cependant assez confortable pour lui permettre de continuer à envoyer des articles à L'Humanité, qui continue de paraître librement en France.

Torture ou paire de gifles ?

Le tournant dans la vie de Salem/Alleg, qui va faire de lui un « héros », a lieu deux ans plus tard, pendant la bataille d'Alger, gagnée par les parachutistes de la 10e division aéroportée contre les terroristes du FLN, dont les attentats aveugles ensanglantent Alger avec l'active complicité des militants du PCA. Au nombre de ces derniers figure un assistant de mathématiques à l'université d'Alger, Maurice Audin, que les paras arrêtent en juin 1957. Le lendemain, 12 juin, (à cette date, le Garde des Sceaux s'appelait encore François Mitterrand…), Alleg tombe dans la souricière tendue par les soldats au domicile du mathématicien.

Selon l'Armée, Audin se serait tué en tentant de s'évader; tandis que selon les communistes, il serait mort sous la torture. Alleg y est lui-même soumis - du moins le prétend-il - et racontera les sévices qu'il aurait subis dans un livre promis à devenir une arme de propagande efficace aux mains du FLN et de ses amis en France : La Question, publié en 1958. (Il n'y pousse pas le scrupule de conscience jusqu'à dénoncer les tortures abominables pratiquées par ses amis du FLN pour soumettre à sa loi les populations…)

À partir du récit de l'intéressé, Charles Silvestre l'évoque « recroquevillé contre le mur, à moitié groggy. Le para a fait le "boulot" gégène, étouffement par l'eau, brûlures… (…) Il répond calmement : "Vous pouvez revenir avec votre magnéto [générateur d'électricité], je vous attends je n’ai pas peur de vous." » Même pas peur !

La version des militaires est sensiblement différente. À en croire le général Massu, « en fait de tortures, Alleg a reçu une paire de gifles ». Et le commandant Roger Faulques, officier de renseignement du 1er régiment étranger de parachutistes pendant la bataille d'Alger, a affirmé : « Je ne l’ai vu qu'une seule fois, mais il m’a fourni à cette occasion des indications qui m’ont permis d'arrêter les membres du parti communiste algérien. »

Après l'indépendance, Salem/Alleg choisit de demeurer en Algérie, mais y reste à peine trois ans. Un article paru dans Alger républicain en avril 2011 rapporte qu'il quitta le pays en 1965 parce que le PCA lui avait « confié la mission de participer à l’extérieur au rassemblement des forces démocratiques pour soutenir le combat du peuple Algérien vers le progrès et le socialisme ». À en croire Silvestre, il rentra en France en 1965 après une interdiction de paraître qui frappa Alger républicain sous Boumediene…

Charles Silvestre souligne encore que le grand honnête homme « était resté longtemps, en dépit de tout, solidaire des pays socialistes » - « en dépit », par exemple, du Goulag ? - et qu'« en désaccord sur ce plan avec le Parti communiste français, il n’avait pas aimé non plus les "dérives social-démocrates" qui, à ses yeux, dénaturaient le marxisme ».

À quand la panthéonisation de ce véritable héros de gauche ?

Hervé Bizien monde&vie 30 juillet 2013  n°879

mercredi 11 novembre 2020

Jean Jaurès, du mythe à la réalité

  


Homme de grande énergie, Jaurès est devenu un mythe. Assassiné à la veille de la Grande Guerre, il amène à se poser une question : aurait-il pu l'éviter ? La réponse est bien évidemment négative, et il est fort probable que Jaurès se fût rallié à l'Union sacrée et qu'il eut été oublié beaucoup plus vite.

Né à Castres, Jaurès a une sorte de tempérament solaire. Il aime l'infini et la coïncidence des contraires. Élève de la rue d'Ulm, devenu parisien par profession, il ne perd jamais ses attaches avec le Tarn. Républicain de gauche, il croit que la république est « force et lumière ». C'est dès l'origine un homme du « camp du progrès » - avec toute l'ambiguïté de cette expression. Ce n'est que progressivement qu'il se rapproche du socialisme. Dans un premier temps, il propose la transformation du Sénat en Chambre du travail. Républicain de gauche avant tout, il refuse tout césarisme, tel le boulangisme.

Sa thèse est que les socialistes sont les vrais républicains, et que les vrais républicains sont les socialistes ou ne peuvent que le devenir. Ce sera tout le problème posé par le jauressisme le socialisme, est-ce seulement la République poussée jusqu'au bout ? On sait que Jean-Claude Michéa ne cesse d'expliquer le contraire. En se bornant à être platement « de gauche », platement « républicaine » et défenseur conservateur de la République, même bourgeoise, surtout bourgeoise, le socialisme se serait fourvoyé et englué dans la « gauche », jusqu'à cesser d'être socialiste. Sans craindre l'anachronisme, on pourrait dire que Jaurès est l'anti-Michéa. Mais, justement, l'homme est emblématique des questions que pose Jean-Claude Michéa.

Un « discours c'est baiser »

Jaurès défend un matérialisme « pour les facilités de la démonstration », mais il le situe dans la lignée de l'idéalisme et même de Luther. L'exigence morale passe avant tout. 1891. C'est l'affaire de Fourmies une fusillade contre les ouvriers demandant la journée de huit heures. On parle du soulèvement du « Quatrième État », la classe ouvrière. C'est peu de temps après, à partir de 1893, que Jaurès entre dans la famille socialiste. Il soutient la magnifique expérience de la verrerie ouvrière d'Albi.

L'homme se dépense sans compter. Battu aux élections en 1898, il prend un peu de recul. La politique demande de l'énergie. Comme dit Marcel Sembat, un « discours c'est baiser » (Les Cahiers noirs). Jaurès se relance dans la politique avec l'affaire Dreyfus, dans laquelle il s'engage non sans avoir attendu et longuement examiné la question. Refusant de ne voir que la lutte des classes, Jaurès veut montrer que les socialistes sont capables d'agir pour une grande cause universelle, au-delà des classes sociales. Jaurès est ici éloigné à la fois du marxisme et du syndicalisme révolutionnaire, ces derniers refusant tout engagement dans une querelle « bourgeoise ». Il est difficile de donner tort à Jaurès. Comment une condamnation non fondée serait-elle une question purement interne à la bourgeoisie ? Penser cela, c'est voir les classes sociales comme des essences pures et figées. La vraie question est sans doute la façon dont Jaurès inscrit, sans assez de nuances, le socialisme dans la lignée de la Révolution française. Certes, c'est sans doute une façon de tenter de faire bénéficier le socialisme de la force propulsive de la Grande Révolution. Mais est-ce défendable ? Et le populicide vendéen ? Et le caractère indiscutablement bourgeois de la Révolution, même chauffée au rouge en 1793 ?

Il est vrai que l'adversaire de Jaurès, Jules Guesde, défendait une position encore plus discutable : pour ce dernier, le socialisme était purement un phénomène économique. Entre les socialistes opportunistes ralliés (les « possibilistes ») et les intransigeants, souvent de façade, la place de Jaurès n'est pas simple à comprendre, ni simple à défendre. La création de L'Humanité, en 1904, si elle renforce Jaurès, ne fait pas taire ses opposants internes au socialisme tel qu'il le conçoit. Il est vrai que l'Humanité n'a, avant 1914, que quelque 12 000 abonnés seulement - et rarement parmi les ouvriers.

Joseph Caillaux inquiète les va-t-en-guerre

Avant 1914, la grande question n'est pas que va faire Jaurès ? La grande question, c'est Joseph Caillaux, le radical-socialiste, président du parti éponyme, qui impose - non sans manœuvres - la création d'un impôt progressif sur le revenu, veut revenir au service militaire de deux ans - au lieu de trois - et inquiète les va-t-en-guerre parce qu'il a su montrer qu'il savait négocier avec l'Allemagne au moment de la crise d'Agadir de 1911. Contre quelques bandes de territoire données à l'Allemagne au Cameroun, il avait amené Guillaume II à laisser le champ libre à la France au Maroc. En 1914, les attaques contre Caillaux se terminent par l'affaire que l'on connaît, à savoir qu'Henriette Caillaux, sa femme, abrège d'un coup de pistolet les jours de Gaston Calmette, patron du Figaro, à la pointe de la polémique anti-Caillaux.

