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samedi 31 mai 2008

Un sale type

Deux grands films (j'utiliserai peut-etre le terme chef d'oeuvre à la seconde vision) cette semaine : The happening de Shyamalan et Forgetting Sarah Marshall de Apatow & Co. J'en reparlerai (j'espère) dès qu'ils seront sortis + Indy 4, ratage sublime (et pas l'inverse), "Le périlleux enchaînement des choses" de Spielberg.

En attendant (et en attendant la fin de Cannes, Sur la piste et Ophuls... ça commence), je publie un mail de D.Chou

Samedi soir, 2h du matin, fin de la fête d’Entre les murs, je croise à la sortie FR, sans doute un peu éméché, qui me reconnaît car on s’est croisé à plusieurs reprises à la télé. Il y a apparemment un after au Bal Room, et une possibilité d’y entrer grâce à Sandrine, décidément le sésame de tous les endroits prisés de la croisette. Je propose à FR de venir avec nous, ce qu’il accepte aussitôt – il a l’air un peu perdu.

Finalement je me fais refouler par le type qui m’avait déjà interdit la soirée MK2, et c’est FR qui me fait entrer.

On parle un peu de tout : s’adresser à Daney ou s’adresser aux gens, la pédophilie ou l’islam, sacrifier le bonheur à la puissance, être gouverné par ses affects ou la raison, Despleschin. Lui : « Despleschin est sans doute un grand metteur en scène, mais pas un grand cinéaste, parce que fondamentalement, c’est un sale type, et je n’ai pas envie de voir les films d’un sale type ».

Je me faisais effectivement la réflexion pendant le film (Un conte de Noël) : encore et toujours la même histoire (la même démonstration pensais-je), d’une misogynie absolue. Toujours ces mêmes rôles de femmes prétendument fortes, ces rocs de volonté et d’abnégation qui révèlent assez vite leur faiblesse et leur petitesse d’âme. Et toujours en face d’elles cette figure de l’homme prétendument fou qui se révèle être la seule personne véritablement libre (on pourrait dire qu’il incarne même à chaque fois l’idée de la liberté, je veux dire par là que le trait est un peu forcé, heureusement Amalric est toujours génial, de liberté de jeu, de surprise, de drôlerie). Esther (Devos) dans Comment je me suis disputé, Nora (Devos encore) dans Rois et reine, Elizabeth (Anne Consigny) dans le dernier, à chaque fois le même personnage de femme vaillante, qui brandit fièrement ses fardeaux comme preuve de son courage, qui affronte tous les malheurs de la vie droit debout, et qui ne se plaint jamais, qui ne demande rien d’autre que la reconnaissance de ce courage. Pis, qui ne demande rien d’autre que le sentiment de culpabilité de tous ceux qui l’entourent, que la prise de conscience de leur profonde irresponsabilité. Des femmes responsables et raisonnables, et qui portent sur leurs épaules, comme un bouclier indestructible, tout le poids du monde. Et à chaque fois, Despleschin va venir s’amuser à gratter ce vernis d’invulnérabilité jusqu’à dévoiler ce qui depuis le début, résistait : une amertume, un ressentiment, une lâcheté. C’est évidemment Maurice Garrel face caméra avouant enfin et depuis la mort la haine qu’il porte à sa fille, c’est aussi dans Un conte de Noël ces deux scènes terribles pour Elizabeth, d’abord le dialogue avec son frère (Amalric), ensuite cette vérité du personnage énoncée sans lui lors du dernier dialogue entre Amalric et Paul Dédalus, de mémoire (très approximatif, voire totalement réécrit) : « Mais oui c’est ça, c’est ta mère qui te rend fou, c’est elle qui étend sa tristesse sur toi, tu n’es pas malade, c’est elle qui est malade et qui te refuse le bonheur, maintenant qu’on sait ça tous les deux, tu es guéri Paul ! ».

