Benedict se demandait il y a quelques années (déjà) : quelles images pour la cité ?
Où il ressortait que seul le cinéma était à même de créer du mythe, du signe, quand la télévision, elle, se contentait de signal (des voitures brûlent, tous les jours, il s'agit d'aller le vérifier), de "réel fabriqué". Démonstration impeccable, dont il me manque toutefois quelques clés pour saisir toute la pertinence - je n'ai pas vu la plupart des films cités (cf. à faire).
Aujourd'hui, deux nouvelles pistes sont venus relancer mon intérêt pour la question (en plus d'un projet de film, que tu connais bien, dont je parlerai peut-être ici, plus tard) : Sur la piste, justement, de Julien Samani (qui sera l'objet d'un prochain post) ; et le nouveau clip de Justice, Stress.
Où il ressortait que seul le cinéma était à même de créer du mythe, du signe, quand la télévision, elle, se contentait de signal (des voitures brûlent, tous les jours, il s'agit d'aller le vérifier), de "réel fabriqué". Démonstration impeccable, dont il me manque toutefois quelques clés pour saisir toute la pertinence - je n'ai pas vu la plupart des films cités (cf. à faire).
Aujourd'hui, deux nouvelles pistes sont venus relancer mon intérêt pour la question (en plus d'un projet de film, que tu connais bien, dont je parlerai peut-être ici, plus tard) : Sur la piste, justement, de Julien Samani (qui sera l'objet d'un prochain post) ; et le nouveau clip de Justice, Stress.
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Stress est ma chanson préférée de l'album de Justice (l'équivalence musical de la fin d'History of Violence, nous disait Davy C. lors du road trip à Aix, tu te souviens). Pourtant, ma première réaction face à son clip fut le rejet. Non pas un rejet violent dû à un outrage moral, non (tu me connais). Seulement une déception, profonde, que ce ne fût que cela, que ce clip ne fût autre chose qu'un décalque vidéo de cette musique ultra-agressive, violence vs. violence, un truc tautologique, servile, vaguement complaisant, servant la soupe aux épigones de Finkielkrautrock, Hanekeskonattendpourfoutrelefeu et Dantectonique qui, à n'en pas douter, s'engouffreraient bien vite dans la brèche (ici par exemple, ça n'a pas tardé) ; je regrettais son absence de contrepoint et de recul, en somme, j'aurais voulu qu'il nous montrât une image différente de la banlieue, autre chose que le sordide manège télévisuel consistant à associer systématiquement banlieue et violence, jeunes (noirs de surcroit) et racaille. Des gars encapuchonnés qui, posés contre un escalator, se feraient des bisous (entre eux, à des filles), ça oui, ça m'aurait plu instantanément (note pour un prochain film). Surtout avec cette musique-là, des capuches et des bisous, so sweet. Bref, j'aurais voulu autre chose que la morgue du Droit de savoir repris avec ironie (parce que, bien sûr, ils sont pas dupes, etc.) par les amis de Kassovitz.
Sauf que.
Sauf que ce clip n'est pas TF1 et que, visiblement, il ne passera jamais sur TF1 (MTV l'a déjà acheté, parait-il, mais c'est différent, tu en conviens). Comme le notait Benedict à l'époque, l'image manquante des émeutes, c'était précisément les émeutes. Incapable (ou non désireuse) de montrer les altercations entre les jeunes et la police, la télé se focalisait alors sur le résultat, les aftermaths - gymnases brûlés, écoles saccagées, carcasses de voiture calcinées... Se rappeler également des bastons de la Gare du Nord en mars et septembre 2007. Que vit-on à la télévision ? Des types qui courent dans la rue, filmés de loin par un "riverain", depuis son balcon ; quelques images floues ou floutées ; interviews à la guillotine ; mains et pieds isolés. Rien ou presque, donc. Entendu, en revanche, beaucoup : voix-off dominatrix, qui à force de marteler les mêmes mots (bagarre, violence, jeunes) finit par faire image. La télé ne montre jamais de telles choses (même dans le droit de savoir, pas à ma connaissance), elle les rejette hors-champ, dans l'espace malléable du commentaire omnipotent.
Pas surprenant dès lors que le clip de Justice me soit familier, bien que je n'aie jamais assisté à de telles scènes (j'habite les beaux quartiers, tu sais bien) et que la télé ne me les aie jamais montrées. A force de l'entendre, j'ai fini par le voir. Je me suis fait mon film, aidé en cela par le cinéma (Orange mécanique, of course), jamais avare d'un bon tuyau. Stress a plus à voir avec le cinéma qu'avec de la télé, tout marketé et branchisé qu'il soit (c'est la grosse limite du clip, son côté Kourtajmé indécrottable, son côté "c'est tellement cool des mecs qui jouent de la trique et défoncent un autoradio passant D.A.N.C.E. avec un blouson † sur le dos, yeah"...). Pas du grand cinéma, non, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, mais un petit truc, bien troussé (mot à bannir, troussé, dans le futur), plus proche du mythe que du signal, quoi qu'en disent les sceptiques.