Tandis qu'Abel Bonnard explique qu'il faut savoir « embrasser la guerre dans toute sa sauvage poésie » (sic), Jaurès devient une possible future cible. Il ne croit pas que la vie sans guerre manque de charme. « Le socialisme, c'est la paix », proclame début 1914 une affiche de la fédération de Paris du Parti socialiste SFIO. Aux élections d’avril 1914, le PS devient le deuxième parti du pays après les radicaux. Plus de 100 députés PS sont élus. Les liens entre SFIO et socialistes allemands sont réguliers et paraissent faire barrage à une guerre. C'est le moment où un député allemand du SPD conclut un de ses discours au Reichstag par un sonore « Vive la France ! » La guerre paraît peu probable, compte tenu des mentalités, de la croyance au progrès et des négociations qui, jusqu'ici, ont aplani les difficultés, qu'il s'agisse du partage de l'Afrique ou des multiples guerres balkaniques. Personne, sauf quelques militaristes irresponsables, et va-t-en guerre de profession, ne veut d'une catastrophe brisant les élans vers plus de compréhension entre les peuples. Contrairement à une légende, le capital international, ou la City de Londres ne poussent pas à la guerre, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sauront pas en profiter.

Le 9 juin 1914, le président de la République Raymond Poincaré nomme Alexandre Ribot président du conseil. À ce moment, personne ne prend la mesure de ce qui se passe. Les équipes qui se mettent en place vont devoir faire face à une crise internationale à laquelle elles ne sont aucunement préparées. Au lendemain de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, Jean Jaurès explique que les Serbo-Croates n'auraient « aucun intérêt à souhaiter la dislocation de l'État Austro-Hongrois ». Il ne croit pas encore à la guerre, et très vite propose la grève générale ouvrière dans tous les pays pour imposer un arbitrage international. Jaurès est opposé aux socialistes ralliés, tels Viviani, Millerand, Briand. La politique intérieure continue de la préoccuper. Pendant tout le mois de juillet 1914, Jaurès reste occupé par des problèmes qui, avec le recul, paraissent mineurs, mais n'étaient pas perçus comme tels. C'était notamment le procès d'Henriette Caillaux, acquittée le 28 juillet 14. Au même moment, si on fait un bref bilan des années d'avant 14, le socialisme n'a cessé d'avancer et d'arracher de haute lutte des conquêtes sociales. Pas la Révolution, pas le pouvoir ouvrier bien sûr mais de réelles conquêtes.

Mais comment réagit le mouvement ouvrier français à la veille de la guerre ? La demande de grève générale pour imposer un arbitrage ne fait pas l'unanimité. Jaurès la soutient, mais les guesdistes sont réticents, et, plus grave, les socialistes allemands sont aussi réticents. La difficulté est qu'il n'y a pas d'expérience ouvrière de ce type. Sur cette question, Jaurès est plus proche de la « gauche » de la SFIO, et surtout des syndicalistes de gauche qu'il ne l'a jamais été. Va-t-il créer un puissant mouvement pour imposer la grève pacifiste ?

Le refus de toute manifestation pacifiste

Les événements se précipitent. Dès le 24 juillet, les Russes préparent la mobilisation générale qui est effective le 29 juillet. Ce jour est celui de la déclaration de guerre de l'Autriche à la Serbie. À ce moment, Jaurès croit encore possible, sinon l'arbitrage anglais d'Edward Grey, du moins la résistance à la guerre de la sociale-démocratie allemande. Le pacifisme de celle-ci est sincère. Mais le chancelier Bethmann-Hollweg, lui-même cherchant à freiner l'engrenage de la guerre, est aussi un patriote intransigeant. Il ne veut pas affaiblir sa patrie. Aussi, il tient à s'assurer des sociaux-démocrates allemands. Il explique à Albert Südeküm, un des principaux dirigeants du parti social-démocrate allemand, que, dans l'intérêt même de la cause de la paix, il ne faut pas que l'Allemagne apparaisse, face à l'impérialisme russe, susceptible d'être affaiblie par des divisions intérieures. L'argument porte, d'autant qu'il n'est pas purement rhétorique. Südeküm assure le chancelier allemand du patriotisme de la classe ouvrière d'Allemagne, ce qui veut dire que les résolutions pacifistes de l'Internationale socialiste réunie à Bruxelles mercredi 29 juillet n'ont guère de sens. Hugo Haase, présent à la réunion de l'Internationale, n'a guère engagé que lui-même dans la voie du pacifisme européen.

Jaurès est finalement sur la même position que les sociaux-démocrates allemands. Il renonce à la grève générale préventive. Plus face à la demande de la CGT, Jaurès refuse toute manifestation pacifiste pour ne pas gêner le gouvernement français. Le 31 juillet, Vienne et Berlin répliquent à la mobilisation russe par leurs propres mobilisations générales. Le 1er août, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie. En peu de temps, l'improbable est devenu réalité : le conflit général en Europe entre toutes les grandes puissances. Mais ce samedi, de nombreux journaux titrent « Jaurès assassiné ». Il a été abattu au café du Croissant la veille, vendredi 31 juillet, par Raoul Villain, un nationaliste exalté membre des « Jeunes amis de l'Alsace Lorraine ». Jaurès n'est alors pas très loin de passer pour un mou, voire un traître. Son fils Louis s'engagera à 17 ans et mourra en 1918, à 19 ans, sur le front. Pour venger l'honneur mis en cause de son père.

Laurent Lasne, Le roman de Jaurès. Des idées dans les poings, éd. du Rocher 266 p., 19,90 €