Pas besoin de son diplôme de philo pour entendre à cet endroit une rhétorique toute nietzschéenne, le faible fier des fardeaux qu’il décide lui-même de mettre sur son dos etc., qui culpabilise le fort, seul à exercer sa liberté etc. D’ailleurs c’est marrant car on parlait de Nietzsche avec FR, je sais plus pourquoi, sans doute sur la question du sacrifice du bonheur, et lui me dit qu’il faut bien faire la différence entre les nietzschéens de droite et les nietzschéens de gauche, que ces derniers sont tout à fait admirables (sous-entendu : il se revendique comme tel), bref il est possible du coup que Despleschin soit un nietzschéen de droite (mais je ne sais pas du tout ce que ça peut bien vouloir dire), à creuser.

(d’ailleurs ultime figure nietzschéenne dans Un conte de Noël : à l’opposé du don d’Elizabeth qui attend nécessairement un retour, soit une reconnaissance, soit une dette, soit une culpabilité, la vrai générosité d’Henri, le don de sa moelle qui n’attend rien en retour, le don par excès de force, surcroit de puissance)

En tout cas je suis sidéré que cette misogynie ne fasse pas débat, qu’on n’en parle pas, alors qu’elle me saute aux yeux. Je relisais JM Lalanne hier, sur Rois et reine, qui avait alors ces mots : «La puissance du film tient à son égale empathie pour ces deux stratégies de survie. Nora plonge, s’immerge, embrasse l’existence dans toute sa virulence, et défend comme une louve l’objectif qu’elle se fixe. Ismaël se déplace, esquive, renvoie toutes les responsabilités comme des balles au bond. Entre la guerrière et le clown, le film ne tranche pas. » Alors qu’il me semblait au contraire que le film choisissait sans cesse, qu’il prenait sans demi-mesure le parti d’Amalric, que le film était même l’entreprise de destruction du personnage de Nora. Évidemment je sais que Despleschin se défendrait d’une telle misanthropie pour soutenir plutôt l’idée d’une admiration sans borne pour ces personnages de femmes fortes, et qu’il oserait même soutenir que ses films sont l’histoire d’une renaissance heureuse de ces femmes, de la conquête d’une paix avec soi-même, et alors là je serais vraiment dégoûté parce qu’il m’a toujours semblé évident que la fin de tous ses films est à chaque fois un ultime pied de nez à ses femmes humiliées, une façon, et de faire la nique au critique en recherche d’humanisme en lui coupant l’herbe sous le pied, et d’humilier une dernière fois ses héroïnes en leur offrant un hypocrite happy end qu’elles n’ont pas mérité (les fins de Comment je me suis disputé, Rois et Reine, Un conte de Noël, toutes les mêmes !).

Bon imaginons qu’on discute avec Despleschin, sa réponse pourrait être ça (Inrocks, décembre 2004) : « Je songe à Nora... Les héroïnes de cinéma que j'ai aimées souvent traversent le pire. Elles m'apprennent à chasser le chagrin, les culpabilités, à les vaincre, à toujours préférer la douceur au désespoir. Seuls ceux qui ont connu le pire savent que le plus précieux, c'est ce que les épargnés jugent futile. Un rayon de soleil, l'élégance, la paix, fuir nos prisons et ne le devoir qu'à nous-mêmes. Peu importe que nous soyons meurtris, nous nous devons à nous-mêmes de gagner. Quand Catherine Deneuve prend la main de Nora à l'HP, son seul geste est une apologie donc une amitié. Catherine Deneuve ne juge personne, elle aime bien admirer... Et c'est la seule condition pour être réalisateur... ».

(ce qui me fait penser, mais je préfère ne pas y croire, que je plaquerais mes propres idées sur les intentions de Despleschin…)

Sinon j’aime beaucoup le film, j’aime que la frime soit sans cesse sublimée par l’intelligence, j’aime sa générosité, louée un peu partout mais cette fois le mot me semble vraiment juste, le film donne énormément, il déborde de partout, c’est peut-être en cela qu’il est américain, dans son goût pour la dépense. Y souffle un vent de liberté (malgré le côté ultra référencé) qui, au regard de tous ces films pesants et radins qu’on a pu voir à Cannes, tous ses films labellisés auteur, fut réellement salutaire pour moi. D’ailleurs je disais à Simon tout à l’heure dans le bus que si Honoré avait trouvé depuis deux films une manière un peu ludique de faire avec l’héritage de la nouvelle vague (en gros la vitesse et l’inconscience), je préférais mille fois le côté un peu scandaleux de Despleschin dans son utilisation des effets, le côté blasphémateur et pilleur de tombes, bien conscient lui.

