Edito du Monde
Eurodivision
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S'ils ont encore de l'appétit, ce qui est probable, les spéculateurs ont un "boulevard" avec la dette souveraine grecque. Ce qu'ils aiment, les spéculateurs, c'est l'ambiguïté, les moments de flou, qui laissent de la marge ; ce qu'ils détestent, ce sont les situations claires, prévisibles, qui ne laissent guère de place au doute. Or le moins que l'on puisse dire est que le comportement des Européens cette semaine sur la question grecque relève d'une invraisemblable cacophonie. Pour aboutir à cette situation : il est toujours impossible de savoir si oui ou non les Européens vont venir à l'aide de la Grèce, un pays de la zone euro au bord du défaut de paiement !
Résumé des derniers épisodes. Lundi 15 mars, réunion des ministres des finances des 16 de la zone euro, étendue le lendemain à l'ensemble des 27 de l'Union européenne. On croit saisir les grandes lignes d'un accord : les ministres se seraient entendus sur les modalités de l'attribution de prêts bilatéraux à Athènes pour l'aider à faire face à ses échéances. Le mécanisme serait conforme aux règles de la zone euro. Celles-ci bannissent le renflouement d'un Etat en difficulté, afin d'imposer à tout le monde des règles budgétaires compatibles avec la gestion d'une monnaie unique. On était satisfait, pour les Grecs et pour l'euro.
C'eût été trop simple. Ce n'eût pas été l'Europe ! Car, dès lundi, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, avait prévenu : pas question de signer cette semaine, l'affaire relève des chefs d'Etat et de gouvernement, qui doivent se réunir à la fin du mois. Et il mettait sur la table la question de la contrepartie que l'Allemagne exige en échange d'une telle aide : l'application de sanctions, pouvant aller jusqu'à l'exclusion de la zone, pour les Etats budgétairement irresponsables. Bref, de nouvelles règles.
Mercredi, la chancelière y revenait devant le Bundestag : elle veut une modification des traités pour prévoir l'exclusion d'un mauvais élève de l'Union monétaire. Faut-il comprendre qu'il n'y aura d'aide pour la Grèce qu'à ce prix ? Angela Merkel a ses raisons. Elle a une opinion réticente, elle dirige une coalition divisée. Enfin, elle venait d'être "chauffée" par Christine Lagarde, qui avait inauguré cette belle semaine "européenne" en critiquant le modèle allemand : une économie tirée par les exportations, plus que par la demande intérieure, et qui, de ce fait, déséquilibre l'ensemble de la zone euro. La ministre française de l'économie n'a pas tort, loin de là. Etait-ce le moment pour lancer ce débat ?
Une certitude, une seule : la crise de l'euro est loin d'être finie.
transcrito, com a devida vénia, de Le Monde, 19/03/2010
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