Pierre Le Viqan éléments N°154 janvier-mars 2015

mercredi 18 septembre 2013

Les collaborateurs Maurice Thorez et Jacques Duclos perdent une rue chacun


Lors du conseil municipal du lundi 16 septembre à Orange, la mairie a voté le changement de nom de 2 rues : la rue Maurice Thorez devient la rue Honoré d’ESTIENNE d’ORVES et la rue Jacques Duclos devient la rue Pierre BROSSOLETTE. Extrait de la délibération :
"2013 est l’année de commémoration nationale de la Résistance et du C.N.R. (Conseil National de la Résistance), qui célèbre son 70ème anniversaire.
A cette occasion, Mme HALOUI, Conseillère Municipale, a sollicité la Ville lors du Conseil Municipal du 27 Mai 2013, en question orale, afin qu’une voie soit dénommée Rue du Conseil National de la Résistance.
La Ville est favorable à cette requête, mais souhaite rendre cet hommage à la résistance française, non en honorant un sigle, mais en choisissant deux personnalités emblématiques de ce que fût, dès le début cette résistance. Le choix s’est porté sur messieurs Honoré d’Estienne d’Orves et Pierre Brossolette.
Néanmoins, afin de pouvoir procéder à ces dénominations, il convient de débaptiser deux rues portant des noms de personnalités contemporaines de la seconde guerre mondiale, dont l’attitude entre 1939 et 1941 n’a pas été conforme à l’esprit et aux actes de la résistance. Ces deux rues sont situées dans le quartier La Tourre.
La première porte le nom de Maurice Thorez.
Maurice Thorez a moins de 40 ans au moment de la déclaration de guerre. Il est mobilisé et rejoint son régiment le 3 Septembre 1939 à Arras. Il déserte un mois plus tard seulement en Octobre 1939 sur ordre du secrétaire de l’Internationale Communiste, Dimitrov, en raison du pacte germano-soviétique. Il s’installe alors à Moscou, le 8 Novembre 1939. Il y passe toute la guerre. Le 20 Janvier 1944, il est reçu par la délégation de la France libre à Moscou. Il prétend à cette occasion être resté « à son poste de combat », en France, jusqu’en Mai 1943 et demande à rejoindre Alger. Charles De Gaulle répond quelques semaines plus tard que la condamnation de Maurice Thorez pour désertion garde force de loi. Le 6 Novembre 1944 quelques jours avant le voyage de Charles de Gaulle à Moscou, Maurice Thorez bénéficie d’une grâce individuelle et rentre en France le 27 Novembre. Il reprend immédiatement la tête du Parti Communiste.
La seconde rue porte le nom de Jacques Duclos.
Agé de plus de 40 ans au début de la guerre, Jacques Duclos n’est pas mobilisé, mais il quitte la France dès la dissolution du Parti Communiste, en Septembre 1939, en raison du pacte germano-soviétique, et s’installe à Bruxelles, au siège de l’Internationale. Il y demeure sur ordre de Moscou jusqu’en Juin 1940, date à laquelle il rentre en France pour tenter d’obtenir de l’occupant nazi la reparution de l’Humanité. Les Allemands sont favorables à cette demande qui est finalement refusée sur pression du Gouvernement du Maréchal Pétain. Il reprend à Benoît Frachon la tête du PC en France et dirige les éditions clandestines du Parti Communiste, dont le ton est essentiellement anti-impérialiste, anti-anglais, anti-Pétain, anti-De Gaulle et anti-Blum. Il faut attendre Juin 1941, l’invasion de l’URSS par les nazis et la rupture du pacte germano-soviétique, pour que Jacques Duclos réserve enfin ses attaques à l’Allemagne.
Dans son édition clandestine du 1er Juillet 1940, l’Humanité publie une condamnation de l’appel du 18 Juin : « Le Général De Gaulle et autres agents de la finance anglaise voudraient faire se battre les Français pour la City. ». Le 1er Mai 1941, elle flétrit dans un même élan les Etats-Unis, l’Angleterre et Charles De Gaulle, qualifiés de « ploutocrates », d’ « impérialistes », de « réactionnaires ».
A cet effet, il est nécessaire de modifier la délibération du Conseil Municipal en date du 4 Novembre 1980 n° 311 - visée en Préfecture de Vaucluse le 10 Novembre 1980, décidant le classement et la dénomination des voies de la Résidence « La Tourre », pour les deux appellations énoncées ci-dessus, et, de les remplacer comme suit :
Rue Honoré d’Estienne d’Orves - Verrières-le-Buisson, 5 Juin 1901 – Suresnes, 29 Août 1941 - (ex Rue Maurice Thorez).
Cet officier de marine rejoint Londres dès l’été 40. Il part en mission clandestine en France en décembre 1940. Dénoncé par un de ses hommes, il est arrêté en janvier 1941. Condamné à mort, il est fusillé, avec deux autres personnes, en août 1941, en représailles de l’assassinat d’un officier d’intendance allemand par un militant communiste. Honoré d’Estienne d’Orves était un homme de droite, sympathisant de l’Action française. Nationaliste, il est allé au bout de son devoir et de son amour pour la France.
Rue Pierre Brossolette – Paris, 25 Juin 1903 – Paris, 22 Mars 1944 - (ex Rue Jacques Duclos).
Cet agrégé d’histoire est décoré pour son courage au feu avant la défaite de 40. Il entre en résistance dès le début de l’occupation allemande. Il crée de nombreux réseaux, va à Londres et en revient à de multiples reprises pour des missions dangereuses. Arrêté en février 1944, il n’est pas immédiatement identifié. C’est chose faite en mars et il est alors transféré au siège de la gestapo à Paris. Torturé, il parvient à se jeter par la fenêtre de la salle d’interrogatoire.
Il meurt dans la nuit de ses blessures.
Pierre Brossolette était un homme de gauche, franc-maçon, membre de la ligue contre l’Antisémitisme, militant de la SFIO, ancien candidat Front Populaire aux législatives de 1936. Socialiste, il est allé au bout de ses convictions et de son idée de la France."

mardi 14 août 2012

PHILIPPE DAUDET Essai de mise au point (II)