Et la scène dans la cuisine entre Chiara Mastroianni et Simon le cousin est magnifique, tellement cruelle et belle à la fois (sans doute l’une des plus belles scènes de son cinéma, d’ailleurs le sentiment qu’il a cherché à filmer cette scène toute sa vie).

L’inénarrable Pascale Bodet sur le film : « la greffe desplechinienne ne prend pas, car Desplechin, n'ayant de cesse de ramener la couverture à lui (effets de signature), bloque toute dramaturgie authentique, tenant en laisse le corps qu'il produit en s'y greffant lui-même. Exemples : le ton sur lequel la mère dit à son fils qu'elle ne l'a jamais aimé, le ton sur lequel son fils lui réplique qu'il ne l'a jamais aimée, et sur lequel ils concluent qu'ils ne se sont jamais aimés ». Outre qu’elle ose qualifier Despleschin de « monstrueusement scolaire » (un comble pour elle !), je trouve qu’elle est passée à côté de cette scène renversante, où sous couvert de mots cruels et de vacheries dites sans fard, on ressent paradoxalement, derrière ces « je ne t’aime pas », une incroyable complicité entre la mère et son fils ; dit rapidement, se débarrasser des affects (l’horizon despleschien ?) permet ici une vraie estime intellectuelle, qui du coup produit presque une autre manière d’affect.

En fait comme je te le disais dans le train de l’aller à propos de Comment je me suis disputé, ce qui me séduit avant tout je crois dans ce cinéma c’est son intelligence, une intelligence en roue libre, qui se donne presque pour elle-même. Ca peut sembler un peu sale mais je trouve ça très beau, va savoir pourquoi.

Ce qui ne m’empêche pas de lui préférer, quand je la rencontre, une intelligence au service du collectif ou du politique, ce qui est le cas d’Entre le murs, ce si beau film.

En fait je me dis que c’est rare un film vraiment intelligent, que comme le dit Jessie, il y a surtout de faux intellectuels pas au niveau des sujets qu’ils abordent (il faudra qu’on reparle de Versailles).

Entre les murs, on en reparlera à sa sortie, mais juste en attendant : je commence à ressentir la limite de l’idéologie Bégaudienne, d’ailleurs la limite de toute idéologie : l’esprit de système - mais quand même ! Quelle belle idée sur laquelle se fonde ce cinéma (et cette littérature) !

Un pur matérialisme, une fidélité absolue au réel (pas au sens d’une copie fidèle mais d’une amitié fidèle), ce qui est est et ce qui n’est pas n’est pas (Parménide donc), rien de plus, un fait puis un fait puis un fait et ce faisant c’est la vie qui s’est écoulée et il n’y a rien de plus beau qui aurait pu être contemplé. C’est d’un ascétisme sans égal (car même chez Kéchiche, le mythe s’invite : Marivaux dans L’esquive, la forme de la fable dans La graine). D’ailleurs le film trahit à de rares moments sa philosophie originelle : FR souligne à juste titre la scène où Bégaudeau fume une clope dans la cantine, scène superflue, qui « dit » l’angoisse du prof alors que depuis le début le film n’est qu’action, qu’il évite soigneusement tout commentaire, donc toute pause. Mais il y a aussi je trouve des facilités, comme les dessins de Souleymane, ou la petite black qui vient à la fin dire qu’elle n’a rien compris (disons qu’à ce moment ce qui me gêne est de sentir la volonté surtout de ne pas faire sens, le fait qu’à trop vouloir éviter le manichéisme on tombe dans le didactisme inverse – l’effet Elephant).

J’aime vraiment je crois cette idée qu’en se bornant à ne décrire que des faits advienne avec l’accumulation quelque chose de plus grand mais qu’on n’a pas sciemment convoqué, et qui serait sans doute la grandeur ou la beauté de la vie.

J’aime cette idée parce qu’elle est évidemment avant tout politique (du coup quelle place pour le mythe, relégué au même rang que la religion ? je ne sais pas).

Bon je vais attendre que tu voies le film et là je vais me coucher.