Partant de cette constatation, les images de Kourtrajmé n'ont plus du tout le même sens que celui que je leur accordais dans un premier temps. Il s'agit bien, comme me le disait Davy C., de se réapproprier un imaginaire kidnappé par les médias et de le réinjecter dans un vaisseau véloce (un X-Wing par exemple), lancé à pleine vitesse contre l'étoile noire : le clip d'un groupe mainstream, issu de la scène electro (majoritairement blanche et petit-bourgeoise), braves petits soldats du combo NRJ-Noos (D.A.N.C.E.!), suffisamment courageux, ou kamikazes, pour accepter (et sans doute même encourager) pareille outrage aux bonnes moeurs. Redonner une charge subversive à des images d'avantage fantasmées que réellement vues (ce qui ne veut pas dire que la violence n'existe pas, qu'elle est fantasmée, tu m'avais compris). Retourner contre la télé la parole viciée qu'elle susurre à nos yeux pour sans cesse nous ensorceler. Lui hurler à la face les images qu'elle ne saurait voir - d'où, effectivement, la pertinence de la comparaison avec Come to daddy d'Aphex Twin (merci Joachim).
Sauf que.
Sauf que ce clip n'est pas TF1 et que, visiblement, il ne passera jamais sur TF1 (MTV l'a déjà acheté, parait-il, mais c'est différent, tu en conviens). Comme le notait Benedict à l'époque, l'image manquante des émeutes, c'était précisément les émeutes. Incapable (ou non désireuse) de montrer les altercations entre les jeunes et la police, la télé se focalisait alors sur le résultat, les aftermaths - gymnases brûlés, écoles saccagées, carcasses de voiture calcinées... Se rappeler également des bastons de la Gare du Nord en mars et septembre 2007. Que vit-on à la télévision ? Des types qui courent dans la rue, filmés de loin par un "riverain", depuis son balcon ; quelques images floues ou floutées ; interviews à la guillotine ; mains et pieds isolés. Rien ou presque, donc. Entendu, en revanche, beaucoup : voix-off dominatrix, qui à force de marteler les mêmes mots (bagarre, violence, jeunes) finit par faire image. La télé ne montre jamais de telles choses (même dans le droit de savoir, pas à ma connaissance), elle les rejette hors-champ, dans l'espace malléable du commentaire omnipotent.
Pas surprenant dès lors que le clip de Justice me soit familier, bien que je n'aie jamais assisté à de telles scènes (j'habite les beaux quartiers, tu sais bien) et que la télé ne me les aie jamais montrées. A force de l'entendre, j'ai fini par le voir. Je me suis fait mon film, aidé en cela par le cinéma (Orange mécanique, of course), jamais avare d'un bon tuyau. Stress a plus à voir avec le cinéma qu'avec de la télé, tout marketé et branchisé qu'il soit (c'est la grosse limite du clip, son côté Kourtajmé indécrottable, son côté "c'est tellement cool des mecs qui jouent de la trique et défoncent un autoradio passant D.A.N.C.E. avec un blouson † sur le dos, yeah"...). Pas du grand cinéma, non, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, mais un petit truc, bien troussé (mot à bannir, troussé, dans le futur), plus proche du mythe que du signal, quoi qu'en disent les sceptiques.
Partant de cette constatation, les images de Kourtrajmé n'ont plus du tout le même sens que celui que je leur accordais dans un premier temps. Il s'agit bien, comme me le disait Davy C., de se réapproprier un imaginaire kidnappé par les médias et de le réinjecter dans un vaisseau véloce (un X-Wing par exemple), lancé à pleine vitesse contre l'étoile noire : le clip d'un groupe mainstream, issu de la scène electro (majoritairement blanche et petit-bourgeoise), braves petits soldats du combo NRJ-Noos (D.A.N.C.E.!), suffisamment courageux, ou kamikazes, pour accepter (et sans doute même encourager) pareille outrage aux bonnes moeurs. Redonner une charge subversive à des images d'avantage fantasmées que réellement vues (ce qui ne veut pas dire que la violence n'existe pas, qu'elle est fantasmée, tu m'avais compris). Retourner contre la télé la parole viciée qu'elle susurre à nos yeux pour sans cesse nous ensorceler. Lui hurler à la face les images qu'elle ne saurait voir - d'où, effectivement, la pertinence de la comparaison avec Come to daddy d'Aphex Twin (merci Joachim).
Aphex Twin/Chris Cunningham, Come to Daddy
Bon, une fois dit tout cela, je continue à penser qu'un film/clip doux et voluptueux, posé et poseur (dans le bon sens du terme, le sens rinaldobozonien), sur les "mecs de banlieue" reste à faire. GDN, ça veut dire Guerriers de la Nuit ?
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A faire
- Rassurer D. Chou sur l'ampleur de son herpès.
- Voir De bruit et de fureur; Etat des lieux; Ma 6-T va craquer; Wesh Wesh; La haine; les Kourtrajmé; The wire
- Télécharger 21
- CAF
- Mail Enclave
- Appeler Al, XS, Mat, Mam, Vi, Be, Marie pour l'autorisation de tourner.
- Mail C.
- Découpage final