Le professeur René Pillorget poursuit ici sa passionnante et bouleversante enquête sur la disparition de Philippe Daudet, trouvé mort en taxi en novembre 1923. Après l'exposé des faits, voici les suites rocambolesques d'une affaire ignoble qui couvre la République de honte.
Lannes, contrôleur général de la Sûreté, confère avec Delange, contrôleur général du service des recherches, et avec Marlier, directeur de la Sûreté. Marlier téléphone à ses subordonnés : « Le 24 novembre 1923. Personnalité prévenue qu'un anarchiste doit faire aujourd'hui un coup à Paris. Passera entre 3 et 4 à la librairie, 2e maison de la rue du Chemin vert, boulevard Beaumarchais. Sûreté a envoyé provisoirement inspecteurs. Corpulence moyenne, 18 à 20 ans, ayant pardessus beige, grands pieds ; est armé. » Le déploiement de policiers qui s'ensuit est imposant : le contrôleur général Delange, les commissaires Blondel, Granger, Peudepièce, les inspecteurs Braise, Fournon, Gagneux, Mansuy et Roch.
Les lacunes de l'enquête
Philippe, arrivé à la librairie entre 15 h 30 et 16 heures, serait reparti presque aussitôt. Alors que ces policiers ont procédé à la vérification des papiers de nombreux passants, ils l'auraient laissé circuler sans rien lui demander. Il aurait pu ainsi se rendre à la place de la Bastille sans être inquiété. Ce que d'aucuns trouvent étonnant, sinon parfaitement invraisemblable.
En tout cas, les anarchistes, obligés de reconnaître que l'un d'eux et non des moindres – le secrétaire général de l'un de leurs comités – est un indicateur de police, se montrent « honteux et confus ». Les communistes, qui les détestent, leur prodiguent des sarcasmes dans L'Humanité. D'autres journaux soulignent les extraordinaires lacunes de l'enquête. La voiture 7657 E n'a pas été saisie et mise sous scellés, ainsi qu'il est obligatoire en pareil cas. Le chauffeur Bajot a pu regagner son garage, la nettoyer à grande eau. Ce n'est qu'au bout de plusieurs jours que les policiers y ont ramassé une douille de cartouche. Le revolver aurait dû porter les empreintes de Philippe. Or, il n'y en a aucune. Tout cela est, pour le moins, étrange.
Dans les colonnes de L'Action Française, Léon Daudet affirme que son fils a été victime de « la racaille policière et indicatrice de la rue Louis Blanc ». Il insiste sur la collusion anarcho-policière déjà dénoncée à propos du crime de Germaine Berton. Pour lui, la Sûreté générale a interpellé Philippe à son retour du Havre, l'a séquestré jusqu'au samedi, et l'a assassiné après lui avoir fait écrire, sous la menace, la profession de foi anarchiste publiée dans le Libertaire. Le crime, dit-il, a eu lieu dans le sous-sol de la librairie, là où Le Flaouter entrepose les plus rares de ses livres érotiques. Puis, toujours selon son père, Philippe, moribond, aurait été dépouillé de ses papiers, comme de tout indice susceptible de le faire identifier, transporté jusqu'au taxi de « l'indicateur de police Bajot », à charge pour celui-ci d'affirmer avoir entendu un coup de feu lorsqu'il roulait sur le boulevard Magenta. D'ailleurs Bajot se trouve à la discrétion de la police, à cause de délits commis par son fils, qui a récemment fait un séjour en prison, et à qui l'on a suspendu sa licence de chauffeur de taxi... Il s'agit d'un crime avec préméditation, proclame Léon Daudet, ayant pour mobile la volonté de la police politique, souvent attaquée par lui, de le compromettre dans un scandale.
Bajot fait condamner Léon Daudet
Après treize mois d'instruction, le juge Barnaud laisse entendre qu'il va rendre une ordonnance de non-lieu. Alors, le 26 janvier 1926, Léon Daudet porte plainte, nommément, contre les policiers qui ont « surveillé » la librairie Le Flaouter le 24 novembre 1923, contre Lannes, Delange et Marlier devenu depuis peu préfet de la Corse. Le conseiller Laugier, chargé d'instruire cette nouvelle plainte, rend le 31 juillet une ordonnance de non-lieu. Entre temps, le chauffeur Bajot, qualifié par L'AF d'« indic » et de faux témoin, a porté plainte pour diffamation contre le directeur du journal, Léon Daudet.
Le 16 octobre, le procès s'ouvre devant la cour d'assises de la Seine. Il donne lieu à dix-neuf audiences, dont deux nocturnes, fertiles en incidents. Bajot est assisté par Me Louis Noguères, député socialiste des Pyrénées orientales, et Daudet par le bâtonnier de Roux et par Xavier Vallat, ancien député de l'Ardèche. Il n'en est pas moins condamné à cinq mois de prison ferme, à 1 500 francs d'amende, et à 25 000 francs de dommages-intérêts en faveur de Bajot. Le gérant de L'AF, Joseph Delest, est condamné à deux mois de prison. Verdict qui soulève une indignation qui s'étend bien au-delà des amis et des sympathisants de L'Action Française.
Prisionnier "libéré"
La cour de Cassation rejette le pourvoi de Daudet en février 1926 et la chambre criminelle refuse sa demande de révision pour faits nouveaux. Le 15 mai 1927, Léon Daudet refuse de se constituer prisonnier, ainsi qu'il le lui a été ordonné, et s'enferme dans la rédaction de L'AF. Un millier de ses partisans se sont assemblés rue de Rome, bien déterminés à le défendre. Le préfet de police Jean Chiappe, agissant avec autant de courtoisie que de diplomatie, réussit à convaincre Daudet qu'il vaut mieux éviter tout incident. Il le conduit lui-même en voiture jusqu'à la prison de la Santé. Douze jours plus tard, le 25 juin 1927, le directeur de cet établissement est appelé au téléphone. « Ici M. Sarraut, ministre de l'Intérieur ; le gouvernement a décidé de libérer immédiatement MM. Daudet, Delest et Sémart (un militant communiste). Pour que ces mesures de grâce ne servent pas de prétexte à des manifestations, veuillez agir sans délai. Libérez d'abord MM. Daudet et Delest, et, quelques instants plus tard, M. Sémard. »
Le directeur rappelle le cabinet du ministre pour vérification. Puis, il libère ses prisonniers. En fait, il a été victime d'une mystification – alors possible, car le téléphone n'est pas encore automatique. Daudet et Delest montent en voiture, échappent aux poursuites et passent la frontière la plus proche. Cette évasion fait, dans la France entière, la joie des journalistes et des chansonniers. De Belgique, Léon Daudet envoie ses articles à L'AF. Son exil durera trente mois : jusqu'au 2 janvier 1930.
Une mort qui reste mystérieuse
La mort de Philippe Daudet demeure mystérieuse. Plusieurs tentatives d'explication ont été formulées et discutées. Aucune n'apparaît pleinement satisfaisante. Thèse officielle : le suicide. Les anarchistes se seraient servis de Philippe, de sa naïveté d'adolescent, pour provoquer un scandale retentissant, susceptible d'atteindre son père – scandale politique ou affaire de moeurs. Le garçon, profondément sincère, aurait découvert la manoeuvre, et, de désespoir, se serait suicidé. À l'appui de cette thèse, on avance l'existence, chez Philippe, de tendances suicidaires antérieures. On a découvert, dans sa chambre de l'hôtel Bellevue, au Havre, une lettre dans laquelle, exprimant sa honte d'avoir dérobé de l'argent à ses parents, il affirme son intention de mettre fin à ses jours. Mais il a déchiré cette lettre, dont les morceaux n'ont été retrouvés que tardivement, et recollés. Thèse de certains membres de l'Action française : Philippe aurait entendu parler d'un projet d'attentat contre son père, conçu par les anarchistes. Ce qui n'était pas invraisemblable : n'oublions pas que celui de Germaine Berton est du 22 janvier précédent, que c'était Léon Daudet qu'elle voulait tuer à l'origine, et non Marius Plateau. Emporté par ses quinze ans, par sa nature généreuse, romanesque, Philippe aurait voulu, incognito, "infiltrer" le milieu anarchiste, en se faisant passer pour acquis à ses idées et faire, en quelque sorte, "le petit détective". Les "anars", ou leurs amis de la police, auraient discerné cette tentative enfantine, et se seraient débarrassés de lui, sans connaître sa véritable identité.
Bavure policière
Thèse de certains anarchistes et aussi de certains amis et conseillers de Léon Daudet : Philippe se rend chez Le Flaouter à l'heure convenue. Les policiers croient avoir affaire à un dangereux anarchiste individualiste, style Germaine Berton, « armé » – Le Flaouter ne l'a-t-il pas dit ? – et déterminé à commettre un attentat contre une personnalité. La mention « armé », alors que Philippe ne l'est pas, contient implicitement l'autorisation de tirer. Les policiers veulent arrêter le jeune homme. Un affrontement se produit, au cours duquel un coup de feu part, et Philippe, accidentellement, se trouve mortellement blessé. S'étant aperçu, après l'avoir fouillé, qu'ils ont tué le fils d'un député de Paris, directeur d'un quotidien et de surcroît polémiste redoutable, affolés à l'idée du scandale et des possibles sanctions, les policiers essaient de camoufler la mort accidentelle en suicide. Ils s'emparent des papiers d'identité du jeune homme, découpent les marques de ses vêtements, et utilisent les services de Bajot, qu'ils tiennent à leur merci.
Thèse de René Bréval : les policiers tendent un piège à Philippe chez Le Flaouter. Il y est arrêté, porteur d'une arme (qui la lui a fournie ?). Ils lui demandent son nom. Tenant entre leurs mains le fils d'un ennemi acharné de la police politique, ils ont l'idée de l'accuser de vouloir assassiner le président de la République. Ils le menacent de l'échafaud, se livrent à un chantage sentimental, lui suggèrent ou lui ordonnent de se suicider, et il obtempère. Théorie qui n'est guère convaincante. Philippe souffrait d'une maladie nerveuse, mais n'était pas un sot.
René PIllorget L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 avril au 5 mai 2010
RÉFÉRENCES :
✔ Pierre-Marie Le Flaouter : Comment j'ai tué Philippe Daudet ; 1925, 336 p. Un titre percutant, mais un livre qui n'apporte rien.
✔ Léon Daudet : La vie et la mort de Philippe ; Fayard, 1926, 280 p.
✔ Robert Havard de la Montagne : Histoire de l'Action française ; Amiot-Dumont, 1952, 253 p.
✔ Eugen Weber : L'Action française ; Stock, 1964, 649 p.
✔ René Bréval : Philippe Daudet a bel et bien été assassiné ; éd. du Scorpion, 1959, 189 p.
✔ Léo Malet : Boulevard Magenta ; in Guide du Paris mystérieux ; éd.Tchou, 1966, 765 p.
✔ Albert Marty : L'Action française racontée par elle-même ; Nouvelles Éditions latines, 1986, 491 p.
✔ Gilbert Legros : Le Mystère Philippe Daudet ; in Gilbert Guilleminault : Le Roman vrai de la IIIe et de la IVe République, deuxième partie, 1919-1958 ; Robert Laffont, collection Bouquins.