***

D.Chou est en pleine forme

samedi 17 mai 2008

Paint in Red

Dernier maquis : premier choc du festival. Un choc doux. Un choc indolent. C’est encore difficile de mettre des mots sur le dernier film de Rabah Ameur-Zaimeche. Trop fort. Le mec m’a serré la main putain. J’étais juste devant lui, j’applaudissais, je lui ai souris, et il m’a serré la main… Dernier maquis, un film à la fois naturaliste et anti-naturaliste. Un sentiment de réel très fort et en même temps, une échappée permanente. L’air de rien. Je n’ai pas tout de suite été séduit, il fallu la scène du ragondin, la scène où le type, Géant, rejette le ragondin dans le fleuve, après une discussion avec ses collègues pour savoir s’il s’agissait d’un castor ou d’un rat. On ne quitte pas le chantier, du début à la fin, on est avec les ouvriers, les mécanos, les caristes et les manoeuvres, au milieu des palettes rouges. Ca aurait pu s’appeler Paint in red. JM me disait : je ne suis pas sûr d’adhérer au discours. Quel discours ? La grande force de RAZ, c’est précisément d’échapper au discours. Islam, petit patronat, communisme… Tous les repaires sont brouillés dans ce film. RAZ ne joue jamais les uns contre les autres, ne joue jamais l’idéologie contre une autre, il ne joue que le cinéma (on pense à Guiraudie, le fantastique en moins). Son film est très simple, il filme des ouvriers au travail, des ouvriers qui discutent, entre eux, ou avec « la patron » (RAZ lui-même, mais aussi le surnom que Truffaut donnait à Renoir). De religion, d’augmentation. Sidérante la façon dont RAZ parvient à parler de problèmes très contemporaine (la rentabilité, le communautarisme, l’immigration) sans avoir l’air d’y toucher, sans couvrir son film d’une pesante couche discursive. Chacun a ses raisons, filmons les au mieux, faisons en sorte qu’ils soient beaux. RAZ est décidemment grand. Très envie de le revoir.

Un peu avant dans l’après-midi, j’ai vu le film de Desplechin, Un conte de Noel. Etrange sensation, comme si le film m’avait plu malgré moi. J’ai résisté durant toute la séance, mais j’ai finalement été cueilli. Desplechin pratique tout ce que je déteste (le cinéma français en milieu bourgeois, ultra-écrit, ultra-psychologique), et pourtant c’est irrésistible. Il est doté d’une telle intelligence… Par moment, c’en ai rageur. Je me disais : c’est finalement le Paul Thomas Anderson français. Un type brillant mais abject (c’est le cas de Comment je me suis disputé, un peu de Rois et Reine). Ce même chantage à la virtuosité, cette même façon de revisiter le passé (cinéma classique américain d’un côté, cinéma moderne européen de l’autre) sur un mode grandiloquent, histrionique, foufou, pour le dire comme JB, cette même impolitesse à mettre son intelligence en avant, avant toute chose. Je continue à le penser mais à la limite peu importe dans ce film. Admirable est la façon dont Desplechin évite tout caractère programmatique, par une liberté scénaristique et de mise en scène de tous les instants. Sur le papier, cette réunion familiale à Noël dans le but de s’entre-déchirer, c’est le pire film du monde, c’est Danièle Thompson ou Diane Kurys. Sauf que Desplechin écrit des dialogues comme personne, parvient à saisir des personnages dans leur vérité comme personne et met en scène comme personne. Commençons par ce dernier argument : mon sentiment jusqu’à présent (confirmé par des interviews) c’était que Desplechin s’en foutait de la mise en scène. Ce n’est pas tout à fait exact : il s’en fout de la doxa auteuriste. Il n’hésite pas à couper dans un plan pour passer à l’idée suivante, n’hésite pas à filmer chaque scène de 5 angles différents (et à tous les utiliser), n’hésite pas à jouer des plans de coupe (photos de famille, objets, bâtiments, images du passé…) pour brouiller les pistes. Après tous ces films contrits (Ceylan, Skolimoski), ça faisait plaisir de voir un film qui se départait du sacro-saint plan-séquence et découpage raisonnable. J’imaginais Desplechin devant sa tale de montage se dire, non pas (comme le pensent beaucoup) « je vais faire 6 coupes, un zoom et un iris » pour amuser la galerie, mais « just do it ». Si ça marche, faisons-le. Du coup, on finit par oublier l’aspect hyper-citationnel (Bergman, Truffaut, Godard…) pour rester fasciné par la vérité du propos : une histoire de vampires (Amalric, filmé comme Nosferatu à la sortie du tribunal, pour finalement être celui qui donne son sang), une histoire de don et de reprise. Qu’est-ce qui est gratuit, qu’est-ce qui ne l’est pas.