vendredi 6 juillet 2012

6 février 1934

L'atmosphère est lourde en France en la fin de Vannée 1933. La crise économique s'intensifie, le chômage sévit, le déficit budgétaire s'accroît dangereusement. Depuis dix-huit mois les radicaux sont au pouvoir, mais les cabinets se forment, tombent, se reforment à un rythme rapide. Ils se montrent incapables d'opérer un redressement et Je régime parlementaire est de plus en plus déconsidéré.
Sur ces entrefaites un scandale éclate. Un certain Alexandre Stavisky, français originaire de Russie, a monté une incroyable escroquerie à Bayonne. Avec le nommé Tissier, directeur du Crédit municipal (nom donné au Mont de piété de la ville) il a émis de faux bons de caisse pour un total de plus de 200 millions, qui ont naturellement disparu.
Ce Stavisky est bien connu des milieux politiques. Aidé par sa femme, la jolie Ariette, il reçoit beaucoup, toujours fastueusement. Il a pu se faire à Paris des relations utiles. Depuis longtemps il profite de la complaisance de certains parlementaires pour faire ajourner les procès qu'on lui intente. On relèvera plus tard qu'il a bénéficié d'une vingtaine de remises au Palais de justice.
Stavisky se suicide
Mais le pot-aux-roses de Bayonne est découvert. Cette fois, il est trop tard pour échapper au scandale. Stavisky s'enfuit, sa trace est retrouvée à Chamonix, où il a loué un chalet. Le 9 janvier 1934, on le découvre mort d'une balle dans la tête. S'est-il suicidé ? Sa veuve parle d'un « suicide par persuasion ».
Certains journalistes affirment qu'il s'agit d'un meurtre politique, destiné à empêcher l'escroc de nommer ses complices.
L'affaire fait tache d'huile. Le député-maire de Bayonne, Garât, a été arrêté comme instigateur de l'escroquerie du Crédit municipal : il est inculpé de vol, faux, usage de faux, recel. On apprend que d'autres parlementaires, anciennes relations de Stavisky, ont accepté de celui-ci des chèques.
Le président du conseil Chautemps est très ennuyé : son frère a été l'avocat de Stavisky, son beau-frère, M. Pressard, procureur général de la République au tribunal de la Seine, a été à l'origine des remises successives dont a bénéficié le chevalier d'industrie. L'Echo de Paris publie un dessin de Sennep montrant le « suicidé » dans un magnifique cercueil, avec comme légende : Un meuble signé Pressard-Chautemps est garanti pour longtemps.
D'autres journaux d'opinion, de l'Action française à l'Ami du peuple, ou de même la presse d'information, (Le Matin ou l'Intransigeant) se lancent également dans d'âpres critiques. À l'extrême-gauche, mais pour d'autres motifs, l'Humanité prend le gouvernement à partie.
Chautemps démissionne
À Paris la colère gronde. Les ligues de droite vont entretenir l'agitation. La plus dynamique, la plus agressive, est sans doute celle des camelots du roi qui, depuis longtemps, avec l'Action française, réclament un retour à la monarchie. Les membres des Jeunesses patriotes restent républicains, mais ils veulent des changements : exécutif fort, législatif à pouvoirs limités. L'Union Nationale des Anciens Combattants (U.N.C.) se dit apolitique, ce qui ne l'empêche pas de manifester son profond écœurement devant les scandales politico-financiers de l'heure.
D'autres ligues existent, plus ou moins efficaces. Il faut mettre à part les Croix de feu dont le chef, le colonel de la Rocque, partisan de l'ordre, préconise des réformes sociales, économiques, politiques et non un bouleversement des institutions (son rôle modérateur lui vaudra bien des haines). Face aux « ligues de droite », les communistes vont profiter de la situation pour dénoncer ceux qu'ils appèlent « les fascistes ».
Pendant toutes ces journées de janvier, les manifestations se multiplient dans la rue. Autour du Palais Bourbon des cris éclatent : « À bas la république des voleurs et des assassins ». Le 12, à la Chambre, le député de droite Ybarnégaray se lance dans une vive diatribe contre les complices de Stavisky :
- Qu'une pauvre femme vole du pain, elle sentira la poigne de la loi. Pour Stavisky, loi muette, juges sourds...
Il demande la formation d'une commission d'enquête, mais la majorité refuse de le suivre et la confiance est votée au gouvernement par 372 voix contre 196. Quelques jours plus tard, le député de la Gironde Philippe Henriot, plus violent encore, n'obtient pas plus de succès. A l'extérieur de la Chambre, les manifestations augmentent d'intensité. Tout va changer lorsque deux ministres (celui des Colonies et le Garde des Sceaux) se voient contraints de démissionner et, le 28 janvier, Chautemps lui-même, présenté par la presse de droite comme le protecteur de Stavisky, annonce enfin la démission du cabinet tout entier. Mais le calme ne revient pas dans la rue, où la foule applaudit les manifestants.
Le 30 janvier, Daladier est chargé de former un nouveau gouvernement. Eugène Frot devient ministre de l'Intérieur. Deux députés du centre, Piétri et Fabry, acceptent de faire partie du cabinet. Mais Daladier, pour plaire à gauche, a la mauvaise idée de vouloir éloigner de Paris le préfet de police Jean Chiappe, homme de droite, qui, juge-t-il, n'a pas montré assez de vigueur dans la répression des manifestations.

Chiappe est connu comme un préfet à poigne, mais aussi comme un homme sachant user de diplomatie lorsqu'il s'agit d'éviter des effusions de sang. En compensation de sa démission, Daladier lui offre la Résidence générale au Maroc. Chiappe refuse. Son honneur, dit-il, l'empêche de s'en aller alors que ses adversaires crient « Mort à Chiappe ».
Sa mise à pied ravit la gauche : « Enfin, Paris est délivré de son préfet du coup d'État », proclame Le Populaire. On apprend bientôt qu'Edouard Renard, préfet de la Seine, démissionne par solidarité avec Chiappe. Le 4 février, les deux ministres modérés Piétri et Fabry se retirent à leur tour du cabinet Daladier. Nouvelle plus inattendue, M. Fabre, l'administrateur de la Comédie française, est renvoyé de son poste sous prétexte que la pièce Coriolan, montée par lui, donne lieu à des manifestations contre le gouvernement ! Pour le remplacer, on va chercher... le directeur de la Société générale, ce qui permettra à Henry Bernstein de déclarer :
On a placé Corneille, Racine, et Molière sous la protection du quai des Orfèvres.
Daladier a promis de faire toute la lumière sur le scandale Stavisky, mais la confiance ne règne pas et l'effervescence grandit. Les Camelots du roi, les Jeunesses patriotes, les Anciens Combattants, les Croix de feu ne veulent plus attendre. On décide de passer à l'action le 6 février, jour de l'investiture du cabinet Daladier.
Les mouvements commencent d'ailleurs la veille au soir. Des manifestants marchent vers le ministère de l'Intérieur aux cris de « Vive Chiappe ». Le nouveau préfet de police, Bonnefoy-Sibour, se charge du service d'ordre. Le choc avec les gardiens de la paix se produit aux abords de l'Élysée, mais les colonnes, refoulées, se replient en direction de l'Étoile.
La matinée du 6 février est relativement calme. Dans l'après-midi, au Palais Bourbon, Daladier monte à la tribune, mais le chahut est tel qu'il ne peut se faire entendre. Pendant plusieurs heures, clameurs et injures volent à travers l'hémicycle. On assiste même à des pugilats entre députés. Bonnefoy-Sibour a installé tout autour du Palais Bourbon des rangs serrés de gardes. Les rues environnantes, les quais sont interdits aux voitures et des embouteillages monstres se produisent dans les environs. Deux stations de métro ont été fermées au public. Sur le pont, les badauds reçoivent l'ordre de circuler.
Vers le milieu de l'après-midi, la place de la Concorde est noire de monde. Camelots du roi, ligueurs d'Action française, Jeunesses patriotes y sont au premier rang, avec des groupes de mécontents ou de simples curieux. On crie « Vive Chiappe ! ». « À bas Daladier ! Démission ! » Du côté des Tuileries, on commence à dresser des barricades.
Près du Grand Palais, les Anciens combattants attendent l'ordre de descendre les Champs-Elysées.
Vers 18 heures, ils s'ébranlent, drapeaux en tête, en chantant la Marseillaise, en direction de la Concorde. Mais, sur la place, la bagarre a commencé entre les manifestants et les gardes républicains. Un autobus A.C., arrêté par la foule, a été renversé et brûlé. Un agent cycliste reçoit un coupe de barre de fer et tombe sans connaissance.
Très vite la mêlée devient générale. Un petit peloton de gardes républicains arrivés du pont entre en lice. Les manifestants lancent des pavés, des morceaux de grilles ou de réverbères. Armés de couteaux ou de rasoirs, ils tailladent les jarrets des chevaux.
Sur le pont l'inquiétude règne. L'émeute va-t-elle atteindre la Chambre des députés ? Vers 20 heures, les premiers coups de feu claquent. Le directeur adjoint de la police, M. Marchand, a donné l'ordre de tirer. A-t-il fait d'abord les sommations d'usage ? Au milieu des hurlements rien ne pouvait être entendu. En tout cas, les premiers manifestants tombent. La lutte s'intensifie. Le président des Anciens combattants est blessé à la tête.
La situation se détériore rapidement. De nouvelles salves de police éclatent. Cette fois c'est la panique, la foule reflue du côté de la Madeleine. Les blessés, déjà nombreux, sont transportés dans les restaurants de la rue Royale ou dans les hôpitaux les plus proches. Une femme de chambre de l'hôtel Grillon, qui regardait par la fenêtre, est tuée d'une balle perdue. Au ministère de la Marine, des forcenés mettent le feu à des liasses de dossiers et des lueurs rouges illuminent la place.
Au Palais Bourbon, la séance continue dans le même brouhaha fantastique. Mais brusquement les députés apprennent que la troupe a tiré. On demande à Daladier si c'est lui qui a donné l'ordre.
-    Le gouvernement aura la responsabilité du sang versé, crie Franklin-Bouillon, alors à la tribune.
Georges Scapini, député, aveugle de guerre, renchérit :
-    C'est là un gouvernement d'assassins !... Allez-vous en avant que le pays ne vous chasse comme vous le méritez !
Le vacarme redouble. Protestations du côté du gouvernement, applaudissements de la droite. À l'extrême-gauche les communistes scandent, sur l'air des lampions, les trois syllabes « Les Soviets ! Les Soviets ! ».
Peu à peu, cependant, les rangs de travées s'éclaircissent. Parmi les députés qui se jugent compromis, beaucoup se sont éclipsés, par une porte donnant sur la place de Bourgogne.  Avant que la séance ne soit levée, le gouvernement pose pourtant (pour la troisième fois) la question de confiance. Le renvoi est ordonné par 343 voix contre 237.
On apprend maintenant que la Concorde, point névralgique, n'est pas le seul lieu des combats. D'autres bagarres se déroulent du côté de l'Hôtel de ville et sur les grands boulevards, où les communistes élèvent des barricades, renversant des voitures, arrachant les grilles. Ils organisent l'émeute en brandissant des drapeaux rouges.
Par ordre de la Rocque qui tient bien en main ses adhérents, les Croix de feu ont été divisés en plusieurs groupes. Le principal s'est réuni le long de la rue de Bourgogne. Par la rue Saint-Dominique, il a gagné l'esplanade et le quai d'Orsay, d'où il a pu atteindre les environs du Palais Bourbon. Le barrage a été forcé et quelques horions ont été échangés avec les gardiens. Échauffourées sans gravité, avec juste quelques égratignures. La Rocque expliquera plus tard son point de vue : « Il devait être question de purifier la République, il eut été coupable d'en tenter le renversement. Tant mieux si notre attitude s'est opposée aux contagions de la folie ».
La folie est-elle terminée ? Un triste bilan sera fait. On comptera une vingtaine de morts et plus de douze cents blessés. Daladier ne connaît pas encore ces chiffres (minimisés, au début tout au moins, par la préfecture de Police), mais il comprend qu'il ne peut se maintenir au pouvoir. Le 7 février, au début de l'après-midi, il va à l'Elysée présenter la démission du gouvernement à M. Albert Lebrun. Le président de la République se trouve maintenant face à une décision difficile. Quel homme au-dessus des partis se montrera capable de refaire l'union nationale ?
Un nom est vite avancé, celui de Gaston Doumergue. Agé de soixante-dix ans, l'ancien président de la République a gagné par sa bonhomie, son désintéressement, son sens politique, les suffrages des radicaux comme ceux des modérés.
Il jouit d'une grande popularité dans le pays. Mais acceptera-t-il la fonction difficile qu'on lui offre?
Le 7 février « Gastounet » (ainsi que l'appellent affectueusement les Français) s'apprête à partir pour un voyage familial en Egypte. Lorsqu'il arrive en sa résidence de Tournefeuille un téléphone de Laval, chargé par le président de la République de lui demander d'accourir, il hésite pendant quelques heures. De nouveaux appels, de plus en plus pressants, lui parviennent des présidents des deux assemblées. S'il ne se décide pas à venir former un gouvernement à Paris, lui dit-on, c'est la révolution.
L'annonce de l'acceptation de Doumergue ramène aussitôt le calme dans la capitale. Arrivé le 8 février, « Gastounet » peut présenter le lendemain soir à M. Lebrun la liste des ministres qu'il a choisis. Elle va de Pétain, de Tardieu et de Barthou, à Herriot, à Sarraut et à Marquet. Mais les socialistes ont refusé leur concours et les communistes n'ont évidemment pas été sollicités. Dans un message aux Français, le nouveau président du Conseil annonce qu'il a constitué un « gouvernement de trêve, d'apaisement et justice ».
L'heure de la trêve a-t-elle vraiment sonné? Bien des heurts vont encore se produire. Le 12 février, une grève générale est proclamée. Une manifestation socialo-communiste s'ébranle à travers Paris, au chant de l'Internationale. Il y aura encore ce jour-là, des morts et des blessés. L'inquiétude redoublera lorsque le public apprendra quelques jours plus tard, l'assassinat du conseiller Prince, mort mystérieuse d'un magistrat qui en savait sans doute trop long sur le scandale Stavisky (1). En politique, une page n'est jamais définitivement tournée...
Bernard Boringe Historia février 1984
(1). : Voir Historia, n°146 et 147, Un escroc fait vaciller la IIIe République par Jacques Robichon ; n°307, Le scandale Stavisky, par Maurice Garçon, de l'Académie française ; n°326, L'affaire Stavisky, par J. Mayran.
(2). : Voir Historia, n°372, Le conseiller Prince s'est-il suicidé ? par Alain Decaux, de l'Académie française.

lundi 18 juin 2012

A propos du charnier de Bykovina

(Légende : Ingrind Rimland, femme du dissident canadien Ernst Zündel. Toute sa famille à l'exception de sa mère a été exterminée par les juifs en 1941)

Les derniers événements en Hongrie, en Allemagne, en Pologne, en Belgique, voire en Thaïlande ou au Japon nous amène à réfléchir à nouveau sur la mémoire et la transmission d’icelle. Des événements à priori sans rapports entre-eux nous amènent à apporter de nouveaux éléments à ce que nous écrivions dans Les Lettres Fersanes de septembre sur l’opposition entre notre mémoire et leur mémoire. Comment ne pas être ému de voir que dans le Mecklembourg, en Pologne, en Hongrie, régions qui ont connues deux fois l’horreur communiste (partielle en 1919, totale en 1945), des jeunes encore tout fous, sans conscience politique chevillée au corps certes mais avec l’instinct de survie, se battent comme ils peuvent contre ce qui est le symbole même de ce que nous dénonçons : des anciens collabos de Moscou devenus les collabos de Washington, sa sœur jumelle du matérialisme tératogène.