Je me dis par ailleurs (d’accord en cela avec D.Chou) que le film est terriblement misogyne, et qu’il est finalement étonnant qu’il plaise autant à certaines personnes. Il est très clair que pour Desplechin, les femmes sont des vampires, des êtres dépendants, qui « vivent dans des petites bulles » comme disaient Amalric dans Rois et Reine, toujours sauvés in extremis (ici, Anne de Consigny, qui pourrit la vie à son gosse pour exister, pour avoir la vie que son frère lui a volé, dit-elle) mais de façon hypocrite – se souvenir qu’Amalric n’ouvre pas la lettre de sa sœur…Chiara Mastroiani ne vit elle aussi qu’à travers les hommes, croyant les façonner, mais incapable de se définir sans eux (peut-être la plus belle scène du film lorsqu’elle couche avec Simon). Deneuve et Devos sont magnifiques, ce sont elles qui assument la liberté du film. Deneuve est au centre, c’est elle qui donne (la vie, la mort) et aussi elle qui reçoit (la moëlle de son fils, de son petit-fils, l’amour de toute la famille). Et elle traite tout cela avec une désinvolture, un détachement (la scène sublime de la balançoire avec Amaric, celle de fin à l’hôpital, aussi)… A l’opposé, Devos, pour une fois dans un rôle noble, est celle qui ne doit ni ne donne à personne. Elle est seulement de passage. Lorsque je ne sais plus qui lui dit « mais ce type (Amalric) te gâche la vie », elle répond « pas sûr ». Elle ne fait que parier en permanence (comme Deneuve, sauf qu’elle c’est par force des choses), elle est là pour jouer. Ce sont elles qui rendent la misogynie de Desplechin acceptable, je crois. Il y a encore beaucoup à dire, notamment sur l’analogie du film avec le rap (du sampling musical, de la parole incandescente dite vite), ce sera à la revoyure (au demain si j’ai le courage/temps).

Reste Ceylan, pour prendre la journée à rebours. Un côté mexicain (tendance Reygadas / Ascalante) et russe (tendance Zviaguitsev), du « monumental symbolique. Autant dire que j’adore… Trois singes est une exaspération des pire aspects des Climats (sur lequel j’étais partagé, il est loin Uzak…), dans le côté remords, adultère, culpabilité. Ceylan prend ce qu’il y a de pire chez Antonioni (la superficie de La notte ou l’Eclisse, c’est-à-dire le couple, l’incommunicabilité, etc) sans en égaler la subtilité ou la capacité à s’en extraire pour aborder l’universel. Cela donne un film extrêmement antipathique (je sais, je sais, c’est volontaire), prétentieux (pour pas grand-chose), désagréable, souvent moche (ces peaux jaunâtres). Ceylan expérimente tous azimuts (différentes textures HD, micro-ralentis, sound design ultra-précis, onirisme spielbergien autour de l’enfant perdu), sur-cadre chacun de ses plans, sur-joue la pose auteuriste (ça dure, ça dure), tout ça pour pas grand-chose. Une tempête dans un verre d’eau (et d’eau, de transpiration plus exactement, il est beaucoup question, comme dans Les climats). Il est fâcheux qu’un des formalistes les plus brillants du cinéma contemporain le soit au service d’une idée aussi étriquée du cinéma… Hâte de voir ce que va proposer Jia Zhang-ke demain.

La soirée se termine par une fête ukrainienne-Nemirov, invité par Oppilarque. Vodka à gogo, blondes partout, agréable buffet et rencontre, grâce à Bernard Payen, d’un jeune réalisateur paraguayien, Pablo, qui a un court-métrage à la Semaine. Très hâte de le voir. Demain, 11h. Juste après le Bonello.