En Ukraine, des immenses fosses communes viennent d’être mis à jour dans l’indifférence de l’Occident. A Bykovina, un charnier contenant 300.000 cadavres vient d’être examiné. Il fait suite à un charnier similaire découvert à Saint-Petersbourg et contenant 100.000 cadavres. On savait qu’il y avait eu des massacres à cet endroit, des cadavres ayant déjà été déterrés. Récupéré par la propagande soviétique, un monument contre la « barbarie nazie » avait été érigé céans en mai 1988. C’est à la demande de la population, qui savait que les Allemands étaient innocents, qu’une nouvelle enquête a été diligentée. Or, la découverte de la commission gouvernementale ukrainienne rendue publique en août montre que les coupables n’étaient pas nazis mais soviétiques. Des éléments découverts sur les cadavres, notamment des pièces de monnaies, des uniformes, montrent que les victimes furent des soldats et civils polonais capturés en 1939 mais aussi des ukrainiens victimes des massacres de masse du NKVD. Rappelons, comme nous l’avons déjà dit dans ce journal, que l’Ukraine avait été saignée à blanc par deux génocides : le premier, planifié par le Politburo lors de sa réunion du 5 janvier 1930, le second, planifié lors de la réunion de Vinnitsa le 17 juin 1937. Staline a signé, mais ce ne fut pas lui l’instigateur. Le vrai père de l’Holocauste ukrainien est son beau-frère, Lazare Moïsevitch Kaganovitch, qui lors de la réunion de Vinnitsa, déclara que puisque les Ukrainiens étaient de mauvais marxistes et étaient restés chrétiens, il fallait les exterminer. D’autres cadavres de prisonniers de guerre polonais exterminés ont été découvert à Vladimir, près de l’ancienne prison du NKVD : une centaine de personnes exécutées d’une balle dans la nuque. Ces informations ont été bien sûr totalement occultée en France et même dans les pays occidentaux. En France, seul le courageux historien et éditeur dissident Jean Plantin a eu le courage de publier un livre traitant du second génocide ukrainien, celui de 1937. Hors de l’Ukraine, seule la Pologne (et pour cause) la divulgua. Et pour cause, les cadavres n’étaient pas intéressants. Ils n’étaient pas Juifs… Pire, ils avaient été tués par les Juifs, car la totalité des cadres dirigeants du NKVD et la quasi-totalités des responsables des prisons de l’Ukraine étaient juifs, comme nous l’avons déjà démontré dans de nombreux articles. Le communisme, c’est l’application du racisme talmudique. Sans l’aide occulte de la finance juive américaine, des médiats occidentaux et du cinéma occidental où leur frères de sang sinon d’idées tenaient (et tiennent encore) une place prépondérante, un tel massacre n’aurait pu être possible. Si les Allemands d’aujourd’hui paient pour le nazisme, alors les Juifs d’aujourd’hui doivent payer pour le communisme. Ces découvertes arrivent juste au moment où la négationniste (dans le sens : qui nie un crime contre l’humanité quel qu’il soit) communiste Annie Lacroix-Riz (grande admiratrice de Staline encensée par Le Monde Diplomatique) bénéficie d’un effroyable réseau de soutien, comme nous l’avons vu dans l’éditorial du n°188. Notons que les ministres « de droite » la laissent répandre sa propagande en toute impunité. Logique, le capitalisme apatride a toujours été le plus fidèle allié du communisme, depuis que Rothschild finançait Marx.

Un flot d’émotion me submerge quand je repense à ce qu’on subi nos frères et nos sœurs de l’Est, assassinés une seconde fois par le déni de mémoire. Assassinés une première fois dans leur chair. Les mêmes horreurs qui reviennent partout et en tout lieu, dès les premiers jours jusqu’aux derniers. Nous pensons aux petites filles hongroises des écoles catholiques violées sous couvert de « leçon d’hygiène » par les sbires d’Aaron Cohen dit « Bela Kun ».Nous pensons aux enfants ukrainiens squelettiques mourrant de faim avec leurs parents par les hommes de Lazare Kaganovitch et de son bras droit ukrainien Salomon Perlmutter dit « Nikita Khrouchtchev ». Nous pensons à ces expériences sur des êtres humains faites par les « docteurs » Monside et Weinstein sous l’autorité du chef du département de toxicologie du NKVD, David Talmud, obéissant à son chef, Iagoda. Et les tortures inhumaines contre les étudiants des écoles chrétiennes fermées planifiées par Anna Rabinsohn épouse Pauker… Les 15000 femmes et enfants italiens violés et jetés vivants d’une falaise aux Dolines par les soudards de Weiss alias Broz alias « Tito ». Le tout au nom de l’idéologie de Kiessel Mordechaï dit « Karl Marx », de Friedrich Engels, de Lev Bronstein dit « Léon Trotsky », de Vladimir Oulianov-Blank dit « Lénine » et l’apport de Joseph Djougtschvili (ce qui signifie : le fils du juif) dit « Staline » En Russie, en Pologne, dans les pays Baltes, en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie, en Allemagne, en Espagne, les mêmes noms qui reviennent, symboles de la culpabilité de tout un peuple… Assassinés une seconde fois dans leur âme par destruction de leur mémoire. Dans un premier temps, les crimes communistes furent purement et simplement niés. Ensuite, ils furent réduit au seul Staline grâce à une formidable campagne négationniste que nous allons résumer. Tout historien sérieux sait que Lénine et Trotsky ont commis des crimes équivalent en horreurs à ceux imputés à Staline : les famines, les massacres de masse, les camps de concentration pour enfants, les tortures barbares, les purges, les expériences sur les êtres humains, c’étaient déjà le pain quotidien du communisme pré-Stalinien. Staline a ceci d’intéressant qu’il était moins dogmatique que les deux autres monstres, plus « humain » et surtout moins visiblement lié au judaïsme, et fort peu au talmudisme, étant du genre sioniste. Bref, le bouc émissaire idéal. Donc, on chargea Staline et on l’accusa d’avoir dévoyé le communisme, d’être « antisémite »… viendra le moment où on le déclarera « de droite », « fasciste »… Et voilà comment on assassine une seconde fois des dizaines de millions de chrétiens martyrisés par des juifs et des communistes en hissant une partie de leur bourreaux à leur place sur le pavois médiatique. Imaginez la tête des Juifs si on accusait Hitler d’avoir dévoyé le national-socialisme et de limiter ses crimes à la Nuit des Longs Couteaux et aux purges de 1944… Le stalinisme est juste une invention du négationnisme raciste talmudique et n’a pas d’autre utilité que de falsifier l’histoire pour dédouaner d’une culpabilité certaine un peuple ayant fait son fond de commerce de la victimisation. Jamais les Juifs n’ont été persécutés en URSS comme le furent les chrétiens. Notons que, si bien des chrétiens sauvèrent des Juifs sous Hitler, pas un Juif ne sauva un chrétien sous le communisme alors qu’ils avaient bien plus de possibilités (soyons honnêtes, il y’en eut exactement DEUX, dont un – capitane de l’armée rouge – finit au Goulag. Deux en plus de 70 ans). Bien entendu, dans le contexte actuel, on ne peut que pleurer de rage et d’impuissance face à une telle ignominie, mais qui sait de quoi l’avenir sera fait ? Un jour, peut-être, enfin, ils demanderont sincèrement pardon ? Cela ne se produira probablement qu’à la suite d’un cataclysme majeur et une défaite totale d’Israël, similaire au Nibelungen allemand de 1945. La récente déroute de Tsahal devant le Hezbollah montre qu’ils ne sont pas invincibles. Leur peuple commence à craquer, leur fin est plus proche qu’on ne le pense.

Il y a une femme à qui je tiens particulièrement à rendre hommage. Je cherchais une occasion de le faire, et ce sera ici. Il s’agit d’Ingrid Rimland, la femme du dissident germano-canadien Ernst Zündel. Pour ceux qui connaissent sa biographie, il y a bien sur un lien entre son histoire et la précédente. Un écart de quelques semaines et de quelques kilomètres, mais toujours dans ces marais maudits aux confins de la Pologne, de la Biélorussie et de l’Ukraine, où tant d’arbres plantent leurs racines non-séculaires dans des charniers. Issue de la petite communauté allemande d’Ukraine, elle a vu en 1941 les Juifs exterminer son père, ses oncles, ses tantes, ses cousins, ses cousines. Sa mère fut la seule rescapée de la famille. En 1943, elle décida de mettre sa fille à l’abri devant le retour des bourreaux. Pour rentrer en Allemagne, Ingrid a du passer par la Pologne, fuyant l’armée rouge ayant reçu l’ordre de massacrer et violer femmes et enfants . Paradoxe cruel de la guerre et du tourbillon de tragédie qu’elle entraîne. Une petite fille allemande, grelottant de faim et froid, pleurant son papa assassiné par les Juifs, qui passe peut-être à quelques kilomètres d’une petite fille juive grelottant dans un camp de faim et de froid, pleurant son papa assassiné par les Allemands… A la seule différence, c’est qu’en 1945, personne n’a essuyé les larmes de la petite Ingrid. Celle-ci a refait sa vie aux Etats-Unis, enseignant aux enfants surdoués, écrivant des livres sur le sujet, s’occupant avec attention de son fils Erwin lourdement handicapé et aidant son mari actuellement incarcéré pour blasphème. C’est dans les horreurs qu’elle a vues qu’elle a puisé la force de combattre.

L’heure est venue, à la lumière d’une autre anecdote, de démonter le processus de confiscation de la mémoire. Nous avions parlé de Wikipedia dans Les Lettres Fersanes et y avions signalé que, ma non troppo, il y existait une certaine liberté. Mais cette liberté est surveillée et ici comme ailleurs, l’extrême gauche veille. Cette dernière a trouvé un moyen de bâillonner toute voix discordante : le fétichisme du diplôme. Jadis, les gauchistes crachaient sur les diplômes, symboles honnis à leurs yeux de l’élitisme bourgeois. Maintenant, ils exigent l’étalage des peaux d’ânes et titres universitaires comme jadis les sang-bleus scrutaient les quartiers de noblesse. Et pour cause : ils ont mis la main sur l’Université et ce sont eux qui décernent les diplômes, s’arrogeant une auto-respectabilité. Bien évidemment, nous l’avons vu suffisamment pour ne pas y revenir, les nationalistes sont, depuis 1981 environ, totalement évincés de toute fonction dans l’enseignement et la culture. La question « des sources » est également un habile moyen de museler le débat : toute source d’extrême gauche est jugée fiable, toute source nationaliste est écartée. Réflexes, Ras l’Front, L’Humanité sont acceptée, Rivarol est rejeté. On en revient toujours au même point : pour tuer l’autre, plus besoin de balle dans la nuque : il suffit de tuer sa mémoire. Le front principal est là et nul part ailleurs. C’est pour cela qu’à échelon européen, les camarades doivent écumer les bouquinistes, les vieilles bibliothèques, hanter les milieux de la diaspora et des exilés. Faire parler les témoins, exhumer de l’oubli les vieux livres qui racontaient leur vécus, qui avaient déjà tout dit. Pour que le jour J, quand un pays aura été libéré, un flot de rééditions submerge les librairies et les écoles, balayant l’histoire officielle et permettant aux victimes de se faire entendre.

Le combat pour la mémoire, pour la justice et pour la vérité est un combat sans merci, dans lequel nous ne pouvons nous permettre la moindre pitié. Nous avons perdu la bataille de la mémoire pour trois raisons qu’on ne répétera jamais assez, que nous avons développé dans le n°204 et que nous rappelons ici. Trois raisons qui sont bien évidemment liées entre elles. Nous avons perdu la bataille de la mémoire parce que nous avons perdu la bataille de la propagande et nous avons perdu la bataille de la propagande parce que nous avons perdu la bataille de l’argent. Exclus de toute sources possibles de financement, impossible de faire passer son message autrement que par des petits samizdats indispensables certes mais sans grande diffusion. Il y a bien sûr Internet, libre d’accès, mais où trop d’infos tuent l’info. La conclusion n’a pas changé depuis la dernière fois : seul un financement étranger est possible dans le contexte présent. Et à l’heure actuelle, un seul pays serait susceptible de donner un coup de main : l’Iran, dont les préoccupations géopolitiques l’amène à s’intéresser à notre mémoire. Le tout sans être dupes des volontés sous-jacentes de Téhéran, mais que voulez-vous, quand on crève de faim et qu’on vous apporte à manger, même si vous savez que la main qui vous nourrit le fait pour des raisons totalement intéressées, vous mangez quand même. La survie passe avant tout. Nous avons aussi perdu les deux batailles à cause d’un manque certain de pugnacité, dû aux derniers miasmes de l’esprit bourgeois et au fétichisme de la respectabilité. Le sujet ayant été abordé en son temps, nous le citons juste pour mémoire.

On en revient à l’ultime question, que faire ? Comment réparer des dizaines d’années de négationnisme casher ? Comment rendre justice aux victimes alors que les bourreaux sont morts en toute impunité, les héritiers politiques de Staline le boucher se tapant dans la main avec ceux de Roosevelt le charcutier et de Churchill le tripier (avec l’aide de la cinquième roue du carrosse, De Gaulle qui balaie le magasin) et cochon qui s’en dédit. Il est bien sur impossible maintenant de faire le Nuremberg du communisme. Mais des mesures dures, et devant d’autant être plus sévères en raison de leur retard, doivent être appliquées. La première qui vient à l’esprit est la neutralisation immédiate du réseau ayant permis l’occultation pendant des années des horreurs du communisme. Il implique donc les mesures suivantes : indignité nationale, suppression des droits à la retraite, des décorations, titres et pensions et droits civiques, confiscation des biens de tout ceux qui ont fait l’apologie des crimes communistes (appliquer ce qui est considéré comme « apologie du nazisme ») et de tous les ministres, président d’Université et autres qui les ont protégés ; qu’ils soient revenus ou pas sur leurs positions (ceci pour neutraliser également ceux qui, ayant habilement retourné leur veste, volent la place des authentiques résistants au communisme). Dissolution de tout mouvement, parti, syndicat, association ayant collaboré avec le communisme ou s’en réclamant et exclusion de tous leurs membres de la fonction publique. Ordonnance calquée sur celle du 30 septembre 1944 et confisquant les journaux ayant collaboré avec le communisme et les entreprises et banques les ayant financés, mais également les chaînes de télévision, les radios et les studios de cinéma. Bien évidemment, au nom de la jurisprudence, Israël doit démanteler son arsenal nucléaire et chimique, verser des indemnités aux pays européens victimes du communisme égale au 1/6.000.000e de ce que verse les Allemands multipliés par le nombre de morts dans chaque pays (grosso-modo, l’Ukraine recevra le double de ce qu’Israël à reçu) et livrer une proportion similaire d’usines et de matériel économique à partager entre les anciens pays du bloc de l’Est, Russie incluse. Les sommes ainsi récoltées serviront à créer une fondation internationale destinée au devoir de mémoire. Des mesures nécessaires mais sans verser le sang. Inutile d’extrader d’Israël les Morel et Bubis pour pendre ces vieillards cacochymes, l’opprobre mondiale qui planera sur leur nom suffira à rendre justice.
Pour que les victimes puissent reposer en paix, que justice soit rendue, il faut continuer à se battre pour retrouver notre mémoire, notre histoire, notre liberté. A Anvers, à Varsovie, à Rostock, à Bykovina, à Marignane, à Budapest, à Stockholm, à Padoue, à Barking and Dagenham, nous marchons côte à côte. Que nos filles soient blondes comme les blés d’Ukraine, brunes comme la terre de Sienne ou rousse comme le coucher de soleil sur la mer d’Irlande, qu’elles aient les yeux bleus comme le Danube, verts comme nos forêts, marrons comme nos châtaignes ou gris comme le ciel de Londres, elles sont sœurs. Que notre chemise soit verte, brune, grise, noire, marine, bleu ciel, que nous mettions genou à terre aux côtés d’un prêtre, d’un pope ou d’un pasteur, que nos symboles soient la roue solaire, la croix celtique, le Sacré Cœur, les bâtons de Bourgogne, les faisceaux de licteurs ou les cinq flèches, c’est la terre de Russie, pays martyr où l’immonde fit sa tanière qui fut fécondée du sang de nos camarades. Et celui qui, les armes à la main, a lutté contre la Bête immonde est mon frère, qu’il s’appelle Francesco, Enzo, Dimitri, Hans, Martijn Maurice, Izvan, Corneliu, Léon, Kaarel, Toms ou Stanislas… (petit coup sur la porte : coucou, c’est Mansour, votre cousin venu d’Iran. Je peux rentrer ? J’ai une lettre de Vahid le cousin Bosniaque et Burim le cousin Albanais qui disent de ne pas oublier leurs états de service…)